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P. Gollnisch à la rencontre des chrétiens en Égypte

Compte rendu de son périple du mois de novembre 2011.


Le Directeur Général de l’Œuvre d’Orient se doit de visiter les pays dans lesquels l’Œuvre agit pour suivre l’avancement des projets que nous soutenons avec la générosité de nos donateurs mais aussi pour rencontrer et écouter nos frères d’Orient. Après l’Irak, la Syrie, le Liban, l’Arménie, me voici donc en Égypte accompagné de Monseigneur Michel Chafik, responsable de la communauté copte en France. Les chrétiens d’Égypte sont surtout « orthodoxes », (huit millions?) bien qu’en réalité leur indépendance se soit construite face à Constantinople, mais il y a aussi des protestants et des catholiques (cinq cent mille?).

Ce sont ces derniers que nous allons rencontrer. Si nous visitons l’évêque latin et l’évêque grec catholique, c’est-à-dire melkite, nous allons surtout à la rencontre de l’Église copte catholique, dirigée par sept évêques et un patriarche, le Cardinal Naguib. Conscient de ne pouvoir tout voir lors d’un premier voyage, nous irons au Caire, à Alexandrie, à Guizeh et en Haute-Égypte, dans les diocèses de Minia et Assiout, où nous rencontrerons aussi l’évêque de Louxor.

La première découverte est celle des établissements scolaires tenus souvent par des congrégations latines :

• Frères des Écoles Chrétiennes,

• Jésuites,

• Filles de la Charité,

• ou des Religieuses Coptes.

Les établissements sont remarquablement tenus et l’enseignement y est souvent en français.

L’éducation est au service de tous, chrétiens et musulmans, riches ou souvent pauvres. Le soutien de la francophonie est faible, parfois inexistant. L’éducation religieuse est donnée à chacun selon sa religion, mais l’identité catholique est clairement affirmée ; d’ailleurs une grande chapelle ainsi qu’une grotte de Lourdes sont généralement au centre de la maison. Un « cours de vie » est donné, dont le but est de former au vivre ensemble, au respect de l’autre. Ces établissements sont grands, parfois gigantesques, et contiennent dans certains cas près de mille élèves.

L’impression est forte que, là, se construit une élite de demain capable de faire avancer l’Égypte dans tous les domaines, mais en particulier celui du pluralisme.

La seconde découverte est celle des soins médicaux.

Les religieuses tiennent de nombreux dispensaires, là encore au service de tous mais souvent des plus pauvres. Une Fille de la Charité, me faisant visiter un établissement à Alexandrie, me dit sereinement qu’elle reçoit près de trois cents malades par jour ! L’accueil est reconnu pour son humanité autant que pour ses qualités techniques. Cependant la médecine évolue et les besoins d’équipement plus sophistiqués se font sentir. De même, l’accueil des personnes âgées pauvres, malades, solitaires est un défi relevé par plusieurs communautés religieuses. Éducation et santé : les deux axes historiques fondamentaux de l’Œuvre sont remarquablement présents et actifs dans l’église d’Égypte.

Une mention particulière doit être faite des Filles de la Charité qui se dépensent sans compter ; je prends conscience que leurs propres conditions de vie méritent d’être reconsidérées : dortoirs, sanitaires communs, etc… Elles ne sont pas habituées à demander pour elles-mêmes : pourrons-nous les aider ?

Le Caire est la grande mégapole que l’on imagine.

La présence chrétienne est bien perceptible, à travers des églises ou des cathédrales.

Je visite avec intérêt la bibliothèque des Frères dominicains, spécialisée en islamologie, et qui permet donc d’intéressants contacts avec des étudiants musulmans, et la bibliothèque chrétienne des Franciscains. Comme souvent en Orient, je découvre avec joie une communauté de Petites Sœurs de Jésus qui exerce son rayonnement avec discrétion dans l’esprit du Père de Foucauld. Alexandrie est la grande ville ouverte sur la Méditerranée ; là aussi la présence chrétienne est perceptible et je me rends avec émotion à la cathédrale orthodoxe qui prie et célèbre ses martyrs de l’an dernier. J’admire aussi la nouvelle bibliothèque financée par la France et… en grève !

Le diocèse de Guizeh, sur la rive gauche du Nil, me fait découvrir une autre réalité, celle d’immenses projets de ville nouvelle que je peux bien appeler pharaoniques !

Une baisse de la croissance économique risque de tout remettre en cause. Déjà des quartiers neufs sont vides ; nous nous entretenons longuement avec l’évêque de la question complexe de l’implantation de nouvelles églises : les nouvelles autorités sauront-elles les autoriser? En Haute-Égypte, je visite des diocèses dynamiques, avec des pasteurs engagés au service de leur peuple. Un effort important est fourni pour aider les familles à réaliser des projets économiques pour subvenir à leur besoin et un autre effort consiste à former les jeunes coptes à la citoyenneté et à leur responsabilité sociale : il ne faut pas que la communauté chrétienne se replie sur elle-même.

Je visite des paroisses où je perçois une tension forte entre chrétiens et musulmans,

spécialement la paroisse d’Abou Ghorgas, où nous avons apporté une importante aide d’urgence.

Car si je rencontre une église dynamique, je perçois aussi une population chrétienne inquiète de l’avenir.

Si on ne peut parler de persécution au sens précis du terme, la situation est loin d’être facile. Les discriminations sont nombreuses, les tensions anti-chrétiennes se renforcent, la montée d’un certain islamisme sans doute inévitable. Nous nous entretenons de tout cela avec sa Béatitude le Cardinal Naguib, homme de sagesse et de discernement que nous avons beaucoup de joie à écouter, ainsi qu’avec le Nonce Monseigneur Fitzgerald qui ne ménage pas ses efforts en direction de l’université islamique Al Azhar.

De toute évidence les années qui viennent seront incertaines et difficiles. Un véritable avenir est possible pour les chrétiens qui sont d’un courage exemplaire. Ils remplissent leur mission avec parfois des moyens dérisoires et je suis convaincu de l’importance de l’aide que nous leur apportons.

Car les deux questions sont liées : en accomplissant leurs œuvres de charité les chrétiens d’Égypte construisent leur avenir.