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« Passer par-dessus les murs entre communautés »

« Je suis arrivée il y a un peu plus d’un an, comme volontaire de solidarité internationale, pour travailler à la radio Al-Salam. Je m’intéresse depuis plusieurs années déjà au Proche-Orient (j’ai travaillé au Liban, j’étais depuis six mois au Kurdistan irakien) et notamment à la coexistence religieuse : cette radio était pour moi un projet magnifique auquel j’avais très envie de participer.

Au départ, celle-ci était surtout conçue pour les populations réfugiées et déplacées, mais depuis un an, beaucoup de choses ont changé en Irak : j’ai vu la fin de la bataille de Mossoul et la chute de l’État islamique, la rentrée des classes dans la plaine de Ninive, le référendum d’autodétermination au Kurdistan… Mais finalement, je pense que notre radio – qui diffuse en kurde et en arabe – est plus nécessaire que jamais. Sans Daech, les communautés se retrouvent face à face, à devoir s’entendre pour reconstruire, à se trouver des règles communes… et ce alors qu’elles s’accusent toutes mutuellement. Je n’ai jamais vu un pays aussi divisé au plan communautaire ! Chacun vit dans sa bulle, avec sa famille, ses amis, ses médias, ses lieux pour sortir… Tout est communautaire ici.

La valeur ajoutée de notre équipe est justement de transcender ces clivages : nous avons des journalistes kurdes, chiite, yézidi, chrétiens irakiens, ainsi qu’un réfugié syrien, et nous travaillons beaucoup avec des informateurs sunnites. Chacun est une clé d’entrée dans une communauté. Grâce à notre travail, les auditeurs apprennent sur des gens qu’ils côtoient sans les connaître, les Kurdes entendent le récit des déplacés arabes sunnites, les réfugiés syriens ou chrétiens, d’autres réfugiés : nous essayons de passer au-dessus des multiples murs qui divisent la région et nous ne serions pas crédibles si nous n’étions que des petits Français. Ce qui est beau, c’est que notre message est porté essentiellement par des Irakiens. Et nous montrons que ça marche : nous n’avons aucune langue en commun et pourtant, nous arrivons à faire une radio ! »

 

Recueilli par Anne-Bénédicte Hoffner

Source La Croix