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[REPORTAGE] Les coptes catholiques aujourd’hui

Même si les coptes catholiques ne sont qu’une minorité de la grande minorité chrétienne, leur rayonnement dépasse largement leur communauté et leurs actions au sein de la société égyptienne n’en sont que plus essentielles.


Sur les rives du Nil, en Haute-Égypte, les champs de canne à sucre, les charrettes tirées par des ânes ou des buffles, guidés par des hommes aux mains calleuses et des enfants aux pieds nus, semblent être les mêmes depuis des décennies. Difficile d’imaginer depuis ces villes et villages en terre battue que le troisième pays le plus peuplé d’Afrique vient de vivre deux révolutions en moins de dix ans. Les fractures de la société sont presqu’invisibles à l’œil nu, mais pourtant elles craquellent de l’intérieur un peuple qui ne se reconnait plus. « Nous nous demandons tous : mais que s’est-il passé dans notre pays ? Avant nous ne parlions pas de religion, nous vivions ensemble et c’est tout », regrette sœur Irénée. C’est une situation ambiguë, les chrétiens souffrent et se sentent menacés, mais l’ensemble de la population veut vivre en paix, chrétiens et musulmans, les chrétiens avec les musulmans ». Même constat chez Waguih Hanna, directeur du collège Saint Marc à Alexandrie « Comme tous les gens de ma génération, nous avons vécu ensemble, nous nous disputions, nous nous réconcilions, parce que nous partagions un quotidien commun. Moi je comprends et connais l’islam d’une autre façon que l’appréhende les élèves aujourd’hui. Cette convivialité nous manque ».

À Qena, au nord de Louxor, depuis 20 ans, l’église n’a jamais pu être reconstruite, les voisins musulmans ont systématiquement mis à mal son édification par toutes sortes de procédés. Mgr Emmanuel Bishay a décidé qu’une nouvelle église serait construite plus loin. On imagine une ville extrémiste, fermée, jusqu’à qu’un petit frère de Jésus apparaisse. Et nous explique que c’est simplement une histoire de voisinage. Chaque matin, depuis qu’il est là, ses voisins, musulmans, lui déposent du pain frais devant la porte.


Éduquer et instruire

Que ce soit dans le prestigieux collège Saint Marc, fournisseur de l’élite égyptienne depuis près d’un siècle, ou dans un collège de filles à Tantour en Haute-Égypte des sœurs de Notre-Dame des Apôtres, où les tensions communautaires sont fortes, la volonté est la même. « Nous prenons les enfants dès la maternelle et pas après. Nous voyons vite quand ils répètent le discours de leurs parents. Dès que nous entendons des paroles extrémistes, nous convoquons les parents. Quand ils arrivent au CP, c’est fini. Et les parents changent grâce à leurs enfants ! Nous avons un père d’élève qui appartient aux Frères Musulmans, il ne mettrait pas ses enfants ailleurs que chez nous ! » s’amuse sœur Irénée. Les écoles pour filles tenues par les religieuses, surtout en milieu rural, sont aussi un outil remarquable pour la promotion féminine, dans un pays où le taux d’analphabétisme frôle les 30 % (20 % chez les hommes, 40 % chez les femmes).

Légende : école primaire de Qena. Pour Mgr Emmanuel Bishay et le prêtre de la paroisse, ici dans la cour de l’école catholique, une des principales préoccupations est de créer une atmosphère de confiance entre chrétiens et musulmans. Pour cela, rien de tel que de partager des activités, qu’elles soient sportives ou culturelles. Une fois par mois, dans ce village, les mères de familles chrétiennes et musulmanes se retrouvent pour échanger et rompent ainsi les barrières.


Soigner

Au dispensaire de Choubra, au Caire, avec des moyens dérisoires et un matériel médical qui n’a pas été renouvelé depuis les années 50, les gens viennent de loin pour se faire soigner. Le prix de la consultation est dérisoire par rapport aux cliniques privées, les hôpitaux publics étant eux d’une incurie désespérante. Dans la salle d’attente, sous un Christ en croix, une femme en burqa attend patiemment. À Tahta, en Haute-Égypte, l’hôpital de la Sainte Famille est le seul pour les 60 villages qui l’entourent. Là aussi les prix sont plus que modiques. L’État n’intervient pas dans le financement « mais, remarque un des médecins, quand il y a des problèmes, il intervient ! » Il n’y a pas d’ambulance. Parfois les patients mettent une journée pour arriver. Et quand il fait nuit, plus personne ne circule. Les urgences sont ici relatives, beaucoup meurent chez eux faute de soin ou d’avoir pu rejoindre à temps l’hôpital.

Les difficultés économiques restent la principale préoccupation. « Les pauvres d’aujourd’hui sont la classe moyenne d’hier » constate sœur Irénée. Beaucoup émigrent à l’étranger, les chrétiens en Australie, aux USA ou en Europe, les musulmans dans les pays du Golfe. Mais l’émigration est surtout intérieure. Les chrétiens de Haute-Égypte se pressent au Caire, asphyxiant encore un peu plus une capitale qui ne sait plus comment accueillir ces nouveaux venus. Les nouveaux venus, parfois illettrés, ayant vécu jusque-là dans conditions matérielles où l’électricité même était un luxe, sont perdus dans cette ville tentaculaire. L’église, la paroisse, deviennent alors les seuls refuges.


Eglantine Gabaix-Hialé, chargée de mission pour L’Œuvre d’Orient

Article extrait du Bulletin n°799 à retrouver ici.

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