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[LIBAN] Le témoignage de Louis-Omer : " Anta Akhi est au service d'une vie de dignité de la personne atteinte de handicap "

Louis-Omer, 25 ans, séminariste devait initialement servir les jeunes polyhandicapés au Centre St Vincent d’Ain Karem, en Terre Sainte. Il est parti servir ces mêmes jeunes à Anta Akhi, au Liban pour un an.


La vie au Liban

Voilà déjà trois semaines que je suis arrivé au Liban, et vient le moment de se poser pour évoquer mes premières impressions de ce pays et de la mission.

Le Liban, tout d’abord, est un pays étonnant, surprenant, parfois déroutant, un pays aux multiples facettes. Ce qui m’a frappé, en premier lieu, c’est l’atmosphère pesante parfois oppressante que l’on peut ressentir lorsqu’on arpente les rues libanaises. Outre la pollution de la capitale Beyrouth, l’impressionnante insalubrité des rues libanaises, le nombre élevé d’immeubles en construction qui n’ont pas été achevés ou de magasins à vendre, la dangerosité du trafic routier ou encore les récurrentes coupures d’électricité (« Ma fi kahraba ! [1]») témoignent de la terrible crise économique et politique que traverse le Liban. La livre libanaise ne cesse de se déprécier, certains libanais sont obligés d’avoir deux emplois pour survivre financièrement, d’autres ne vivent qu’avec 1 000 000 de livres libanaises par mois, soit moins de 50€.  Beaucoup de libanais n’ont plus confiance dans leurs dirigeants politiques, certains attendent qu’un changement s’opère grâce à une aide extérieure, d’autres n’ont qu’une envie, celle de quitter le Liban au plus vite, les jeunes en premier.

Les récents affrontements armés à Beyrouth, le jeudi 14 octobre dernier ont ravivé chez nombre d’entre eux le spectre de la guerre civile, qui dura 15 ans de 1975 à 1990. Les réactions devant cette situation sont différentes selon les personnes, certains sont dans le déni, d’autres sont fatalistes, mais beaucoup gardent au cœur une vive espérance. Quoi qu’il en soit, j’ai rencontré très peu de libanais qui se plaignent. Bien au contraire, même s’ils sont conscients de la situation, les Libanais cherchent à montrer le vrai visage de leur pays. Ils sont d’une grande générosité et c’est la deuxième chose qui m’a le plus marqué. Toujours prêt à se plier en quatre pour que nous soyons dans les meilleures conditions, ils montrent un grand intérêt pour nous et nous reçoivent toujours avec un soin tout particulier. En témoigne le très bel accueil que quelques-uns d’entre nous avons reçu à l’évêché de Batroun, par l’évêque Mgr Mounir, lui-même. Après nous avoir rapidement raconté l’histoire de son diocèse, il nous a conduit à un rassemblement de 260 jeunes qui se retrouvaient pour une journée de jeu et une soirée d’adoration et de confession. Mgr Mounir et certains prêtres du diocèse nous ont montré la vitalité de la foi au Liban et l’espérance qu’elle porte pour le pays de Tyr et Sidon. C’est le troisième aspect que je retiens de ces premières semaines. Rares sont les voitures ou les magasins dans lesquels ne se trouvent pas un crucifix, ou un chapelet, ou encore une image de la Vierge Marie ou de Saint Charbel, le saint national dont les statues ornent les routes à la manière de nos calvaires en France. La religion est bien présente au Liban, sous différents aspects. Si les élites du pays tendent parfois à l’instrumentaliser pour leurs propres intérêts, ce sont bien les plus petits qui reflètent la beauté et la grandeur de la foi libanaise. C’est le cas à Anta Akhi.

 


Ma mission à Anta Akhi

Je n’ai pas mis beaucoup de temps à me rendre compte de ce que disait Charly, un des employés d’Anta Akhi, sur l’association : « Anta Akhi est un message de Dieu pour le Liban, dans la situation actuelle. » Pénétrer dans les locaux, c’est comme entrer dans une bulle de douceur et de paix, au milieu d’un monde agité. Ce qui me marque, c’est qu’à Anta Akhi il n’y pas de différence de valeur entre les « jeunes » (les personnes atteintes de handicap) et les accompagnateurs ou le reste du personnel. C’est une grande famille. Chacun porte une grande attention aux jeunes et les regarde comme son égal. Il n’est pas simplement question d’assistanat, mais il y a un vrai désir de respecter la dignité de la personne. Alors qu’il me montre comment accompagner Anthony aux toilettes, Eli, un accompagnateur, me le rappelle en reprenant la devise d’Anta Akhi : « Au service d’une vie de dignité de la personne atteinte de handicap ». Ici, il n’est vraiment pas difficile d’aimer les jeunes tant ils nous donnent de l’affection. Ce n’est pas pour rien que le bâtiment où se trouve l’association s’appelle le « Foyer de tendresse ».

À Anta Akhi, on a le grand désir de ne pas limiter un jeune à son handicap, mais à faire grandir chacun humainement et spirituellement. Ainsi, la messe est célébrée tous les mercredis et les dimanches, le chapelet est récité tous les jours et une formation spirituelle est proposée à chaque jeune et adaptée à son handicap. Si je souligne cet aspect c’est qu’il est primordial pour comprendre le regard que pose les jeunes sur leur vie, qui se caractérise par une impressionnante lucidité et qui m’a valu de belles claques (au figuré bien-sûr). Carole, par exemple, témoigne un jour devant un invité : « Ma vie a de la valeur car j’ai une mission, celle d’être heureuse et de rendre les gens heureux. ». Philippe prend le relais : « Il n’y a pas de vie sans difficulté. Je surmonte ces difficultés en étant heureux, mais tout seul je ne peux pas y arriver, j’ai besoin de l’aide de Dieu. ». Enfin, comme dernier exemple, comment ne pas être émerveillé quand un soir, en rentrant d’un cours d’arabe à Beyrouth, je trouve les « chouchous » (ceux qui sont les plus dépendants et dont le handicap mental est le plus lourd), en prière devant Jésus dans le Saint Sacrement ? Les voir en silence eux qui sont habituellement les plus bruyants est impressionnant. Que je regarde l’hostie dans l’ostensoir ou que je les regarde eux, j’ai l’impression de contempler dans les deux cas le visage du Christ. Quelle joie de me mettre à leur école et de me laisser enseigner par eux !

[1] « Il n’y a pas d’électricité »

Trois semaines se sont écoulées et il me reste encore de nombreuses choses à découvrir. Pour cela, il me faudra essayer d’adopter la mentalité libanaise : spontanéité, abandon et un grain de folie !

A bientôt ! Menshoufkon !

Louis-Omer Kromwell