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SB Gregorios III : « Je veux rester ici, afin de manifester le Christ, Ami des hommes, maintenant et demain. »

Réjouis-toi, Marie, qui as montré le Christ Seigneur ami des hommes !

« Sommes-nous conscients du sens de l’apparition du Christ dans notre vie, et du grand défi qui s’impose à nous dans notre conduite, nos mœurs, notre responsabilité envers le monde et la société? » s’interroge Gregorios III qui poursuit : « A cela nous convient nos chants liturgiques: « Dieu renouvelle son œuvre lorsqu’en naissant devant nous, ses créatures, Il s’est révélé » (Ikos 13 de l’Acathiste). Ainsi Dieu apparaît aux hommes pour les diviniser, les élever et les faire resplendir. En revanche, l’homme-Adam se cache dans le Paradis devant la face de Dieu. « Dieu appela Adam et lui dit : Où es-tu? Et il dit: J’ai entendu ton bruit dans le jardin et j’ai craint parce que je suis nu et je me suis caché » (Genèse 3, 9-10). La nudité, c’est la privation de la grâce, la privation de la présence de Dieu, Ami des hommes, dans la vie des êtres humains. L’homme s’éloigne de Dieu, se dispense de Dieu, se rend indépendant de Dieu, devient son propre pivot, se recroqueville dans sa médiatique moderne, devient un monde indépendant de Dieu et de l’autre… »

« La manifestation de Jésus est importante. Mais, aujourd’hui, ta manifestation comme chrétien, ton entière identité humaine et chrétienne montrent Jésus. Ta manifestation, toi, chrétien, dans ta vie chrétienne, dans la société, dans la politique, dans le travail, dans tes relations avec chaque homme ou femme, dans l’absolu, sans distinction de religion, d’ethnie, de genre, doit être une manifestation de Dieu, Ami des hommes. De cela on comprend l’importance de l’engagement dans les affaires de la société, notamment celles concernant les pauvres, les démunis, les mis en marge. C’est un rôle important du point de vue chrétien et humain.

La manifestation de Dieu, Ami des hommes, est réalisée à travers la vie des chrétiens,

dans l’histoire de l’Église, dans la vie des saints, dans les icônes saintes, dans la beauté des églises, dans l’amour envers les pauvres, dans la beauté des enseignements de l’Évangile. Tout cela, ce sont autant d’apparitions du Christ, Ami des hommes.

Aujourd’hui, il y a une « laïcité » qui se répand et qui veut que la foi soit à l’intérieur de la maison de chacun et des murs de l’église, sans présence ou influence dans la société. Cette laïcité doit être résolument rejetée ! Elle est contraire à l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous dit: « On n’allume pas non plus une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire; et elle brille alors pour tous ceux qui sont dans la maison » (Matthieu 5, 15). Il nous dit aussi: « Qu’ainsi brille votre lumière aux yeux des hommes » (Matthieu 5, 16)…L’apparition de Jésus est aujourd’hui menacée par cette laïcité, qui est devenue la religion d’aujourd’hui. Saint Paul nous dit : « Ainsi la création attend-elle avec impatience cette révélation des enfants de Dieu » (Romains 8, 19)…

Ce monde est notre monde arabe à majorité musulmane. Il a besoin de l’apparition du Christ à travers nous (…) Ce monde arabe musulman a besoin de nous. Ne privons pas notre monde de notre existence, de notre présence et de notre témoignage, en ne nous comportant pas en tant que chrétiens qui montrent le Christ et donnent une preuve de la beauté des enseignements de l’Évangile de Jésus… j’ose dire que, sans nous, les chrétiens, il n’y a pas d’arabité…

Reprenant à son compte un citation, datant de 2002, de l’Egyptien Mohammed Hassanein Heykal, «… Je sens que le panorama arabe tout entier sera différent humainement, du point de vue de la civilisation. Il sera sûrement plus pauvre, moins riche, si cette émigration des chrétiens est ignorée, négligée et est devenue objet de craintes, même injustifiées. Quelle perte si les chrétiens d’Orient sentent, avec ou sans raison, qu’il n’y a pas d’avenir pour eux et pour leurs enfants dans cet Orient! Et alors l’Islam restera seul, solitaire dans cet Orient où rien ne soulage sa solitude, si ce n’est la présence juive, sioniste, et plus précisément Israël » ; Gregorios III poursuit sa réflexion en rappelant le congrès de Amman initié par le roi de Jordanie, Abdallah II, « Les défis auxquels font face les chrétiens arabes » et son intervention :

« Les défis qu’affrontent les Arabes chrétiens sont les mêmes que ceux qu’affrontent tous les Arabes; ensuite apparaissent les défis liés à leur foi chrétienne. Quelques-uns disent qu’il y a une persécution contre les chrétiens: je n’aime pas employer ces mots. Cependant, il y a des choses qui arrivent dans la vie quotidienne des chrétiens qui sont pires qu’une persécution ouverte.

  •       Le défi, pour les chrétiens, est d’être citoyens dans le plein sens du mot.
  •       Le défi, pour les chrétiens, est de croire librement, sans restrictions imposées par leurs frères musulmans pour leur culte et leur foi.
  •       Le défi, pour les chrétiens, est de garantir les possibilités d’études, de travail et d’emploi, en convivialité avec leurs frères musulmans.
  •       Le défi, pour les chrétiens, est de ne pas se sentir comme des citoyens de seconde classe parce qu’ils ne sont pas musulmans.
  •       Le défi, pour les chrétiens, est qu’ils aimeraient entendre des versets de l’Évangile mentionnés dans les médias avec le même respect et la même estime que pour les versets du Coran.
  • Le défi, pour les chrétiens, est de voir les programmes d’éducation, à tous les niveaux,  refléter un esprit de liberté de religion, d’égalité, d’acceptation des autres, de respect de la religion et de la croyance, et de garantir que l’éducation religieuse est pour tous les élèves sans discrimination, chacun selon sa religion et sa croyance.
  • Le défi, pour les chrétiens, est de découvrir leur rôle dans la société arabe, et de sentir qu’ils sont partenaires dans leur patrie pour tous les aspects du partenariat.
  • Le défi, pour les chrétiens, est de travailler en collaboration avec les musulmans pour le développement de leurs communautés, en une authentique coexistence, comme gardiens, avec eux, des valeurs ci-dessus mentionnées.
  •      Le défi, pour les chrétiens, est de sentir que la sécurité de leurs frères musulmans est la garantie de leur propre sécurité et stabilité.
  •       Le défi, pour les chrétiens, vient de la division du monde arabe, qui est la cause des tensions dans notre société entre chrétiens et musulmans.  S’il y avait un monde arabe uni, je garantis que tous mes enfants spirituels chrétiens continueraient à vivre ici et n’émigreraient pas.
  • Le défi, pour les chrétiens, est de se sentir exclus, marginalisés, à partir de leur expérience d’être enfermés, exclus, non engagés dans des partis politiques et ne participant pas à la vie politique… Si les chrétiens avaient un rôle, une chance, une position, une participation, un emploi, je garantis que nous pourrions résoudre la majorité des problèmes et des défis auxquels les chrétiens font face.
  • Le défi, pour les chrétiens, est d’arriver à faire sentir aux musulmans qu’ils sont leurs partenaires chez eux et dans toutes les modalités de vie.
  • Le défi, pour les chrétiens, est de participer à la renaissance de la nation arabe et islamique. Ils ont notamment une grande potentialité pour être les partenaires de leurs frères et sœurs musulmans dans le développement de leur communauté, de leur pays, de leur ville ou village natal, de leur quartier. Les chrétiens ont la potentialité d’être un facteur de cohésion, d’être les voisins et les partenaires de leurs frères musulmans dans leur patrie. Leurs concitoyens peuvent profiter de ces énergies, qui sont disponibles dans nos écoles chrétiennes et nos services charitables, sociaux, médicaux, culturels, éducationnels, artistiques et techniques, qui sont ouverts à tous, et sont un bienfait numériquement plus pour les musulmans que pour les chrétiens.
  • Le défi, pour les chrétiens, aujourd’hui dans le monde arabe, est de sentir que ce monde arabe et musulman a besoin d’eux et apprécie leur présence, leurs activités et leurs services.
  • Le défi, pour les chrétiens, aujourd’hui dans le monde arabe, est de sentir que l’Église, dans ce Proche-Orient majoritairement musulman, est l’Église des Arabes et l’Église de l’Islam; qu’elle est une Église avec le monde arabe et pour le monde arabe, pour sa prospérité et son progrès, et pour œuvrer afin de faire ressortit l’image de l’Islam à travers la réalité de la vie ici et à l’étranger.
  • Le défi, pour les chrétiens, est de sentir que leur sécurité dépend de celle de leurs frères musulmans. De même, les musulmans doivent sentir que leur propre sécurité est liée à celle de leurs frères chrétiens. Cela a été un thème de tous mes discours, de toutes mes conférences et interventions, ainsi que de mes vœux pour la fête du Fitr 2013.
  • Le défi, pour les chrétiens, dans le monde arabe et à la suite du prétendu “printemps arabe”, est d’avoir un rôle dans l’évolution de la situation dans le monde arabe et pour résoudre la crise dans chaque pays arabe. Il ne devrait pas être permis de les marginaliser ou les exclure, ou d’oublier ou d’écraser leurs droits et leur identité.

Les chrétiens sont une partie intégrante du monde arabe et de ses crises, problèmes et défis, de même qu’ils sont aussi une part de leur solution et de l’édification d’un avenir meilleur pour leurs générations montantes. (…)

Le défi le plus dangereux est la division du monde islamique, avec la croissance de mouvements islamiques fondamentalistes, mouvements dans lesquels il n’y a pas de place pour l’autre, pour la pensée ou l’opinion de l’autre.

L’un des défis majeurs pour la communauté arabe chrétienne est l’intégration de la religion, de l’État et de la société, ce qui ouvre la voie à des offenses aux libertés civiques, à l’égalité et à toutes les formes de liberté.

Un autre défi, associé au précédent, est le concept de nation, qui peut être compris comme une façon d’éliminer le concept d’une patrie commune aux citoyens de divers groupes, ayant une structure plural stique dans une société plural stique.

C’est pour moi, en tant que chrétien, un grand soulagement de parler à des musulmans, dans le cadre de ce dialogue, au  sujet des défis qu’affronte la foi chrétienne. »

Comment faire face à ces défis si diversifiés? Comment y répondre? C’est une responsabilité commune, chrétienne et musulmane… Si moi, chrétien et arabe, dont les racines arabes (les Ghassanides) sont antérieures à l’Islam, je ne suis pas considéré arabe, le musulman lui-même n’est pas arabe non plus. Car nous avons tous, musulmans et chrétiens, la même souche (…)

Cette Lettre de Noël peut se résumer ainsi : Marie a manifesté le Dieu, Ami des hommes ; aujourd’hui, qui manifestera le Christ, Ami des hommes, en Syrie, au Liban, en Palestine, en Jordanie, en Égypte, en Irak, au Koweït et dans les autres pays du Golfe Arabe, en Arabie Saoudite et dans tous les pays de cette Patrie arabe dont nous sommes, nous, les chrétiens arabes, les habitants aborigènes, antérieurs à l’Islam, et avec l’Islam depuis 1.434 ans, mais aussi avec les Juifs et tous les autres habitants de cet Orient, avec toutes ses différentes communautés ? Qui manifestera le Christ en dehors de toi, chrétien, toi, jeune garçon, et toi, jeune fille ? Et en dehors de vous, député, ministre, médecin, politicien, soldat, commerçant chrétiens ?

Qui sonnera la cloche de l’église? Qui sera baptisé dans le baptistère du village? Sur la tête de quels couples seront posées les couronnes des mariés? Qui sera oint avec le Saint Myron? Qui vénérera les saintes icônes? Qui chantera les hymnes de Noël, de la Résurrection et des fêtes des Saints? A Pâques, qui chantera « Le Christ est ressuscité » et répondra « Il est vraiment ressuscité »? Qui célébrera les fêtes de Saint Georges, Sainte Elie, Sainte Tekle, Sainte Barbe ? Qui ornera l’arbre de Noël et allumera les lampions de la crèche?

…. Du fait de la crise en Syrie, plus de trente églises ont été dévastées ou détruites, les cloches n’y sonnent plus, les prières ne s’y élèvent plus, il n’y a plus de prêtre, et donc pas de Divine Liturgie, pas de baptêmes d’enfants, plus de prédication de la Parole de Dieu, plus de bénédiction nuptiale et plus de couronnement des jeunes mariés, plus de nouveaux-nés qu’on présente à l’église, plus de prières pour les malades, plus de funérailles…, plus de lampes allumées avec l’huile de nos oliviers, plus de cierges allumés qui symbolisent Jésus, lumière pour tout homme qui vient en ce monde ! Plus d’encens aromatisé devant l’autel et les icônes, plus de voix puissante des chantres et des chorales qui entonnent des hymnes ! Plus de carillons joyeux qui annoncent la Résurrection ou accompagnent la procession des Rameaux, tandis que les enfants avec leurs habits blancs et des cierges ornés dans les mains sont portés sur les épaules du père ou du grand frère !

Sans toi, chrétien oriental, aucun frère musulman n’entendra plus la cloche d’une église, ni la voix d’un chantre ou d’une chorale de village ou d’un monastère de religieux ou de moniales. Plus de processions, avec la croix et les icônes de la Vierge et des Saints de notre pays, de notre village, de nos familles, avec ces cantiques à la Vierge si populaires !..

Tout cela est la manifestation du Christ, de Dieu Ami des hommes. Tout cela disparaîtra avec toi, chrétien oriental. C’est à travers toi que le Christ Ami des hommes se manifestera. Mais, sans toi, Il ne se manifestera pas, et l’Orient oubliera son Évangile, ses enseignements, ses miracles… 

Pour cela, nous exhortons nos fidèles et les appelons à la patience dans les tribulations, surtout dans ce tsunami des crises étouffantes, destructrices, sanglantes et tragiques de notre monde arabe, surtout en Syrie, comme aussi en Égypte, en Irak, en Palestine et au Liban, à des degrés différents.

Nous les appelons à ne pas émigrer, à être fermes sur leur terre, dans leur village ou leur quartier, malgré les difficultés que nous connaissons tous. Nous partageons la souffrance de nos frères et de nos sœurs. Nous prions pour les nombreuses victimes, dont le nombre croît tous les jours. Nous sommes meurtris par la douleur et la souffrance des blessés dans nos hôpitaux, et avec ceux qui portent des handicaps. Nous déployons tous les efforts possibles pour alléger cette peine poignante de millions de nos concitoyens, déplacés et déstabilisés à l’intérieur ou à l’extérieur de la Syrie, et pour obtenir la libération de ceux qui ont enlevés, comme les deux Métropolites d’Alep, et d’autres prêtres et fidèles, nos concitoyens.

Oui! Nous voulons à tout prix préserver cette présence chrétienne, forte et profonde… capable de porter le témoignage et la bannière des valeurs chrétiennes, de la vraie vision chrétienne, dans notre monde à majorité musulmane, une présence avec et pour ce monde, afin que s’y manifeste le Christ Jésus, Dieu Ami des hommes… Le chrétien qui est capable de s’armer de patience et de porter cette sainte mission, c’est celui-là qui résistera et n’émigrera pas et pourra supporter les souffrances, les peines et les calamités, et sera même prêt à accepter le martyre, afin de porter à son monde la lumière du Christ, qui brille pour tout homme venant en ce monde. C’est ce que nous proclamons dans notre liturgie de Carême: « La lumière du Christ luit pour tous et toutes. »

Je n’oblige personne à rester. Je n’ai contacté aucun consulat (contrairement à ce qu’on dit ça et là) pour empêcher d’accorder un visa vers tel ou tel pays. Mais je prêche, je parle et je conseille, en disant: Restez ici ! Je ne changerai pas de ligne. Car je veux rester ici, afin de manifester le Christ, Ami des hommes, maintenant et demain. Et je veux que vous restiez, vous aussi. Ensemble, vous et moi, nous voulons rester ici pour manifester le Seigneur Jésus, Ami des hommes, aujourd’hui et demain.

Beaucoup de larmes ont accompagné la naissance de Jésus, lorsque le roi Hérode commit le massacre des enfants de Bethléem,… « Une clameur s’est fait entendre à Rama, des lamentations et des sanglots sans fin. C’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas qu’on la console, parce qu’ils ne sont plus » (Jérémie 31, 15; Matthieu 2, 18)… Aujourd’hui, nous sommes tous comme Rachel.

Pour que la flamme de l’espoir ne s’éteigne pas dans nos cœurs, en Syrie, en Orient et dans le monde entier, comme le Pape François a été solidaire avec nous pour porter la croix de la Syrie, je vous appelle tous à porter avec nous cette croix, à nous aider à  arriver à l’aube de la Résurrection et remercie tous ceux qui ont été à nos côtés pour alléger la souffrance autour de nous.


Retrouvez l’Appel de Gregorios III en décembre 2013