• Actualités

[ARMENIE] "On a survécu aux deux guerres, celle de 96 et celle-ci. Grâce à Dieu, on tiendra encore" 4/4

Dans la région de Synuik, dans le cône sud de l’Arménie, la ville de Goris grelotte sous ses cheminée de fée (sorte de grande colonne naturelle créées sous l’action de l’érosion dans les tufs volcaniques). Le mois de janvier est rude, les températures peinent à passer au-dessus de zéro même en pleine journée.
©Chris Huby- Le Pictorium

Dans les dortoirs aux papiers-peints colorés de la « Maternelle numéro 5 », une école primaire mise à disposition pour les réfugiés de la guerre par le très actif Club Francophone de la ville, les petits lits d’enfants sont alignés pour permettre aux adultes de s’y allonger.

Ca fait presque deux mois qu’Angela vit ici avec sa famille. Originaire de Berdzor ( ville stratégique du corridor entre l’Arménie et le Haut-Karabakh qu’elle refuse d’appeler « Latchine », son nom « plus connu mais azéri » insiste-t-elle), elle sait qu’elle ne reverra plus jamais sa maison. Angela est en colère et elle ne pardonne rien aux « chorégraphes du chaos », les russes : « Ils sont arrivés juste avant les Turcs, à la mi-novembre, mais leur message était le même : vous avez perdu, maintenant, dégagez ! Honte sur eux ! ».
©Chris Huby- Le Pictorium
Dans la classe d’à côté, deux (grands) enfants handicapés regardent la télévision. Leurs parents, un vieux couple de Chouchi nous épluchent des mandarines et nous les tendent. « Ca s’est passé si brutalement… » se souvient Anahit les yeux gonflés de tristesse. « On a tout laissé. La maison, les bêtes, mes poules et les poussins. Le jour où ils ont bombardé la cathédrale, j’ai su que c’était terminé. Qu’en ont-ils fait ? Comme tout, autour : des ruines. Mais même dans la poussière, surtout dans la poussière, la foi demeure. Vous savez, on était à Bakou en 87, on a survécu aux massacres. On a survécu aux deux guerres, celle de 96 et celle-ci. Grâce à Dieu, on tiendra encore ».
Marine de Tilly