Strasbourg : Sainte Madeleine – Concert au profit des chrétiens d’Orient, dimanche 30 avril 2017

Dans le cadre des Musicales pour les chrétiens d’Orient, l’ensemble Grünewald (consort de violes de gambe) interprètera un répertoire arménien classique et contemporain, sous la direction de Chantal Baeumler, au profit des chrétiens d’Arménie dimanche 30 avril 2017 à 16h30.

Le concert aura lieu à l’Église Sainte Madeleine, Place Sainte Madeleine à Strasbourg.


DATE : Dimanche 30 avril 2017 à 16h30

LIEU : Église Sainte Madeleine, Place Sainte Madeleine, 67000 Strasbourg

CONTACT : L’Œuvre d’Orient — 01 45 48 95 00 — www.oeuvre-orient.fr

Paris : Messe annuelle de l’Œuvre d’Orient en la Cathédrale Notre-Dame de Paris, dimanche 14 mai 2017

La messe annuelle de l’Œuvre d’Orient sera célébrée par le Patriarche de l’Église copte catholique (Alexandrie), S.B. Ibrahim Isaac Sedrak.

La divine Liturgie sera célébrée en la Cathédrale Notre-Dame de Paris, dimanche 14 mai 2017 à 15h30.


DATE: Dimanche 14 mai à 15h30

LIEU: Cathédrale Notre-Dame de Paris, 75001 Paris

CONTACTS : L’Œuvre d’Orient — 01 45 48 95 00 — www.oeuvre-orient.fr

Le Who’s who des Églises d’Orient

Source Centre Oasis

On estime qu’entre fidèles autochtones et immigrés, près de 15 millions de chrétiens vivent actuellement au Moyen-Orient. Dans certains pays (Irak, Syrie), les chiffres sont en forte baisse ; il y a même un risque d’extinction. Dans d’autres pays, les chrétiens ont du mal à survivre. Mais ils sont de plus en plus nombreux dans le Golfe et dans la Péninsule arabique, essentiellement du fait de l’afflux de travailleurs importés d’Asie et d’Europe.

L’origine des divisions

Une des caractéristiques majeures de la présence chrétienne au Moyen-Orient est sans aucun doute son extrême diversité. À la fin de l’Antiquité, le Proche-Orient – qui faisait partie de l’Empire romain – était le centre du monde chrétien : les sièges patriarcaux d’Alexandrie, d’Antioche (aujourd’hui Antakya dans la province de Hatay en Turquie) et de Constantinople (fondée en 330 après J.-C. et devenue Istanbul) brillaient de tout leur éclat à côté de celui de Rome. C’est en Orient également que s’étaient tenus les deux premiers conciles œcuméniques, respectivement à Nicée (325) et à Constantinople (381). La doctrine de la Trinité y avait été définie contre l’hérésie arienne, avec le « symbole » dit de Nicée-Constantinople, c’est-à-dire le Credo qui est récité aujourd’hui encore à la messe du dimanche.

L’unité vola en éclats avec les controverses christologiques du Ve siècle. Au cœur du débat : la question du rapport entre la nature humaine et la nature divine en Jésus-Christ. De quelle manière pouvaient-elles être unies ? Sur la longue durée, cette question devait stimuler une réflexion féconde qui est, entre autres, à l’origine du concept moderne de personne, inconnu dans le monde antique. Dans l’immédiat, toutefois, on vit se confronter plusieurs formulations dogmatiques, que l’on peut répartir entre trois « familles ».

[Constantin et les Pères du premier concile de Nicée (325)]
Aujourd’hui, ces formulations peuvent être reçues comme des approximations successives et qui ne se contredisent pas, bien qu’elles ne soient pas identiques ni parfaitement superposables. Mais à l’époque, des antipathies ou des ambitions personnelles et surtout des calculs politiques prévalurent. D’un côté, il y avait l’Église de langue latine et surtout grecque, qui étaient fortement influencées par la protection impériale ; de l’autre, l’Église de Perse avait intérêt à marquer sa distance par rapport à Constantinople, de manière à éloigner tout soupçon de représenter une cinquième colonne « romaine » au cœur de l’Empire perse. Enfin, de nombreux peuples du Proche-Orient, comme les Égyptiens, les Arméniens ou les Syriaques, étaient en train de récupérer, justement grâce au christianisme, leur identité propre après des siècles d’hégémonie hellénistique sur les plans culturel et politique.

Dans bien des cas, la différence théologique devint ainsi une manière d’exprimer la requête d’une plus grande autonomie vis-à-vis de Constantinople. Cette lutte qui sévit longtemps fut certainement l’une des causes qui favorisèrent au VIIe siècle les conquêtes arabes et finalement l’effondrement de l’Empire romain d’Orient.

 

1. La ligne syro-orientale (« nestorienne »)

La crise éclata à l’improviste en 428, lorsque le patriarche de Constantinople Nestorius refusa de reconnaître à Marie le titre de Theotókos (« Mère de Dieu »), soutenant que la Vierge ne pouvait être appelée que « Mère du Christ ». Nestorius introduisait ainsi une nette division entre la nature humaine et la nature divine dans le Christ.

C’est surtout à l’initiative de Cyrille d’Alexandrie, patriarche du siège égyptien, que fut convoqué en 431 à Éphèse un concile œcuménique qui réaffirma la légitimité du titre de Theotókos attribué à Marie et condamna Nestorius1. Mais le concile laissa dans son sillage une série de polémiques dues à la gestion unilatérale de Cyrille. L’Église de Perse, de langue syriaque et qui avait adopté la théologie de l’école d’Antioche d’où Nestorius était issu, n’avait pu participer au concile, pour des raisons contingentes. Près de cinquante ans plus tard, lors du synode de Séleucie en 486, cette Église adopta officiellement la formule nestorienne, non sans divergences et oppositions qui se prolongèrent jusqu’au VIIe siècle.

Organisée autour d’un catholicós, cette Église « nestorienne » fit preuve au Moyen Âge d’un grand dynamisme missionnaire, progressant jusqu’en Chine. Mais après l’invasion des Mongols de Tamerlan (XIVe siècle), elle subit une dure persécution et dut se replier dans la région de la Haute-Mésopotamie (Mossoul en particulier) et de la Turquie orientale, instituant un patriarcat héréditaire, d’oncle à neveu. En 1553, une partie de cette Église entra en communion avec Rome, mais les difficultés de communication et les persécutions ne permirent pas de maintenir l’union. Ce n’est qu’au XIXe siècle que fut reconstituée de façon stable une Église chaldéenne2 unie à Rome, avec un patriarche résidant dans un premier temps à Mossoul, puis, à partir de 1947, à Bagdad.

C’est à cette Église chaldéenne qu’appartiennent aujourd’hui la plupart des chrétiens présents en Irak. Parallèlement à celle-ci, il existe une Église « sœur » non unie à Rome, qui s’est partagée en 1964 en deux nouvelles Églises : l’Église assyrienne d’Orient, dont le patriarche réside désormais à Chicago, et l’Antique Église d’Orient, dont le siège est à Bagdad. En 1994, Jean-Paul II et Dinkha IV, patriarche de l’Église assyrienne d’Orient, ont signé une déclaration commune qui a mis fin à la controverse christologique. En 2015, dans le contexte du génocide perpétré par l’État Islamique dans le nord de l’Irak, le patriarche chaldéen Louis Sako a proposé de réunifier les trois Églises de tradition syro-orientale en une unique Église d’Orient, unie à Rome, se déclarant prêt à renoncer lui-même à sa charge.

L’Église catholique syro-malabare3, présente dans l’état du Kérala en Inde et en union avec Rome, appartient-elle aussi à cette famille syro-orientale.

 

2. La ligne miaphysite (« jacobite »)

Le Concile d’Éphèse de 431 ne résolut pas la question christologique. Si Nestorius avait distingué à l’excès entre nature humaine et nature divine, la balance penchait désormais du côté opposé. Le moine Eutychès, très influent à la cour de l’empereur d’Orient Théodose II, affirma que, dans le Christ, la nature divine annulait la nature humaine, enseignant ainsi le monophysisme (une seule nature). Cette doctrine fut condamnée par le patriarche de Constantinople Flavien dans un synode local en 448. Mais l’année suivante (449), le patriarche d’Alexandrie Dioscore, qui soutenait Eutychès, parvint à convoquer un concile à Éphèse, au cours duquel le monophysisme fut imposé par la force. Flavien ne put lire la lettre que le pape Léon lui avait envoyée et qui condamnait le monophysisme. Déposé, il mourut peu après des coups qu’il avait reçus.

Face à ce scandale, le pape Léon annula le concile, en le qualifiant, sous le nom qui lui est resté, de « brigandage d’Éphèse ». Deux ans plus tard (451), profitant de la mort de l’empereur Théodose II et de l’arrivée sur le trône de Marcien, le pape parvint à convoquer un nouveau concile à Chalcédoine (aujourd’hui Kadiköy, un faubourg d’Istanbul), auquel il ne put toutefois pas participer personnellement, étant retenu en Italie par la menace que faisaient peser les Huns d’Attila. En cette occasion, et sous l’impulsion des légats pontificaux, le concile condamna Eutychès et Dioscore, réhabilita Flavien et adopta les termes de la lettre que Léon avait adressée à Flavien : « Elle est en effet en harmonie avec la confession du grand Pierre, et constitue pour nous une colonne commune ». En conséquence, le concile enseignait que l’unique Christ a « deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation ». Un grand théologien contemporain commente : « Dieu et homme non séparés, mais non confondus ; [c’est une] christologie biblique, procréée dans une forme de pensée grecque, sous l’inspiration pontificale romaine »4.

La formule de Chalcédoine ne fut pas toutefois accueillie en Égypte, où la plus grande partie de l’Église locale, surtout d’obédience monastique, préféra s’en tenir à l’expression de Cyrille : « unique nature incarnée du Dieu Verbe ». Cette formule est dite miaphysite (« une nature »), et ne doit pas être confondue avec la position monophysite d’Eutychès et de ses adeptes, car le terme « nature » chez Cyrille n’a pas le même sens que dans l’expression adoptée à Chalcédoine. Ce point, qu’avaient déjà relevé certains Pères de l’Église comme Jean Damascène, a abouti en 1973 à la signature d’une déclaration commune entre Paul VI et Chenouda III, patriarche de l’Église copte5. Le document, tout en admettant l’existence de différences théologiques, reconnaît la compatibilité substantielle des deux formules6.

 

[Fidèles en prière sur la tombe du Pape Chenouda III, monastère de Anba Bishoy – Wadi Natroun, Égypte (© Oasis)]
Mais sur le terrain, il en alla tout autrement. En Égypte, puis peu après en Syrie, deux hiérarchies parallèles et concurrentes se mirent en place : l’une acceptait le concile de Chalcédoine, l’autre le refusait. Pour la Syrie, l’évêque Jacques Baradée joua un rôle décisif – d’où le nom de « jacobites » attribué de façon polémique à l’Église miaphysite. Plus tard (au VIe siècle), l’Église arménienne, qui n’avait pu envoyer ses délégués à Chalcédoine à cause de l’invasion perse, adopta, elle aussi, la position miaphysite.

De la ligne non-chalcédonienne dérivent aujourd’hui : 1. L’Église copte-orthodoxe (patriarcat d’Alexandrie, à présent transféré au Caire), qui est la plus nombreuse des communautés chrétiennes du Moyen-Orient ; 2. L’Église syro-orthodoxe (patriarcat d’Antioche, actuellement transféré à Ma‘arrat Saydnaya, non loin de Damas), qui est présente essentiellement en Syrie et dans le Nord de l’Irak ainsi que dans la région du Tur ‘Abdin en Turquie ; et 3. L’Église apostolique arménienne, elle-même organisée en deux catholicòï (l’un d’Etchmiadzin en Arménie – le plus important –, et l’autre de Cilicie, actuellement transféré au Liban)7.

Dès l’antiquité, l’Église copte-orthodoxe, dont le patriarche porte le titre de Pape d’Alexandrie et de la prédication marcienne, dirigea son activité missionnaire en remontant la vallée du Nil, jusqu’à l’Éthiopie et l’Érythrée, où deux Églises autocéphales (indépendantes) de tradition copte, donc miaphysites, ont aujourd’hui leur siège. Dès 1665, l’Église syro-orthodoxe a noué des rapports étroits avec le Kérala (Inde), où l’Église orthodoxe syro-malankare est actuellement en communion avec le patriarcat d’Antioche8.

Dans leur ensemble, ces Églises sont appelées « orthodoxes orientales », pour les distinguer des Églises orthodoxes de tradition byzantine (les Églises grecque, russe, géorgienne, bulgare, etc.).
Avec la Réforme catholique des XVIe-XVIIe siècle, les missionnaires latins envoyés au Moyen-Orient cherchèrent à réunir à Rome chacune de ces Églises. Mais les unions ont été seulement partielles et ont donné naissance à cinq Églises catholiques de rite oriental : l’Église copte-catholique (1895, mais la première communauté remonte à 1741, avec son siège patriarcal au Caire), l’Église syro-catholique (1783, avec son siège patriarcal à Beyrouth au Liban), l’Église arménienne-catholique (1742, avec son siège patriarcal à Bzommar au Liban), l’ Église éthiopienne-catholique (1961, mais il faut en situer les origines au XIXe siècle)9 et, en Inde, l’Église syro-malankare (1932). Chacune d’elles a la même liturgie que sa « sœur » orthodoxe orientale, mais reconnaît l’autorité du pape et les conciles œcuméniques.

[Mosaïque de Jésus dans la basilique de Sainte-Sophie à Istanbul]

 

3. La ligne chalcédonienne (« melkite »)

Les patriarcats de Constantinople et de Rome donnèrent une adhésion sans réserve au concile de Chalcédoine. Leurs fidèles furent traités par leurs adversaires de « melkites », c’est-à-dire « hommes du roi », parce qu’ils suivaient la ligne officielle de l’empereur, même si cette ligne suivit plusieurs oscillations au cours des Ve et VIe siècles10.
Comme dit plus haut, la position miaphysite ne fut pas adoptée par l’ensemble des Églises d’Égypte et de Syrie. Ceci entraîna un premier dédoublement des patriarcats d’Alexandrie et d’Antioche, avec un siège chalcédonien, généralement de langue grecque, et un siège miaphysite, de langue copte ou syriaque. De surcroît, une partie de l’Église d’Antioche de langue syriaque et d’orientation monastique fit également sienne l’orthodoxie chalcédonienne : c’est là l’origine de l’Église maronite, qui est présente aujourd’hui surtout au Liban, et dont le nom est censé remonter au moine et ascète Maron, mort vers 410 dans le nord de la Syrie.

À partir de 626, l’empereur Héraclius, en campagne pour reprendre la Syrie et l’Égypte aux Perses, tenta de surmonter la division entre « jacobites » et « melkites » en suggérant une formule d’union : on y affirmait l’existence dans le Christ de deux natures, mais d’une seule énergie ou volonté : c’est la doctrine du monothélisme. Après l’attitude ambiguë du pape Honorius (626-638) qui, sans saisir l’enjeu, réduisait le problème à une simple question de vocabulaire, le monothélisme se heurta à l’opposition déterminante de Maxime le Confesseur (580-662). Celui-ci, en payant de sa vie son opposition au diktat impérial, « affranchit toute la tradition chrétienne grecque de l’emprise déformante de l’intégrisme politique »11. Cette période obscure, durant laquelle le siège romain, pendant des décennies, demeura le seul à soutenir l’orthodoxie chalcédonienne, se termina sur la condamnation du monothélisme au troisième Concile œcuménique de Constantinople (680-681).

L’Église maronite, fidèle à l’empereur et à Chalcédoine, adopta la position monothélite qui, sous Héraclius, se présentait en Orient comme la ligne orthodoxe. Mais elle ne put participer aux débats successifs, car elle fut immédiatement isolée par l’invasion arabe de 634 et par l’état de guerre endémique entre arabes et byzantins, qui se prolongea sans interruption pendant plus d’un siècle : elle devait n’apprendre que plus tard la condamnation du monothélisme12.

Toujours du fait des conquêtes arabes, les patriarcats « melkites » d’Antioche, de Jérusalem et d’Alexandrie, tous de langue grecque, restèrent coupés de l’Empire byzantin et adoptèrent rapidement l’arabe comme langue de leur liturgie et de leur production théologique, tandis que les autres Églises sous domination musulmane manifestèrent une tendance à conserver leur propre langue d’origine (syriaque et copte) pendant quelques siècles encore. Ce caractère d’arabité de l’Église « melkite » au Moyen-Orient subsiste jusqu’à nos jours.

En 1054, dans un contexte de tension croissante entre les chrétientés latine et grecque, le patriarche de Constantinople et le pape s’excommunièrent réciproquement. Cet épisode, connu comme le schisme d’Orient, est à l’origine de la division de la ligne chalcédonienne en deux grandes branches : l’Église catholique et les Églises orthodoxes. En dépit de quelques tentatives de réconciliation comme le concile de Ferrare-Florence (1438-1439), la séparation persista, et l’excommunication ne fut révoquée qu’en 1965 par Paul VI et le patriarche Athénagoras de Constantinople.

Peu après le schisme d’Orient commencèrent les Croisades, lesquelles eurent, entre autres, l’effet de resserrer les liens entre la chrétienté latine et l’Église maronite, laquelle avait entretemps transféré son siège patriarcal au Mont Liban. Plus tard, en 1580, le synode de Qannûbîn reconnut les décisions du Concile de Trente. Cette acceptation, tout comme la création du Collège maronite à Rome, ouvrit la voie à une période d’intense renouveau spirituel et culturel qui prépara le terrain au Risorgimento arabe (Nahda) dans le Levant13. Ce furent par exemple les maronites et les « melkites » qui introduisirent l’imprimerie dans le monde arabe14. Le synode maronite de Rayfûn (1736) approuva une nouvelle réforme dans le gouvernement des diocèses et depuis 1823, le patriarcat a son siège à Bkerke.

[Saint Charbel Makhlouf, moine maronite (1828-1898)]

Au Moyen-Orient, le patriarcat « melkite » d’Antioche, qui entretemps avait déplacé son siège effectif à Damas, oscilla longtemps entre Rome et Constantinople. Toujours dans le cadre de la réforme catholique, les missionnaires européens travaillèrent pour réaliser l’union intégrale avec Rome, qui faillit aboutir en 1724 avec l’élection du patriarche d’Antioche Cyrille VI Tanas, mais se solda par un échec partiel. Le résultat fut un nouveau dédoublement du patriarcat « melkite » d’Antioche en deux branches, connues habituellement sous les noms de grecque-catholique et grecque-orthodoxe – termes toutefois totalement impropres du point de vue linguistique, puisqu’il s’agit en réalité de deux Églises byzantines de langue arabe15.
Ainsi, le patriarcat d’Antioche est divisé aujourd’hui entre cinq Églises : trois chalcédoniennes (grec-catholiques, grec-orthodoxes, maronites) et deux originellement non chalcédoniennes (syro-catholiques et syro-orthodoxes). Cette division est particulièrement douloureuse, car ce fut dans cette ville que « pour la première fois les disciples furent appelés chrétiens » (Actes 11, 26)16.
Les Latins
[Frères franciscains de la Custodie de Terre Sainte]
Un autre résultat des croisades fut l’établissement d’une présence latine en Orient. Même si des personnalités comme le dominicain André de Longjumeau, légat d’Innocent IV en Orient, avaient suggéré de ne pas doubler la hiérarchie locale, les croisés instituèrent leurs propres diocèses avec un clergé latin. Après la fin des royaumes croisés, cette hiérarchie fut balayée, mais la présence de la chrétienté occidentale fut garantie par la Custodie franciscaine de Terre Sainte et par d’autres ordres religieux, en particulier les dominicains, les carmes et, plus tard, les jésuites.
[Saint Mary’s Church, Dubaï (Mars 2017, Oasis)]
À l’époque contemporaine, le Saint-Siège a institué au Moyen-Orient quelques diocèses de rite latin, en général sous la forme d’un vicariat apostolique (c’est-à-dire avec un représentant direct du pape), pour éviter de se superposer aux hiérarchies locales. Aujourd’hui, les deux diocèses latins les plus importants au Moyen-Orient, du point de vue du nombre de fidèles, sont sans aucun doute les vicariats apostoliques d’Arabie septentrionale et d’Arabie méridionale, tandis qu’en Terre Sainte a été institué en 1847 le patriarcat latin de Jérusalem, qui étend sa juridiction sur Israël et Palestine, mais aussi sur la Jordanie – où réside le plus grand nombre de fidèles – et sur Chypre.

Les évangéliques

Après la Réforme protestante, les anglicans et les luthériens eux aussi instituèrent leur propre hiérarchie au Proche-Orient17. Au XIXe siècle, les confessions protestantes amorcèrent une action missionnaire intense, dont le foyer était le Syrian Protestant College de Beyrouth (aujourd’hui American University of Beyrouth). Quelques intellectuels orientaux, notamment maronites, adhérèrent au protestantisme ; une collaboration d’importance majeure s’instaura entre Cornelius Van Dyck (1818-1895) et Butros al-Bustânî (1819-1883) : elle déboucha sur la première traduction moderne de la Bible en arabe, qui a été décisive pour la création d’une langue littéraire contemporaine.

Tandis que les dénominations protestantes historiques ont perdu aujourd’hui une grande partie de leur dynamisme, de nombreuses communautés évangéliques sont en train de se développer au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Synthèse

Nous pouvons récapituler cette histoire embrouillée en prenant comme point de repère la situation actuelle de l’Église catholique au Moyen-Orient (sans donc tenir compte de l’Éthiopie et de l’Inde). En cette région du monde, elle se déploie à travers sept rites, chacun organisé autour d’un patriarche nommé par l’assemblée des évêques (synode), mais confirmé par le pape. Ces rites – et les Églises qui les pratiquent – sont :

  • chaldéen ;
  • copte ;
  • syriaque ;
  • arménien ;
  • melkite ;
  • maronite ;
  • latin.

À l’exception du maronite et du latin, chacun de ces rites a, pour des raisons historiques, une Église « jumelle » orthodoxe :

  • Église assyrienne d’Orient et Antique Église d’Orient
  • Église syro-orthodoxe ;
  • Église copte-orthodoxe ;
  • Église arménienne apostolique ;
  • Église grecque-orthodoxe (répartie au Moyen-Orient entre quatre patriarcats : Constantinople, Antioche, Jérusalem, Alexandrie).

À ces Églises viennent s’ajouter les communautés nées de la Réforme : luthériens, anglicans, et, à l’époque contemporaine, les différents mouvements pentecôtistes.
Il reste à signaler que chacune de ces Églises historiques, qu’elle soit catholique ou non, a développé une diaspora consistante, surtout en Europe, aux Amériques et en Australie. Cette diaspora s’est à son tour organisée en diocèses. C’est le cas par exemple du diocèse copte-orthodoxe de Milan.
Un bilan

Dans le feu des controverses christologiques, les trois Églises se sont combattues durement, se lançant des épithètes injurieuses (« melkites », « nestoriens », « jacobites »)18. Selon plusieurs chercheurs, dont le grand islamologue Josef van Ess19, la naissance même de l’islam peut en partie s’expliquer par le sentiment qu’en se divisant en trois Églises, le christianisme oriental s’était engagé dans une impasse et n’avait plus d’avenir.

Aujourd’hui, après plus d’un siècle d’œcuménisme, les Églises du Moyen-Orient partagent mieux la mémoire des événements qui les ont séparées et dont les enjeux échappent désormais à la compréhension de la plupart des fidèles. Du point de vue de l’historien, la présence ecclésiale en Orient se signale par des contributions d’une richesse exceptionnelle en matière de théologie, de liturgie et de spiritualité, et aussi par une inculturation remarquable de la foi chrétienne dans les traditions des différents peuples du Moyen-Orient ancien. Dans ses expressions les plus élevées, ce christianisme oriental incarne l’idéal de l’unité dans la pluralité, en dépit de persécutions particulièrement sévères (il suffit de penser aux massacres des maronites en 1860 au Liban et en Syrie, aux attaques récurrentes contre les coptes ou au génocide arménien et syriaque durant la Première Guerre mondiale).

Or il faut reconnaître que cette richesse est devenue aujourd’hui un fardeau qui risque de compromettre la survie même de ces communautés. « En Orient, nous serons unis ou nous ne serons plus », avaient écrit les patriarches catholiques d’Orient dans leur première lettre pastorale en 1991. Les développements de ces dernières années amènent à se demander si le tragique de la seconde hypothèse n’est pas en train devenir de plus en plus dangereusement crédible. Toutefois, les dernières persécutions ont justement nourri une expérience renouvelée de ce que le pape François a appelé à plusieurs reprises « l’œcuménisme du sang ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
[Icône des 21 travailleurs coptes martyrisés par Daech en Libye en 2015]

Il est permis d’espérer que ces épreuves permettront de porter un regard neuf sur une histoire qui est faite certes de divisions, mais aussi et surtout du désir de rester fidèle à l’Évangile dans un contexte souvent hostile.

 


Pour en savoir davantage

Oasis, n° 22 (2015) : « La croix et le drapeau noir ».
Samir Khalil Samir, Rôle culturel des chrétiens dans le monde arabe, CEDRAC, Beyrouth, 2003.
Christian Cannuyer, Les Coptes, Brepols, Tournai, 1998.
Bernard Heyberger, Chrétiens du monde arabe. Un archipel en terre d’islam, Autrement, Paris, 2003.
Antoine Fleyfel, Géopolique des chrétiens d’Orient, L’Harmattan, Paris, 2013.

 


Notes

1 Pour célébrer les décisions du Concile, on érigea à Rome la basilique de Sainte-Marie-Majeure.
2 La Chaldée était dans l’antiquité la Basse-Mésopotamie. En 1445, le terme fut choisi pour désigner les fidèles « nestoriens » qui résidaient à Chypre et qui avaient accepté l’union avec Rome. Cette union, toutefois, ne dura que peu de temps.
3 La côte du Malabar est une partie du littoral occidental de l’Inde, entre Goa et le cap Comorin.
4 Hans Urs von Balthasar, Massimo il Confessore. Liturgia cosmica, Jaca Book, Milano 2001, p. 40 (traduction française : Maxime le Confesseur. Liturgie cosmique, Cerf, Paris 1950). Dans le texte de Chalcédoine, il y a une référence explicite au siège de Rome comme garant de l’orthodoxie.
5 Le mot « copte » est formé à partir du nom (Aïgyptos) donné par les Grecs anciens aux habitants de l’Égypte.
6 Une seconde déclaration analogue a été signée par Jean-Paul II et par le patriarche syro-orthodoxe Ignatius Zakka I Iwas en 1984. D’autres déclarations ont été signées avec l’Église syro-malakare (1990) et l’Église arménienne (1996).
7 L’Église arménienne a en outre un patriarche à Constantinople (siège établi en 1461) et un à Jérusalem (établi en 638). Ceux-ci ont joué en certains moments de l’histoire un rôle majeur, mais ne comptent aujourd’hui qu’un nombre limité de fidèles. Ces deux sièges patriarcaux, tout en reconnaissant le rôle d’Etchmiadzin dans les questions ecclésiales d’intérêt général, sont actuellement autonomes.
8 Il existe toutefois aussi une branche autocéphale, connue comme Église orthodoxe syro-malankare (Malankara Orthodox Syrian Church). L’histoire des « chrétiens de saint Thomas » en Inde est particulièrement complexe, et n’entre pas dans le cadre de cet article.
9 En 2015, le pape François a érigé l’Église catholique érythréenne comme Église sui juris, la détachant de l’Église catholique éthiopienne.
10 L’histoire du concile œcuménique de Constantinople de 553, que Justinien avait fortement voulu, et de la condamnation rétroactive des principaux maîtres de l’école d’Antioche est particulièrement complexe. La condamnation n’eut pas l’effet qu’espérait Justinien, à savoir de réunir chalcédoniens et miaphysites contre un adversaire « nestorien » commodément taillé sur mesure, mais produisit une division ultérieure dans l’Église d’Occident. Milan et Aquilée refusèrent en effet d’accepter la décision de Justinien, qui fut en revanche approuvée avec une formule ambigüe par le pape Vigile. Il en résulta un schisme (appelé « schisme des trois chapitres ») qui se prolongea en Italie jusqu’en 698. Parmi ses conséquences : la division du patriarcat d’Aquilée en deux branches (d’où le titre patriarcal attribué d’abord à Grado, et ensuite à Venise) et le rapport spécial entre Côme et Aquilée. C’est également à Justinien que l’on doit l’imposition, par loi, du modèle de la « pentarchie », centrée sur cinq patriarcats principaux : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. Ce modèle structure encore aujourd’hui l’ecclésiologie des Églises orthodoxes, tandis que l’Église catholique l’accepte seulement en partie, le considérant comme une expression historique contingente, à harmoniser avec la primauté, non uniquement honorifique, du siège de Rome.
11 Hans Urs von Balthasar, Massimo il Confessore, p. 33.
12 D’où la question complexe, qu’il n’est pas possible de traiter ici, de « l’orthodoxie perpétuelle » des maronites.
13 Cf. Albert Hourani, Arabic Thought in the Liberal Age, Oxford University Press, Oxford 19832, chap. 3, en particulier pp. 55-64.
14 Aux maronites revient l’honneur d’avoir introduit la première imprimerie au Moyen-Orient, dans le monastère de Saint-Antoine de Qozhaya (Nord du Liban), mais celle-ci utilisait des caractères syriaques. La première imprimerie utilisant des caractères arabes dans l’Empire ottoman – c’est-à-dire sans compter les œuvres déjà imprimées en Europe, en particulier à Rome et à Leyde – commença à fonctionner à Alep en 1706 à l’initiative du patriarche melkite Athanase II Dabbas.
15 Il existe entre les deux Églises « melkites » une certaine asymétrie de structure. Tandis que le patriarche melkite catholique rassemble en lui les trois sièges « arabes » d’Antioche, Jérusalem et Alexandrie, l’Église orthodoxe a conservé la division en ses trois sièges historiques : Antioche est celle qui a le plus grand nombre de fidèles, et la seule à avoir une hiérarchie entièrement arabe, tandis que, pour Jérusalem et Alexandrie, le patriarche est envoyé de Grèce. Actuellement, les patriarcats orthodoxes de Jérusalem et d’Antioche sont divisés par une question de juridiction sur la communauté orthodoxe résidant au Qatar.
16 Pour les autres patriarcats historiques : à Constantinople, outre le patriarche œcuménique, réside un patriarche arménien (avec juridiction sur sa « nation »). À Jérusalem, on trouve un patriarche orthodoxe, un arménien et un latin. Le siège d’Alexandrie voit la présence de trois patriarches : orthodoxe, copte-orthodoxe et copte-catholique.
17 La création en 1841 à Jérusalem d’un siège épiscopal unique pour anglicans et luthériens fut incidemment la cause directe du renoncement par le bienheureux John Newman à son projet de via media anglicane centrée sur la succession apostolique, pour adhérer à l’Église catholique.
18 Voilà pourquoi nous avons ici toujours mis ces termes entre guillemets, pour indiquer que nous les entendons au sens historique, et non théologique.
19 Cf. l’interview accordée à Christian Meier du Goethe Institut en novembre 2011 et publiée sur Fikrun wa Fann.

Mgr Pascal Gollnisch : « L’Etat Islamique doit être neutralisé »

Source Corse Matin

Les chrétiens d’Orient, dans toute leur diversité, dans toute leur complexité sont au cœur de l’actualité. Monseigneur Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient, a profité de son déplacement en Corse pour rappeler l’histoire qui a forgé l’identité de ces communautés.

Après avoir présidé les cérémonies du lundi de Pâques à la paroisse grecque catholique de Cargèse et célébré une messe en la cathédrale d’Ajaccio, Mgr Gollnisch a animé une conférence intitulée « Chrétiens d’Orient, résister sur notre terre », c’est d’ailleurs le titre de son premier ouvrage publié en mars 2016. Mgr Pascal Gollnisch connaît le sujet sur le bout des doigts. D’emblée nommé par Benoît XVI « Chapelain » de sa Sainteté, il prévient : « Il faut absolument s’abstenir de juger les problèmes du Moyen-Orient à l’aune de nos problèmes d’immigration et de la présence des musulmans en France.  » Cette dernière problématique selon lui est marquée au fer rouge de la décolonisation, de logiques de ghettoïsation, tandis que la première dépend de problématiques beaucoup plus larges. D’où la passion jamais éteinte que manifeste Pascal Gollnisch pour expliquer aux Français, du sommet de l’État aux paroissiens de base, la complexité des chrétiens d’Orient. Et inversement… Une position en forme d’aller et retour perpétuellement inconfortable.

 

« Il y a des possibilités d’avenir »

Depuis des années, l’ecclésiastique tisse un double lien entre l’Orient et l’Occident, et entre Dieu et les hommes. C’est avant tout un lien d’amitié entre l’Église de France et les églises orientales qu’il veut instaurer. « On connaît mal l’histoire des chrétiens d’Orient. Il y a une diversité de communautés, leurs églises ressemblent aux nôtres, ils vivent des difficultés et ils sont attachés à leur pays. Il y a des possibilités d’avenir pour eux dans leur pays« , assure le prélat, insistant sur leur attachement à leur terre : « Ce sont des chrétiens qui sont minoritaires dans leur propre pays ; ils subissent des discriminations, des actes de violences ponctuelles, des persécutions, dans une société musulmane. Ils sont pris dans les difficultés et les complexités économiques, politiques et religieuses.  »

De pays en pays, du Liban à l’Égypte en passant par l’Irak, Mgr Gollnisch veut aider ces croyants à résister sur leur terre, « nous sommes à leurs côtés« . Un réseau de 80 000 donateurs est à sa disposition pour mener des actions éducatives et de santé dans certains pays, « les chrétiens sont utiles dans leur pays« , insiste-t-il. Avec diplomatie, il explique : « Je comprends, évidemment, l’angoisse des chrétiens. Si nous ne soutenons pas ceux qui récusent l’islam politique, si nous n’aidons pas à mettre en place des pouvoirs distants des fondamentalistes, alors risque d’émerger un régime incapable d’admettre en son sein les minorités. Ce serait un drame. »

 

« La Syrie, le chaos »

Et la Syrie, véritable champ de mines religieux ? « Là-bas, c’est le chaos. Six ans de guerre, des erreurs occidentales, un échec diplomatique considérable. Les réfugiés subissent des situations atroces. » Dans l’immédiat, deux points préoccupent le directeur de l’Œuvre d’Orient : l’acheminement de l’aide alimentaire, et « à la rébellion proprement dite sont mêlés des groupes djihadistes et aussi de véritables bandits« , ce qui rend opaque l’avenir de la Syrie selon lui. Que pense l’homme d’église de l’État Islamique (EI) ? « C’est une mouvance de l’Islam qui s’est radicalisée dans son propre raisonnement et les principales victimes sont les musulmans. » Pour Mgr Gollnisch, il faut « évidemment » neutraliser l’EI et l’empêcher de disposer d’un territoire : « l’EI est une organisation qui a dépassé tout ce que l’on connaissait en terme de cruauté et qui a mis sa cruauté en image. L’EI, c’est effroyable, ce sont des barbares qui ont perdu tout contact avec la civilisation humaine. Il faut les neutraliser« . Son discours est direct mais assumé. Il n’a pas peur pour sa sécurité, mais prend des précautions. Et s’il dit n’avoir jamais reçu de menace, s’il n’a jamais non plus été visé par un acte de violence, il sait qu’il est exposé. « La relation de l’homme à Dieu m’aide à avancer, la prière aussi » , dit-il. Au fond, même au milieu des complexités orientales, ou au sein des clivages franco-français, Mgr Gollnisch reste passionné par la vie des communautés qui lui sont confiées.

Où en est l’Egypte que va visiter le pape François ?

Source Site de la conférence des évêques de France

Le pape François va d’abord soutenir la communauté chrétienne catholique, dont les effectifs ne dépassent guère les 250.000 fidèles mais qui joue un rôle important dans le pays, en particulier à travers les œuvres  éducatives des congrégations religieuses présentes, l’action sociale conduite par les paroisses, Caritas, etc. et son engagement pour le dialogue interreligieux.

Il va également rencontrer le pape Tawadros II, Patriarche d’Alexandrie des coptes-orthodoxes, qu’il a déjà reçu très chaleureusement au Vatican, en mai 2013. Les chrétiens d’Egypte constituent le groupe le plus nombreux des chrétiens d’Orient (entre 8 et 10 millions, selon les sources), mais c’est une communauté qui fait l’objet de violences récurrentes, comme dimanche 9 avril, à l’église copte Mar Girgis de Tanta au nord du Caire, et à l’église Saint-Marc d’Alexandrie (44 morts) ou précédemment, en décembre 2016, avec l’attentat contre l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, près de la cathédrale orthodoxe Saint-Marc, attentat qui a fait 25 morts, de nombreux blessés et traumatisé les chrétiens inquiets de voir se rapprocher le spectre de Daech.

Plus récemment, des chrétiens assez nombreux ont dû quitter la région du Sinaï où les forces de sécurité égyptiennes font régulièrement l’objet d’attaques meurtrières.  La visite du pape François sera donc une source de réconfort pour les chrétiens d’Egypte, toutes confessions confondues, et un soutien personnel pour la pape copte-orthodoxe Tawadros dont l’ouverture œcuménique est loin d’être suivie par une partie de son synode, héritée de son prédécesseur le charismatique mais très autoritaire et conservateur pape Shenouda III.

Reprise du dialogue avec le grand Imam d’Al-Azhar 

Le pape François va également rencontrer le grand Imam d’Al-Azhar, Dr Ahmed al Tayyeb. Cette visite permettra de clore de manière solennelle et publique un malentendu entre Al-Azhar et le Vatican commencé après le discours du pape Benoît XVI à Ratisbonne, en septembre 2006. Les contacts annuels entre le Vatican et Al-Azhar, qui avaient lieu chaque année en février depuis la visite de Jean Paul II en février 2000, avaient alors été suspendus à l’initiative du partenaire musulman. Diverses tentatives romaines n’étaient pas parvenues à apaiser le climat, l’imam d’Al-Azhar devant aussi tenir compte des courants religieux conservateurs qui traversent l’islam sunnite, y compris en Egypte, où beaucoup de religieux restent marqués par la formation reçue en Arabie saoudite ou dans les pays du Golfe.  Les malentendus ont été clarifiés et les relations ont repris lors d’une récente visite au Caire d’une délégation catholique conduite par le cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. La visite du pape François va sceller cette réconciliation.

Elle a aussi impact sur la manière dont le grand imam peut se situer en Egypte aux plans religieux et politique. Entourée de pays secoués par le fondamentalisme religieux, secouée sur son propre terrain par de fréquents attentats terroristes, l’Egypte a le souci de rappeler que sa tradition musulmane, celle d’Al-Azhar, est « un islam du juste milieu », un islam populaire imprégnée de soufisme. Le grand imam d’Al-Azhar est connu pour sa modération, mais il ne fait pas l’unanimité au sein même de l’islam égyptien, travaillé lui aussi par l’islam politique et l’influence wahhabite. C’est pourquoi le président Sissi est intervenu vigoureusement devant les oulémas d’Al-Azhar en décembre 2014, les appelant à lutter contre l’idéologie extrémiste en « changeant radicalement notre discours religieux », pour qu’il soit « en accord avec son temps ». Cette intervention vigoureuse et inhabituelle de l’autorité politique devant les religieux musulmans a sonné comme une mise en garde. C’est certainement une des raisons qui a conduit le grand imam à organiser au Caire, les 22 et 23 février 2017, un séminaire sur « la lutte contre le fanatisme, l’extrémisme et la violence au nom de la religion ».

Que l’Egypte reste un pôle de stabilité dans la région

Enfin, la visite du pape aura un sens dans le positionnement politique de l’Egypte sur la scène internationale. On le sait, la communauté internationale a jugé de manière assez sévère le renversement du président Frère musulman Mohamed Morsi, le 13 juin 2013, oubliant parfois que l’armée a ainsi évité une guerre civile. L’inexpérience des Frères musulmans et leur obsession de conserver un pouvoir attendu pendant des décennies leur avait, en effet, aliéné le soutien d’une bonne partie de la population. Il reste que la destitution du président Morsi par l’armée a fait mauvais effet, surtout après les années du Printemps arabe qui avaient laissé croire que la démocratie était désormais presque acquise dans ce pays.

De plus, le régime du maréchal Sissi s’est révélé impitoyable : après avoir emprisonné les militants Frères musulmans par milliers, il s’est montré aussi implacable avec les activistes qui osent critiquer son autoritarisme. Quelques chercheurs étrangers en ont même fait les frais. Fermant les yeux, plusieurs pays occidentaux, dont la France, ont pourtant continué à armer ce pays, bien conscients qu’il est décisif que l’Egypte reste un pôle de stabilité dans une région où plusieurs pays sont en pleine implosion (Libye, Irak, Syrie, Yémen) ou dans un équilibre fragile (Arabie saoudite). D’où les ventes de Rafale et BPC Mistral par la France, la vente de sous-marins par l’Allemagne, etc. L’Egypte doit tenir à tout prix, ne serait-ce qu’à cause du canal de Suez, dont la sécurité est d’une importance majeure pour le commerce mondial. Même si le pouvoir temporel du pape François est symbolique, sa visite montre que ce pays reste fréquentable.

Economiquement, l’Egypte traverse aussi une étape difficile. L’insécurité consécutive à la Révolution populaire de 2011 place Tahrir a fait fuir le tourisme, qui ne revient que lentement ; le manque de visibilité politique n’aide guère à attirer les capitaux internationaux, malgré des projets audacieux du régime actuel : doublement du canal de Suez, construction d’une nouvelle capitale entre Le Caire et Suez pour désengorger une ville de 20 millions d’habitants qui étouffe. Pour ne pas tomber en faillite, le régime a dû accéder à une demande ancienne du Fonds Monétaire International (FMI) : faire un plan d’ajustement structurel, comprenant, entre autres, une limitation progressive des subventions des produits : essence, huile, farine, sucre, etc. Ces subventions ruinaient les finances publiques, mais nul chef de l’Etat n’avait eu le courage ou la force d’oser cette réforme. Le président Sadate l’avait tentée en 1977 mais avait dû faire machine arrière suite aux « émeutes du pain ». Le président Sissi a engagé cette réforme difficile, en proposant des mesures graduelles et en évitant que les produits de première nécessité ne soient trop affectés, mais cela a eu néanmoins un effet inflationniste immédiat. Le gouvernement égyptien, désireux de faire la vérité des prix pour de bon, a également laissé flotter la livre égyptienne qui a perdu  48 % de sa valeur en une journée, le 3 novembre 2016. Du coup, les produits importés ont renchéri un peu plus, y compris des denrées aussi vitales que le sucre, denrée cruciale dans un pays qui a dépassé les 95 millions d’habitants.  L’espoir des autorités égyptiennes est que les importants gisements de gaz, récemment découverts en Méditerranée dans ses eaux territoriales, permettront au budget de l’Etat de retrouver assez vite des liquidités en devises.

Bref, le tableau d’ensemble de la situation que le pape François va visiter est complexe, mais pas désespéré. Beaucoup d’Egyptiens font encore confiance au régime du président Sissi, convaincus qu’il les protège des drames absolus que connaissent les pays voisins. Beaucoup de chrétiens n’hésitent pas à dire que le président est « un cadeau du Ciel », car il entend donner un coup d’arrêt au fondamentalisme islamique et a donné des signes très explicites de son amitié pour la minorité chrétienne (visite à la cathédrale copte-orthodoxe lors de la messe de Noël, reconstruction en quinze jours par l’armée de l’église dévastée par l’attentat de décembre, etc.) A travers les hauts et les bas de l’histoire, l’Egypte reste un des principaux pays de la région et sera honorée par cette visite qui touchera le cœur de beaucoup, chrétiens et musulmans.

 

Fr . Jean Jacques Pérennès, op

Message de Pâques de Mgr Samir Nassar, Archevêque Maronite de Damas, Syrie

Les bonnes du Christ à Damas

82 religieuses de différentes congrégations se dévouent dans l’ombre en toute discrétion au service de l’Eglise de Damas, sans se faire parler d’elles. Elles sont la force profonde qui par le souffle de l’Esprit font vivre les charismes de l’Evangile  dans un pays déchiré par la guerre sans se lasser ni avoir peur.

TEMOIGNAGE DE FRATERNITE : Elles vivent certaines dans des petites communautés dans leurs grandes écoles de jadis nationalisées depuis 1968… d’autres dans des établissements hospitaliers ou dans des appartements ou logements modestes au milieu du peuple de Dieu menant une vie de pauvreté, de prière et de louange.

A L’ECOUTE : Ces religieuses consacrées sont disponibles à l’accueil et à l’écoute des plus petits. Mission de première nécessité surtout en ces années de guerre et de solitude..  Elles emmagasinent dans leurs cœurs toutes les souffrances et les soucis du petit peuple oublié dans la misère et l’incertitude. Devant l’impuissance, ces Consacrées forment avec amour et affection un Mur de Lamentation assurant une présence charitable auprès des familles démunies.

VISAGES DE COMPASSION : l’engagement de nos chères Sœurs au service des familles se traduit dans leur présence dans les garderies, les écoles, les dispensaires, les restaurants du cœur et les centres de catéchèse et de formation religieuse. A saluer leur mission héroïque dans le secteur hospitalier et le soin des malades et les nombreux blessés de guerre développant une pastorale d’avant-garde des malades et des personnes âgées.

ATOUTS D’AVENIR : La mission pilote de nos chères Sœurs reste focalisée dans les écoles et la formation des enfants et des jeunes .. Dans ce service pédagogique sont transmises les valeurs de paix, de tolérance et de dialogue, gages de reconstruction d’une Patrie déchirée et du Renouveau Ecclésial. A saluer dans ce domaine toutes les formes de soutien psychologique aux sinistrés de guerre et surtout aux enfants et aux jeunes marqués par la violence, la délinquance et  l’exclusion.

GRAND MERCI : Ce beau témoignage de lumière caché et méconnu, ne mérite-t-il pas  un peu de gratitude et de reconnaissance ?  Chères Consacrées bien aimées à Damas le Christ ressuscité saura seul vous remercier et vous bénir.

 

+ Samir NASSAR

Archevêque Maronite de Damas