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[ÉGYPTE] Le témoignage de Gautier : " Cette année de mission m’aura fait grandir "

Découvrez le témoignage de Gautier qui était en Egypte au Collège de Khoronfish puis à l’Arche en Haute-Egypte.


L’Arche de Samalut – سمالوط

Les communautés de L’Arche sont des associations qui créent et animent des communautés de vie pour accueillir des personnes ayant un handicap mental. Des assistants ou jeunes volontaires viennent vivre avec elles. Depuis plus de 20 ans l’Arche est implanté à Samalut, grand village de la vallée du Nil, à quatre heures au sud du Caire. Pour comprendre la mission de l’Arche, il me paraît tout d’abord important de vous décrire l’environnement dans lequel évolue notre communauté.

Même en venant du Caire c’est un très grand dépaysement. Je découvre ici une autre Egypte, formée de villes et villages comptant parfois plusieurs millions d’habitants, situés au milieu de la vallée du Nil, large bande verte au milieu du désert de 1 à 3 km de large. On y trouve des champs de tomates, de concombres, de mloukhiya (épinard local), de choux, de luzerne, de blé, de betterave, de canne à sucre, des palmeraies,  entrecoupés  d’indispensables  canaux  d’irrigation.  Les  familles  de  fellahs (paysans égyptiens), cultivent leurs petites parcelles de quelques feddans (1 feddan égale 0.4 hectare). Cela se fait à la main : binette, pelle, serpe pour la récolte (oui !), âne pour se déplacer et porter les récoltes. Dans leurs cahutes bordant les champs on trouve des animaux : des vaches (et gamousses), des moutons et des chèvres, des chevaux, des chiens. L’âne est un moyen de transport encore largement utilisé et se mélange en ville aux touctoucs, microbus et motos. Les hommes, dès l’enfance, travaillent aux champs ou à la ville : ils sont épiciers ou boulangers, vendeurs de fruits et légumes ou bouchers, conducteurs de touctouc ou d’engin de travaux, mécaniciens ou ramasseurs des déchets qui envahissent chemins et rues. Les femmes travaillent aussi aux champs ou vendent dans la rue le produit des récoltes. Le soir, la campagne et les rues sont animées, chacun est devant sa porte pour discuter ou fumer, les enfants jouent et courent pieds nus dans les rues poussiéreuses. La jeunesse va étudier à l’université dans la grande ville du coin et espère une autre vie.

J’ai la chance d’avoir une grande liberté et de découvrir cet environnement. Ce n’était pourtant pas évident pour l’Arche : je ne passe pas inaperçu auprès des populations et de la police, il faut dire que mon teint et mes cheveux n’aident pas. Ces sorties me permettent de me reposer. Être à l’Arche demande une présence continue parfois pesante ; entre handicap et différences culturelles avec chaque égyptien, chaque jour apporte ses difficultés.  Elles  me  permettent  aussi  de  continuer  d’aller  à  l’aventure,  aspect  de  ma mission que j’ai tant apprécié cette année. Se déplacer en microbus, rencontrer et discuter autour d’une chicha ou d’un thé, randonner et dormir à la belle étoile au milieu des champs, s’étonner devant une moto transportant 2 moutons et 3 hommes sur la même selle me manquera à mon retour en France.

 

Les missions de l’Arche

L’Arche a de nombreuses missions pour lesquelles personnes handicapées et encadrants collaborent toujours en ensemble.

C’est tout d’abord une maison familiale qui accueille 6 personnes handicapées, appelées ici Chabebs et 4 encadrants (et donc moi). Familiale car en venant vivre à l’Arche on choisit de vivre ensemble la vie de tous les jours : cuisine et repas, activités et jeux, discussions ou disputes, ménage et lessive, moments de rire ou d’ennui. Pour les encadrants c’est exigeant, prenant et cela représente bien plus qu’un métier, c’est un choix de vie. Ils mettent en partie de côté leur vie  personnelle  et  ne  sont  que  peu  rémunérés.  Depuis  mon  premier  jour  je  suis impressionné  par  leur  capacité  à  s’oublier,  à  combattre  les  nombreuses  difficultés quotidiennes. Malgré un retard mental parfois très fort, les Chabebs sont assez autonomes concernant leur hygiène, ils aident pour la plupart aux tâches domestiques. Ils demandent cependant une grande attention, de l’affection, de savoir gérer leurs crises parfois quotidiennes. Voici une courte vidéo réalisée il y a quelques années Vidéo – L’Arche Samalut. Elle présente Naget et Hany, deux personnes avec lesquelles je vis. Elle permet de comprendre que le handicap en Egypte est encore mal accepté et caché : beaucoup des Chabebs ont eu une lourde histoire avant de rejoindre l’Arche. J’apprends ici le « vivre avec », la simplicité, le sourire et crée avec le temps un lien fort avec Chabebs et encadrants.

L’Arche est aussi un lieu de travail pour une vingtaine d’autres personnes handicapées et un dizaine d’encadrants. Ils confectionnent des bougies, bricolent, dessinent, entretiennent l’hôtellerie, jardinent. Ils préparent aussi des animations, des pièces de théâtre, des repas, des fêtes, entretiennent et décorent les bâtiments : l’Arche est leur maison.

Regard sur mes 9 mois égyptiens

Cette année de mission m’aura fait grandir. J’y ai rencontré de nombreuses personnes et créé des liens forts,  j’ai découvert les richesses culturelles d’un pays, j’y ai pris le goût de l’aventure, j’ai pu prendre du recul sur mes choix de vie en France et approfondir ma foi. Cela m’a été permis car j’ai eu la chance de vivre deux missions complémentaires, dans lesquelles je me suis épanoui.

Je vous confie tout particulièrement les 3 encadrants avec qui j’ai vécu durant ces dernières  semaines.  Avec leurs talents, leurs difficultés, leur foi, ils œuvrent pour le bonheur des Chabebs.

A très bientôt en France,

Gautier Butruille