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Entretien avec Mgr Pascal Gollnisch de retour de Syrie.

« Nous revenons avec des images terribles de destruction mais aussi avec une grande admiration pour la capacité des Syriens à essayer de croire en leur avenir et nous voulons y croire à leur côté. »

 

Vous revenez d’un déplacement d’une semaine en Syrie, quelle est l’action de l’Œuvre d’Orient en Syrie et quel était le but de votre visite? 

Mgr Gollnisch :  Nous avons une action très forte en Syrie depuis très longtemps (160 ans) mais cette aide s’est accentuée spécialement depuis le début du conflit. Nous avons versé des sommes extrêmement importantes (plus de 9 millions d’euros depuis 2014) pour que les communautés assurent leur mission au service de la population, particulièrement à Damas, Maaloula, Homs, Alep, dans la vallée des chrétiens (prés du Crac des Chevaliers) ainsi qu’à Tartous, Lattaquié. Nous venons donc examiner régulièrement où en sont les besoins locaux, comment nous pouvons y répondre et assurer les chrétiens de Syrie de notre amitié et de notre soutien, même si pour le moment nous ne souhaitons pas envoyer des volontaires pour des raisons de sécurité.

Dans quel état avez-vous trouvé le pays ?

© JM Gautier

 Mgr Gollnisch : Comme je l’avais constaté lors de mes voyages ces derniers mois, une partie importante des villes syriennes est détruite. Cela veut dire que les maisons ont été démolies, que les familles sont endeuillées, qu’il y a des blessés et que l’économie est arrêtée et retardée. Donc dans la zone gouvernementale, la seule dans laquelle nous allons, nous avons vu une population qui certes est heureuse de la fin des combats mais qui souffre beaucoup en raison d’un effondrement économique plus fort aujourd’hui qu’au moment de la guerre.

Nous voulons y voir plus clair pour apporter des solutions. Pourquoi la population syrienne après ces 9 ans de guerre doit souffrir encore plus, est-ce que c’est un blocus organisé par certaines puissances occidentales, est-ce un effet par répercussion de la crise irano-américaine ?

Où vous êtes-vous rendus ?

Mgr Gollnisch : Nous sommes allés au sud de Damas dans la Ghouta, à Maaloula, à Homs, à Alep, et dans la Vallée des Chrétiens. Nous nous sommes également rendus à Palmyre pour des questions liées au patrimoine et à la reconstruction d’une petite église construite par des légionnaires français il y a un siècle.

Nous avons constaté les souffrances de la population mais aussi l’extraordinaire capacité qu’ont les jeunes chrétiens de prendre des initiatives pour l’avenir de la Syrie. Par exemple nous avons vu des entreprises de micro-crédit soutenant de jeunes artisans afin de reprendre l’activité d’un atelier détruit, des centres pour aider des jeunes femmes chrétiennes et musulmanes à envisager un avenir commun, des centres d’études pour les étudiants afin qu’ils puissent poursuivre leurs études malgré la guerre. Nous avons également rendu visite à de nombreux ordres religieux ; les lazaristes, les filles de la Charité, les sœurs de la charité de Besançon, les jésuites …, qui font un travail remarquable sur le terrain.

Nous revenons avec des images terribles de destruction mais aussi avec une grande admiration pour la capacité des Syriens à essayer de croire en leur avenir et nous voulons y croire à leur côté.

 © JM Gautier
© JM Gautier

 

Quel est l’objectif de l’Œuvre d’Orient en Syrie ?

Mgr Gollnisch: L’objectif est de reprendre le « partenariat » avec les communautés chrétiennes, partenariat que nous n’avons pas abandonné mais parfois nous nous sommes posés la question d‘initiatives plus directes là où les structures ecclésiales avaient été détruites. Maintenant que l’Eglise peut relancer des projets, plus que jamais nous devons leur apporter le soutien de nos donateurs, soutien financier, économique, mais aussi poursuivre le plaidoyer pour la défense des chrétiens, donc de la Syrie en général.

Nous devons peut-être aussi essayer d’infléchir certaines dispositions prises par la communauté internationale mais aussi regarder dans tout ce qui est de l’ordre du patrimoine culturel ce qui peut être sauvé. En effet le patrimoine est un élément intrinsèque de la vie de ces communautés, c’est leur mémoire et donc nous devons nous porter au secours de ce qui a été partiellement détruit par Daech.

Comment les chrétiens de Syrie s’apprêtent-ils à vivre ce carême ?

Mgr Gollnisch : Le carême est un temps fort. Les chrétiens de Syrie ne le commencent pas le mercredi des Cendres comme nous mais le lundi. C’est un moment où ils se tournent vers le Christ, ils se tournent vers ce qui est essentiel dans leur vie. C’est un temps de communion entre les chrétiens de Syrie mais aussi de communion des chrétiens de Syrie avec l’Eglise universelle. Ce n’est pas simplement une démarche individuelle mais aussi une démarche ecclésiale.