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[Éthiopie] Le témoigne de Claire : " La communauté accueille toutes les personnes qui ont besoin de soins et qui sont sans ressources "
Claire est aide-soignante et est en Ethiopie pour deux mois. Elle exerce son métier dans le dispensaire de Sidis Kilo à Addis Abeba et celui d’Awassa.
Un dimanche parmi d’autres 28 juillet 2024
Ce matin, comme souvent, il n’y avait pas d’électricité. Nous nous sommes levés un peu plus tard car nous avons joué aux cartes entre volontaires après diner.
Nous sommes à nouveau 6 ; 3 jeunes médecins venant d’Espagne, d’Irlande et du Mexique, 2 d’entre eux rentrent au séminaire, et aussi 2 jeunes espagnoles enseignantes. Malgré nos différences culturelles et d’âge aussi, nous faisons très bon ménage et passons des moments d’amitiés exceptionnels.
Nous avons travaillé ensemble ce matin dans la salle 4, dortoir dans lequel les patients sont les plus dépendants. Ce sont des hommes assez jeunes pour la plupart, mais qui souffrent de diverses pathologies et notamment d’escarres comme je n’ai jamais vu.
Mon rôle consiste à refaire les pansements sous les indications de mes amis médecins.
Nous économisons au maximum le peu de matériel dont nous disposons.
Comme je n’avais plus de gants pour travailler, Augustin m’a proposé d’aller en escamoter quelques paires aux jeunes maltais qui viennent prendre le petite déjeuner et et le déjeuner avec nous. Ces jeunes maltais, très soucieux d’une éventuelle contamination sont venus avec force masques et gants pour leur unique usage, mais qu’ils laissent enfermés dans notre maison.
Je m’esquive quelques minutes afin d’aller chercher des gants à la maison, et quand j’ouvre la porte d’entrée, une épaisse fumée envahie toutes les pièces. L’électricité est revenue et l’un d’entre nous a laissé la cafetière sur une plaque électrique allumée.
Je suis arrivée à temps, la cafetière est morte, la maison empeste la fumée, on a évité l’incendie de peu.
Cet après-midi, je suis retournée voir Sœur Monique chez les petites sœurs de Jésus.
Je pensais pouvoir jouer aux dominos avec elle, mais la maladie d’Alzheimer a eu raison de ses souvenirs de jeux d’enfants. Je lui ai apporté des gâteaux, elle aime ça.
Alors nous avons chanté des chansons ; Au clair de la Lune, Frère Jacques …
Elle se souvient et chante avec moi, elle est si attendrissante. Au bout d’une heure je la vois fatiguée, je la laisse, elle est contente, elle me raccompagne jusqu’à la porte malgré des difficultés motrices.
Je traverse le centre d’Addis à pied, j’aime marcher seule dans ces rues, ou l’on vous salue volontiers. Je garde dans les poches quelques gâteaux (qui nous viennent de l’aéroport, restes de vols du jour), je peux ainsi en donner aux personnes qui me disent avoir faim. L’ambiance du dimanche est festive dans la ville. On y entend les appels aux prières tant orthodoxes que musulmanes, une communion d’appels qui raisonnent dans la ville.
A 17h, je me rends dans le quartier des hommes ou je joue avec eux aux dominos. C’est devenu un grand rendez-vous. Quelques-uns jouent avec beaucoup de sérieux. La plupart regardent et commentent.
Comme je travaille essentiellement dans le quartier des enfants et à la réception des soins des personnes de la rue, c’est le seul moment que je partage avec ceux qui vivent dans le dispensaire. On s’amuse beaucoup, c’est l’occasion de grands débats dont je ne saisis pas toujours les subtilités.
Aujourd’hui je leur ai parlé des jeux Olympiques à Paris, ils ne voyaient pas trop ce dont il s’agissait. Alors, je leur ai montré la photo de la cérémonie d’ouverture avec le bateau contenant l’équipe éthiopienne qu’Aygline m’a envoyée. J’ai cru que ça allait faire une émeute. Mon portable est passé de mains en mains, chacun y allant de son commentaire. Ils étaient si heureux de voir une délégation éthiopienne, si fiers.
Désormais, celui qui gagne la partie de dominos est médaille d’or, le second médaille d’argent. Et ils m’ont demandé de leur apprendre comment dire bonjour en français.
A 18h, je me rends à l’Adoration, Sœur Frances me fait toujours un pouce en l’air à la sortie, elle aime que je sois avec elles à ce moment. Sœur Frances s’occupe des enfants et des Mamans. Elle est d’une grande douceur, elle vient du Rwanda et me dit chaque jour quelques mots de français. J’aime particulièrement son sourire et les mots d’encouragement qu’elle m’adresse au quotidien.
La sœur responsable de la cuisine est venue me remercier, parce que je leur ai fait un gâteau au yaourt vendredi dernier. Elle a été sensible à l’attention, cuisiner pour ceux qui cuisinent pour nous au quotidien, voilà qui les a touchés.
Ce soir, nos 2 volontaires espagnoles nous ont mijoté un plat typique de leur pays. Une excellente tortilla et des avocats. Les médecins sont aller nous chercher du coca cola pour compléter ce menu de fête. Nous nous sommes beaucoup amusés, surtout en devisant à propos de la sœur qui s’occupe de nous. Pas toujours souriante, surtout le matin, mais très disponible. Son nom est Sœur Maria La Salette, et Charles notre irlandais préféré s’adresse toujours à elle en l’appelant « La Salette ». Notamment le matin il la salut en lui disant « Salam la Salette ». Il me fait pleurer de rire ce Charles, brillant chirurgien qui s’apprête à entrer au séminaire, je lui trouve une candeur déconcertante. Toujours prêt à rendre service, toujours à l’écoute, toujours disponible quand on a besoin de lui pour un patient ou une autre. C’est une merveilleuse rencontre, une de plus.
L’ampoule est cassée dans la chambre des filles, je ne veux pas qu’on y touche. Vu la tête du compteur électrique, il ne vaut mieux pas risquer d’accident. On a déjà échappé de justesse à l’incendie. La journée se termine comme elle a commencé, dans le noir.