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[GRÈCE] Le témoignage de Suzanne : "Chaque pan du quartier appartient à une communauté. Les réfugiés se rassemblent en effet, partageant la même langue et récits de vie, se serrant les coudes à plusieurs. J’ai été frappée par le grand sens de la solidarité qui les unit. "

Suzanne nous raconte ses premières impressions au sein du JRS d’Athènes. Elle y est volontaire pour 6 mois et ses missions sont le soutien d’urgence, l’intégration et l’éducation auprès des réfugiés. 


Bonjour à tous !

J’espère que vous allez bien. Que le climat morose et la rentrée des classes en France n’ont pas trop joué sur votre moral. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez toujours venir me voir à Athènes, où nous avons un doux 30 degrés et la plage à quelques heures.

On se fait vite au rythme grec. Tout va tranquillement, il faut prendre son temps. Les gens marchent lentement dans les rues. Un pays où les lettres postées prennent plus de deux mois à arriver à destination.  Un pays où les câbles électriques qui tirent le bus s’emmêlent à cause d’un arbre mal coupé et où le chauffeur descend pour les désemmêler. Un pays où il y a encore une personne au péage pour prendre votre ticket. Un pays où on vous donne trois sacs en plastique et deux tickets si vous achetez une aubergine, plus une paille en plastique pour votre jus d’orange pressé. Un pays où il y a cinq chats de rue pour un habitant. C’est toujours un bazar monstre, du bruit dans tous les sens, une ville en perpétuel mouvement. On ne sait jamais ce qu’il va se passer quand on sort dehors.

Et puis il y a ce savant mélange entre sites antiques bordés d’oliviers, de pins, de cyprès au cœur de la ville et quartiers alternatifs, entre le quartier Keramico pour les athéniens bobos branchés et Exarchia, le quartier anar.  Une sorte de fusion entre Rome et Berlin. […] A trente minutes à pied de chez nous, l’Acropole est mon échappatoire quotidien, ma bouffée d’air […]. Mon endroit préféré, le Parthénon au coucher du soleil par un ciel bleu dégagé.

Je me suis aussi faite à notre quartier. C’est un des plus pauvres d’Athènes (et donc un des moins chers, ce qui permet aux réfugiés de se loger), très sale, beaucoup de misère (prostituées, drogués), quasiment que des hommes dans l’espace public. Chaque pan du quartier appartient à une communauté. Les réfugiés se rassemblent en effet, partageant la même langue et récits de vie, se serrant les coudes à plusieurs. J’ai été frappée par le grand sens de la solidarité qui les unit. Somaliens, afghans, africains, chacun sa rue. Néanmoins, pas de quartier entre communautés.   A Victoria Square par exemple (là où nous faisons des activités sportives et artistiques avec les enfants), la plupart des personnes présentes sont afghanes. […]

👗 En ce qui concerne nos missions comme volontaires, nous avons tout d’abord une permanence au Magazi, magasin qui fonctionne par donation tous les jours.  Nous donnons principalement des vêtements. Nous manquons malheureusement de couches et de lait, alors que c’est ce dont les familles ont le plus besoin. Les couches coûtent en effet extrêmement cher ici, impossibles à acheter pour ces familles souvent nombreuses. C’est toujours une joie quand on arrive à dégoter un beau t-shirt, une barbie pour un enfant et qu’on voit ses yeux s’illuminer. Nous avons principalement des familles afghanes qui viennent nous voir. Le bouche à oreille joue beaucoup, la communauté se passe le mot.  En seconde position, des femmes africaines, de RDC et du Cameroun principalement. A cause du COVID, nous fonctionnons par rendez-vous et nous avons de très nombreuses demandes, il y a un mois d’attente. Beaucoup de personnes se présentent au magasin sans rendez-vous, nous suppliant pour des couches et vêtements pour enfants. C’est parfois dur à gérer car nous devons donner la priorité à ceux qui ont des rendez-vous, qui ont attendu plusieurs mois pour venir. Mais comment ne pas céder devant tant de misère ? Nous faisons du cas par cas, nous les orientons vers d’autres associations….

⚽ Trois fois par semaine, nous allons aussi à Victoria Square, un square pas loin de chez nous. La plupart des personnes présentes sont des afghans. Ils ont des appartements très petits, donc ils passent leurs journées là-bas, dehors avec leurs enfants. Nous venons environ deux heures et nous faisons de la peinture, des balles aux prisonniers, du foot, des parcours sportifs. Les enfants ne parlent pas bien anglais mais on arrive toujours à se faire comprendre. Souvent, un enfant comprend et explique au reste du groupe. Ces enfants ont vécu des choses difficiles lors de leur traversée jusqu’en Europe et le quotidien n’est pas aisé ici en Grèce. On les fait jouer, on leur change les idées. Les voir s’amuser, rire, se défouler, c’est déjà ça ! Cela demande néanmoins une grande patience et beaucoup d’énergie, car en général, nous avons quarante enfants de deux à douze ans à gérer, des sollicitations, des « My friend » dans tous les sens.

Mais on se rend compte que ces enfants sont finalement comme tous les autres enfants. Certains sont timides, d’autres déjà assez charismatiques, jouer à un deux trois soleils, malgré la barrière de la langue marche pour toutes les cultures et en foot Ronaldo est leur idole. On a forcément nos préférés mais on essaie de ne pas le montrer.[…]

Nous distribuons des jus d’orange et des gâteaux à chaque fois. Néanmoins, la distribution de jus d’orange est souvent très compliquée. Les enfants accourent de toute part, les mères aussi, en indiquant qu’elles ont tel ou tel enfant à leur charge qui n’est pas là, qu’il faut leur en donner. Quand les mères s’en mêlent, rien ne va plus, la situation peut vite devenir incontrôlable.  Comme nous n’avons jamais assez de jus, on ne peut pas faire de lignes de distribution, ce qui serait le plus juste. Les volontaires présents depuis plus longtemps m’ont expliquée que dans les camps d’où viennent la plupart, ils ont appris à jouer des coudes pour avoir de la nourriture, donc ils reproduisent ce phénomène ici.