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[GRÈCE] Témoignage de Raphaële " Douceur, patience, sourire, voilà les réponses que nous essayons de leur donner "
Raphaële est volontaire au JRS d’Athènes pour cinq mois. Elle travaille dans l’aide aux réfugiés en dispensant des cours de langue, et faisant de la distribution alimentaire et de vêtements
Suite du 1er témoignage de Raphaële en Grèce : après des semaines de confinement, l’activité reprend à 100 % au JRS d’Athènes !
Au cœur de la mission au Woman Day Center.
Déjà deux mois de mission, cela semble à la fois peu et beaucoup de temps. Cela fera bientôt deux mois que je suis arrivée dans ma mission athénienne. Deux mois, c’est à la fois peu et beaucoup. Après deux mois, on est capables de se repérer dans la ville, de connaître la boulangère du coin de la rue qui nous offre des gourmandises à chaque passage, de nouer un lien avec ses élèves, d’être pleinement à l’aise dans le rythme de vie communautaire, de baragouiner quelques mots de grec.
Je la vis à fond au quotidien, que ce soit au Magazi dans le tri ou le don de vêtements, au Woman Day Center dans le service d’hygiène auprès des familles ou dans la préparation des paniers repas pour des familles dans le besoin, ou lors de mes cours d’allemand et d’anglais hebdomadaires. Mais je découvre encore de nouvelles choses tous les jours. Et c’est d’ailleurs l’avantage de la mission humanitaire : en travaillant au contact d’hommes et de femmes au quotidien, on en apprend tous les jours, tant sur leur culture que sur sa capacité à accueillir la différence de l’autre et à accepter que ses propres références culturelles ne soient pas celles d’autrui.
Nous rencontrons ces hommes et ces femmes aux destins brisés, traumatisés par leurs séjours dans les camps de réfugiés.
Beaucoup quittent les camps au bout de quelques semaines et arrivent ainsi à Athènes, sans le sou. La barrière de la langue est souvent leur principal obstacle, ils se perdent dans les procédures administratives qui se sont d’autant plus complexifiées avec le Covid et peinent à vivre décemment. Le plus dur pour nous, en tant que volontaires, est de ne pas se laisser trop atteindre, car l’on ne peut se permettre de privilégier une personne, une famille par respect pour les autres. L’on se doit d’être équitable et de garder une juste limite avec eux. Mais, dans les faits, c’est difficile. On a tous un cœur et l’on n’a qu’une envie : les aider autant que possible !
Pas plus tard que cette semaine, j’ai rencontré Djamen, une femme congolaise avec son bébé Grace d’un an et demi, vivant à la rue depuis un an. Arrivée 2 ans plus tôt en Grèce, elle a commencé son séjour sur l’île de Kos mais après s’être faite abusée, elle s’est enfuie à Athènes où elle a dû assumer sa grossesse non désirée. J’ai été frappée par la résilience de cette femme, qui comme beaucoup d’autres, semble habituée à recevoir refus sur refus mais qui malgré tout, continue de se battre pour vivre et ne perd pas espoir.
Une autre fois, j’avais assisté au désespoir d’une femme, congolaise également, venue au Woman Day Centre pour bénéficier des conseils de notre assistante sociale Katarina. Accompagnée de ses deux fils, elle tentait de nous expliquer tant bien que mal sa situation. Malheureusement, son français était plus que rudimentaire et je ne parle pas (encore !) le lingala, j’étais donc incapable de faire l’interprète avec Katarina. Nous avons alors dû lui expliquer qu’elle devait se rendre dans une autre organisation dotée de traducteurs en lingala afin qu’elle puisse être véritablement accompagnée. Elle s’est alors écroulée en larmes en nous suppliant de l’aider. Que pouvions-nous faire ? A part la consoler tant bien que mal et lui dire que ça allait bien se passer, nous ne pouvions pas engager une quelconque procédure avec elle. Ces deux exemples sont le reflet de ce qui se passe tous les jours dans nos murs. Nous sommes là, présentes, nous offrons notre plus beau sourire à ces hommes et ces femmes désabusés et nous tentons avec nos petits moyens humains, de les aider comme nous pouvons. Mais ce n’est qu’une goutte d’espoir dans l’océan de malheurs dans lequel nagent ces pauvres gens.
Au cœur de la mission au Magazi.
On en apprend également beaucoup sur les différentes façons de réagir à la souffrance. Pour certains, ce sera le désespoir, pour d’autres, l’agressivité, la violence même. Au Magazi, l’expérience humaine est aussi riche qu’au Woman Day Centre. Inscrites sur notre liste de rendez-vous, les familles défilent au quotidien pour venir chercher les vêtements tant attendus. Pour certains, c’est une véritable distraction, ils apprécient ce moment privilégié où nous les servons et leur proposons plusieurs types d’habits. En effet, ils ne peuvent pas rentrer à l’intérieur du Magazi, Covid oblige.
La barrière culturelle est grande… à nous de nous adapter. […] Pour autant, il est important de ne pas durcir son cœur, que savons-nous de la journée que cette personne a passée, de ce qu’elle a enduré pour arriver ici. Douceur, patience, sourire, voilà les réponses que nous essayons de leur donner. […] On se laisse attendrir par un sourire, un petit bébé mignon à croquer, une maman désespérée. Assez rapidement, on sent l’honnêteté des gens et ceux qui sont le plus dans le besoin sont en général ceux qui demandent le moins et sont les plus reconnaissants.
J’aurais encore des tas de choses à vous dire sur la vie en Grèce, […] sachez en tous cas que tout va bien pour moi !
Je vous embrasse tous et vous porte dans mes prières.
Raphaële