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Interview dans La Vie - Mgr Pascal Gollnisch : “Les Kurdes de Syrie doivent respecter les chrétiens“

 Les débris de la voiture piégée ayant explosé devant l'église syriaque orthodoxe de la Sainte Vierge, à Qamichli, dans le nord-est de la Syrie, le 11 juillet 2019. © MUHAMMAD AHMAD/AFP
Les débris de la voiture piégée ayant explosé devant l’église syriaque orthodoxe de la Sainte Vierge, à Qamichli, dans le nord-est de la Syrie, le 11 juillet 2019. © MUHAMMAD AHMAD/AFP

Ce jeudi 11 juillet, un attentat à la voiture piégée contre une église syriaque orthodoxe a fait une dizaine de blessés dans la ville de Qamichli, dans le nord-est de la Syrie. L’attaque a été revendiquée par Daech, alors que le territoire est actuellement sous contrôle kurde. Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient, dénonce une situation où les chrétiens seraient pris entre le marteau djihadiste et l’enclume kurde.

Que vous inspire ce nouvel attentat contre des chrétiens ?

Tout d’abord, il faut préciser le contexte régional : Qamichli se trouve dans la Mésopotamie syrienne, située à l’est de l’Euphrate. Or, ce territoire, qui se trouve administrée de facto par les Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD), n’a jamais été un « Kurdistan », une région à majorité kurde, comme il en existe en Turquie, en Irak et en Iran. Beaucoup plus nombreux sont les arabophones, parmi lesquels ont trouve une forte minorité chrétienne : des Syriaques catholiques – dont l’évêque est Mgr Jacques Behnan Hindo, à Hassaké – des Syriaques orthodoxes, et des Chaldéens. Sans omettre les Arméniens, catholiques et apostoliques. Cette population, arabophone et arménienne, se retrouve aujourd’hui sous le joug kurde. Que Daech ait voulu viser les chrétiens ne nous surprend pas. En revanche, ce sont les Kurdes qui assurent la force publique sur place. Or, leur désir de créer un territoire kurde homogène les conduit à se retourner contre les arabophones. Nous dénonçons les menaces et les intimidations intolérables que subissent les chrétiens locaux de la part de certains Kurdes.

Quelles sont les rétorsions kurdes que vous déplorez ?

Il y a des écoles chrétiennes qui ont été saccagées ou fermées pour avoir refusé de se plier aux nouveaux programmes scolaires imposés par les autorités kurdes, et des tirs de kalachnikov devant l’évêché d’Hassaké. Certains villages syriaques orthodoxes ont également été vidés de leurs habitants. Ce sont le fait de Kurdes, pas de Daech ! Certes, la mouvance kurde locale est diverse, mais sa responsabilité est engagée. Les Kurdes de Syrie doivent respecter les chrétiens. Je précise qu’il ne s’agit pas d’un problème idéologique ou religieux, mais clanique et territorial.

Doit-on craindre un nouveau conflit entre les Kurdes et la population arabe ?

Si les Kurdes veulent un État indépendant, il y aura une guerre avec les arabophones. S’ils recherchent une autonomie, comme en Irak, ce sera aux autorités syriennes d’en décider, mais il y aura sans doute une possibilité d’entente. Plus profondément, puisque les Kurdes sont alliés des États-Unis et de la France, une des conditions sine qua non de leur soutien devrait être de garantir la sécurité des chrétiens en particulier, et des arabophones en général. La cause des Kurdes est si populaire en Occident qu’elle conduit à ne pas voir ce qui se passe sur le terrain. Les Américains ont utilisé les Kurdes comme fer de lance contre Daech, mais, comme souvent, les alliés choisis par Washington apportent les problèmes du lendemain… Nous respectons la cause des Kurdes, mais ils ne peuvent pas piétiner les autres minorités. En fermant les yeux sur cette situation, on prépare le pire.