• Actualités

Terre Sainte : l’action de la France en faveur du patrimoine chrétien

par M. Yves Teyssier d’Orfeuil

[Cet article a été publié à l’occasion de la soirée du Patrimoine à l’Institut du monde arabe en février 2014].

L’aide de la France se traduit de plusieurs façons :

1) LES ACCORDS DE PROTECTION

En vertu de traités internationaux, la France protège jusqu’aujourd’hui des communautés religieuses en Terre Sainte. Ce rôle de la France est l’héritage d’une longue histoire qui remonte à 1535 lorsque François 1er signe les premières capitulations avec le Sultan Soliman le Magnifique. […]

Les relations sont tendues avec l’Église catholique à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, avec la rupture des relations avec le Saint-Siège (1904) et la loi de séparation entre les Églises et l’État (1905), ce qui n’empêche pas la France réaffirmer son « protectorat catholique» en Orient, en concluant les accords de Mytilène (1901) et de Constantinople (1913).

En vertu du principe de succession d’État, ces accords signés avec l’Empire ottoman ont été confirmés par Israël (accords Chauvel/Fischer de 1948/49) et par l’Autorité palestinienne en 1997. Ces accords favorisent les communautés religieuses ainsi que leurs établissements éducatifs ou sanitaires : écoles (qui enseignent le français), orphelinats, hôpitaux, etc. On a compté jusqu’à 132 établissements français sous protection de la France.

Eleona ou Pater Noster

Les accords de Mytilène et de Constantinople accordent des privilèges fiscaux et douaniers pour ces communautés. C’est en ce sens que ces accords, bien qu’indirectement, joue un rôle important pour le patrimoine chrétien en Terre Sainte.

Grâce à ces accords, plusieurs établissements religieux ont pu survivre jusqu’aujourd’hui. Ces accords ont pu permettre également d’écarter ces établissements du risque d’expropriations que d’autres communautés ont pu connaître.

En contrepartie de ces accords, la France bénéficie de certains privilèges : le Consul général de France à Jérusalem est le seul diplomate à bénéficier lors de sa prise de fonctions d’une « entrée officielle au Saint Sépulcre », une cérémonie ritualisée et particulièrement visible avec l’entrée solennelle dans la vielle ville de Jérusalem. Cette protection de la France se traduit également par des messes consulaires au cours desquels le consul général de France reçoit les honneurs liturgiques et où l’on prier pour la République : « Seigneur, sauve la République et exauce-nous en ce jour où nous t’invoquons ».

2) LES DOMAINES NATIONAUX

La France est la seule puissance étrangère à posséder des biens fonciers dans et autour de Jérusalem. Elle dispose de 4 domaines nationaux, trois relèvent du patrimoine chrétien et un quatrième du patrimoine israélite.

Abou Gosh Ascension

Les trois domaines nationaux chrétiens sont :
• Le domaine de l’Eléona, sur le Mont des Olivier, face à la vieille ville de Jérusalem, que l’on appelle aussi le Pater Noster
• Le domaine Sainte-Anne dans la vielle ville de Jérusalem
• L’abbaye d’Abou Gosh à proximité de Jérusalem en direction de Tel Aviv
Le tombeau des Rois, qui relève du patrimoine israélite, situé à Jérusalem-Est, a été offert à la France par les frères Pereire en 1886 «pour le conserver à la science et à la vénération des fidèles enfants d’Israël» ; il s’agit du tombeau d’une reine de Mésopotamie, la reine Hélène d’Adiabène, convertie au judaïsme au premier siècle : son sarcophage est exposé de façon permanente au musée du Louvre depuis 2012. Le tombeau est important pour la communauté juive car il est un des rares vestiges de la ville de Jérusalem avant sa destruction par Hadrien en 135.

Ces domaines nationaux ont plusieurs points communs :

• Ils sont devenus domaines nationaux dans la deuxième moitié du XIXème siècle.
• Ce sont des lieux magnifiques, l’Elélona par sa situation sur le Mont des Oliviers, Sainte-Anne et Abou Gosh car il s’agit des deux plus belles églises croisées de Terre Sainte
• Ce sont des lieux saints, qui font partie des circuits pour les pèlerinages en Terre Sainte.
• Ces sites reçoivent la visite de plus de 300 000 pèlerins chaque année.
• Ces trois domaines chrétiens sont confiés de longue date à des communautés religieuses qui animent la dimension spirituelle des lieux et assurent l’accueil des pèlerins. A l’Eleona sont présents les carmélites et les Pères Blancs, à Sainte-Anne les Pères Blancs, à Abou Gosh les bénédictins olivétains (fondée par l’abbaye du Bec Hellouin).
• Ces lieux sont gérés par le consulat général de France, en coordination étroite avec ses communautés religieuses, et sous la supervision du conservateur en chef du patrimoine en charge des domaines français à l’étranger au ministère des affaires étrangères. […]

3) LA BASILIQUE DE LA NATIVITÉ

Basilique de la Nativité
Basilique de la Nativité

La basilique de la Nativité est un lieu exceptionnel à plusieurs titres.

– C’est un lieu saint éminent pour le christianisme puisqu’il s’agit du lieu de la naissance du Christ.

– C’est aussi une des plus anciennes églises du monde. La première basilique a été construite sous Constantin dans les années 330 (on en voit les mosaïques / fondements dans la nef), puis reconstruite par Justinien au VIème siècle.

– C’est la plus ancienne église chrétienne utilisée quotidiennement pour le culte.

– C’est aussi un des lieux les plus visités de Terre Sainte ; 2 millions de pèlerins chaque année.

Une situation religieuse complexe : A qui appartient la basilique de Nativité ?

L’église de la Nativité est gérée conformément aux dispositions du Statu Quo des lieux saints qui remonte à 1852. […]Des querelles entre moines à coup de balais, ont eu lieu à plusieurs reprises, les dernière fois en 2007 et 2011, entre moins arméniens et grecs orthodoxes.

Basilique de la Nativité
Basilique de la Nativité

En ce qui concerne la basilique de la Nativité, le Statu Quo (entériné par un traité international, le traité de Berlin en 1878) ne précisait pas à qui appartenait le plafond de la basilique. D’où les difficultés à se mettre d’accord pour la restauration de la toiture. […]

La basilique au cœur de l’actualité diplomatique internationale

La Palestine a été admise à l’Unesco en octobre 2011. L’UNESCO a été la toute première organisation onusienne à avoir accepté la Palestine en son sein. Cette admission à l’UNESCO a été suivie du retrait des États-Unis et d’Israël de cette organisation. La demande de classement en urgence de l’église de la Nativité au patrimoine mondial de l’humanité est la première démarche officielle entreprise par l’Autorité palestinienne depuis son admission à l’UNESCO. L’inscription au patrimoine mondial intervient très peu de temps après l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO, dès le 29 juin 2012, selon une procédure d’urgence motivée par le fait que la structure du toit est devenue extrêmement vulnérable. Procédure d’urgence qui a engendré une certaine polémique.

La décision de l’UNESCO s’étend à la basilique elle-même ainsi qu’aux couvents grecs orthodoxes, latins, arméniens, et la route de pèlerinage dans la vielle ville de Bethléem. La décision consacrait en quelque sorte la position de la Palestine au sein de l’UNESCO. Et en novembre 2012, la Palestine devient État non membre des Nations unies.

Les Églises concernées n’étaient pas particulièrement favorables à cette implication de l’Autorité palestinienne qui résultait de ce classement au patrimoine mondial. […]

La France, premier contributeur étranger, a versé 200 000 euros au fonds pour la réparation du toit de l’église de la Nativité (viennent ensuite Russie, Espagne, Hongrie). […]

Il ne reste plus qu’à espérer que les poutres qui vont être installées par les Italiens tiendront aussi longtemps que celle du XVème et du XIIIème siècle qui ont tenu jusqu’aujourd’hui.


Pour lire la totalité de l’article cliquez ici

Retrouvez toutes les interventions au cours de nos soirées Patrimoine des chrétiens d’Orient  à l’Institut du monde arabe