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Le plus jeune chef de l’Eglise chrétienne en Ukraine : Mgr Sviatoslav Shevchuk

Le pape Benoît XVI n’a pas été long à reconnaître le nouvel archevêque majeur de Kiev et de Galicie, Mgr Sviatoslav Shevchuk (prononcer Shevtchouk).

Le 25 mars, deux jours après son élection par le synode des évêques de l’Eglise grecque catholique d’Ukraine (EGCU) réunis à Lviv, le Saint Siège a accordé sa confirmation au nouveau chef de la principale Eglise catholique orientale dans le monde. Son élection a été proclamée le 27 mars à l’issue de la liturgie qui s’est déroulée en présence de 60 archevêques à la cathédrale de la résurrection du Christ à Kiev.

Plusieurs milliers de personnes ont crié « axios », « il est digne », pour manifester selon la tradition orthodoxe leur assentiment du choix réalisé par les évêques. La liturgie a été retransmise en direct par deux chaînes de télévision nationale. L’Eglise grecque catholique ukrainienne accorde à Mgr Sviatoslav le titre de patriarche et le désigne « blajenishe », c’est-à dire « votre sainteté ». Mgr Sviatoslav devient à 41 ans le plus jeune chef d’Eglise chrétienne en Ukraine. Il a déjà reçu des messages de félicitations du président ukrainien Victor Yanoukovych, de Youlia Tymoshenko, leader du parti Byut, et de plusieurs hiérarques parmi lesquels le patriarche Philarète de l’Eglise orthodoxe-patriarcat de Kiev.

Ce tournant important dans l’histoire religieuse de l’Ukraine vient de l’initiative du cardinal Lubomyr Husar qui en 2010 a demandé au pape Benoît XVI de le relever de ses responsabilités d’archevêque majeur en raison de son grand âge (78 ans) et de ses difficultés de santé (perte totale de la vision). Sa requête a été acceptée par le pape en février de cette année.

Cette proposition inédite de transfert d’autorité du vivant d’un chef d’Eglise trouve son fondement biblique selon Michel Dymyd dans l’épisode de la transmission du manteau d’Elie. Lorsque Elisée, disciple du prophète Elie, apprend que celui ci va partir, il lui demande de recevoir « une double part de son esprit » (2 Rois 2, 9). Alors qu’Elie est enlevé sur un char de feu, Elisée reçoit le manteau de son maître sur les épaules et est investi de la mission prophétique du maître et de ses pouvoirs. Dans la tradition le manteau est le symbole juridique de l’adoption : poser un manteau sur les épaules d’un homme équivaut à le reconnaître, à l’adopter. La première photo officielle du nouveau patriarche Sviatoslav Shevchuk le représente à ce titre avec ses insignes (la crosse, la croix, la panaguia : icône de la Vierge en médaillon) et son manteau (cf photo) [2].

BIOGRAPHIE

Mgr Sviatoslav Shevchuk est né le 5 mai 1970 à Stryj dans la région de Lviv.

L’Eglise grecque catholique étant à l’époque interdite par le pouvoir soviétique, il a connu grâce notamment à sa grand-mère l’expérience apostolique de la résistance contre un pouvoir hostile à la foi chrétienne.

Membre de l’Eglise des catacombes, il choisit après avoir fait son service militaire dans l’armée soviétique à faire ses études de philosophie et de théologie au Centre Don Bosco de Buenos Aires.

En 1991 grâce à la légalisation de l’Eglise grecque catholique survenue avec la chute de l’URSS, il retourne en Ukraine pour faire partie de la première promotion des séminaristes de son Eglise à Rudno dans la banlieue de Lviv. Le 21 mai 1994 il devient diacre et le mois suivant c’est le patriarche Myroslav Ivan Lubatchivsky qui l’ordonne à la prêtrise.

 

UN THEOLOGIEN BRILLANT

Considéré comme l’un des théologiens les plus brillants de sa génération, il est envoyé à la faculté pontificale Saint Thomas d’Aquin (l’Angelicum) à Rome pour poursuivre ses études en théologie morale.

En un temps record (1994-1999) il obtient sa licence canonique puis son doctorat en théologie. C’est à Rome que le père Sviatoslav découvre la tradition spirituelle orientale dans toute sa profondeur grâce notamment à sa découverte de l’anthropologie du théologien orthodoxe Paul Evdokimov à qui il consacre sa thèse de doctorat. Au cours de ses études il part également quelques mois en Grèce où il sert une paroisse ukrainienne et découvre l’œuvre des théologiens grecs contemporains.

Le père Sviatoslav dispose d’une culture encyclopédique et parle librement l’italien, l’anglais, l’espagnol, le polonais et le russe. Dès 1999 il retourne en Ukraine et devient préfet du séminaire du Saint Esprit de Rudno. Avec son recteur le père Bogdan Prakh et le père Borys Gudziak, recteur de l’université catholique d’Ukraine, et grâce à l’appui financier de donateurs allemands et français de nombreuses organisations caritatives, il construit à Lviv le plus grand séminaire catholique en ex-URSS. Il en devient son recteur en 2007. Il est également professeur, puis vice-doyen de la faculté de théologie de l’Université catholique d’Ukraine, seule université chrétienne sur un territoire qui s’étend de la Pologne au Japon. Hors les centaines d’étudiants et de séminaristes qu’il dirige chaque année (il a la réputation d’être particulièrement exigeant lors des examens !), il se consacre à la publication d’un nouveau catéchisme de l’Eglise grecque catholique d’Ukraine, catéchisme qui veut être une synthèse des deux traditions catholique-latine et byzantine-orthodoxe. En 2004-2005 il est le secrétaire de la curie du patriarche Lubomyr Husar, période au cours de laquelle il prépare le transfert du siège patriarcal de Lviv à Kiev. Le 14 janvier 2009, sur proposition du synode grec catholique ukrainien, Benoît XVI accepte son élection à l’épiscopat. Il part dès le mois suivant à Buenos Aires comme évêque auxiliaire de l’éparchie de Sainte Marie. Depuis le 10 mars 2010, il était administrateur apostolique de cette éparchie.

Le 27 mars 2011, il est élu Archevêque Majeur pour l’Eglise Grecque Catholique d’Ukraine

Article de Antoine Arjakovsky, le 27 mars 2011

Antoine Arjakovsky est directeur de l’Institut d’études œcuméniques de Lviv. Il est l’auteur du livre récemment publié : En attendant le concile de l’Eglise Orthodoxe, Paris, Cerf, 2011. Il a également un livre d’entretiens avec le cardinal L. Husar, Vers un christianisme post-confessionnel, Paris, Parole et Silence, 2006.

 

[2]. Alors qu’Elie est enlevé sur un char de feu, Elisée reçoit le manteau sur les épaules et est investi de la mission prophétique du maître et de ses pouvoirs. Il réitère d’emblée les gestes de ce dernier affirmant ipso facto sa filiation : il roule le manteau comme un bâton et frappe les eaux du Jourdain comme son prédécesseur l’avait fait pour pouvoir passer. Les maîtres soufis de même couvrent de leur manteau leurs disciples avant de commencer leur enseignement, ils leur confèrent ainsi leurs pouvoirs et signifient qu’ils les acceptent comme élèves. Le manteau est également par voie d’identification le symbole de celui qui le porte. Donner son manteau c’est se donner soi même. Lorsque St Martin coupe son manteau pour le donner à un mendiant, c’est le don de sa personne qu’il effectue et dont le Christ le remercie par la suite. St François d’Assise fera aussi le don de son manteau à un mendiant. http://www.ordre-de-lyon.com/martinisme/manteau.htm