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[LIBAN] Témoignage d'Edith : "Ce sont les moments comme ça, qui construisent la vie à Anta Akhi, des « je t’aime », « tu me manques » et des moments de grâce, tous particuliers."

Edith, étudiante en médecine est en mission pour une durée d’un an à Anta Akhi auprès des personnes souffrant de polyhandicaps au Liban.


Etonnement

Quand je suis arrivée au Liban, certaines choses m’ont surprise: le manque d’entretien des infrastructures, le mélange éclectique des très riches et des très pauvres, la division marquée des territoires entre les religions et la conduite assez dangereuse des automobilistes. Tout ça, je m’y habituerai, je comprendrai, je l’espère, l’histoire et les raisons. Mais ce qui m’a le plus touchée, c’est l’accueil et la générosité des Libanais. C’est d’autant plus remarquable en ces temps de crise économique et sanitaire. Pendant nos 15 jours de «confinement » après l’arrivée au Liban, une visite au nord nous a été proposée. Louis-Marie (un autre volontaire français arrivé à la même date) et moi sommes donc partis la journée avec Fady, le chauffeur et Danielle, une maman de maison (qui s’occupe du ménage dans un étage). Nous avons découvert non seulement des paysages magnifiques mais aussi l’impossibilité de dire non à des Libanais qui veulent partager et donner. Je ne pouvais m’empêcher de penser au passage de l’Évangile qui décrit la femme qui puise dans son nécessaire pour donner. C’est ce que nous avons vécu ce jour-là et je ne veux vraiment pas m’y habituer.

 La vie à Anta Akhi 

En tant qu’accompagnatrice, je m’occupe de 2 jeunes quotidiennement. Être accompagnateur, c’est quoi ? ce n’est pas seulement être une sorte d’auxiliaire de vie, comme un simple accessoire que l’on met de côté lorsqu’on en a plus besoin, c’est créer du lien, et échanger avec le cœur.

Parfois, le lien se fait immédiatement, comme avec Samo ou Aida, qui ont tellement d’amour à donner qu’elles en rayonnent. Ces 2 sœurs sont atteintes d’un handicap à la fois physique et mental, mais même avec la barrière de la langue, elles arrivent tout à fait à se faire comprendre et à mener au doigt leur petit monde. Par un « Sophie ! » (Nom qu’elle utilise pour tous les volontaires français, que ce soit des hommes ou des femmes) et un petit geste de la main, Aida peut te demander de l’eau, d’aller vers un de ses coloriages pour t’apprendre à dire les couleurs en arabe, ou même de jouer avec elle au Memory!

En parlant de la langue, est-ce vraiment une barrière ? Je m’explique : un des grands avantages à être au Liban, c’est que depuis qu’ils sont tous petits, les Libanais apprennent 3 langues : l’arabe, le français et l’anglais, ce qui permet un contact plutôt facile. Les autres accompagnateurs parlent pour la majorité, très bien le français. Pour ce qui est des chabibeh ( jeunes handicapés en libanais), c’est plus mitigé, mais la majorité comprend et parle quelques mots de français, et quelques-uns peuvent converser sans souci !Mais quand on est dans la création de lien et dans l’échange d’amour, la parole aide, mais elle n’est pas essentielle. Parfois, il suffit juste d’avoir un déclic, une nouvelle attitude, pour que la relation change.

C’est ce qui s’est passé avec Marianne. Marianne est assez autonome et peut réaliser beaucoup de gestes de la vie quotidienne par elle-même, mais ne parle que très peu le français. J’avais essayé plusieurs fois d’initier le contact par quelques paroles et des gestes, mais elle restait très réservée. Un jour, je ne sais pas ce qu’il y avait de différent, mais nos 2 cœurs étaient là, disponibles, et la relation s’est mise en place naturellement. Je lui ai pris les mains et on a dansé, elle s’est ouverte comme une fleur avec son beau sourire, d’autant plus précieux par sa rareté. Puis dans un moment qui m’a mis une flèche en plein cœur, elle m’a embrassé les mains.

Ce sont les moments comme ça, qui construisent la vie à Anta Akhi, des « je t’aime », des « tu me manques » et des moments de grâce, tous particuliers. Ce sont des prières quotidiennes et des chapelets vers les êtres aimés. Ce sont aussi des câlins à distance avec la frustration de ne pas pouvoir se serrer dans les bras. Et encore et toujours, ce sont des multitudes de sourires même si on ne les voit que dans les yeux.