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[CULTURE] Madaba, tout y exprime le christianisme

Se rendre à Madaba, déjà présente dans les premiers livres de la Bible, c’est revenir aux sources de notre histoire religieuse plurimillénaire. Ce haut-lieu de la Terre sainte est notamment connu pour sa carte mosaïque du VIe siècle.


Un peu d’histoire

En 395, l’empereur Théodose divisa la Palestine en trois provinces : Palestine I, Palestine II et Palestine III (ou Province d’Arabie). La Palestine III comprenait le Naqab, une partie du Sinaï, l’Araba et la partie sud de la province d’Arabie jusqu’à Mojeb. Les villes les plus importantes de la province étaient Macawer, Madaba, Husban, Amman, Jerash et Basra. La domination romaine s’étendit et la partie orientale de l’empire fut appelée byzantine d’après Byzantium (Constantinople) qui devint la nouvelle capitale en 330. Madaba est restée dans la province d’Arabie, même pendant la domination arabe puisque cette division a duré jusqu’au Xe siècle.

L’histoire mentionne six des évêques arabes, dont l’évêque de Madaba, ayant assisté au Concile œcuménique tenu en 325 à Nicée, en Asie Mineure.

 

Madaba dans la Bible

Au XIIe siècle avant J.-C., après avoir quitté l’Égypte et séjourné quarante ans dans le Sinaï, les Hébreux se sont dirigés vers le sud de la Jordanie et ont envoyé des messagers à Sihon, roi des Amorites de Moab, pour lui dire : « Laisse-moi traverser ton pays. Nous ne passerons pas dans les champs ni dans les vignes. Nous ne boirons pas l’eau des puits. Nous irons par la route royale jusqu’à la frontière » (Nombres 21:21-2). Sihon refusa de les laisser passer sur son territoire, il rassembla son peuple et alla les combattre. Israël le tua par l’épée : « Nous les avons percées de flèches ; de Heshbon jusqu’à Divon, tout a péri ; nous avons ravagé jusqu’à Nopha tout ce qui s’étend jusqu’à Madaba » (Nombres 21 :30). C’est la première mention de Madaba dans la Bible, un mot araméen qui signifie « eaux calmes » ou « eaux fruitées ».

Le Livre de Josué mentionne que Madaba et ses environs ont été attribués à Ruben : « Leur territoire s’étendait depuis Aroer, qui est sur la rive de l’Arnon (Al Mojeb), et la ville qui est au milieu du ravin, et toute la plaine près de Madaba… Tel fut l’héritage des fils de Ruben, selon leurs familles, leurs villes et leurs villages » (Josué 13, 16-23).

 

L’amour de Madaba pour Jésus : la carte mosaïque

La carte en mosaïque de Madaba, dans l’église orthodoxe, est la plus ancienne carte illustrée de Palestine, de Jordanie et d’Égypte mentionnant les noms des villes et des rivières historiques. Les chercheurs pensent qu’elle a été réalisée dans la seconde moitié du VIe siècle en raison de la forte ressemblance avec celle de l’église des Apôtres réalisée par l’artiste Sulaiman. En outre, elle mentionne la nouvelle église de la Vierge Marie à Jérusalem, inaugurée par Justinien en 543. Cette église est le dernier bâtiment figurant sur la carte, ce qui implique que celle-ci a été réalisée vers 565.

Les images semblent toutefois avoir été modifiées. Les vandales ont détruit l’image des quatre marins et des passagers dans la mer Morte, ainsi que le lion chassant le cerf dans le désert de Moab. Cette destruction a eu lieu sous le règne du calife omeyyade Omar ben Abdulaziz (717-20), ce qui signifie que l’église était utilisée pour les prières des croyants chrétiens avant la destruction. La carte a été découverte par hasard lorsque la construction de l’actuelle église orthodoxe a été lancée. Malheureusement, de précieuses mosaïques ont été détruites et ne peuvent être remplacées.

La carte montre la Palestine, la Jordanie et une partie des pays voisins, c’est-à-dire l’Égypte et le sud de la Syrie. Il s’agit de la carte sacrée de la Jordanie, réalisée selon la Bible et la Torah. Elle mentionne les fils de Jacob et fait de Jérusalem son centre. Elle nomme de nombreux lieux bibliques, notamment ceux du Livre de Jean et donne des informations sur l’époque byzantine.

La topographie des montagnes, des mers et des rivières,  les images d’hommes, de bateaux, d’animaux, de poissons et de plantes représentées lui donnent un aspect vivant. L’artiste souligne les principales caractéristiques des villes. Par exemple, à Jérusalem, en plus de l’église de la Résurrection, il inclut la porte de Jérusalem et les deux routes principales. À Lod, il montre la cour ovale, tandis qu’à Karak, il dessine le haut rocher ainsi que de nombreuses églises. À Alzara, il dessine les marécages et les barrages et sur le Jourdain, il montre deux gués.

 

La situation actuelle de Madaba

Le gouvernorat de Madaba compte 200 000 habitants. Depuis la crise syrienne, environ 30 000 Syriens s’y sont réfugiés. Même si le nombre de chrétiens reste important, il a diminué en raison de l’émigration de familles vers Amman ou d’autres villes pour trouver du travail et une vie meilleure.

À Madaba, il existe une mosaïque de sites chrétiens remarquables : l’église de la décapitation de Saint-Jean-le-Baptiste, affiliée au patriarcat latin de Jérusalem, construite il y a plus de 100 ans et l’une des plus anciennes paroisses de Jordanie, l’église melkite catholique et bien sûr l’église orthodoxe, des églises archéologiques, le Mont Nebo (dans le gouvernorat)… qui en font l’une des premières destinations du pays ; la Ligue arabe l’a d’ailleurs élue « ville arabe du tourisme 2022 ».

Le tourisme religieux est un vecteur important de notre développement économique. Nous regardons vers l’avenir de Madaba comme nous regardons vers l’avenir de la Jordanie, avec confiance.

 


Père Rifat Bader, Ph. D. Directeur du Centre catholique pour les études et les média de Jordanie

La source principale de cet article, en particulier les informations historiques et archéologiques, est le livre de Mgr Salim Sayegh, évêque émérite des Latins en Jordanie : The Christian Antiquities in Jordan (1995).

Article extrait du Bulletin n°810.

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