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Moyen - Orient : Les chrétiens fragilisés

Gregorios III : « Les chrétiens sont très fragilisés devant les crises et devant les révolutions sanglantes. Ils en seront les premières victimes »

Depuis Damas, siège du patriarcat d’Antioche des Grecs-Melkites catholiques et l’une « des villes les plus importantes pour la présence chrétienne dans le monde arabe », Sa Béatitude Gregorios III, patriarche d’Antioche et de tout l’Orient d’Alexandrie et de Jérusalem, dans une lettre adressée aux principaux chefs d’Etat d’Europe et d’Amérique, tire la sonnette d’alarme.

Le patriarche souligne la fragilisation extrême de la situation des Chrétiens d’Orient, en particulier ceux du territoire patriarcal.

Reprenant ses propos aux ambassadeurs de ces pays reçus le 22 mars dernier, Gregorios III écrit : « … Peu de chaînes de télévision et peu de médias font le lien entre les révolutions dans le monde arabe et le conflit israélo-palestinien. Ce conflit, à mon avis, a un grand impact sur ces révolutions sanglantes […]Si ce conflit n’est pas résolu, il y a un grand danger pour cette présence [chrétienne au Proche-Orient] menacée par des facteurs démographiques (diminution des naissances) et politiques ; notamment du fait des tensions qui pèsent sur les petites communautés chrétiennes. D’où l’importance de la paix, surtout pour les pays du Moyen-Orient et pour la Syrie en particulier, où il y a une convivialité réelle parmi tous les habitants du pays. […] Si vous voulez voir encore des chrétiens en Terre Sainte, au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Irak, en Egypte et dans les pays du Golfe … faites la paix ! Arrêtez les implantations israéliennes, surtout en Cisjordanie, qui est reconnue internationalement comme territoire palestinien ! Chez nous, chrétiens et musulmans des pays arabes, des laïcs aux Patriarches, se demandent pourquoi on impose des sanctions contre nombre de pays, comme la Syrie, l’Irak, l’Iran, et jamais une sanction ne touche Israël. Tout cela alimente le fondamentalisme, l’extrémisme, et se retourne même contre nos chrétiens, surtout en Irak et en Egypte. »

Citant un « ambassadeur d’un grand pays arabe très conservateur » – « ce dont a besoin notre monde arabe, c’est une évolution, et non pas la révolution »

– le patriarche poursuit et affirme : « Nos pays arabes ne sont pas préparés pour les révolutions, ni même pour la démocratie selon le type et le modèle européens. Et cela à cause de leur structure sociale, religieuse et démographique, et de leur pluralisme très diversifié et ramifié. […] C’est pour cela que je lance de nouveau un appel à nos amis, les Chefs d’Etat et de gouvernement, en particulier ceux de l’Europe, des Amériques et d’ailleurs : demandez aux Chefs d’Etat des pays arabes, exigez d’eux qu’ils œuvrent pour le vrai développement ! Exigez d’eux un plan clair et courageux ! Mais n’encouragez pas les révolutions ! »

« Quelles sont les perspectives après les révolutions ? » s’interroge Gregorios III avant d’affirmer :

« Le chrétien, en particulier, est très fragilisé devant les crises et devant les révolutions sanglantes. Les chrétiens seront les premières victimes de ces révolutions, en Syrie surtout, mais aussi dans les autres pays arabes. Une nouvelle vague d’émigration suivra aussitôt. Nous en avons l’expérience.

Au Liban, après la guerre de 2006 et entre 2006 et 2010, un million de Libanais ont émigré… D’où cet appel urgent, clair, franc et pressant qui jaillit du cœur d’un pasteur très engagé chrétiennement et socialement. C’est un appel fondé sur notre foi chrétienne. Nous, chrétiens, nous voulons être des agents de paix… Cet appel est fondé sur notre grand souci de l’unité nationale, dans chaque pays, sur notre foi et notre conviction que l’avenir est fondé sur le dialogue, la solidarité, le développement des mentalités, la formation civique, et non pas sur les révolutions, le sang, la violence, le chaos, le désordre souvent armé et fondamentaliste. L’expérience de l’Irak a coûté très cher aux Irakiens et en particulier au petit troupeau des chrétiens de ce pays et à son unité. » Le patriarche conclut sa lettre d’une part en énumérant les quatre points « dont nous avons besoin » :

  • 1 – La solution du conflit israélo-palestinien et la reconnaissance de l’Etat palestinien ;
  • 2 – La paix durable, globale et juste ;
  • 3 – La stabilité et la sécurité ;
  • 4 – Le développement social.

en affirmant haut et fort : « Nous voulons rester chez nous, dans ces pays arabes, qui sont le berceau du christianisme. Comme nous l’a enseigné notre Maître, Sauveur et Seigneur Jésus-Christ, nous voulons être lumière, sel et levain dans la pâte de notre monde, avec ce monde et pour ce monde. »