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Moyen-Orient : "les révolutions trouvent leurs racines dans les idées des lumières arabes au XIXe siècle,

Parler des chrétiens d’Orient correspond à parler de réalités très diverses liées aux pays où ils existent, et dépendant de rapports différents qu’ils ont avec les pouvoirs en place.

Actuellement, on peut percevoir une dynamique historique qui leur est défavorable, et la diversité géopolitique de leurs communautés nous place devant des cas bien différents.

Par exemple, le Liban est un pays créé par et pour les chrétiens où ils eurent une place prépondérante dans la vie politique. Cependant, dans la période de l’après guerre, il y a eu une évolution du pouvoir chrétien vers les communautés chiite et sunnite ; et après 2005, avec le retrait de la Syrie, une situation de polarisation a pris place au sein dans la communauté chrétienne.

Quant au cas de l’Iraq, il y existe une Église très ancienne et enracinée mais dont la présence s’érode. Le tournant crucial fut l’intervention américaine, après laquelle la situation, du moins démographique, des chrétiens d’Iraq, connut une dégradation nette. C’est un pays où les chrétiens sont attaqués en tant que chrétiens.

Entre ces deux cas opposés se situe l’Égypte par exemple. On y trouve une Église très ancienne et à la base de l’élaboration du nationalisme égyptien. Cependant, ce pays est un cas emblématique de ce qui se passe avec les autres communautés chrétiennes de la région où il faut faire un choix très difficile entre un pouvoir autoritaire et liberticide, et une contestation du pouvoir à caractère islamique. Dilemme extrêmement difficile que les révolutions actuelles mettent cruellement en lumière.

Quant à la problématique de la Syrie, elle est semblable quelque part à celle de l’Iraq de Saddam où existait l’illusion d’une sécurité protectrice et laïcisante. Il faut l’admettre, des bénéfices économiques assez conséquents résultèrent du fait de l’alliance entre la bourgeoisie chrétienne et la classe des nouveaux riches issus de ce pouvoir. Il y a un pacte autoritaire entre une grande bourgeoisie qui accepte de déserter le champ politique au profit de la prospérité et d’une protection que lui confère un pouvoir dont les valeurs sont assez éloignées des valeurs que porte cette bourgeoisie. C’est ce pacte qui s’effondre en Iraq et en Syrie avec les révolutions arabes. Cela met en exergue des questions qui n’ont jamais été résolues dans la région, comme celles des droits des individus, de la définition de l’identité nationale, de la place du religieux dans la cité, du lien entre le citoyen et l’État, etc.


Il faut retenir trois points de ce survol :

  • 1. Il existe un rapport ambigu avec l’Occident perçu par certains chrétiens d’Orient comme responsable de ce que subissent les communautés chrétiennes, en raison de l’expérience coloniale.
  • 2. Plusieurs genres de postures politiques sont en place : régime confessionnel, panarabisme ou projets du repli communautaire.
  • 3. On néglige la dimension économique et sociale en oubliant la dégradation des classes moyenne, la déruralisation et les phénomènes de monopolisation économique.

Bahout poursuit son analyse en soulignant qu’il ne sert pas à grand-chose de nier l’existence d’une image de chrétiens d’Orient liés aux régimes totalitaires. Le tout est de savoir pourquoi cette image existe et quelle est la raison de ce réflexe auto-défensif.

Indéniablement, les quarante dernières années ont été relativement stables, sous l’égide des régimes autoritaires, stabilité accompagnée d’une prospérité, et déployée sous la forme d’un État plus ou moins sécularisé, où les chrétiens avaient leur place.

Avec les révoltes arabes, la situation a complètement changé :

  • Il y a une crainte que le cycle ouvert entre violence et stabilisation dure longtemps. Il est normal que dans le cadre de ce cycle là, des communautés qui sont déjà fragilisées se sentent en insécurité.
  • Le vecteur de ces révoltes arabe est porté par la composante islamique.
  • La perception qu’ont ces communautés de l’Occident a changé. Celui-ci a été tellement cynique et s’est accommodé des régimes autoritaires, des violations diverses, notamment aux droits de l’homme, au nom des intérêts qui firent certaines fois très peu de cas de la présence chrétienne en Orient. Les chrétiens d’Orient considèrent l’Occident comme un grand frère et se trouvent lâchés en Irak.

Enfin, le conférencier finit sur une note d’espoir en rappelant que ces révolutions trouvent quelque part leurs racines dans les idées des lumières arabes du XIXe siècle, et qu’il faudrait retrouver ce fil là et le cultiver. C’est peut-être ce que font certains chrétiens au Liban, en Syrie et en Égypte.

L’autre signe d’espoir est le fait que ces régimes auxquels les chrétiens ont prêté des vertus protectrices, sont en train de trahir toutes les valeurs chrétiennes ou humaines, et c’est peut-être le moyen de solder le lien noué pendant des décennies entre ces régimes et les communautés chrétiennes.