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Pour Mgr Gollnisch, la reconstruction prendra du temps en Irak

Le Saint-Père a formulé le vœu de se rendre en Irak l’an prochain. Le directeur général de l’Œuvre d’Orient voit dans ce souhait «l’intérêt constant» du Pape pour les chrétiens d’Orient et «sa souffrance» pour des chrétiens «durement éprouvés» par la guerre. Mgr Pascal Gollnisch revient pour nous sur la lente reconstruction du pays.

Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican

Il n’y a pas de recensement officiel. Les chiffres sont donc à relativiser, prévient Mgr Gollnish. Ces derniers restent néanmoins saisissants. Avant l’invasion américaine de 2003, l’Irak comptait une des plus importantes communautés chrétiennes du Moyen-Orient. Ils étaient 1,5 million à y vivre. Leur présence dans le pays est séculaire. Ils y habitent depuis plus de 2000 ans. Mais des années de guerre, l’arrivée de Daesh et la domination que le groupe de djihadistes instaura en 2014, notamment dans la plaine de Ninive, les poussèrent à l’exil. Depuis 1990, 80% de la communauté a fui le pays, estime l’Œuvre d’Orient. Les chrétiens irakiens seraient moins de 300 000 à résider aujourd’hui dans leur patrie. La plupart seraient toujours déplacés au Kurdistan irakien.

Une renaissance progressive

Il a fallu trois ans à l’armée irakienne et à ses soutiens locaux ou étrangers pour venir à bout de Daesh. Aujourd’hui, les blessures de la guerre sont partout. Mgr Gollnish, peut-être par pudeur, n’évoque pas les plaies immatérielles. Il parle de Mossoul, grande ville du nord irakien, dont la rive droite n’est plus qu’un «tas de pierres», de Qaraqosh ou d’autres villages chrétiens du nord qui se retrouvent très endommagés.

Le directeur de l’Œuvre d’Orient note cependant un retour progressif à la vie. 20 000 chrétiens seraient rentrés à Qaraqosh. Deux évêques, chaldéen et un coadjuteur syriaque, ont été nommés à Mossoul. Un prêtre syriaque y est de retour. L’association a reconstruit un centre culturel français dans la ville avec l’aide des autorités françaises. Elle a également reconstruit deux églises. D’autres associations ont le même souci. Il s’agit d’«un signal donné à la population pour montrer que nous croyons les uns les autres à l’avenir de l’Église dans le pays ». De plus, davantage qu’en Occident, poursuit Mgr Gollnish, la construction d’un église est un symbole fort en Orient. «Mais on ne va pas se mettre à reconstruire toutes les églises alors que la population n’est pas revenue. C’est un tout», explique-t-il. Les Églises ne vont pas sans les maisons. Les maisons ne vont pas sans les dispensaires et les écoles et, souligne-t-il, il faut faire repartir l’économie car ces familles ont besoin de gagner leur vie.

Des jeunes désireux de fraternité

Si Mgr Gollnish juge important que la ville de Qaraqosh soit, comme elle le fut jadis, presque entièrement syriaque, il espère que les villes «de mélange» puissent l’être à nouveau. Il faudra du temps. «En 1944, on aurait pas envoyé des réfugiés allemands en Alsace, mais aujourd’hui l’Alsace est très germanophone». L’objectif reste le retour de la confiance entre les communautés. «Ce n’est pas un vœu pieu», explique-t-il. Il témoigne de discussion avec de jeunes hommes sunnites qui ont souffert sous le joug de Daesh et qui souhaitent autre chose pour l’avenir de leur ville et de la société irakienne. Ces jeunes disent de manière «claire et explicite» qu’ils souhaitent construire cette autre chose avec les chrétiens et qu’ils ont besoin de leur présence, affirme Mgr Gollnish.

Le Pape proche des chrétiens d’Orient 

Le directeur de l’Œuvre d’Orient participait cette semaine à la 92e assemblée plénière de la Roaco (Réunion des Œuvres d’Aide aux Églises Orientales) au Vatican. Il a ainsi entendu le Saint-Père répéter son souhait de se rendre en Irak. Le déplacement du Pape en Irak n’est pas confirmé par le Saint-Siège. Il serait inédit. Jamais un souverain pontife ne s’y est rendu.

Mgr Pascal Gollnisch voit dans le vœu de François «l’intérêt constant» du Pape pour les chrétiens d’Orient, «sa souffrance» pour des chrétiens «durement éprouvés» et son souhait de «soutenir leur sentiment d’un futur possible chez eux». Le Pape a enfin à cœur, explique le prélat français, d’aider un pays tout entier sur le chemin de la paix, et cela passe par l’adoption de politiques inclusives où les différentes composantes de la société trouvent leur place légitime.

Lundi dernier, devant la Roaco, le Pape relevait l’évolution encourageante de la situation en Irak. Il souhaitait que le pays «puisse regarder vers l’avant à travers la participation pacifique et partagée à la construction du bien commun de toutes les composantes – y compris religieuses – de la société, et ne retombe pas dans les tensions venant des conflits jamais éteints des puissances régionales».