• Actualités

Témoignage de Pauline, volontaire à Héliopolis, en Egypte

Pauline, 22 ans, est étudiante en quatrième année de médecine. Elle a passé plusieurs mois à s’occuper de personnes âgées au Foyer de la Vierge Marie d’Héliopolis du Caire 

 

Le foyer de la Vierge Marie est un grand couvent au centre du quartier chic d’Héliopolis. Les cinq sœurs de la congrégation de Notre Dame des Douleurs, qui animent avec tendresse les trois étages de la maison sont chargées de diverses missions. Principalement celle d’accueillir les personnes âgées selon Sainte-Frai, fondatrice de la congrégation NDD.

 

Au foyer de la Vierge Marie, les vieillards doivent se sentir chez eux. Ainsi quand Nadia, regrettant de ne pouvoir faire sa propre cuisine, a parfumé durant deux jours d’odeurs de friture et de graisse la cuisine de l’étage, tout le monde a trouvé cela naturel ! Elle était ravie, nous étions tous ravis.

 

Les sœurs connaissent chaque pensionnaire et ses besoins exacts, leurs plaisirs et leurs impatiences. Nous savons que Madame Dawloate aime aller chez son propre coiffeur, qu’elle n’aime pas souper à côté de Madame Yvonne. Madame Yvonne quant à elle aime se lever la nuit pour manger, et qu’ainsi il faut toujours bien fermer la porte ! Ou encore que Mona et Laurice adorent le vernis à ongles, qu’ici on appelle « éclat d’or », mais pas Mimmi.

 

Mais, en plus de cette mission principale, s’ajoute celle de veiller et de former les filles et garçons de la Haute-Egypte embauchés comme aides-soignants. Sans être envahissantes, je vois qu’elles les connaissent très bien et que maternellement elles veillent sur eux. Quand, malgré mon incompréhension de l’arabe, j’entends Sœur Brigitte parler longuement à Irina, 17 ans, je sais qu’il ne s’agit pas d’une relecture de contrat de travail mais bien plus d’une conversation pour comprendre son état d’esprit et l’encourager dans ses talents.

 

Et j’adore interroger Sœur Brigitte sur les différentes histoires des pensionnaires : alors elle m’explique comment ils étaient en arrivant et comment ils sont maintenant. Et me vient à l’esprit cette citation de l’évangile : « Si tu as la foi comme un petit grain de moutarde, tu pourras dire à cette montagne, bouge-toi et la montagne bougera ».

La montagne bougea aussi devant mes yeux quand arriva Yvonne-Marie, une diva française des années 80-90, mariée à un riche docteur égyptien puis qui a été abandonnée, volée, violée. Ma mission était de l’intégrer et dénouer avec elle son passé. En effet lorsqu’elle est arrivée sale et perdue en ambulance au foyer, une chambre lui a tout naturellement été improvisée, une longue douche lui est donnée et elle est revêtue d’habits chics par Manell. Chaque matin, avec joie et curiosité, j’attendais Yvonne-Marie tenant Manell par la main pour découvrir la nouvelle tenue du jour, ses bijoux. Et toutes les trois nous disions « oui, c’est good ».

 

On m’avait dit : « les trafics d’argent, ce n’est pas trop une vocation de religieuse », mais à Héliopolis j’assistais à un des trafics les plus charitables. Yvonne-Marie s’inquiétait beaucoup de l’argent car elle en avait beaucoup eu. Alors on lui en mettait discrètement dans son portefeuille. C’était une forme de respect afin qu’elle puisse payer le médecin, offrir des pourboires aux filles quand elle le souhaitait, déposer un peu d’argent sur l’autel. Et ce même argent retrouvait avec discrétion son portefeuille afin qu’il ne soit jamais vide.

 

Enfin il y a aussi le rendez-vous du troisième étage, celui du soir que je manque seulement malgré moi. Madeleine, Nadra, Madeleine, Viola et Yvonne assises en ligne sur le balcon s’amusent comme  des vielles amies. Tous les soirs elles se retrouvent et passent un moment joyeux et prient ensemble avant de se retirer. Elles aussi m’attendent ; « comment as-tu passé la journée ? » « As-tu déjà diné ? » et me couvrent de baisers. J’ai la chance d’avoir eu des discussions profondes avec ces dames charmantes.

 

Ce n’est qu’un vague aperçu de ce qui se passe chaque jour dans cette vaste maison :  les sermons simples et beaux du Père Paulin et nos soirées dans Héliopolis, le secrétariat de Sylvana qui se transforme en banque, puis en accueil d’hôtel selon les humeurs d’Yvonne-Marie, Manell qui travaille avec amour de 5 heures du matin au coucher.

 

Je garde ces belles rencontres, cette maison dans laquelle je me suis sentie joyeuse et entourée grâce à la chaleur et le dynamisme des sœurs qui représentent des beaux disciples du Christ dans le chaos du Caire moderne. Choukran.

 

Pauline