• Actualités

Témoignage de Roxane, volontaire en Ethiopie

Je quitte l’Ethiopie dans maintenant deux jours. Il y a un mois, j’ai débarqué au sein de la communauté des frères de Saint Jean d’Addis Abeba, pleine d’entrain et d’appréhension. L’inévitable perte de mes bagages à l’aéroport passée, j’ai vite été mise à l’aise par la bienveillance des frères. La présence d’Etienne, Emmanuel, Paul et Aymeric, qui travaillent depuis maintenant plusieurs mois sur les projets Epiphania et Hosannah, et celle d’Alix arrivée avec moi ont bien sûr contribué à mon adaptation au prieuré.

L’Ethiopie demeure relativement mystérieuse pour bon nombre d’Européens, qui l’associent souvent à l’Afrique Noire ou a contrario aux traditions orientales du Moyen Orient. Sa position géographique, son impressionnante diversité ethnique mais également sa très ancienne tradition chrétienne, font de l’Ethiopie un pays bien difficile à comparer avec ses voisins africains. D’ailleurs, très peu d’Ethiopiens se considèrent véritablement Africains. Le mot coexistence prend tout son sens dans le pays : les différentes ethnies, religions et langues cohabitent au sein d’un même Etat, et parfois même au sein d’une même ville. Le prieuré d’Addis, par exemple, est entouré d’une église orthodoxe et d’une mosquée, qui tentent chacun d’imposer leur suprématie sonore à l’heure de la prière. Pourtant, il est fascinant de voir que tous les Ethiopiens partagent une culture commune. La traditionnelle « ingera » (galette de teff présente dans 100% des repas éthiopiens) vous sera servie aussi bien dans la région d’Awassa au Sud que dans le Tigray au Nord. Les maisons traditionnelles, appelées plus communément « toukoul », peuplent les vallées escarpées de Lalibela comme les plaines plus humides du Sud. Cette dualité inhérente au pays est l’une des premières qui m’a frappé en arrivant.

Notre mission d’animateur en Ethiopie consistait en l’organisation de deux camps d’été. Les frères de Saint Jean sont en lien durant l’année avec des enfants et adolescents issus des différents orphelinats d’Addis, tenus par des communautés de sœurs. Depuis maintenant une dizaine d’années, ils organisent chaque été plusieurs camps pour les accueillir le temps d’une semaine.

Le premier camp d’été se déroulait chez les Sœurs de Mère Theresa de Sodo, à environ 8h de bus de la capitale. Il rassemblait des enfants d’Addis, issus des orphelinats d’Asko et Kindane&Meret, ainsi que des enfants de Sodo même. Chose étonnante pour nous Français, les enfants ne parlaient pas la même langue (amharique pour Addis, walatinia pour Sodo). Néanmoins, il fut rapidement facile pour nous volontaires de communiquer avec eux grâce aux jeux. Grâce à eux et aux trois volontaires éthiopiens, j’ai appris une base de mots en amharique, notamment les chiffres, essentiels pour négocier les prix locaux.  Les journées étaient rythmées par des temps de jeux, des ateliers manuels, mais également des enseignements donnés par les volontaires. La messe était célébrée tous les jours, et était suivie d’un temps d’adoration. Il était pour moi incroyable de voir que ces enfants étaient vraiment épanouis spirituellement : contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’adoration journalière d’une heure se déroulait toujours dans le plus grand calme, rythmée par des chants méditatifs en amharique.

La partie spirituelle, assurée par le père Charles-Emmanuel et Frère Jakob, occupait également une place importante. Le traditionnel  mesmour , ou chant religieux, était quasi omniprésent toute la journée, accompagné par le son détonnant du cabajo. Comme ils disent souvent, chanter, c’est prier deux fois.

Après le second camp, j’ai eu la chance de me rendre à Lalibela. La ville est nichée au cœur des montagnes, et offre une vue incroyable sur les vallées environnantes. Classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, les 12 églises monolithiques de la Jérusalem noire sont réellement fascinantes. Creusées au temps du roi Lalibela, elles accueillent aujourd’hui encore de très nombreux pèlerins orthodoxes venus de toute l’Ethiopie. Aux quelques touristes européens se mêlent ainsi les élégantes toges blanches traditionnelles.

Ma mission en Ethiopie fut une très belle expérience, qui m’a permis de découvrir un pays à l’histoire et à la culture singulières. La richesse de l’Ethiopie m’apparaît encore plus forte aujourd’hui, et je repars avec un gout de trop-peu.

J’ai également compris que la notion de chrétienté était inévitablement liée à celle de diversité. Il est beau de voir que les orthodoxes de tradition orientale sont rassemblés sous la même bannière chrétienne que les catholiques de tradition romaine, en dépit de leurs apparentes dissemblances.  Je reviens de cette mission sensible à cette belle diversité de l’Eglise.