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[TERRE SAINTE] Le témoignage d'Augustin : " Des joies, des peines, des rires : venez avec moi à la rencontre de cette vie chez des enfants handicapés de Terre sainte "

Notre volontaire Augustin est en mission depuis janvier à Ein Karem chez les Filles de la Charité en Terre sainte.


L’arrivée en Terre sainte 

Après près de trois mois en Terre sainte, voilà quelques nouvelles de ma mission à Eïn Karem. Le jour de mon arrivée, survolant pour la seconde fois ce petit bout de terre de 22 mille km carrés, 1,8 la taille de l’île de France, je relisais une prière transmise par le pôle des volontaires avant mon départ : Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie.
Je suis prêt à tout, j’accepte tout. Pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures, je ne désire rien d’autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains. Je te la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon coeur, parce que je t’aime, et que ce m’est un besoin d’amour de me donner, de me remettre entre tes mains, sans mesure, avec une infinie confiance, car tu es mon Père.
J’ai posé mes valises pour une mission de 6 mois au service des handicapés au centre Saint Vincent, accueilli par les Filles de la Charité. Depuis mon arrivée, le rythme de mon volontariat est pris, bien qu’on ne s’y fait jamais vraiment.
Ma mission prend peu à peu forme et paraît désormais présentable à vous, humble lecteurs et lectrices. De pars cette Newsletter, j’essaierai du mieux que je peux de vous présenter, par différents points de vue et contexte, la réalité de cette mission immensément riche, que je vis et qui ne cesse de me surprendre jours après jours.
Des joies, des peines, des rires : venez avec moi à la rencontre de cette vie chez des enfants handicapés de Terre sainte.

 

Avril 2023 – Ein Kerem
Ein Kerem, ancien village arabe situé dans les montagnes de Judée, a l’Ouest de Jérusalem, est maintenant un quartier atypique et un peu excentré, toujours semblable à un petit village. Cette campagne bucolique, souvent animé pendant shabbat, reste un cadre de sérénité et de méditation.
Son nom signifie la « source de la vigne » en hébreu, mais son nom arabe est Ein Karim, la « source généreuse ». Les croisés l’avaient appelé “Saint-Jehan des Bois”.
Heureusement, demeure un petit havre de paix de Juifs cools mi-hippies / mi-bobo. Réputé pour ses galeries ou les concerts qui s’y donnent, le village est aussi un important site chrétien. Dans ce village de trois milles habitants, largement juifs, il y’a près de six lieux de cultes chrétiens, majoritairement catholiques, ainsi que son flot perpétuel de pèlerins. Ils viennent en armée pour prier saint Jean le Baptiste, ses saints parents Zacharie et Elisabeth ainsi que la Bienheureuse Vierge Marie. Certains diront que les moins orthodoxes des Juifs affectionnent particulièrement les restaurants et cafés, mais aussi le fameux glacier, Golda, de ce petit coin tranquille. Il est vrai que nous vivons dans un petit village assez excentré de la ville de Jérusalem (40min en bus et 2h à pied). Cependant, je m’estime chanceux de vivre dans ce cadre très favorable, au milieu des montagnes ; en pleine nature.

 

 

Avril 2023 – Centre Saint Vincent
Dans les hauteurs du village, le centre Saint-Vincent est ainsi situé à deux pas de la source qui donne son nom à Aïn Karem, à quelques pas de la Visitation et face à l’église Saint-Jean-Baptiste, également appelé Casa nova puisqu’elle accueille de nombreux pèlerins.
Entouré de palmiers, d’oliviers et d’arbres fruitiers, de plusieurs petits jardins, c’est une belle bâtisse sur 2 étages. La chapelle, situé au premier étage, est le coeur principal de cette maison. Les soeurs s’y retrouvent tous les jours pour prier. C’est également l’étage ou les soeurs résident. Toujours à cet étage on retrouve les différentes salles pour les activités des enfants : physio room, jacuzzi room, snoezelen room (salle d’éveil sensoriel)…
Ensuite, au deuxième étage, les chambres des enfants et l’infirmerie. Ils sont une cinquantaine répartie dans 16 chambres différentes. Le centre accueille également une école, accessible via une passerelle extérieure. L’école reste néanmoins indépendante et seulement les enfants du centre âgés de moins de 21 ans y assistent ainsi que d’autres jeunes handicapés externes à la maison.
La maison rassemble des Israéliens juifs et arabes et bénéficie d’un soutien du gouvernement, le plus souvent en lien avec les familles, lors de leurs insertions dans le centre.

 

Avril 2023 – Une journée au centre
Le rythme d’une journée est souvent routinier comprenant somme toutes son lot de surprises, de frayeur mais surtout beaucoup de sourire et de joies.
Réveillé à 5h45h, je commence ma journée vers 6h15 en prenant soin de boire un café noir bien fort.
Le relais avec l’équipe de nuit réalisé, mon rôle consiste à réveiller les enfants de ma chambre, les doucher, les habiller avant de les nourrir un par un. Les débuts furent éprouvants, tant que moralement que physiquement. Se retrouver au milieu d’enfants polyhandicapés prend du temps et de l’énergie.
Bien que chacun pèse son poids, le centre jouit récemment d’une installation récente : des élévateurs (ou lifts). Ces rails métalliques nous permettent, via un harnais, une meilleure gestion des déplacements de chaque enfant sans risquer de les blesser et en préservant nos forces et notre dos.
Les volontaires et workers hommes s’occupent des jeunes adultes hommes et réciproquement pour les femmes.
Je m’occupe également de leur linge, le rangeant dans les placards et le préparant pour le lendemain, après avoir nettoyé les matelas et changé les draps. Lorsque je travaille avec un worker il arrive souvent d’avoir un enfant en extra. Bien souvent Salem ou Avior qui ont tous les deux des bouilles et des caractères qui leurs sont propres.
La matinée reste tout de même assez intense ! Cependant, après les avoir amené à l’école ou a leurs activités au premier étage et descendu la poubelle dans le chariot du linge je peux profiter d’une pause bien méritée en allant petit-déjeuner !
Attablé dehors au soleil, si le temps le permet, je déguste pita et houmous, confiture et fromage ainsi que du thé avec de la sauge. Ce moment de répit après le rush du matin est bien agréable.
J’ai ensuite un temps libre jusqu’à 15h. Ce rythme reste bien déroutant au début. Les six heures de creux permettent de faire la sieste, de prier, de lire, de déjeuner, d’écrire ou bien d’aller se promener un peu dans la vieille ville et ses alentours.
Le service reprend à 15h. Entre temps les enfants ont eu des activités ou l’école, déjeuné et fait la sieste, aidés par des travailleurs qui n’ont pas le même rythme. Je les lève pour les changer et les mettre dans leurs chaises et nous allons dans le jardin s’il fait beau, ce qui ne fut pas toujours le cas depuis que je suis là. Là, nous prenons du temps avec eux, écoutons de la musique, leur faisons de petits massages, discutons et goûtons.
Des musiciens viennent les stimuler et jouer du piano de temps en temps. Nous avons aussi des petits jeux ou des livres pour leur raconter des histoires, nous prenons également le temps de leurs faire des massages.
Ce moment de la journée n’est pas évident parce que je ne fais rien de très concret et que l’après-midi n’est pas très remplie. Dans les premières semaines de ma mission, je me disais que c’était dommage et qu’il faudrait faire davantage d’activités. Cependant, je crois que c’est aussi beau de passer juste du temps avec eux, d’être là, bien que cela soit exigeant.

Vers 17h30, de retour dans le corridor, je vérifie l’inventaire de la salle de bain pour l’équipe de nuit : couche, savon, gants…
Ensuite, vers 18h, le dîner arrive ! Branle-bas de combat, vérifier que les assiettes sont bien remplies, que l’on détient suffisamment de cuillères (oui oui les cuillères sont importantes) et Yalla!
Je fais dîner la bande de 4 seul ou en compagnie d’un worker ou volontaire. Chacun a son rythme et ses préférences culinaires.
Ma journée de travail se termine à 19h, après avoir changé et couché la bande, rangé la chambre, écrit un rapport détaillant les évènements marquants de la journée et souhaité une bonne nuit à tous.
Je descends alors la poubelle puis vais me prendre une assiette dans la salle à manger. Le soir reste un bon moment pour discuter entre volontaires et se raconter les anecdotes du jour et les projets / plannings de chacun.
Certains soirs, je vais à Jérusalem pour souffler un peu, prendre un verre. Et puis, il y a chaque semaine un jour plein de repos et de demi-journées. Je mets à profit ce temps, qui change toutes les semaines selon mes demandes, pour dormir, lire et écrire mais également visiter et voyager évidemment.

 

Avril 2023 – La joyeuse bande de la 5A
Au sein du centre, j’ai comme mission d’être au bon soin de quatre jeunes, les quatre fantastiques, les pieds nickelés (bien que 3 dans la BD) j’ai nommé Yaïr, Ahmad, Nassim et Mohamed. Ces quatre garnements savent en faire voir de toutes les couleurs a ceux pénétrant dans leurs quartiers de résidence : la chambre 5A.
Yaïr, aveugle et doyen de la chambrée, adore les massages crâniens et les bruits de chutes : faire tomber un objet lui apportera une grande satisfaction et le fera rire aux éclats. Cependant, il n’est vraiment pas fan de sa brosse à dent. Ne manquez pas de lui faire un high five !
Nassim a mon âge. C’est un peu perturbant mais on si fais rapidement. Toujours dans la lune, ce grand rieur est un amour. Il voue une attention particulière aux hochets et aux bruits sourds.
Ahmad, le plus jeune, est toujours a la recherche du dernier bruitage tendance : claquement de main, bruit de bouche ; tout y passe ! Débordant d’énergie, notre lien c’est effectué petit à petit, avec de l’écoute et surtout de la patience.
Enfin, Mohamed, le dernier arrivé. Toujours un peu endormi, il n’est pas très communicatif. Les débuts furent difficiles puisque le contact n’est pas évident. Cependant, il apprécie que l’on reste à ses côtés, sans faire de gestes brusques, mais en le massant un peu par exemple.
Bref, vous l’aurez compris, mes journées sont égayées par la compagnie de ces quatre énergumènes. A première vue, avec leurs lourds handicaps physiques et mentaux, on pourrait croire que les relations ne peuvent pas aller bien loin. Mais en réalité, on en apprend tous les jours un peu plus avec parfois de très belles surprises !
Beaucoup des enfants dont j’ai la responsabilité comprennent ce qu’on leur dit mais ne peuvent s’exprimer à cause de leur handicap. Concernant la 5A, ils possèdent tous leurs personnalités et leurs différences et forment un groupe très marrant, pesants (au sens propre) et souvent éprouvants pour ma patience !

 

Avril 2023 – Le monde autour de ma mission
Il y a beaucoup de monde à Saint-Vincent !
Les Filles de la Charité d’abord, très accueillantes. Elles sont quatre, deux Libanaises, une Philippine ainsi qu’une Espagnole, toutes francophones.
Soeur Pascale est la directrice du centre. Elle tient les rênes du centre d’une main de fer et possède un grand coeur. Toujours souriante, toujours la vanne aux lèvres, elle sait ce qu’elle veut.
Soeur Salma, aussi efficace que discrète, est chargée de l’intendance. Elle se lève à 23h, se couche à 16h…toujours avec le sourire. Il n’est pas rare de la croiser le soir avant d’aller se coucher : elle va prendre son petit-déjeuner ! Et oui la maison tourne de jour comme de nuit. Soeur Norma, a longtemps été infirmière et rend encore de nombreux et fiers services particulièrement en nourrissant les enfants. Très souriante et généreuse, elle aime beaucoup raconter des histoires drôles et chantonne tout le temps. Soeur Isaura, débordante d’énergie, tient la place d’infirmière en chef. Toujours soucieuse du bien-être des enfants et de nous, elle trouve toujours une solution a nos tracas et sert d’interprète pour l’arabe et l’espagnol si besoin.
Les quatre sœurs prient trois fois par jour dans la chapelle, en plus de la messe, et ont une vie communautaire entre elles.
Il y aussi huit autres volontaires : deux Guatémaltèques, une Polonaise, un prêtre chaldéens américain d’origine irakienne, un prêtre français et deux Françaises dont une – Quitterie – de L’Œuvre d’orient.
Il y a aussi tous ceux qui travaillent au centre : infirmiers, ergothérapeute, assistante sociale, jardiniers, gardiens, buandières…et surtout les workers qui font la même chose que nous, avec un rythme un peu différent. Nous passons beaucoup de temps avec ces travailleurs, arabes pour la plupart, palestiniens souvent, musulmans ou chrétiens.
Le mardi après-midi est consacré à mes deux heures de cours d’arabe a l’institut français près de la Vieille ville, dans le quartier arabe, avec d’autres volontaires de L’Œuvre d’Orient et une professeur palestinienne sympa qui parle très bien l’anglais.
Avec les travailleurs, nous essayons souvent de perfectionner et d’utiliser les mots et tournures apprises en cours d’arabe, avec plus ou moins de succès et surtout un brin d’impatience de leur part. Souvent, arrivés au bout de nos connaissances ou de leur patience, nous nous rabattons sur l’anglais que beaucoup parlent très bien ! Ils restent tout de même sensibles au fait que nous voulions apprendre leur langue.