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[ÉTHIOPIE] Benoit Caratgé, chargé de mission : le Tigré une province éthiopienne qui souffre de la faim et qui devra être reconstruite.

Depuis 1994, l’Ethiopie est un état fédéral divisé en régions.  La région du Tigré est particulièrement sensible en raison de sa position frontalière avec l’Erythrée, avec qui l’Ethiopie a été en conflit durant des décennies. Depuis novembre 2020, l’Éthiopie se déchire à nouveau, alors qu’une grande partie du pays est inaccessible aux media et ONG. Entretien avec Benoit Caratgé, chargé de mission en Ethiopie pour l’Œuvre d’Orient qui a pu s’entretenir par téléphone avec nos interlocuteurs sur place.


Quel a été l’élément déclencheur du conflit en Ethiopie ?

Début novembre, les troupes fédérales sont entrées dans la province du Tigré, au nord de l’Ethiopie. Il faut savoir que depuis l’arrivée du premier ministre Abiy Ahmed en 2018, de nombreux dirigeants tigréens ont été écartés du pouvoir. Ils n’ont pas accepté le report successif des élections législatives, considérant que le maintien au pouvoir d’Aby Ahmed était non constitutionnel. Le gouvernement tigréen a donc organisé ses propres élections qui ont été rejetées par le pouvoir fédéral. L’incompréhension entre les deux protagonistes n’a fait qu’accroître. Jusqu’à ce que les forces tigréennes prennent possession d’une base militaire fédérale, provoquant une escalade des tensions. Le gouvernement a donc voulu reprendre le contrôle sur cette province.

On parle de nombreux massacres, qu’en est-il vraiment ?

Le 1er massacre a eu lieu dans le nord-ouest du Tigré, tout près du Soudan, faisant entre 600 et 700 morts, puis à Aksoum dans la cathédrale orthodoxe et un autre à Alitena (près de l’Erythrée). La situation est très floue et on ne sait pas exactement qui en sont les auteurs. Ils peuvent être le fait de milices du Tigré ou d’autres provinces politiquement proches d’Addis Abeba ou encore de l’armée érythréenne. Pour des raisons évidentes de sécurité, nos interlocuteurs préfèrent en dire le moins possible à ce sujet. Tout au nord de l’Ethiopie, des troupes érythréennes sont intervenues, et on peut penser qu’il y a eu une coordination entre les autorités éthiopiennes et érythréennes pendant les opérations militaires au Tigré.  Le désir du gouvernement éthiopien est de mettre la province tigréenne au pas afin qu’elle réintègre pleinement la République Fédérale d’Ethiopie.

Concrètement quel est l’impact sur la population ?

On parle de plus de 2 millions de personnes déplacées qui fuient les combats mais aussi la faim, 50.000 ont trouvé refuge au Soudan. Près de 4 millions d’Ethiopiens seraient sous alimentés. Cette famine est due aux invasions de criquets au printemps dernier, mais aussi au fait que les Tigréens ont volontairement brulé les récoltes. Enfin, les convois humanitaires ne peuvent plus atteindre certains camps de réfugiés.

Que vous ont dit les contacts que vous avez sur place ?

Au téléphone, l’évêque d’Adigrat m’a d’abord dit être heureux d’être encore en vie. Il reste cloitré dans son évêché, dont il ne peut plus sortir. Il est surtout préoccupé par le sort de ses prêtres dont il n’a pas de nouvelles. Rapidement, les communautés religieuses vont avoir besoin de notre aide. En effet, elles sont systématiquement pillées, et absolument tout est volé ! L’évêché n’a plus une seule voiture et tout le mobilier a disparu. En attendant nous parons au plus pressé, en apportant une aide alimentaire et médicale aux personnes déplacées dans la région de Benishangul-Gumuz et nous nous préparons à satisfaire les nombreuses demandes d’aides qui vont venir des diocèses d’Adigrat et Bahir Dar Dessié pour aider à la reconstruction des écoles, cliniques, églises… détruits ou endommagés par les combats et les pillages.


→ Face à l’urgence de la situation, L’Œuvre d’Orient a mis en place un fonds de soutien pour l’Ethiopie : Fonds de soutien pour l’Éthiopie (oeuvre-orient.fr)

N’hésitez pas à le diffuser autour de vous. Par avance un grand merci.