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Abouna Emmanuel, un prophète de paix pour Mossoul

Il est 10 heures passées, ce dimanche 7 mars 2021, sur la place Hosh Al-Bai’aa, la place des églises, dans la vieille ville de Mossoul. Au milieu des ruines, le pape François prie pour les victimes de la guerre. À ses côtés se tient le père Rahid Emmanuel Adel Kallo, le seul prêtre revenu à Mossoul depuis la libération de la ville en juillet 2017, qui témoigne devant le pape avec toute la force de son espérance : « Je suis retourné à Mossoul il y a trois ans (…) Mes frères musulmans m’ont accueilli avec beaucoup de respect et d’amour (…) pour me féliciter à l’occasion de la restauration de l’église de l’Annonciation que Daesh avait détruite (…) Le peintre qui a peint les fresques de l’église et sculpté les statues et fait les inscriptions des versets de l’Évangile est un musulman, issu des familles d’origine de Mossoul. » Louant son courage et sa foi, le pape lui répondit : « Merci, mon Père, pour avoir partagé ces signes que l’Esprit fait fleurir dans le désert, et pour nous avoir montré qu’il est possible d’espérer la réconciliation et une nouvelle vie. »

Cet échange dit tout d’Abouna Emmanuel. Seul prêtre revenu à ce jour à Mossoul, il fut aussi le dernier à la quitter le 10 juin 2014, le jour même où Daesh s’en empara. Le courage du père Emmanuel force l’admiration. Ses éclats de joie suscitent la connivence. Sa foi donne confiance. Âgé de 48 ans, prêtre de l’Église syriaque-catholique, il était avant guerre le curé de la grande cathédrale syriaque Al-Tahira, éventrée lors des bombardements contre Daesh et actuellement en restauration. Il avait aussi la charge de l’église Al-Bichara (l’Annonciation), construite en 1970 dans le quartier des ingénieurs de Mossoul-Est pour accompagner l’expansion urbaine de la ville. Après l’exode des chrétiens vers le Kurdistan d’Irak et l’invasion de Mossoul par Daesh, le père Emmanuel assuma la direction du camp de déplacés Ashti 2 à Ankawa. Pour y maintenir la vie chrétienne des 5000 résidents, il fit édifier une nouvelle église, également nommée Al-Bichara, avec le soutien de l’association française Fraternité en Irak.

Après la libération de Mossoul, le camp fut démantelé. La nouvelle Al-Bichara fut démontée et transportée à Mossoul-Est, pour être installée en lieu et place de l’ancienne église dévastée par Daesh. Plus qu’une église, magnifiquement embellie par un artiste musulman, c’est tout un espace religieux et social qu’a recréé Abouna Emmanuel, avec en plus un presbytère et une résidence pour 60 étudiants chrétiens des universités de Mossoul, inauguré en décembre 2019 et cofinancé par Fraternité en Irak, l’Œuvre d’Orient, la Fondation Saint-Irénée et la région Auvergne Rhône-Alpes. Selon le vœu du père Emmanuel, « ce nouvel espace est porteur d’un message à l’ensemble de la société. Aux chrétiens, afin qu’ils surmontent leur douleur et continuent d’œuvrer au salut de l’humanité. Aux musulmans également qui peuvent voir en ce lieu l’exemple vivant du pardon et le renoncement à toute malveillance, afin que la paix et la sécurité reviennent dans cette cité affligée. »

 Pascal MAGUESYAN

Chargé de mission de l’association Mesopotamia, soutenue par L’Œuvre d’Orient

Retrouvez cet article dans notre lettre d’information n°111 – Toussaint 2021 à télécharger ici