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[ARMENIE] « Nous sommes le peuple des montagnes » dit la célèbre sculpture de Stepanakert. 2/4

© Chris Huby- Le Pictorium

 

Ce 6 janvier, nous avions prévu de nous rendre au Monastère de Dadivank pour assister à la messe de Noël. Passé sous le contrôle de Bakou depuis les accords de cessez-le-feu du 9 novembre, le monastère, fondé aux premières heures de la chrétienté par saint Dadi, reste géré par l’Eglise apostolique arménienne, sous (haute) surveillance russe. Au petit matin, sous le soleil glacial de janvier, une cinquantaine de pèlerins attend devant la cathédrale de Stepanakert en se soufflant dans les mains. Dument escortés par des camions russes – ils le seront jusqu’au monastère – les bus arrivent, les pèlerins s’y engouffrent. « C’est Noël, nous comprenons » lâche un officier russe armé jusqu’aux dents. « En revanche, nous n’assurerons la sécurité que de deux cars, pas trois. Trente personnes seulement. Pour les autres, c’est non ».

 

Le père Andreas, Evêque de Chouchi – elle aussi passée côté azéri, tente une négociation. Peine perdue. Le russe est compréhensif mais répète rarement deux fois les instructions. Nous sommes de ceux qui n’iront pas à Dadivank. Nous nous « replions » sur Gandzasar, autre chef d’œuvre de l’architecture et de la spiritualité médiévale arménienne qui, lui, n’a pas été pris. Il fait douze degrés en dessous de zéro dehors et dans l’église culmine la solennité de la première messe de la Sainte-Nativité depuis la fin des combats. Dans les volutes d’encens et de fumée, des faisceaux de lumière illuminent les figures recueillies et les pierres sculptées. « Ce Noël est le plus important de ma vie me chuchote ma jeune voisine. Le Christ est né, et nous, comme Lui, nous devons renaître. Nous avons perdu notre maison. Jusqu’au dernier jour, mes frères et mon père se sont battus, ils ont perdu aussi. Mais il nous reste notre foi, et notre patriotisme ». « Nous sommes le peuple des montagnes » dit la célèbre sculpture de Stepanakert. « Nous sommes le peuple des montagnes, nous sommes les gardiens de la terre ».

Marine de Tilly