Premier voyage du pape Léon XIV en Turquie et au Liban

 

Ce jeudi 27 novembre, le pape Léon XIV est arrivé en Turquie, où il commence son premier voyage apostolique hors d’Italie. Ce voyage avait été prévu par son prédécesseur François, afin de commémorer les 1700 ans du Concile de Nicée, un événement fondateur pour l’œcuménisme, car il a permis l’écriture du credo, un texte commun à tous les chrétiens. Ce voyage est donc l’occasion pour le pape de souligner l’importance du dialogue entre les différentes églises chrétiennes, mais aussi de réaffirmer son soutien aux chrétiens d’Orient.

Un choix fort pour le Liban et la Turquie, et pour l’Œuvre d’Orient

Choisir la Turquie et le Liban pour un premier voyage apostolique est un choix très fort, pour les habitants de ces pays, et pour l’Œuvre d’Orient aussi. L’Œuvre d’Orient est en effet née au Liban, avec l’idée de soutenir les écoles au Moyen-Orient. Le pape y va d’abord comme pèlerin de la paix, pour conforter la foi des croyants, mais aussi en tant que chef d’État pour porter un message. Il souhaite en effet réaffirmer l’engagement de l’église pour l’œcuménisme, mais aussi pour la paix dans la région, et inviter tous les chrétiens à agir par le dialogue. L’Œuvre d’Orient travaille aussi dans cette logique, en échangeant avec des responsables religieux, afin de montrer qu’une foi commune unit les catholiques et les orthodoxes.

Soutenir l’œcuménisme en Turquie

En Turquie, son voyage sera donc marqué par deux rencontres importantes : une prière œcuménique à Iznik (anciennement Nicée) ; et une rencontre avec les chefs des églises chrétiennes à Istanbul. A l’issue de cette rencontre, il est prévu que le pape signe une déclaration commune avec le patriarche de Constantinople Bartholomée Ier. Le patriarche Bartholomée avait invité lui-même le pape à venir en Turquie pour cet événement, et il souhaite ainsi montrer que les premiers conciles, qui furent déterminants dans l’histoire du christianisme, en particulier celui de Nicée, se sont déroulés en Turquie.

Encourager la présence des chrétiens au Liban

Au Liban, le pape se rendra notamment au monastère Saint-Maron, qui abrite la tombe de saint Charbel, un saint très important en Orient, mais aussi dans l’hôpital psychiatriques des Franciscaines de la Croix, et sur le port de Beyrouth, ou l’explosion de 2020 avait fait des centaines de victimes. Ce voyage a une forte importance symbolique, car le pape répond à l’invitation du président libanais Joseph Aoun. Il rappelle également que le Liban est un pays au modèle politique unique, qui est doit être préservé. Au Liban, les pouvoirs sont répartis entre les différentes confessions du pays, et le président libanais est donc un chrétien maronite. Le pape soulignera certainement, comme il l’a déjà fait en Turquie lors de son premier discours, l’importance de la pluralité permise par la présence des chrétiens en Orient.

Porter un message d’espoir aux chrétiens d’Orient

La venue du pape permet donc d’encourager les chrétiens d’Orient dans leur présence, qui permet de maintenir la diversité dans la région, mais aussi leur mission, pour favoriser la paix et le dialogue. Le pape s’était adressé à eux lors du Jubilé des Eglises orientales et avait alors rappelé l’importance de préserver leurs traditions et leur spiritualité qui enrichissent l’églises. Il leurs avait également adressé un message d’espoir, à travers les crises que de nombreux chrétiens subissent. Le sud du Liban compte plusieurs villages chrétiens, souvent situés près de la frontière israélienne. Ces villages sont actuellement bombardés et leur population vit dans la peur et l’incertitude.

 

Le Liban avait été qualifié de « message » par le pape Jean-Paul II, un terme qui révèle la singularité et la valeur de ce pays multiconfessionnel au Moyen-Orient. Les chrétiens attendent avec hâte la venue du pape qui apportera certainement un soutien moral et une invitation à la communion entre les Églises.

Volontariat au Caire : la mission d’Emmanuelle auprès des Filles de la Charité à l’école Saint Vincent de Paul

Depuis un mois, notre volontaire Emmanuelle est en mission au Caire, au sein de l’école Saint Vincent de Paul, dirigée par les Filles de la Charité. Elle s’y intègre progressivement et trouve désormais son équilibre dans cette communauté éducative engagée depuis plus de 130 ans au service des jeunes Égyptiennes.


Une mission de volontariat au cœur de l’école Saint Vincent de Paul

Accueillie par les sœurs, Emmanuelle loge au sein même de l’école, située à l’est du Caire. Elle partage le quotidien de la communauté : repas, traversée de la cour encore endormie le matin, rituels scolaires… autant de moments qui rythment sa vie de volontaire.

L’école scolarise 1 250 filles, de la maternelle au baccalauréat. Les cours sont dispensés en partie en français et en partie en arabe. Chaque matin, les élèves se rassemblent dans la cour pour chanter, faire quelques exercices d’échauffement et entonner l’hymne national égyptien.

Les missions d’Emmanuelle : français, journalisme et engagement éducatif

Enseignement du français oral

Emmanuelle intervient dans neuf classes de collège pour développer l’oral et la communication en français. Son rôle est de mettre les élèves en confiance, de les faire pratiquer et de renforcer leurs compétences linguistiques.

Option journalisme en français

Elle participe également à l’encadrement de l’option « journalisme en français », un espace où les élèves apprennent à écrire, interviewer, organiser l’information et créer du contenu.

Accompagnement des lycéennes

Emmanuelle aide un groupe de lycéennes dans un programme soutenu par une association française. Leur mission : imaginer et construire une mini-entreprise fictive, un projet stimulant qui développe créativité et esprit d’initiative.

Découverte des classes maternelles

Elle intervient depuis peu en maternelle, où l’enthousiasme et la spontanéité des plus petites rendent chaque séance joyeuse et touchante.


Vivre en communauté avec les Filles de la Charité

La communauté est composée de six sœurs aux personnalités variées :
– sœur Hanane, directrice dynamique de l’école ;
– sœur Ourit, calme et efficace ;
– sœur Mervat, attentive et bienveillante ;
– sœur Marcelle et sœur Joséphine, plus âgées et très maternelles ;
– Hanane, jeune postulante pleine d’énergie.

Les liens se tissent jour après jour, malgré parfois quelques difficultés linguistiques qui donnent lieu à des moments de complicité.


Découvrir Le Caire et l’Égypte pendant sa mission

Après les cours, Emmanuelle suit des leçons d’arabe, prépare ses interventions ou anime des activités dans la cour. Ses jours de repos, le vendredi et le dimanche, lui permettent d’explorer Le Caire, une ville immense et fascinante.

Elle a aussi profité d’un jour férié pour partir dans le désert du Fayoum, une parenthèse de calme au milieu de paysages magnifiques qui l’a profondément ressourcée.


Une mission riche humainement et spirituellement

Entre enseignement, vie communautaire, apprentissages et découvertes culturelles, Emmanuelle vit une mission de volontariat intense et profondément enrichissante. Son engagement auprès des jeunes filles égyptiennes témoigne de la force et de la beauté du service auprès des autres.

« Face à la tragédie de Gaza, porter une parole chrétienne est une nécessité morale »

Le nouveau directeur général de l’Œuvre d’Orient, Mgr Hugues de Woillemont, invité à intervenir devant l’Assemblée plénière de la Conférence des Évêques de France ce week-end, appelle l’Église à ne pas se taire devant la guerre à Gaza. Il faut, dit-il, condamner, s’engager et ne jamais cesser de préparer la paix.

Face à la tragédie de Gaza, beaucoup s’interrogent : l’Église peut-elle encore parler ? Chaque mot semble soupçonné d’être partisan, chaque silence jugé complice. Pourtant, une parole chrétienne n’est pas un luxe : elle est une nécessité morale. Elle rappelle que la dignité humaine est indivisible, que la souffrance ne se hiérarchise pas, et que la paix ne naît jamais de la vengeance.

Cette parole, pour être crédible, doit s’enraciner dans une éthique de la relation. Elle ne se construit ni sur la peur ni sur la défense d’intérêts communautaires. Elle se fonde sur l’Évangile, qui nous apprend à reconnaître dans chaque visage, ami ou ennemi, un frère à aimer. « Tenir les souffrances des deux mains, celle d’Israël et celle de la Palestine », nous confiait récemment une sœur habitant à Jérusalem. C’est refuser le confort des jugements univoques, c’est accueillir la complexité comme lieu de vérité.

Dénoncer, agir, témoigner

Parler en chrétien de Gaza, c’est dénoncer les violences sans distinction : le terrorisme meurtrier du 7 octobre 2023, les représailles disproportionnées, les destructions massives qui broient des vies innocentes. C’est rappeler que la sécurité ne se bâtit pas sur la domination, et que le respect du droit international humanitaire est une exigence éthique avant d’être une règle juridique. Là où la loi du plus fort remplace la justice, la paix devient impossible. La guerre, disait le pape François, « est toujours une défaite ».

Mais une parole chrétienne ne se limite pas à l’analyse. Elle agit. Elle s’engage pour le secours humanitaire, pour la protection des civils, pour la reconstruction du tissu social. Elle cherche à créer des espaces de paix et de sérénité où les communautés peuvent se rencontrer sans crainte. Ces rencontres ne doivent pas rester l’affaire des élites, mais devenir la vie quotidienne des peuples. C’est là que germe la réconciliation.

Cette parole n’est pas seulement morale : elle est incarnée. Les chrétiens de Gaza, peu nombreux mais fidèles, témoignent d’une présence évangélique au cœur du chaos. Le père Romanelli confiait : « Quand l’occasion est là, il faut faire le bien, le bien qui est à notre portée. » Par ces gestes de soin, de prière et de partage, ils rappellent que l’Évangile n’est pas une idée, mais une vie donnée.

Dire la vérité

Enfin, une parole chrétienne sur Gaza doit oser dire la vérité sans honte, même quand elle dérange. Car aimer la paix, c’est d’abord refuser le mensonge. Cela suppose une mémoire partagée, une éducation à la vérité, et une reconstruction fondée sur la réciprocité et le primat du droit. Ainsi l’école des Frères des écoles chrétiennes à Jaffa, soutenue par l’Œuvre d’Orient, accueille des élèves juifs, chrétiens et musulmans. De la maternelle au lycée, ils apprennent, grandissent, jouent et rêvent ensemble.

Dans le fracas des armes, cette parole ne prétend pas résoudre l’irrésolvable ; elle choisit de rester humaine. Elle refuse que la haine soit la dernière langue parlée entre les peuples. Et elle murmure, au cœur des ruines, cette conviction obstinée : aucune guerre n’efface la promesse de paix que Dieu a confiée à l’humanité.

©La Croix

Photo en bannière: Abed Rahim Khatib / Anadolu/AFP

Mgr Claudiu-Lucian Pop nommé archevêque majeur de l’Église gréco-catholique roumaine

Communiqué de presse : élection de Mgr Claudiu-Lucian Pop

L’Œuvre d’Orient se réjouit de l’élection de Mgr Claudiu-Lucian Pop, nouvel archevêque majeur de l’Église gréco-catholique roumaine.


Né le 22 juillet 1972, Claudiu-Lucian Pop est ordonné prêtre le 23 juillet 1995 pour l’éparchie gréco-catholique d’Oradea, après des études de chimie à Bucarest et de philosophie et théologie à Rome. De 1999 à 2007, il est vice-recteur, puis recteur de la mission grecque-catholique roumaine à Paris. En 2007, il est nommé recteur du collège pontifical roumain jusqu’en 2011.

Le 21 novembre 2011, il est confirmé par le pape Benoît XVI comme évêque curial de l’archéparchie majeure gréco-catholique roumaine de Făgăraș et Alba Iulia et évêque titulaire de Mariamme. Le 14 avril 2021, il est nommé évêque de Cluj-Gherla.

Le pape Léon XIV confirme son élection le 6 novembre 2025 en lui adressant ces mots : « Que l’Esprit Saint vous guide, Béatitude, dans le ministère auquel le Seigneur vous a appelé à promouvoir la communion et la mission de l’Église grecque-catholique roumaine afin de grandir et de prospérer, en préservant la mémoire des nombreux martyrs et confesseurs qui ont écrit avec le témoignage de la vie des pages de foi indélébiles et glorieuses »

Depuis sa création, L’Œuvre d’Orient soutient l’Église gréco-catholique roumaine et a poursuivi son appui fidèlement pendant la période du régime communiste roumain.

Après la chute de ce régime en 1989, elle accompagne l’élan de cette Église renaissant des catacombes et contribue :

– à la construction de nombreuses nouvelles églises gréco-catholiques : beaucoup d’entre elles, ayant été confisquées par le régime, n’ont pu être récupérées.

– au développement des écoles et des centres d’accueil pour jeunes déshérités

L’Œuvre d’Orient a également toujours soutenu la mission gréco-catholique roumaine en France.

L’Œuvre d’Orient félicite pour son élection Mgr Claudiu-Lucian Pop, qu’elle avait la joie de recevoir dans ses locaux fin septembre, et l’assure de ses prières.

Informations à nos donateurs

Informations à nos donateurs

Beyrouth, le 29 septembre 2025


Chers amis de L’Œuvre d’Orient,

Suite à des questions de certains d’entre vous au sujet de la perquisition des bureaux de SOS chrétiens d’Orient dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le Parquet national antiterroriste pour « complicité par aide ou assistance de crime de guerre » et de « complicité par aide ou assistance de crimes contre l’humanité », L’Œuvre d’Orient souhaite apporter une clarification : il n’y a aucun lien entre l’association SOS Chrétiens d’Orient et L’Œuvre d’Orient. Et ce malgré la proximité des noms, des objectifs affichés et des documents émis par cette association, qui entretiennent la confusion.

 

Dès décembre 2015, l’amiral Pierre Sabatié-Garat, président de L’Œuvre d’Orient, a alerté nos donateurs sur la différence entre ces deux associations, L’Œuvre d’Orient s’interdisant toutes considérations autres que celles de terrain.

Les chrétiens d’Orient jouent un rôle considérable sur leur terre. Ils gèrent des hôpitaux, des écoles où sont présents chrétiens et musulmans, garçons et filles, riches et pauvres, et enfants parfois très démunis. Ils servent leur pays et aspirent à y vivre en paix avec tous. Ils ne sont la propriété de personne, et sûrement pas de L’Œuvre d’Orient, qui les soutient matériellement et moralement sur place depuis 170 ans. L’Œuvre d’Orient est une œuvre d’Église, elle leur prodigue quotidiennement la proximité fraternelle de l’Église de France.

 

Je vous écris depuis Beyrouth, où j’ai réservé mon premier déplacement en tant que Directeur général de l’association. Tous les bénéficiaires que j’ai pu rencontrer cette semaine au Liban et en Syrie vous remercient pour votre générosité et nous témoignent des projets qui ont pu être réalisés grâce à votre soutien. Ils me redisent la qualité et l’importance des missions de nos volontaires envoyés au sein de leurs communautés religieuses.

 

J’ai souhaité faire ce voyage accompagné par nos permanents au Liban et en Syrie et par Mgr Pascal Gollnisch, et je constate en découvrant les actions durables menées sur le terrain que notre association bénéficie d’un inestimable réseau d’amitiés : Patriarches, évêques, prêtres, religieuses, religieux et laïcs. Dans les vingt-trois pays où elle intervient, secoués par les crises, L’Œuvre d’Orient est attentive à rester équilibrée dans ses propos et dans son action, hors de tout engagement politique, tout en dénonçant fermement les crimes à caractère religieux, les persécutions et les atteintes aux droits de la personne humaine.

 

Ainsi, en Syrie, nous sommes restés aux côtés du peuple syrien toutes ces années et avons pu apporter l’aide humanitaire à la suite du tremblement de terre ; au Liban, l’effort réalisé sur les établissements scolaires catholiques a permis à l’enseignement de se poursuivre. Ces urgences ne nous détournent pas de nos missions historiques au service de l’éducation, de la santé et de la pastorale de l’ensemble des communautés orientales sur le vaste champ d’action que nous couvrons, de l’Europe de l’Est à l’Inde.

 

Aussi, soyez assurés, chers amis, du dévouement et de la mobilisation permanente de tout le personnel de L’Œuvre d’Orient, à Paris, mais aussi de nos équipes sur le terrain pour venir en aide sur place matériellement et moralement à nos frères d’Orient. Sûrs de votre fidèle soutien, nous poursuivons cette immense tâche avec une inébranlable foi et une ferme détermination. Je vous prie de croire, chers amis, à mes sentiments dévoués,

 

Mgr Hugues de Woillemont,

Directeur général de L’Œuvre d’Orient

Mgr Cristian Crisan consacre un article à la mémoire du Cardinal Lucian Mureșan

A Dieu le Cardinal Lucian Mureșan

Un grand homme de l’Église de Roumanie s’est éteint le 25 septembre 2025 : le Cardinal Lucian Mureșan, Archevêque Majeur de l’Église Roumaine Gréco-Catholique Unie à Rome, le troisième cardinal de cette église après le Bx Iuliu Hossu et Alexandru Todea. Il était également le dernier survivant de la persécution subie par son Église sous le régime communiste.

Né le 23 mai 1931 dans un village à proximité de la ville de Baia Mare, au nord de la Transylvanie, il manifesta dès son enfance le désir de suivre l’appel du sacerdoce. Vocation qui rencontra de grands obstacles : par le Décret 358 du 1er décembre 1948 – qui ouvrait la persécution religieuse imposée par le diktat soviétique appliqué également par Staline en Ukraine – le régime communiste roumain interdit et dissout l’Église grecque-catholique du pays. Obligé de quitter le lycée pour rejoindre une école professionnelle, le jeune Lucian Mureșan travailla ensuite sur le chantier de la première hydrocentrale du pays.

En 1955, il fut accepté – avec la bénédiction de l’évêque romano-catholique Martin Aron – à l’Institut Théologique Romano-Catholique d’Alba Iulia, d’où il fut toutefois exmatriculé en sa 4e année d’études et mis sous surveillance par la police secrète roumaine, la Securitate. Il a continué cependant ses études théologiques en clandestinité avec des professeurs libérés de prison, effectuant en même temps un apostolat intense auprès des jeunes.

Consacré prêtre en secret le 19 décembre 1984 par Mgr Ioan Dragomir, évêque auxiliaire de l’éparchie de Maramureș, il déroula, souvent en pleine nuit, une activité pastorale clandestine – célébrations sacramentelles, catéchèse, exercices spirituels, formation des candidats à la prêtrise – pour assurer la survie de son Église. Après la Révolution de décembre 1989, l’Église Roumaine Gréco-Catholique retrouva sa liberté légale le 3 mars 1990.

Le Saint Pape Jean-Paul II nomma le père Lucian Mureșan en tant qu’évêque de Maramureș. Quatre ans plus tard, en 1994, après le retrait du cardinal Alexandru Todea, le même Pape le nomma Archevêque d’Alba Iulia et Făgăraș et Métropolite de l’Église Gréco-Catholique et fut installé à Blaj.  La Métropolie fut élevée par Benoit XVI en 2005 au rang d’Archevêché Majeur. Le 18 février 2012, le même Évêque de Rome accorda à Mgr Lucian Mureșan la barette de cardinal et le titre de l’Église Saint Athanase de Rome. Le Cardinal Mureșan a exercé ainsi cinq mandats de président de la Conférence des Évêques Catholiques de Roumanie.

Si un autre Cardinal roumain, le Bx évêque martyr Iuliu Hossu, a qui est consacrée l’Année 2025, est le symbole de la résistance de l’Église dans les premières décennies de la persécution communiste, et si le Cardinal Alexandru Todea a conduit l’Église jusqu’aux premières décennies du retour à la légalité, le Cardinal Lucian Muresan s’identifie avec le vaste et complexe procès de refonte des structures pastorales, de reconstruction et de développement institutionnels et, surtout, de repositionnement de l’Église dans le monde contemporain. Sa fidélité au Saint Siège de Rome, ainsi que le dévouement de toute sa vie au service du Seigneur, de l’Église Gréco-Catholique et du peuple roumain ont renforcé et guidé le don de toute une vie au service de Dieu, de l’Église et du peuple roumain : visites canoniques, fondation de centaines de paroisses, consécration de très nombreux prêtres, activités caritatives et sociales – un authentique pasteur d’âmes.

La Cause de la béatification des Bienheureux Évêques martyrs (Valeriu Traian Frențiu, Vasile Aftenie, Ioan Suciu, Tit Liviu Chinezu, Ioan Bălan, Alexandru Rusu et Iuliu Hossu) a été finalisée le 19 mars 2019 quand le pape François a autorisé la publication du Décret de béatification des Sept Martyrs.

Le 2 juin 2019, le Cardinal Lucian Muresan a accueilli à Blaj le Pape François qui, dans le cadre de la célébration de la Divine Liturgie sur le Champ de la Liberté, a béatifié les Sept Bienheureux.

Le 19 mai 2022, en accueillant un groupe de séminaristes roumains lors d’une audience, le pape François leur disait : « Je pense au Cardinal Mureșan qui, dans quelques jours, fêtera ses 91 ans. : années de service en tant que prêtre qui ont commencé, il y a presque soixante ans, dans un sous-sol pauvre, après la libération de prison des évêques qui avaient survécu. Des pasteurs souffrant de pauvreté, mais riches par l’Évangile. Soyez comme lui, apôtres heureux de la foi dont vous avez héritée, prêts à ne rien garder pour vous-mêmes, prêts à vous réconcilier, à vous pardonner les uns aux autres, et à tisser l’unité au-delà de toute rancœur ou victimisation. C’est alors que vos grains seront, à leur tour, conformes à l’Évangile et porteront beaucoup de fruits ».

Primat de l’Église Roumaine, il a présidé également la Conférence épiscopale de Roumanie à plusieurs reprises. Il a joué un rôle central dans la reconstruction des structures ecclésiales, la restitution des biens confisqués, et la réorganisation pastorale.

Il devient membre du Dicastère pour les Églises orientales en représentant son pays au sein de l’Église universelle, notamment lors du Synode sur la famille en 2014. Ayant déjà dépassé le seuil des 80 ans lors de sa création cardinalice, il ne participa ni au conclave de 2013 ayant conduit à l’élection du pape François, ni à celui de 2025 ayant élu Léon XIV.

Toutefois, la limite d’âge de 75 ans ne s’appliquant pas aux chefs des Églises orientales, il est resté en poste jusqu’à la fin de sa vie, assumant le grand rôle de témoin de la foi vécue dans la persécution. La fonction épiscopale étant assumée dans une logique de paternité spirituelle, il était, à 94 ans, le plus vieux cardinal ayant encore officiellement la charge d’un diocèse.

Il a présidé à la reconnaissance nécessaire du rôle de son Église fondée à la fin du 17e siècle comme le premier pas significatif vers l’intégration d’une province roumaine en Europe. Événement historique qui avait été souligné aussi bien par le Président de l’Académie Roumaine, Ion Aurel Pop, que par la poète Ana Blandiana, lors de la session consacrée par l’Académie au Cardinal Iuliu Hossu en début de cette année.

Contribution fondamentale qui a été également saluée lors de la célébration des obsèques du Cardinal Mureșan dans la Cathédrale de Blaj le 29 septembre 2025 par le Président de la Roumanie, M Nicușor Dan, qui a apporté, au nom du pays entier, un vibrant hommage de gratitude et d’honneur au Cardinal Lucian, ainsi qu’à l’Église Roumaine Gréco-Catholique. Il a déclaré que la Transylvanie, et d’ailleurs la Roumanie et son peuple, doivent leur profonde reconnaissance au rôle déterminant de cette institution de foi et de culture dans leur histoire représentée par cette Église. Il a souligné également, vu l’injustice des souffrances subies par cette Église, vu la relativisation des valeurs du temps présent, l’importance du rôle fondamental de la figure du Cardinal Mureșan dans la réconciliation et de rapprochement fraternel entre les différentes confessions et entre les hommes. Un inoubliable symbole d’honneur ! Hommage de juste reconnaissance qui a trouvé un large écho dans les colonnes des journaux.

M Ciprian Olinici, Secrétaire d’État pour les Cultes, en exprimant également l’hommage du Gouvernement de Roumanie, a souligné la richesse de l’héritage du Cardinal à son Église, “un trésor de foi, de résistance et d’espérance”, ainsi qu’un appel à continuer sur le chemin de justice, le la vérité et de la fraternité.

Il était d’ailleurs impressionnant de constater l’harmonie œcuménique et interreligieuse dans la Cathédrale historique de Blaj pendant ces obsèques : à côté d’un grand nombre d’évêques, prêtres, séminaristes, il y avait des représentants de l’Eglise Orthodoxe et du Culte Protestant, des chevaliers de Malte, de la foi musulmane et aussi de la communauté juive. Il faudrait souligner par ailleurs que la célébration de l’Année Iuliu Hossu en Roumanie était l’initiative de M Silviu Vexler, le président de la Fédération des Communautés Juives du pays.

La grande richesse de l’héritage spirituel et patriotique du Cardinal Mureșan a été également saluée par les représentants du Saint-Siège.  Son Éminence, Claudio Cardinal Guggerotti, Préfet du Dicastère pour les Églises Orientales, a souligné le rôle du Cardinal Muresan en tant que grand témoin du Christ, offrant son sacrifice de fidélité au Successeur de Pierre. Il a mis en évidence la contribution du Cardinal à la renaissance remplie d’espérance de l’Église de Roumanie.

Son Excellence Giampiero Gloder, Nonce apostolique en Roumanie et en République de Moldavie, a transmis l’hommage vibrant du Saint Père Léon XIV qui “a remercié le Seigneur pour le témoignage exemplaire de ce fils dévoué de l’Eglise”, qui a montré “sa patience son dévouement évangélique” pendant toute sa mission, en éclairant des générations de de fidèles. “Je suis confiant que, accompagné par les Martyrs et les bienheureux de l’Église Greco-Catholique Roumaine, il sera le bienvenu dans la joie du royaume éternel.”

Pour conclure on peut rappeler, les paroles du Cardinal Lucian Mureșan adressées au Pape Léon XIV a l’occasion de l’acte commémoratif en l’honneur du bienheureux Iuliu Hossu dans la chapelle Sixtine le 2 juin dernier. En citant les dernières paroles du Bx Iuliu Hossu, le Cardinal Lucian présentait son propre testament à ses fidèles :  « Ma lutte est finie ! La vôtre continue ! Menez-la jusqu’à la fin ! ».

 

Mgr Cristian Crișan

Ihor Rantsya évêque de l’Eparchie ukrainienne St Volodymyr le Grand

COMMUNIQUE DE PRESSE 


Ce 1er octobre 2025, jour de la fête de la Protection de la Très Sainte Mère de Dieu, il a été annoncé que le Saint-Père Léon XIV avait approuvé la décision du Synode des évêques de l’Église gréco-catholique ukrainienne (ÉGCU), qui a élu évêque de l’Éparchie (diocèse) ukrainienne Saint Volodymyr le Grand de Paris, le père IHOR RANTSYA, prêtre de l’archiéparchie de Lviv, qui sert depuis 2015 dans l’éparchie ukrainienne de Paris. Cette information a été communiquée par le
Bureau de presse du Saint-Siège au Vatican et le Département de l’information de l’ÉGCU à Kyiv.
Le père Ihor Rantsya devient ainsi le deuxième éparque de l’éparchie ukrainienne de Paris, après le transfert en 2019 du premier éparque, Mgr Borys Gudziak, au siège métropolitain de Philadelphie ; il reprend le ministère épiscopal de l’actuel administrateur apostolique, Mgr Hlib Lonchyna, évêque émérite de l’Éparchie de la Sainte Famille de Londres.

Mgr Hlib a exprimé sa joie à l’annonce de cette nouvelle. « L’Éparchie Saint Volodymyr le Grand de Paris a enfin reçu l’évêque-éparque qu’elle attendait depuis de nombreuses années. Je prie pour que le Seigneur bénisse le ministère épiscopal du père Ihor Rantsya, afin qu’il devienne un digne successeur de Mgr Borys, premier éparque à Paris, et de ses prédécesseurs, les exarques Volodymyr Malanchuk et Michael Hrynchyshyn. L’évêque-nommé Ihor a les qualités requises pour mener cette éparchie dans le deuxième quart du XXIe siècle. Il sera également une voix importante au Synode de nos évêques. Je souhaite au nouvel éparque la grâce de Dieu et l’inspiration divine nécessaire pour accomplir son ministère épiscopal : sanctifier, enseigner et guider le peuple de Dieu. Je sais que le clergé et les fidèles de l’éparchie accueilleront chaleureusement le nouvel évêque et travailleront avec lui pour la gloire de Dieu et le salut des âmes ».

À son tour, l’évêque-nommé Ihor Rantsya remercie pour cette nomination gage de la confiance accordée par le Saint Père Léon XIV, le Patriarche Sviatoslav et le Synode des évêques de l’ÉGCU, au service de ses fidèles en France, en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Suisse.
« J’accepte la mission que m’a confiée notre Église avec engagement, joie et paix intérieure, mais, en même temps, avec humilité. Au cours de mon service en France, j’ai été l’observateur et le collaborateur de Mgr Borys et de Mgr Hlib, différents par leur charisme et leur style, mais égaux dans leur amour pour l’Église et leur zèle pour le salut des âmes. Je compte sur les prêtres talentueux et dévoués de l’éparchie, que je connais bien, avec lesquels nous servirons nos fidèles.
Ensemble, nous nous efforcerons d’élargir et d’approfondir l’espérance, de construire l’unité et la communion, de favoriser la liberté et l’ouverture, la miséricorde et le sacrifice de soi, tout en partageant des dons avec l’Église catholique romaine, les autres Églises et confessions dans les pays de l’éparchie et toutes les personnes de bonne volonté. Ensemble nous aiderons l’Ukraine, qui souffre de l’agression russe ».

 

Informations biographiques

Ihor Rantsya est né le 8 mars 1978 dans le village d’Opilsko, région de Lviv, dans une famille gréco-catholique ukrainienne. De 1995 à 2003, il étudie à l’Université nationale Ivan Franko de Lviv, où il obtient un doctorat en géographie, puis enseigne pendant cinq ans. De 2008 à 2014, il étudie au Séminaire Saint-Esprit de Lviv et à l’Université catholique d’Ukraine (UCU), obtenant en 2013 une licence canonique en théologie (STB). En février 2014, à l’invitation de Mgr Borys Gudziak, éparque de France, il s’installe à Paris pour poursuivre ses études de théologie et son ministère pastoral.

Il est ordonné prêtre le 29 mars 2015 à Paris par Mgr Ihor Vozniak, archevêque métropolitain de Lviv, en devenant membre du clergé de l’archiéparchie de Lviv. Sur mandat de l’éparque du lieu, Mgr Borys Gudziak, puis, à partir de février 2019, de l’administrateur apostolique, Mgr Hlib Lonchyna, il exerce diverses fonctions pastorales et curiales : vicaire de la cathédrale Saint Volodymyr le Grand de Paris de Paris (2015-2019), membre du Conseil presbytéral et du Collège des conseillers (depuis 2017), recteur de la nouvelle paroisse de Tous-les-Saints à Vincennes (2017- 2019), président de la Commission œcuménique (2018-2021), administrateur de la cathédrale Saint Volodymyr le Grand de Paris à Paris (2019-2022), représentant de l’éparchie au Conseil pastoral de la Curie patriarcale (depuis 2019), protosyncelle/vicaire général (depuis 2022). Parallèlement à ces fonctions, il étudie à l’Institut catholique de Paris : en 2018, il y obtient une licence canonique en théologie œcuménique (STL) et commence un doctorat en ecclésiologie. Du 7 janvier au 1 octobre 2025, le père Ihor était en congé pour terminer la rédaction de sa thèse de doctorat, dont la soutenance est prévue dans les tout prochains mois.

Éparchie Saint Volodymyr de Paris

L’histoire du pastorat gréco-catholique ukrainien à Paris commence dans les années 1850. En 1937, grâce aux efforts du métropolite André Sheptytsky, la Mission de l’ÉGCU en France est canoniquement fondée à Paris sous la direction du père Jacques Perridon. Depuis 1946, les fidèles ukrainiens des pays aujourd’hui dans l’éparchie, sont pris en charge par l’évêque Ivan Buczko en tant que visiteur apostolique. En 1954, les gréco-catholiques ukrainiens de France ont rejoint le nouvel Ordinariat des catholiques orientaux, dirigé par les archevêques de Paris.
En 1960, le pape Saint Jean XXIII crée un exarchat pour les Ukrainiens en France et nomme premier exarque, Mgr Volodymyr Malanchuk (1961-1982). Lui succède Mgr Michael Hrynchyshyn (1982-2012) et le territoire pastoral des exarques de France est étendu à la Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg et à la Suisse. L’évêque Borys Gudziak en devient le troisième exarque (2012), puis son premier éparque – lorsque le pape Benoît XVI élève l’exarchat au rang d’éparchie (diocèse) en 2013. Depuis sa nomination au siège métropolitain de l’ÉGCU aux États-Unis le 18 février 2019, Mgr Hlib Lonchyna était l’administrateur apostolique de l’éparchie ukrainienne de Paris.
La date de la consécration épiscopale et de l’intronisation de l’éparque-nommé Ihor Rantsya, qui auront lieu à Paris, sera annoncée ultérieurement.

Retrouvez le communiqué original ici

CP 3 oct 2025 – I. RANTSYA évêque de l’Eparchie ukrainienne St Volodymyr le Grand

Le Prix littéraire de L’Œuvre d’Orient 2025

Le Prix littéraire de L’Œuvre d’Orient revient pour sa 14e édition et sera décerné à un ouvrage traitant avec vérité et espérance de la situation des chrétiens en Orient. Ce prix honorifique et unique dans sa catégorie permet de sensibiliser les lecteurs à l’actualité et aux problématiques des chrétiens en Orient.

Le prix sera remis le mercredi 24 septembre 2025 à Saint-Germain-des-Prés, par Mgr Laurent Ulrich, Archevêque de Paris et Ordinaire des catholiques des églises orientales résidant en France.

Au programme cette année : des voix de chrétiens d’Orient, mais aussi de spécialistes sur le sujet et d’un orthodoxe, de l’Ukraine à l’Irak en passant par la Terre sainte ou encore le Liban.

 

Les titres présélectionnés :

– Anatolii Babynskyi, L’Église gréco-catholique ukrainienne. Une brève histoire, Salvator, janvier 2025.

– Marwan Chahine, Beyrouth, 13 avril 1975. Autopsie d’une étincelle, Belfond, septembre 2024.

– Sébastien de Courtois, La marche et le sacré. Quelques pas vers l’éternité, Salvator, avril 2024.

– Nicolas Diat, Humilitas. La naissance des hommes seuls, Fayard, octobre 2024.

– Métropolite Emmanuel, Libres enfants de Dieu, éditions du Cerf, mars 2025.

– Carine Marret, Les chrétiens d’Orient et la France. Mille ans d’une passion tourmentée, Balland, janvier 2025.

– Philippe Martin, Sur les chemins de Jérusalem. Juifs, chrétiens et musulmans en pèlerinage vers la Ville sainte, Tallandier, octobre 2024.

– Joseph Yacoub et Pascal Maguesyan, Pour l’amour d’une mère. Itinéraires d’un Assyro-chaldéen, éditions du Cerf, mai 2025.

 

Le jury, spécialiste de la question des chrétiens d’Orient :

Christian CHESNOT, journaliste et grand reporter à France Inter.

Jean-François COLOSIMO, directeur général des éditions du Cerf, théologien, historien, essayiste.

Antoine FLEYFEL, théologien et philosophe, directeur de l’Institut des chrétiens d’Orient à Paris, professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth et membre de l’Œuvre d’Orient.

Céline GUILLAUME, présidente de La Procure.

Anne-Bénédicte HOFFNER, ancienne journaliste à La Croix et étudiante en théologie.

Christian LOCHON, membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer.

Marine de TILLY, critique littéraire au Point, grand reporter.

Thomas WALLUT, producteur, journaliste de l’émission «Chrétiens Orientaux, Foi, Espérance et Traditions» de France 2.

– Une voix pour les délégués de l’Œuvre d’Orient.

 

Retrouvez tous les ouvrages de la présélection sur la boutique de L’Œuvre d’Orient : La Maison de L’Œuvre d’Orient

 

Pour plus d’informations, contactez Marielle Fontanilles : mfontanilles@oeuvre-orient.fr

« Espérer, entrer dans une relation sans peur »

« Espérer, entrer dans une relation sans peur »

Entretien avec Jina Achji, grecque-catholique d’Alep, fondatrice du projet Espace du Ciel réalisé en juillet par Jean-Louis de La Vaissière

Jean-Louis de la Vaissière : Quelle est l’humeur des Syriens sous ce régime conduit par un ancien  islamiste ?

Jina Achji : Ils essaient d’espérer car ils n’ont aucune autre issue mais ce n’est pas facile de conformer leur rêve à la réalité.

Dans plusieurs domaines il y a beaucoup de changements. Mais je vois aussi combien les Syriens n’éprouvent pas encore de sentiment de sécurité.

Même si pour l’Amérique de Trump, la Syrie est le paradis maintenant, la réalité est très difficile. Certes la vie coûte un peu moins qu’autrefois. Le prix des achats a diminué, environ 20%, mais le taux de change réel du dollar reste très élevé. Il y a des marchandises dont les prix ne baissent pas.

Dans les écoles, l’ancien système continue mais ils ont remplacé l’éducation civique par la religion. Cela vaut aussi pour les chrétiens.

Réunion dans les locaux de l’association « Espace du ciel », avec Jina ACHI. © Hasan Ibrahim BELAL

Parlez-nous de votre projet pour la tolérance mutuelle, Espace du ciel ?

J’ai fondé il y a 13 ans ce projet qui réunit musulmans et chrétiens pour faire ensemble des expériences qui les aident à s’accepter, à entrer dans une relation sans peur. On reçoit les enfants, de l’âge de trois ans jusqu’au bac, mais aussi leurs mères. Elles ont des séances obligatoires. Quand elles inscrivent leur enfant, elles doivent suivre le programme de leur enfant. On aide aussi des jeunes universitaires à élargir leur espace intérieur, à recevoir Dieu de plusieurs manières : à recevoir l’autre à travers Dieu et aussi à accueillir la manière de l’autre qui a reçu Dieu de manière différente. Ils peuvent découvrir combien la différence est enrichissante. Ce projet est l’oasis où tous nous pouvons découvrir l’homme à l’intérieur et dans l’essentiel.

 

Comment les chrétiens peuvent-ils pratiquer leur foi?

En principe, ils peuvent prier. L’Etat leur dit :  on vous défend. Mais ce n’est pas une question de défense, c’est une ouverture vers toutes les communautés qui va sauver la Syrie. C’est la seule solution, incluant tous les Syriens. Autrefois ce n’était pas facile d’exprimer notre opinion politique, c’était même interdit. En fait, les gens ne savent pas jusqu’à quel point ils peuvent exercer leurs libertés, car toujours il y a des comportements individuels qui réveillent des peurs anciennes. Par exemple, en été, les gens ne savent pas comment ils doivent s’habiller, on n’ose pas ouvrir de piscines mixtes pour aller nager. En principe on est pensé disposer de ces libertés qu’on avait, mais, dans les faits, on n’en sait rien.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Après quatorze ans de guerre, les Syriens ont besoin que l’autre ne soit plus ressenti comme une menace. Le rôle du gouvernement est de créer un terrain fécond où chacun puisse trouver sa place et se trouver lui-même au milieu du désordre. Et de ne pas imposer des contraintes qui paralysent de nouveau.  Les gens étaient muets autrefois, travaillant en silence. Le silence n’est pas vibrant mais il est plus actif que le brouhaha de la propagande. Beaucoup de gens étaient silencieux car ils essayaient de voir où est le bien commun, pas celui d’une communauté. C’était le rôle de l’Eglise de travailler en silence entre toutes les communautés. C’était notre choix : travailler avec tout le monde, ne rejeter aucune croyance.