Saint Jean Chrysostome

Jean naît autour de 349 à Antioche de Syrie (aujourd’hui Antakya, au sud de la Turquie). Orphelin de père en bas âge, il vit avec sa mère, Antusa, qui lui transmet une extrême sensibilité humaine et une profonde foi chrétienne. À l’école de son maître, Libanios, Jean devient le plus grand orateur de l’Antiquité grecque tardive. À 18 ans, il se fait baptiser puis suit, pendant cinq ans, une formation dans un des premiers séminaires à Antioche.
Il se retire alors comme ermite et se consacre totalement, pendant six ans, à la méditation des évangiles et des épîtres de saint Paul. Tombé malade, il se trouve dans l’impossibilité de se soigner seul et doit revenir dans la communauté chrétienne d’Antioche. « Le Seigneur intervient à un juste moment avec cette infirmité, pour permettre à Jean de suivre sa véritable vocation », dit Benoît XVI dans une de ses audiences générales consacrées au saint. Il devient alors pasteur d’âme à plein-temps. L’intimité avec la parole de Dieu, cultivée au cours des années de son ermitage, a fait mûrir en lui l’urgence irrésistible de prêcher l’Évangile, de donner aux autres ce qu’il avait reçu au cours des années de méditation.
Ordonné prêtre en 386, Jean devient un célèbre prédicateur dans les églises de sa ville. Nommé archevêque de Constantinople en 397, il s’engage contre la corruption des moeurs touchant le pouvoir politique et religieux, ce qui lui attire des inimitiés. « Il propose le modèle de l’Église primitive comme modèle pour la société, en développant une “utopie” sociale », explique Benoît XVI.
Malgré son bon coeur, Jean Chrysostome ne connaît pas une vie tranquille. Condamné, puis rappelé, il est finalement exilé aux frontières de l’Arménie, où il meurt en 407. Auteur prolifique, il laisse de nombreux écrits, dont plus de sept cents homélies, des commentaires de Matthieu et de lettres de Paul, dix-sept traités et 241 lettres.

 

“Dieu désire le salut de tous”

« Au terme de sa vie, dans son exil dans “le lieu le plus reculé du monde”, Jean, se rapportant à sa première prédication de 386, reprend le thème qui lui était cher du dessein “indicible et incompréhensible” que Dieu poursuit à l’égard de l’humanité. […] Malgré ses souffrances, il réaffirme la découverte que Dieu aime chacun de nous avec un amour infini et désire le salut de tous. […] Chrysostome laisse ainsi comme tout dernier testament : “Gloire à Dieu pour tout !” »

Source : Benoît XVI, audience générale du 26 septembre 2007

 

 

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Conférence de la paix du Caire : intervention du pasteur Fykse Tveit

« Agissons ensemble »: ce sont les derniers mots significatifs du discours du Pasteur Olav Fykse Tveit, Secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises (COE), jeudi 27 avril au Caire (Egypte), à la conférence interreligieuse de Al-Azhar sur la paix.

« En tant que représentants du Conseil œcuménique des Églises, nous sommes très reconnaissants au Cheikh d’Al-Azhar et au Conseil musulman des aînés de cette occasion qui nous est offerte de nous réunir afin d’affirmer notre détermination commune à œuvrer en faveur d’une paix juste à travers le monde », dit notament le pasteur Fykse Tveit.

Il insiste sur l’origine commune de tous les hommes, le Dieu Créateur: « Nous croyons en un Dieu qui a créé Une humanité composée d’individus devant vivre ensemble, en harmonie avec la diversité et les différences qui existent. Nous sommes ici pour partager nos réflexions et ainsi montrer ce que cela signifie concrètement pour nous. Ensemble, nous devons lancer un appel au respect de la vie de tous les individus créés par Dieu. Nous sommes responsables devant le Créateur lorsque nous rencontrons une autre création de Dieu. »

Voici la traduction intégrale officielle en français de l’intervention du pasteur à cete conférence à laquelle le pape François participe ce 28 avril (vers 15h50). Le pape part de Rome vers 10h45, il est attendu au Caire à 14h.

Le patriarche Bartholomée Ier est évgalement intervenu jeudi 27 avril, son intervention se trouve ici en anglais: il souligne entre autres le fait que « la crédibilité des religions dépend aujourd’hui de leur attitude vis-à-vis de la protection de la liberté et de la dignité humaines, et de leur contribution à la paix ».

 

AB

Discours du Pasteur Olav Fykse Tveit

Cheikh d’Al-Azhar,

Vos Éminences, Vos Excellences,

« Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Matthieu 5:8). Instaurer la paix est une tâche sacrée. Toute personne qui apporte la paix, la paix réelle, la paix juste, sert la volonté de Dieu. Ainsi, la paix doit être l’objectif commun et la priorité absolue des responsables d’Églises et des fidèles.

En tant que représentants du Conseil œcuménique des Églises, nous sommes très reconnaissants au Cheikh d’Al-Azhar et au Conseil musulman des aînés de cette occasion qui nous est offerte de nous réunir afin d’affirmer notre détermination commune à œuvrer en faveur d’une paix juste à travers le monde.

Nous nous réunissons à un moment critique pour ce pays et cette région, mais aussi pour de nombreuses régions du monde, où il existe des signes de division et de polarisation entre les peuples et les nations. D’ailleurs, certaines personnes sont parfois divisées en raison de leurs croyances. Nous assistons à ce phénomène dans de nombreuses régions du monde. Nous observons également que l’identité religieuse et les références à la religion sont abusivement utilisées pour provoquer ces dissensions. Parfois, elles servent même à légitimer la terreur et la violence commises au nom de la religion. Ce n’est pas ce dont nos enfants ont besoin pour vivre ensemble dans la paix. Cela ne correspond pas aux aspirations et aux espoirs de notre jeunesse.

Nous croyons en un Dieu qui a créé Une humanité composée d’individus devant vivre ensemble, en harmonie avec la diversité et les différences qui existent. Nous sommes ici pour partager nos réflexions et ainsi montrer ce que cela signifie concrètement pour nous. Ensemble, nous devons lancer un appel au respect de la vie de tous les individus créés par Dieu. Nous sommes responsables devant le Créateur lorsque nous rencontrons une autre création de Dieu.

Il s’agit d’une responsabilité personnelle, qui que nous soyons et quelle que soit notre fonction. En tant que responsables d’Églises, il nous incombe tout particulièrement d’élever le caractère sacré de la vie de tous les êtres humains créés par le Dieu saint. En tant que communautés de foi, nous sommes appelées à montrer cela comme un amour mutuel, dans un esprit de respect envers toutes et tous.

Nous reconnaissons que nous sommes tous vulnérables et que nous avons tous des besoins égaux en matière de protection et de droits de l’homme. Il incombe aux autorités des États de fournir les cadres nécessaires, afin que nous jouissions tous des mêmes droits et que nous ayons tous les mêmes responsabilités.

Cela correspond à la notion de « citoyenneté », et ce, sur plusieurs plans. Selon moi, le principe de citoyenneté est donc un moyen approprié d’exprimer, dans le domaine de la politique, quelque chose qui est également important dans notre foi en Dieu. Le principe de citoyenneté appartient au domaine de la politique et des systèmes juridiques. Toutefois, il peut fournir les droits et la protection dont nous avons besoin, qui que nous soyons et quelle que soit la communauté de foi à laquelle nous appartenons. Chaque individu devrait disposer du même cadre et de la même protection pour sa vie, celle de ses enfants et celle de ses petits-enfants. Dans le cadre d’un État et au sein de la communauté internationale, nous avons besoin de principes qui tiennent compte du respect de la justice et de la paix pour tous. Nous devons garantir à tous une protection égale contre les injustices et la violence. Il nous faut quelque chose de solide et de clair qui serve de plate-forme commune pour nos vies ensemble.

Lors des discussions menées avec le Cheikh d’Al-Azhar au cours des deux derniers jours, nous avons vu que la notion fondamentale de citoyenneté se trouve sur notre table commune. Nous avons discuté de ce que cela signifie pour les personnes de différentes confessions de vivre ensemble de manière constructive en tant que citoyens du même pays. Il s’agit d’une préoccupation très actuelle dans certaines régions du Moyen-Orient, et je respecte le rôle que le Cheikh d’Al-Azhar souhaite jouer dans la résolution de ce problème. Toutefois, il s’agit également d’un défi auquel de nombreuses nations dites occidentales sont de plus en plus confrontées, en particulier en cette période de fortes migrations internationales. La religion et l’appartenance ethnique des citoyens participent à la richesse d’une nation. Comment est-il possible de respecter tous ces citoyens pour cette contribution, mais également de les intégrer pleinement et leur permettre de vivre ensemble en tant que citoyens bâtisseurs du pays ? Un tel défi ne peut être ignoré.

Par ailleurs, il nous faut explorer comment la religion et les pratiques de notre foi doivent contribuer au vivre-ensemble dans la paix et l’harmonie. Nous devons démontrer ce que cela signifie de prendre soin et de se protéger les uns les autres. Nous devons chacun reconnaître que nous avons besoin de l’amour et de la protection de l’autre. Plus important encore, nous devons nous garantir mutuellement les mêmes droits d’être citoyens, d’être voisins, d’être des êtres humains dont les besoins fondamentaux en termes de nourriture, d’eau, de sécurité, de santé, d’éducation et de liberté de croire et de partager nos convictions sont couverts.

Mes amis, je crois que nous avons observé ici en Égypte des exemples frappants de ce que cela signifie. Nous avons entendu de nombreux exemples prouvant que les musulmans protègent et défendent les chrétiens lorsque ces derniers sont victimes de violences. Nous entendons que les chrétiens apportent leur soutien aux plus démunis et qu’ils dispensent un enseignement à quiconque, indépendamment de sa religion.

Nous devons trouver des manifestations réelles de la façon dont l’amour de Dieu peut s’exprimer dans l’amour de l’autre. Les responsables musulmans et chrétiens insistent sur la nécessité d’explorer davantage la manière dont peut s’exprimer cette relation avec l’amour divin et notre amour.

« Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu » (1 Jean 4:7-8). Dieu nous appelle à partager cet amour avec autrui et avec le monde.

Cette quête d’une concrétisation de ce que signifie notre foi dans l’amour du Dieu unique n’est pas une question abstraite ni un doux désir ancré dans une dure réalité. Il s’agit en effet d’une question urgente et fondamentale à une époque où différents groupes et responsables veulent utiliser la religion comme moyen de diviser, de polariser ou même de légitimer les conflits et la guerre.

La violence au nom de la religion ne peut se faire sans porter atteinte aux valeurs de la religion. La violence commise au nom de Dieu envers les individus qui sont créés à l’image de Dieu devient une violence contre Dieu. Nous sommes, du début à la fin, responsables devant Dieu.

Nous devons emprunter un autre chemin, un chemin de pèlerinage, en quête de justice et de paix avec tous ceux prêts à parcourir ce chemin ensemble. Seule cette voie peut nous assurer un avenir plein d’espoir. Il s’agit de la véritable voie du dialogue.

Je suis très heureux que cette conférence se déroule en aval du dialogue bilatéral que le Conseil œcuménique des Églises mène avec le Conseil musulman des aînés. Je souhaiterais saisir l’occasion qui m’est offerte pour exprimer l’importance qu’accorde le COE aux rapports que nous entretenons avec le Grand imam d’Al-Azhar et le Conseil musulman des aînés. Nous nous réjouissons à l’idée de collaborer en vue de construire la paix dans notre monde.

En tant que

Conseil œcuménique des Églises, une communauté qui représente quelque 560 millions de chrétiens à travers 350 Églises membres, nos actions se fondent sur un dialogue permanent avec autrui. Comme le disait Athénagoras Ier, ancien patriarche œcuménique, « nous nous regardons dans les yeux afin de voir ce que nous avons à nous dire ». Nous pensons qu’en tant que communauté d’Églises, la priorité doit être donnée à l’unité. Nous sommes convaincus que cet appel à l’unité passe également par la promotion d’une paix juste entre les peuples, sur les marchés, au sein des communautés, avec la création.

En tant que Conseil œcuménique, nous devons entretenir des relations responsables avec autrui. Nous sommes responsables de ce qui nous unit dans notre foi et notre vie chrétiennes. Il s’agit de la foi dans le Dieu unique, le créateur de l’humanité unique, que nous adorons comme le Dieu Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Cet appel à l’unité est un appel à la communauté créée par Dieu pour rassembler une famille humaine, avec sa diversité de dons. Nous sommes appelés à embrasser les dons des autres, que nous pouvons partager lorsque nous sommes réunis.

Il existe des différences entre nous, dont certaines sont théologiques, d’autres sociologiques, mais qui résultent peut-être de nos différentes traditions religieuses. Nous accordons beaucoup d’importance à ces différences. Nous ne voulons pas les nier ni prétendre qu’elles n’existent pas. En revanche, elles ne nous empêchent pas et ne doivent pas nous empêcher de travailler ensemble pour la paix.

En tant que Conseil œcuménique des Églises, nous sommes ouverts sur le monde et vivons de manière profonde cet appel à l’unité dans la diversité. Nous avons le privilège de compter parmi nos membres des Églises implantées dans toutes les régions du monde, y compris, bien sûr, ici au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Nous partageons la vérité sur l’amour de Dieu et la volonté de Dieu, car nous recherchons aussi la vérité sur la réalité dans laquelle nous vivons. La réalité de la grâce de Dieu que nous partageons est mêlée à la réalité du péché. Cela nous appelle à faire preuve de solidarité les uns envers les autres au sein de la famille humaine, mais également d’humilité et d’une attitude critique et autocritique.

Le COE a été fondé immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, cette tragédie de l’humanité qui est devenue une catastrophe pour les nations et les peuples, certains éprouvant une sorte de légitimation chrétienne de leurs souffrances, comme le peuple juif. Les Églises ont réalisé en 1948 qu’elles pouvaient aussi faire partie des forces d’oppression et contribuer au conflit. Le temps de la repentance et de la réconciliation était venu.

La même attitude autocritique fut nécessaire dans les années qui suivirent, lors des luttes menées après la décolonisation de nombreuses régions du monde. Une nouvelle fois, le christianisme était lié à l’histoire tragique de la colonisation et de l’esclavage, du racisme et de la discrimination.

Aujourd’hui, nous devons encore lutter contre le racisme, l’exclusion des réfugiés, la division et la séparation – toujours au nom de la religion, même de notre foi chrétienne.

D’autre part, par la grâce de Dieu, nous avons vu comment le dialogue et l’appartenance à une communauté nous ont appelés à l’unité, à l’ordre et à la repentance, afin de trouver de nouvelles voies pour aller de l’avant.

Dieu nous a appelés à la solidarité chrétienne dans la croix du Christ. Présent ici au Caire, je suis touché par le témoignage des fidèles chrétiens qui appartiennent aux quatre églises membres du COE dans ce pays. Nous honorons leur fidélité dans ces moments qui semblent être particulièrement difficiles et dangereux. Face au paradoxe qui se trouve au cœur de notre foi chrétienne, nous témoignons du fait que dans leur apparente vulnérabilité, il existe une grande force spirituelle. Dans leur vie quotidienne, ces chrétiens reflètent en quelque sorte le mystère de la croix qui est au cœur de notre foi.

Nous souhaitons travailler ensemble et avec tous les êtres humains et les communautés de foi, et ce, pour le plus grand bien de notre monde. Cette vision de la diversité dans l’unité est également un don que nous voulons mettre sur la grande table de la coopération interreligieuse des hommes, des femmes et des enfants de différentes religions qui travaillent ensemble pour la paix mondiale, la justice pour tous les êtres humains et le bien-être de la planète.

Permettez-moi ainsi de conclure :

En tant que responsables d’Églises, réunis aujourd’hui pour la paix, nous avons le devoir de parler d’une seule voix, en particulier contre tout appel à la haine assimilable à la violence, à la discrimination ou à toute autre violation de l’égale dignité dont jouissent tous les êtres humains, indépendamment de leur religion, croyance, sexe, opinion politique ou autre, origine nationale ou sociale, ou de tout autre statut.

Nous convenons, en tant qu’êtres humains, que nous devons corriger la manière dont les religions sont représentées et trop souvent manipulées. Il en va de notre responsabilité envers tous les êtres humains. Nous sommes responsables de nos actions, mais encore plus responsables si nous n’agissons pas ou n’agissons pas correctement et en temps opportun. Alors que les États assument la responsabilité principale de promouvoir et de protéger tous les droits pour tous, individuellement et collectivement, à profiter d’une vie digne à l’abri de la peur, il nous incombe, en tant que responsables d’Églises, de défendre l’humanité partagée et l’égale dignité de chaque être humain. Nous devons le faire ici ensemble, mais aussi dans nos propres domaines de la prédication, de l’enseignement, de l’accompagnement spirituel et de l’engagement social.

Nous avons le devoir de parler par amour et de l’amour afin de remédier au discours de haine par la compassion et la solidarité, qui permettent d’apaiser les cœurs et les sociétés. En tant que responsables d’Églises, nous devons assumer nos rôles respectifs. En tant que croyants et individus ordinaires de nos communautés de foi, nous pouvons avoir un véritable impact sur la façon dont nous parlons, la façon dont nous enseignons à nos enfants et la manière dont nous vivons ensemble au sein des communautés locales. Nous pouvons montrer ce que signifie notre foi comme expression de l’amour de Dieu.

Ensemble, nous faisons la différence. Ensemble, nous pouvons donner de l’espoir. Par amour pour l’humanité unique. Agissons ensemble.

Pasteur Olav Fykse Tveit

Secrétaire général

Conseil œcuménique des Églises

La religion, élément clé du processus de paix, par le patriarche Bartholomée (traduction complète)

En protégeant la liberté et la dignité des individus, les communautés religieuses apportent une contribution capitale à la consolidation de la paix, a déclaré le patriarche œcuménique Bartholomée I, à l’occasion de la Conférence mondiale sur la paix d’al-Azhar qui s’est déroulée les 27 et 28 avril 2017 au Caire.

Le patriarche a participé à la rencontre avec le pape François à Al-Azhar, et à la prière oecuménique au siège patriarcal copte orthodoxe du Caire, ce 28 avril.

La religion constitue un élément clé du processus de paix, a ajouté le patriarche en faisant observer que « bien sûr, la religion peut diviser en entraînant l’intolérance et la violence. Mais il s’agit là d’un échec de la religion, et non de son essence, qui est la protection de la dignité humaine».

Le dialogue interreligieux reconnaît les différences entre les traditions religieuses et encourage une coexistence pacifique et la coopération entre les peuples et les cultures, a-t-il poursuivi: «Le dialogue interreligieux n’est pas synonyme de reniement de sa foi. Il s’agit plutôt d’un changement d’état d’esprit ou d’attitude envers l’autre.»

Voici notre traduction intégrale, de l’anglais, du discours du patriarche oecuménique de Constantinople.

Discours du Patriarche œcuménique Bartholomée

« RELIGIONS ET PAIX »

Conférence mondiale de la paix du Conseil des Aînés d’Al-Azhar et des Musulmans

Le Caire, le 27 avril 2017

 

Vos Béatitudes, Éminences, Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

C’est un honneur d’être invité à prendre la parole à cette Conférence sur la paix mondiale organisée par Al-Azhar et le Conseil musulman des Aînés. Nous félicitons sincèrement Son Eminence, M. Ahmad Al-Tayyeb, Grand Imam d’Al-Azhar, d’avoir eu le courage et la vision d’organiser cette initiative cruciale pour la promotion de la paix par les religions.

Au cours des deux dernières décennies, l’humanité a connu des attaques terroristes continues, qui sont à l’origine de la mort et des blessures de milliers de personnes, et qui deviennent la plus grande menace et source de peur pour les sociétés contemporaines. Depuis lors, les religions ont souvent été soupçonnées ou ouvertement accusées d’avoir inspiré le terrorisme et la violence. Notre vie quotidienne s’est remplie d’horribles nouvelles sur les attaques terroristes au nom de la religion.

Dans le même temps, nous constatons la volonté de notre monde de promouvoir le dialogue au lieu des conflits et la capacité à le faire. Cela est vrai non seulement pour les dirigeants politiques et les organisations laïques, mais aussi pour les dirigeants religieux et les institutions qui se sont montrés prêts à s’engager dans un dialogue de paix au niveau local et international, afin d’assurer une coexistence pacifique et une collaboration entre les gens.

Comment, après tant de conférences, de déclarations et d’initiatives pour la paix, pouvons-nous être témoins d’une augmentation de la violence, au lieu de remarquer un progrès dans la paix ? Comment la communauté mondiale peut-elle justifier les derniers actes terroristes de Paris, Bruxelles, Istanbul, Saint-Pétersbourg ou Stockholm ? Comment expliquer les guerres en cours, les conflits armés et les effusions de sang au Moyen-Orient ? Comment pouvons-nous accepter les attaques dans les églises coptes de Tanta et d’Alexandrie il y a environ deux semaines ? Permettez-nous d’exprimer encore une fois à la communauté copte et à tout le peuple égyptien nos sincères condoléances et les prières du Patriarcat œcuménique.

Afin de comprendre ce qui se passe dans notre monde d’aujourd’hui, réfléchissons sur le rôle de la religion dans l’humanité. Paradoxalement, au lieu de l’attente moderniste d’un ‘âge laïque post religieux’, notre époque devient en fait une ‘période post-laïque’ ou même une période d’ ‘explosion religieuse’. La religion apparaît comme une dimension centrale de la vie humaine, tant au niveau personnel que social. Elle revendique un rôle public et participe à tous les discours contemporains centraux.

Les fonctions cruciales de la religion sont évidentes dans les quatre domaines suivants de l’existence humaine et de la coexistence :

  1. La religion est liée aux préoccupations profondes de l’être humain. Elle fournit des réponses à des questions existentielles cruciales, donnant l’orientation et le sens de la vie. La religion ouvre aux êtres humains la dimension de l’éternité et la profondeur de la vérité.
  2. La religion est liée à l’identité des peuples et des civilisations. C’est pourquoi la connaissance de la croyance et de la religion de l’autre est une condition préalable indispensable à la compréhension de l’altérité et à l’établissement du dialogue.
  3. La religion a créé et conservé les plus grandes réalisations culturelles de l’humanité, les valeurs morales essentielles, la solidarité et la compassion, ainsi que le respect de toute la création.
  4. La religion est un facteur vital dans le processus de paix. Comme saint Paul l’a écrit autrefois : « Dieu n’est pas un dieu de désordre mais de la paix » (1 Co 14,33). La religion peut, bien sûr, diviser en provoquant l’intolérance et la violence. Mais c’est plutôt là son échec, et non son essence qui consiste en la protection de la dignité humaine.

Malheureusement, notre monde contemporain est marqué soit par le relativisme – profondément lié à la laïcité – soit par le fondamentalisme, que beaucoup considèrent comme une réaction au premier. En effet, le fondamentalisme se considère souvent comme menacé ou même persécuté par le relativisme. Alors que ce dernier nie l’existence de la vérité, l’intégrisme considère que sa propre vérité est unique et doit donc être imposée aux autres, ce qui rend impossible à la religion de servir de pont entre les êtres humains. Dans l’histoire récente, le phénomène du nationalisme et du post-colonialisme a transformé l’extrémisme et l’intégrisme religieux en une simple idéologie, utilisée à des fins politiques.

Malheureusement, l’éclatement continu du fondamentalisme religieux et des actes de violence terribles au nom de la religion, donnent aux critiques modernes de la foi religieuse des arguments contre la foi et appuient l’identification de la religion avec ses aspects négatifs. La vérité est que la violence est la négation des croyances religieuses fondamentales et de la doctrine. La vraie foi ne libère pas les humains d’être responsables du monde, de respecter la dignité humaine et de lutter pour la justice et la paix. Au contraire, elle renforce l’engagement de l’action humaine, elle élargit notre témoignage pour la liberté et les valeurs fondamentales humaines.

La région méditerranéenne a connu dans le passé, pendant plusieurs siècles, une cohabitation pacifique de juifs, de chrétiens et de musulmans. Cette expérience démontre que les personnes de différentes religions peuvent vivre ensemble, en trouvant le message le plus fondamental pour l’humanité qui unit, au lieu d’être une source de division. Cela montre que les religions peuvent servir de ponts entre les gens, d’instruments de paix et de compréhension mutuelle, de tolérance entre les êtres humains et de dialogue interreligieux.

Pour cette raison, le dialogue interreligieux reconnaît les différences des traditions religieuses et favorise la coexistence pacifique et la coopération entre les personnes et les cultures. Le dialogue interreligieux ne veut pas nier sa propre foi, mais plutôt changer son esprit ou son attitude envers l’autre. Il peut aussi guérir et balayer les préjugés et contribuer à une compréhension mutuelle et à la résolution pacifique des conflits. Les partis pris et les préjugés proviennent d’une fausse représentation de la religion. Par notre présence aujourd’hui, lors de cette importante conférence, nous voulons nous opposer à au moins un préjugé : l’islam n’est pas égal au terrorisme, car le terrorisme est étranger à toute religion. C’est pourquoi le dialogue interreligieux peut chasser la peur et le soupçon. Il est central pour la paix, mais seulement dans un esprit de confiance et de respect mutuels.

En juin dernier, nous avons eu le privilège de présider le Saint et Grand Conseil de l’Église orthodoxe à travers le monde, réunis en Grèce, sur l’île de Crète. Parmi plusieurs questions, le Conseil a rejeté et condamné l’intégrisme. Son encyclique souligne que, malheureusement, nous faisons aujourd’hui l’expérience d’une augmentation de la violence au nom de Dieu. Les explosions du fondamentalisme au sein des communautés religieuses menacent de faire penser que le fondamentalisme appartient à l’essence du phénomène de la religion.

La vérité, cependant, est que le fondamentalisme, comme « zèle que n’éclaire pas la pleine connaissance » (Rom 10.2), constitue l’expression d’une religiosité morbide ». En outre, le Conseil a souligné qu’ « un dialogue interreligieux honnête contribue au développement de la confiance mutuelle et à la promotion de la paix et de la réconciliation. (…) La vraie paix n’est pas atteinte par la force des armes, mais seulement par l’amour qui « ne recherche pas son intérêt » (1 Cor 13,5). L’huile de foi doit être utilisée pour calmer et soigner les blessures des autres, et non pour rallumer de nouveaux feux de haine » (Encyclique, 17).

La crédibilité des religions dépend aujourd’hui de leur attitude à l’égard de la protection de la liberté et de la dignité de l’homme, ainsi que de leur contribution à la paix. C’est la présupposition non seulement de la coexistence pacifique, mais aussi de la survie pure de l’humanité. Nous ne pouvons affronter ces défis que tous ensemble. Personne – pas une nation, pas un État, pas une religion, ni la science ni la technologie – ne peut affronter les problèmes actuels. Nous avons besoin les uns des autres ; nous avons besoin d’une mobilisation commune, d’efforts communs, d’objectifs communs, d’un esprit commun.

Par conséquent, nous considérons la crise aux multiples facettes actuelle comme une opportunité pour pratiquer la solidarité, pour le dialogue et la coopération, pour l’ouverture et la confiance. Notre avenir est commun, et la voie vers cet avenir est un voyage commun. Comme il est écrit dans les psaumes : « Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis ! » (Psaume 132,1).

Votre Éminence le Grand Imam,

Chers participants

Nous croyons profondément que la contribution des religions demeure cruciale dans notre recherche commune de la paix sur terre. Elle est précieuse car, pour les religions, la vraie paix dans le monde n’est pas simplement l’absence de guerre, mais essentiellement la présence de la liberté, de la justice et de la solidarité. Ce qui est nécessaire pour la religion, c’est de guider les gens à la profondeur de cette vérité, à un changement d’esprit et de vie et à la compréhension mutuelle. C’est en effet le cœur de nos traditions religieuses. Pour cette raison, l’humanité a le droit d’attendre de nous plus que ce que nous donnons effectivement. C’est le plus grand défi pour les religions : développer leurs propres potentiels d’amour, de solidarité et de compassion. C’est ce que l’humanité attend profondément de la religion aujourd’hui.

Je vous remercie de votre aimable attention !

© Traduction de Zenit, Constance Roques

Emission sur France 2 « Retour sur l’actualité récente des Eglises Orientales en France »

« Actualités Orientales »

– Pourquoi l’Eglise Copte Orthodoxe s’appelle l’Eglise des martyrs  (de Dioclétien à Daech) ?

– Accueil de Mgr Georges, nouvel évêque Syriaque Orthodoxe pour la Belgique et la France, à Montfermeil (93)

– Pour la première fois en France une messe a été concélébrée par les chefs des quatre Eglises non-chalcédonienne : Arménienne, Copte, Syriaque et Ethiopienne : l’unité des Eglises sœurs.

Emission présentée par Thomas Wallut. Réalisation : Jean-Bernard Ganne et Alain Cazuc.

Cadeau du pape François au grand imam el-Tayeb

“Vue du Forum romain »: c’est le titre de la mosaïque offerte par le pape François au grand imam de Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, ce vendredi 28 avril 2017, à l’occasion de sa participation, au Caire (Egypte), à la conférence internationale interreligieuse organisée par Al-Azhar et le Conseil musulman des Anciens (Muslim Council of Elders) sur la paix globale.

Cette mosaïque a été réalisée par les mosaïstes du Vatican, entre décembre 2015 et février 2016, à partir d’une toile à l’huile du XIXe s. représentant ce cœur de la Rome antique.

Au centre on distingue les restes du Temple de Saturne, et à gauche l’Arc de l’empereur Septime Sevère.

Sans son cadre, la mosaïque mesure 15×18 cm. Elle est réalisée en vernis polychromes appliqués sur du stuc huileux, avec une base métallique.

Le stuc est fabriqué de la même manière que les stucs utilisés pour les mosaïques de la basilique Saint-Pierre.

La technique d’application est celle des vernis filés » – « smalti filati » – typique des mosaïstes du Vatican.

Les tesselles des détails d’architecture ont été réalisées en portant à très haute température les vernis de verre pour les fondre et les modeler.

Déclaration commune du pape François et de Tawadros II (texte complet)

« Aujourd’hui nous, pape François et pape Tawadros II, (…) nous déclarons mutuellement que, dans le même esprit et d’un même cœur, nous chercherons sincèrement à ne plus répéter le baptême qui a été administré dans nos respectives Églises pour toute personne qui souhaite rejoindre l’une ou l’autre ». Dans une déclaration commune signée le 28 avril 2017 au Caire (Egypte), le pape et le patriarche copte orthodoxe mettent un terme à la pratique du « double baptême », consistant à rebaptiser les fidèles passant d’une Eglise à l’autre.

Quarante-quatre ans après la Déclaration commune de leurs prédécesseurs Paul VI et le patriarche Shenouda III le 10 mai 1973, le pape François et le patriarche Tawadros II ont à leur tour signé côte à côté une Déclaration, au terme d’une rencontre au patriarcat, au premier jour du voyage du pape en Egypte.

Dans ce document, ils expriment leur volonté d’ « intensifier (leurs) efforts communs afin de persévérer dans la recherche d’une unité visible dans la diversité, sous la conduite de l’Esprit Saint » : « Approfondissons nos racines communes dans la foi apostolique en priant ensemble et en recherchant les traductions communes de la Prière du Seigneur et une date commune pour la célébration de Pâques », encouragent-ils.

« Nous pouvons coopérer dans plusieurs domaines », estiment le pape et le patriarche : « témoigner ensemble de valeurs fondamentales telles que la sainteté et la dignité de la vie humaine, le caractère sacré du mariage et de la famille, ainsi que le respect de toute la création ».

« Nous partageons la préoccupation pour le bien-être et l’avenir de l’Égypte », ajoutent-ils, plaidant d’une même voix pour « la liberté de religion, incluant la liberté de conscience, enracinée dans la dignité de la personne ».

« L’œcuménisme du martyre nous unit et nous encourage sur le chemin de la paix et de la réconciliation », peut-on lire également dans le texte. Et le pape et le patriarche de souhaiter que le sang des martyrs soit « la semence d’unité parmi les disciples du Christ, un signe et un instrument de communion comme de paix pour le monde ».

Introduisant la nouveauté concernant le baptême, ils soulignent que l’héritage commun de ce sacrement « est la base du pèlerinage que nous faisons ensemble vers la pleine communion, tandis que nous grandissons dans l’amour et la réconciliation ».

AK

Déclaration commune du pape François et de Tawadros II

  1. Nous, François, Évêque de Rome et Pape de l’Église catholique, et Twardros II, Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de saint Marc, remercions Dieu dans l’Esprit Saint de nous offrir la joyeuse occasion de nous rencontrer une fois encore, pour échanger une fraternelle accolade et pour nous unir de nouveau dans la prière. Nous glorifions le Tout-Puissant pour les liens de fraternité et d’amitié existant entre le Siège de saint Pierre et le Siège de saint Marc. Le privilège d’être ensemble ici, en Égypte, est le signe que la solidité de notre relation s’accroît d’année en année, que nous grandissons dans la proximité, dans la foi et dans l’amour du Christ notre Seigneur. Nous remercions Dieu pour l’Égypte bien-aimée, cette ‘‘patrie qui vit en nous’’ comme aimait le dire Sa Sainteté Shenouda III, pour le ‘‘peuple béni de Dieu’’ (cf. Is 19, 25), avec cette antique civilisation des pharaons, avec l’héritage grec et romain, avec la tradition copte et la présence islamique. L’Égypte est le lieu où la Sainte Famille a trouvé refuge, une terre de martyrs et de saints.
  2. Notre profond lien d’amitié et de fraternité a son origine dans la pleine communion qui a existé entre nos Églises au cours des premiers siècles et qui était exprimée de multiples manières par les premiers Conciles œcuméniques, jusqu’au Concile de Nicée en 325 et par la contribution du courageux Père de l’Église saint Athanase, qui a reçu le titre de ‘‘Protecteur de la foi’’.Notre communion était exprimée par la prière et par des pratiques liturgiques similaires, par la vénération des mêmes martyrs et saints, ainsi que par le développement et par l’expansion du monachisme, suivant l’exemple du grand saint Antoine, connu comme le Père des moines.

Cette même expérience de communion avant le temps de la séparation a une signification spéciale dans nos efforts pour restaurer la pleine communion aujourd’hui. La plupart des relations existant au cours des premiers siècles entre l’Église catholique et l’Église copte orthodoxe ont perduré jusqu’aujourd’hui malgré les divisions, et ont été revivifiées récemment. Elles nous incitent à intensifier nos efforts communs afin de persévérer dans la recherche d’une unité visible dans la diversité, sous la conduite de l’Esprit Saint.

  1. Nous nous souvenons avec gratitude de la rencontre historique, il y a quarante-quatre ans, entre nos prédécesseurs, le Pape Paul VI et le Pape Shenouda III, dans une accolade de paix et de fraternité, après plusieurs siècles où nos liens mutuels d’amour n’étaient pas capables de trouver une expression à cause de la distance qui est survenue entre nous. La Déclaration commune qu’ils ont signée le 10 mai 1973 a représenté un jalon sur le chemin de l’œcuménisme, et a servi de point de départ à la Commission pour le dialogue théologique entre nos deux Églises, qui a porté beaucoup de fruit et a ouvert la voie à un dialogue plus large entre l’Église catholique et toute la famille des Églises Orientales orthodoxes. Dans cette Déclaration, nos Églises ont reconnu que, en lien avec la tradition apostolique, elles professent «une foi dans le Dieu Un Trine» et «la divinité de l’Unique Fils né de Dieu… Dieu parfait pour ce qui est de sa divinité, et homme parfait pour ce qui est de son humanité». Il a également été reconnu que «la vie divine nous est donnée et est nourrie en nous à travers les sept sacrements » et que «nous vénérons la Vierge Marie, Mère de la Vraie Lumière», la «Theotokos».
  2. C’est avec une profonde gratitude que nous nous rappelons notre rencontre fraternelle à Rome, le 10 mai 2013, et la proclamation du 10 mai comme le jour où chaque année nous approfondissons l’amitié ainsi que la fraternité entre nos Églises. Cet esprit renouvelé de proximité nous a rendus capables de reconnaître une fois encore que le lien qui nous unit était reçu de notre unique Seigneur le jour de notre baptême. Car c’est à travers le baptême que nous devenons membres du corps unique du Christ qu’est l’Église (cf. 1 Co 12, 13). Cet héritage commun est la base du pèlerinage que nous faisons ensemble vers la pleine communion, tandis que nous grandissons dans l’amour et la réconciliation.
  3. Nous sommes conscients d’avoir encore un long chemin à parcourir dans ce pèlerinage, cependant nous nous souvenons de tout ce qui a été déjà accompli. En particulier, nous nous rappelons la rencontre entre le Pape Shenouda III et saint Jean-Paul II, venu en Égypte en pèlerin durant le Grand Jubilé de l’an 2000. Nous sommes déterminés à suivre leurs pas, animés par l’amour du Christ le Bon Pasteur, profondément convaincus qu’en marchant ensemble, nous grandissons dans l’unité. Puissions-nous puiser notre force de Dieu, parfaite source de communion et d’amour!
  4. Cet amour trouve sa plus profonde expression dans la prière commune. Lorsque des chrétiens prient ensemble, ils en viennent à réaliser que ce qui les unit est plus grand que ce qui les divise. Notre désir d’unité est inspiré par la prière du Christ «que tous soient un» (Jn 17, 21). Approfondissons nos racines communes dans la foi apostolique en priant ensemble et en recherchant les traductions communes de la Prière du Seigneur et une date commune pour la célébration de Pâques.
  5. Alors que nous cheminons vers le jour béni où, enfin, nous serons rassemblés autour de la même table eucharistique, nous pouvons coopérer dans plusieurs domaines et démontrer d’une manière tangible la grande richesse qui nous unit déjà. Nous pouvons témoigner ensemble de valeurs fondamentales telles que la sainteté et la dignité de la vie humaine, le caractère sacré du mariage et de la famille, ainsi que le respect de toute la création, qui nous a été confiée par Dieu. Face à de nombreux défis contemporains comme la sécularisation et la globalisation de l’indifférence, nous sommes appelés à offrir une réponse commune fondée sur les valeurs de l’Évangile et sur les trésors de nos traditions respectives. À ce sujet, nous sommes encouragés à entreprendre une étude plus approfondie des Pères orientaux et latins, et à promouvoir un échange fructueux sur le plan pastoral, spécialement dans la catéchèse, et pour un mutuel enrichissement spirituel entre des communautés monastiques et religieuses.
  6. Notre témoignage chrétien commun est un signe de réconciliation et d’espérance rempli de grâce pour la société égyptienne et pour ses institutions, un grain semé pour porter des fruits de justice et de paix. Puisque nous croyons que tout être humain est créé à l’image de Dieu, nous luttons pour la sérénité et la concorde à travers une cohabitation pacifique des chrétiens et des musulmans, en témoignant ainsi du désir de Dieu pour l’unité et l’harmonie de la famille humaine tout entière et pour l’égale dignité de chaque être humain. Nous partageons la préoccupation pour le bien-être et l’avenir de l’Égypte. Tous les membres de la société ont le droit et le devoir de participer pleinement à la vie de la nation., en jouissant de la pleine et égale citoyenneté et en collaborant pour bâtir leur société. La liberté de religion, incluant la liberté de conscience, enracinée dans la dignité de la personne, est la pierre angulaire de toutes les autres libertés. C’est un droit sacré et inaliénable.
  7. Intensifions notre inlassable prière pour tous les chrétiens en Égypte et de par le monde entier, et spécialement au Moyen Orient. Les expériences tragiques ainsi que le sang versé par nos fidèles persécutés et tués pour la seule raison d’être chrétiens rappellent à nous tous combien davantage l’œcuménisme du martyre nous unit et nous encourage sur le chemin de la paix et de la réconciliation. Car, comme l’a écrit saint Paul: «Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance» (1 Co 12, 26).
  8. Le mystère de Jésus qui est mort et ressuscité par amour se trouve au cœur de notre cheminement vers l’unité. Une fois encore, les martyrs sont nos guides. Dans l’Église primitive, le sang des martyrs était la semence de nouveaux chrétiens. De même, de nos jours, puisse le sang des très nombreux martyrs être la semence d’unité parmi les disciples du Christ, un signe et un instrument de communion comme de paix pour le monde.
  9. Obéissant au travail de l’Esprit Saint, qui sanctifie l’Église, la garde tout au long des siècles, et la conduit vers la pleine unité – cette unité pour laquelle Jésus a prié:

Aujourd’hui nous, Pape François et Pape Twardros II, en vue de satisfaire le cœur du Seigneur Jésus, ainsi que les cœurs de nos fils et filles dans la foi, nous déclarons mutuellement que, dans le même esprit et d’un même cœur, nous chercherons sincèrement à ne plus répéter le baptême qui a été administré dans nos respectives Églises pour toute personne qui souhaite rejoindre l’une ou l’autre. Nous confessons cela en obéissance aux Saintes Écritures et à la foi des trois Conciles œcuméniques célébrés à Nicée, à Constantinople et à Éphèse.

Nous demandons à Dieu notre Père de nous guider, dans le temps et par les moyens que l’Esprit Saint choisira, vers la pleine unité dans le Corps mystique du Christ.

  1. Laissons-nous, donc, guider par les enseignements et par l’exemple de l’apôtre Paul, qui a écrit: «Ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous» (Ep 4, 3-6).

Le Caire, 28 Avril 2017

L’Egypte a une vocation de civilisation et d’alliance, déclare le pape François (texte complet)

Source Zenit

« Je souhaite que cette noble et chère terre d’Égypte, avec l’aide de Dieu, puisse répondre encore à sa vocation de civilisation et d’alliance, en contribuant à développer des processus de paix pour ce peuple bien-aimé et pour la région médio-orientale tout entière. Al Salamò Alaikum: la paix soit avec vous! », c’est ainsi que le pape a achevé son discours à la Conférence interreligieuse sur la paix du Caire, à l’université Al-Azhar, ce vendredi 28 avril 2017, sous une ovation debout.

Souvent interrompu par les applaudissements (dont nous avons indiqué certains), le pape a notamment affirmé que »la religion n’est pas un problème mais fait partie de la solution », notamment face à la violence: « La violence, en effet, est la négation de toute religiosité authentique. »

Il a lancé cette invitation: « Ensemble, de ce lieu de rencontre entre Ciel et terre, terre d’alliances entre les peuples et entre les croyants, redisons un ‘‘non’’ fort et clair à toute forme de violence, de vengeance et de haine commises au nom de la religion ou au nom de Dieu. (applaudissements) Ensemble, affirmons l’incompatibilité entre violence et foi, entre croire et haïr. Ensemble, déclarons la sacralité de toute vie humaine opposée à toute forme de violence physique, sociale, éducative ou psychologique. »

Voici le texte complet dans la traduction officielle.

AB

Discours du pape François

Al Salamò Alaikum / la paix soit avec vous ! (applaudissements).

C’est un grand don d’être ici et de commencer en ce lieu ma visite en Égypte, en m’adressant à vous dans le cadre de cette Conférence internationale pour la paix. Je remercie le Grand Imam pour l’avoir conçue et organisée et pour avoir eu l’amabilité de m’inviter. Je voudrais vous proposer quelques pensées, en les tirant de la glorieuse histoire de cette terre, qui au cours des siècles est apparue au monde comme une terre de civilisation et une terre d’alliances.

 Terre de civilisation. Depuis l’antiquité, la société apparue sur les rives du Nil a été synonyme de civilisation : en Égypte, la lumière de la connaissance s’est hissée très haut, en faisant germer un patrimoine culturel inestimable, fait de sagesse et de talent, d’acquisitions mathématiques et astronomiques, de formes admirables d’architecture et d’art figuratif. La recherche du savoir et la valeur de l’instruction ont été des choix féconds de développement réalisés par les anciens habitants de cette terre. Ce sont également des choix nécessaires pour l’avenir, des choix de paix et pour la paix, car il n’y aura pas de paix sans une éducation adéquate des jeunes générations. Et il n’y aura pas une éducation adéquate pour les jeunes d’aujourd’hui si la formation offerte ne correspond pas bien à la nature de l’homme, en tant qu’être ouvert et relationnel.

L’éducation devient, en effet, sagesse de vie quand elle est capable de faire jaillir de l’homme, en contact avec Celui qui le transcende et avec ce qui l’entoure, le meilleur de lui-même, en modelant une identité non repliée sur elle-même. La sagesse recherche l’autre, en surmontant la tentation de se raidir et de s’enfermer ; ouverte et en mouvement, humble et en recherche à la fois, elle sait valoriser le passé et le mettre en dialogue avec le présent, sans renoncer à une herméneutique appropriée. Cette sagesse prépare un avenir dans lequel on ne vise pas à se faire prévaloir, mais à faire prévaloir l’autre comme partie intégrante de soi ; elle ne se lasse pas, dans le présent, de repérer des occasions de rencontre et de partage ; elle apprend du passé que du mal n’émane que le mal, et de la violence que la violence, dans une spirale qui finit par emprisonner. Cette sagesse, en rejetant la soif de prévarication, met au centre la dignité de l’homme, précieux aux yeux de Dieu, et une éthique qui soit digne de l’homme, en refusant la peur de l’autre et la crainte de connaître par ces moyens dont le Créateur l’a doté1.

Justement dans le domaine du dialogue, spécialement interreligieux, nous sommes toujours appelés à marcher ensemble, convaincus que l’avenir de tous dépend aussi de la rencontre entre les religions et les cultures. En ce sens, le travail du Comité mixte pour le Dialogue entre le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux et le Comité d’Al-Azhar pour le Dialogue nous offre un exemple concret et encourageant. Trois orientations fondamentales, si elles sont bien conjuguées, peuvent aider le dialogue : le devoir de l’identité, le courage de l’altérité et la sincérité des intentions. Le devoir d’identité, car on ne peut pas bâtir un vrai dialogue sur l’ambiguïté ou en sacrifiant le bien pour plaire à l’autre ; le courage de l’altérité, car celui qui est différent de moi, culturellement et religieusement, ne doit pas être vu et traité comme un ennemi, mais accueilli comme un compagnon de route, avec la ferme conviction que le bien de chacun réside dans le bien de tous ; la sincérité des intentions, car le dialogue, en tant qu’expression authentique de l’humain, n’est pas une stratégie pour réaliser des objectifs secondaires, mais un chemin de vérité, qui mérite d’être patiemment entrepris pour transformer la compétition en collaboration.

Éduquer à l’ouverture respectueuse et au dialogue sincère avec l’autre, en reconnaissant ses droits et ses libertés fondamentales, spécialement la liberté religieuse, constitue la meilleure voie pour bâtir ensemble l’avenir, pour être des bâtisseurs de civilisation. Car l’unique alternative à la civilisation de la rencontre, c’est la barbarie de la confrontation.  Et pour s’opposer vraiment à la barbarie de celui qui souffle sur la haine et incite à la violence, il faut accompagner et faire mûrir des générations qui répondent à la logique incendiaire du mal par la croissance patiente du bien : des jeunes qui, comme des arbres bien plantés, sont enracinés dans le terrain de l’histoire et, grandissant vers le Haut et à côté des autres, transforment chaque jour l’air pollué de la haine en oxygène de la fraternité.

Dans ce défi de civilisation si urgent et passionnant, nous sommes appelés, chrétiens et musulmans, ainsi que tous les croyants, à apporter notre contribution : « nous vivons sous le soleil d’un unique Dieu miséricordieux […] En ce sens, nous pouvons donc nous appeler, les uns les autres, frères et sœurs […], car sans Dieu la vie de l’homme serait comme le ciel sans le soleil » (Jean-Paul II, Discours aux autorités musulmanes, Kaduna (Nigéria), 14 février 1982) (applaudissements). Que se lève le soleil d’une fraternité renouvelée au nom de Dieu et que jaillisse de cette terre, embrassée par le soleil, l’aube d’une civilisation de la paix et de la rencontre ! Qu’intercède pour cela saint François d’Assise, qui, il y a huit siècles, est venu en Égypte et a rencontré le Sultan Malik al Kamil!

 Terre d’alliances. En Égypte, ne s’est pas levé uniquement le soleil de la sagesse ; la lumière polychromatique des religions a également rayonné sur cette terre : ici, tout au long des siècles, les différences de religion ont constitué « une forme d’enrichissement mutuel au service de l’unique communauté nationale » (Id., Discours lors de la cérémonie d’arrivée, le Caire, 24 février 2000). Des croyances diverses se sont croisées et des cultures variées se sont mélangées, sans se confondre mais en reconnaissant l’importante de l’alliance pour le bien commun. Des alliances de ce genre sont plus que jamais urgentes aujourd’hui. En en parlant, je voudrais utiliser comme symbole le ‘‘Mont de l’Alliance’’ qui se dresse sur cette terre. Le Sinaï nous rappelle avant tout qu’une authentique alliance sur cette terre ne peut se passer du Ciel, que l’humanité ne peut se proposer de jouir de la paix en excluant Dieu de l’horizon, ni ne peut gravir la montagne pour s’emparer de Dieu (cf. Ex 19, 12).

Il s’agit d’un message actuel, face à la persistance d’un danger paradoxal, qui fait que d’une part on tend à reléguer la religion dans la sphère privée, sans la reconnaître comme dimension constitutive de l’être humain et de la société ; d’autre part, on confond, sans distinguer de manière appropriée, la sphère religieuse et la sphère politique. Il existe le risque que la religion en vienne à être absorbée par la gestion des affaires temporelles et à être tentée par les mirages des pouvoirs mondains qui, en réalité, l’instrumentalisent. Dans un monde qui a globalisé beaucoup d’instruments techniques utiles, mais en même temps beaucoup d’indifférence et de négligences, et qui évolue à une vitesse frénétique, difficilement soutenable, on observe la nostalgie des grandes questions de sens, que les religions font émerger et qui suscitent la mémoire des propres origines : la vocation de l’homme, qui n’est pas fait pour s’épuiser dans la précarité des affaires terrestres, mais pour cheminer vers l’Absolu vers lequel il tend. C’est pourquoi, aujourd’hui spécialement, la religion n’est pas un problème mais fait partie de la solution : contre la tentation de s’accommoder à une vie plate, où tout naît et finit ici-bas, elle nous rappelle qu’il faut élever l’âme vers le Haut pour apprendre à construire la cité des hommes.

En ce sens, en tournant encore le regard vers le Mont Sinaï, je voudrais me référer à ces commandements, qui y ont été promulgués, avant d’être écrits sur la pierre2. Au centre des ‘‘dix paroles’’ résonne, adressé aux hommes et aux peuples de tous les temps, le commandement « tu ne tueras pas » (Ex 20, 13). Dieu, qui aime la vie, ne se lasse d’aimer l’homme et c’est pourquoi il l’exhorte à s’opposer à la voie de la violence, comme présupposé fondamental de toute alliance sur la terre. Avant tout et en particulier aujourd’hui, ce sont les religions qui sont appelées à réaliser cet impératif ; tandis que nous nous trouvons dans le besoin urgent de l’Absolu, il est indispensable d’exclure toute absolutisation qui justifie des formes de violence. La violence, en effet, est la négation de toute religiosité authentique. (applaudissements)

En tant que responsables religieux, nous sommes donc appelés à démasquer la violence sous les airs d’une présumée sacralité, qui flatte l’absolutisation des égoïsmes au détriment de l’authentique ouverture à l’Absolu. Nous sommes tenus de dénoncer les violations contre la dignité humaine et contre les droits humains, de porter à la lumière les tentatives de justifier toute forme de haine au nom de la religion et de les condamner comme falsification idolâtrique de Dieu : son nom est Saint, il est Dieu de paix, Dieu salam (applaudissements)(cf. Discours à la Mosquée Centrale de Koudoukou, Bangui [République centrafricaine], 30 novembre 2015). C’est pourquoi, seule la paix est sainte et aucune violence ne peut être perpétrée au nom de Dieu, parce qu’elle profanerait son Nom.

Ensemble, de ce lieu de rencontre entre Ciel et terre, terre d’alliances entre les peuples et entre les croyants, redisons un ‘‘non’’ fort et clair à toute forme de violence, de vengeance et de haine commises au nom de la religion ou au nom de Dieu. (applaudissements) Ensemble, affirmons l’incompatibilité entre violence et foi, entre croire et haïr. Ensemble, déclarons la sacralité de toute vie humaine opposée à toute forme de violence physique, sociale, éducative ou psychologique. La foi qui ne naît pas d’un cœur sincère et d’un amour authentique envers Dieu Miséricordieux est une forme d’adhésion conventionnelle ou sociale qui ne libère pas l’homme mais l’opprime. Disons ensemble : plus l’on grandit dans la foi en Dieu, plus l’on grandit dans l’amour du prochain.

Mais la religion n’est certes pas uniquement appelée à démasquer le mal ; elle a en soi la vocation de promouvoir la paix, aujourd’hui probablement plus que jamais3. Sans céder à des syncrétismes conciliants (Cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 251), notre devoir est de prier les uns pour les autres, demandant à Dieu le don de la paix, de nous rencontrer, de dialoguer et de promouvoir la concorde en esprit de collaboration et d’amitié. En tant que chrétiens, « nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains des hommes créés à l’image de Dieu » (Concile Vatican II, Décl. Nostra aetate, n. 5). En outre, nous reconnaissons que, immergés dans une lutte constante contre le mal qui menace le monde afin qu’il ne soit plus « le lieu d’une réelle fraternité », à ceux qui « croient à la divine charité, [Dieu] apporte ainsi la certitude que la voie de l’amour est ouverte à tous les hommes et que l’effort qui tend à instaurer une fraternité universelle n’est pas vain » (Id., Const. past. Gaudium et spes, nn. 37-38). Au contraire, cet effort est essentiel : il sert à peu de chose ou il ne sert à rien, en effet, de hausser la voix et de courir nous réarmer pour nous protéger : aujourd’hui, il faut des bâtisseurs de paix, non des armes : il faut des bâtisseurs de paix, non des gens qui provoquent de conflits ; des sapeurs-pompiers et non des pyromanes ; des prédicateurs de réconciliation et non des propagateurs de destruction.

On assiste avec désarroi au fait que, tandis que d’une part on s’éloigne de la réalité des peuples, au nom d’objectifs qui ne respectent personne, de l’autre, par réaction, surgissent des populismes démagogiques, qui certes n’aident pas à consolider la paix et la stabilité : aucune incitation à la violence ne garantira la paix, et toute action unilatérale qui n’engage pas des processus constructifs et partagés est, en réalité, un cadeau aux partisans des radicalismes et de la violence.

Pour prévenir les conflits et édifier la paix, il est fondamental d’œuvrer pour résorber les situations de pauvreté et d’exploitation, là où les extrémismes s’enracinent plus facilement, et bloquer les flux d’argent et d’armes vers ceux qui fomentent la violence. Encore plus à la racine, il faut combattre la prolifération des armes qui, si elles sont fabriquées et vendues, tôt ou tard, seront aussi utilisées. (applaudissements) Ce n’est qu’en rendant transparentes les sombres manœuvres qui alimentent le cancer de la guerre qu’on peut en prévenir les causes réelles. Les responsables des nations, des institutions et de l’information sont tous tenus à cet engagement urgent et grave, comme nous, responsables de civilisation, convoqués par Dieu, par l’histoire et par l’avenir, nous sommes tenus d’engager, chacun dans son domaine, des processus de paix, en ne nous soustrayant pas à l’édification de solides bases d’alliance entre les peuples et les États. Je souhaite que cette noble et chère terre d’Égypte, avec l’aide de Dieu, puisse répondre encore à sa vocation de civilisation et d’alliance, en contribuant à développer des processus de paix pour ce peuple bien-aimé et pour la région médio-orientale tout entière.

  Al Salamò Alaikum: la paix soit avec vous!

(applaudissements)

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  • «D’autre part, une éthique de fraternité et de coexistence pacifique entre les personnes et entre les peuples ne peut se fonder sur la logique de la peur, de la violence et de la fermeture, mais sur la responsabilité, sur le respect et sur le dialogue sincère » : La non-violence, style d’une politique pour la paix, Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2017, n. 5.
  • «Ils ont été écrits dans la pierre ; mais avant cela, ils ont été écrits dans le cœur de l’homme comme la loi morale universelle, valable en tout temps et en tout lieu. Aujourd’hui comme toujours, les dix Paroles de la Loi fournissent les seules véritables bases pour la vie des personnes, des sociétés et des nations […], elles constituent le seul avenir pour la famille humaine. Elles sauvent l’humanité des forces destructrices de l’égoïsme, de la haine et du mensonge. Elles mettent en évidence les faux dieux qui maintiennent les hommes dans l’esclavage : l’amour de soi jusqu’au refus de Dieu, l’avidité pour le pouvoir et le plaisir qui bouleverse l’ordre de la justice et dégrade notre dignité humaine et celle de notre prochain ». Id., Homélie lors de la célébration de la Parole au Mont Sinaï, Monastère de Sainte Catherine, 26 février 2000.
  • «Peut-être, plus que jamais dans l’histoire de l’humanité, le lien intrinsèque entre une attitude authentiquement religieuse et le grand bien de la foi est-il devenu évident pour tous » (Jean-Paul II, Discours aux Représentants des Églises chrétiennes et des Communautés ecclésiales et des religions mondiales, Assise, 27 octobre 1986, Insegnamenti IX, 2 (1986), p. 1268.

[Texte original: Italien]

Rencontre avec le patriarche Tawadros II, discours du pape (texte complet)

Pour le pape François il y a « non seulement un œcuménisme fait de gestes, de paroles et d’engagement, mais une communion déjà effective, grandit chaque jour dans la relation vivante avec le Seigneur Jésus, s’enracine dans la foi professée et se fonde réellement sur notre baptême, sur le fait d’être des ‘‘créatures nouvelles’’ en lui ».

Après la Conférence interreligieuse pour la paix, le pape François s’est rendu, à 6 km de là, à l’hôtel Al-Masah pour rencontrer les autorités du pays – environ 800 personnes – et tenir un deuxième discours, après celui du président Al-Sissi. A 18h45 il est arrivé au patriarcat copte orthodoxe où l’attendait le pape Tawadros II : une rencontre privée a suivi la présentation des délégations. Après leurs deux discours, le patriarche et le pape ont signé une déclaration commune, annulant notamment l’obligation d’un second baptême pour un catholique devenant orthodoxe. Après une prière oecuménique, ils ont rendu hommage aux martyrs.

Le pape a notamment insisté sur cet œcuménisme du sang dans son allocution : « Sur ce chemin passionnant qui, – comme la vie-  n’est pas toujours facile et linéaire, mais sur lequel le Seigneur nous exhorte à aller de l’avant, nous ne sommes pas seuls. Nous accompagne une foule immense de saints et de martyrs, qui déjà pleinement unis, nous poussent à être ici-bas une image vivante de la « Jérusalem céleste ». »

Il a aussi évoqué la longue tradition spirituelle de l’Egypte, du Sinaï à la sainte Famille, de saint Marc aux martyrs et aux moines.

Au dîner, à la nonciature, des enfants des écoles comboniennes ont accueilli le pape, qui a ensuite rencontré quelque 300 jeunes du Sud et du Nord de l’Egypte.

Voici le texte intégral de l’allocution du pape François.

AB

Discours du pape François

Le Seigneur est ressuscité, il est vraiment ressuscité! [Al Massih kam, bihakika kam!]

Sainteté, très cher Frère,

C’est depuis peu qu’a eu lieu la grande Solennité de Pâques, centre de la vie chrétienne, que nous avons eu la grâce de célébrer cette année le même jour. Nous avons ainsi proclamé à l’unisson l’annonce de la Résurrection, en revivant, en un certain sens, l’expérience des premiers disciples, qui ce jour-là, ensemble, « furent remplis de joie en voyant le Seigneur » (Jn 20, 20). Cette joie pascale est aujourd’hui enrichie par le don d’adorer ensemble le Ressuscité dans la prière et d’échanger de nouveau, en son nom, le saint baiser et l’accolade de la paix. J’en suis très reconnaissant : en arrivant ici comme pèlerin, j’étais certain de recevoir la bénédiction d’un Frère qui m’attendait. Grande était l’attente de nous retrouver : en effet, je garde bien vivant le souvenir de la visite de Votre Sainteté à Rome, peu après mon élection, le 10 mai 2013, une date qui est heureusement devenue l’occasion de célébrer chaque année la Journée d’amitié copte-catholique.  Dans la joie de poursuivre fraternellement notre route œcuménique, je voudrais rappeler avant tout ce jalon dans les relations entre le siège de Pierre et celui de Marc qu’est la Déclaration commune signée par nos prédécesseurs il y a plus de quarante ans, le 10 mai 1973. Ce jour-là, après des « siècles d’histoire difficiles », au cours desquels « ont surgi des divergences théologiques qui ont été entretenues et aggravées par des facteurs de caractère non théologique » et par une méfiance toujours plus généralisée dans les relations, grâce à Dieu on est arrivé à reconnaître ensemble que le Christ est « Dieu parfait pour ce qui est de sa divinité, et homme parfait pour ce qui est de son humanité » (Déclaration commune signée par le Saint-Père Paul VI et par Sa Sainteté Amba Shenouda III, 10 mai 1973). Mais non moins importants et non moins actuels sont les mots qui précèdent immédiatement, par lesquels nous avons reconnu « notre Seigneur et Dieu et Sauveur et Roi de nous tous, Jésus Christ ». Par ces expressions, le siège de Marc et celui de Pierre ont proclamé la seigneurie de Jésus : ensemble, nous avons confessé que nous appartenons à Jésus et qu’il est notre tout.

De plus, nous avons compris qu’étant siens, nous ne pouvons plus penser aller chacun son chemin, car nous trahirions sa volonté : que les siens soient « tous […] un […] pour que le monde croie » (Jn 17, 21). Devant le Seigneur, qui nous veut « parfaitement un » (v. 23), il ne nous est plus possible de nous cacher derrière les prétextes des divergences d’interprétation ni non plus derrière des siècles d’histoire et de traditions qui nous ont rendus étrangers. Comme l’a dit ici Sa Sainteté Jean-Paul II : « Il n’y a pas de temps à perdre à ce sujet. Notre communion dans l’unique Seigneur Jésus Christ, dans l’unique Esprit Saint et dans l’unique Baptême constitue déjà une réalité profonde et fondamentale » (Discours lors de la rencontre œcuménique, 25 février 2000). Il y a, en ce sens, non seulement un œcuménisme fait de gestes, de paroles et d’engagement, mais une communion déjà effective, qui grandit chaque jour dans la relation vivante avec le Seigneur Jésus, qui s’enracine dans la foi professée et se fonde réellement sur notre baptême, sur le fait d’être des ‘‘créatures nouvelles’’ (cf. 2 Co 5, 17) en lui : en somme, « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4, 5). D’ici, nous repartons toujours, pour préparer le jour si désiré où nous serons en pleine et visible communion à l’autel du Seigneur.

Sur ce chemin passionnant qui, – comme la vie-  n’est pas toujours facile et linéaire, mais sur lequel le Seigneur nous exhorte à aller de l’avant, nous ne sommes pas seuls. Nous accompagne une foule immense de saints et de martyrs, qui déjà pleinement unis, nous poussent à être ici-bas une image vivante de la « Jérusalem céleste » (Ga 4, 26). Parmi eux, se réjouissent certainement  aujourd’hui de notre rencontre, à titre particulier, les saints Pierre et Marc. Le lien qui les unit est grand. Qu’il suffise de penser au fait que saint Marc a placé au cœur de son Évangile la profession de foi de Pierre : « Tu es le Christ ». Ce fut la réponse à la question, toujours actuelle, de Jésus : « Mais vous, qui dites-vous que je suis ? » (Mc 8, 29). Aujourd’hui également beaucoup de gens ne savent pas répondre à cette interrogation ; il manque même quelqu’un pour la susciter et surtout pour offrir en réponse la joie de connaître Jésus, cette même joie avec laquelle nous avons la grâce de le confesser ensemble.

Ensemble, nous sommes donc appelés à témoigner de lui, à porter au monde notre foi, avant tout de la manière propre à la foi : en la vivant, car la présence de Jésus se transmet avec la vie et parle le langage de l’amour gratuit et concret. Coptes orthodoxes et Catholiques, nous pouvons toujours plus parler ensemble cette langue commune de la charité : avant d’entreprendre une initiative pour le bien, il serait beau de nous demander si nous pouvons la faire avec nos frères et sœurs qui partagent la foi en Jésus. Ainsi, en édifiant la communion dans le concret quotidien du témoignage vécu, l’Esprit ne manquera pas d’ouvrir des voies providentielles et imprévues d’unité. C’est avec cet esprit apostolique constructif que Votre Sainteté continue de réserver une attention authentique et fraternelle à l’Église copte catholique : une proximité dont je suis très reconnaissant et qui a trouvé une admirable expression dans le Conseil National des Églises Chrétiennes, auquel elle a donné naissance pour que ceux qui croient en Jésus puissent œuvrer toujours davantage ensemble, au bénéfice de la société égyptienne tout entière. J’ai beaucoup apprécié également la généreuse hospitalité offerte à la 13ème rencontre de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales, qui s’est tenue ici l’année dernière à votre invitation. C’est un beau signe que la rencontre suivante se soit déroulée cette année à Rome, presque pour exprimer une continuité particulière entre les sièges de Marc et de Pierre.

Dans les Saintes Écritures, Pierre semble de quelque manière répondre à l’affection de Marc en l’appelant « mon fils » ( 1P 5, 13). Mais les liens fraternels de l’Évangéliste et son activité apostolique concernent aussi saint Paul qui, avant de mourir martyr à Rome, parle de l’utilité prévenante de Marc dans son ministère (cf. 2 Tm 4, 11) et le cite plus d’une fois (cf. Phm 24 ; Col 4, 10). Charité fraternelle et communion de mission : voici les messages que la Parole divine et nos origines nous livrent. Ce sont les semences évangéliques que nous avons la joie de continuer à irriguer et, par la grâce de Dieu, à faire croître ensemble (cf. 1 Co 3, 6-7).

La maturation de notre chemin œcuménique est soutenue, de manière mystérieuse et plus que jamais actuelle, également par un vrai et authentique œcuménisme du sang. Saint Jean écrit que Jésus est venu « par l’eau et par le sang » (1 Jn 5, 6) ; qui croit en lui, ainsi « est vainqueur du monde » (1 Jn 5, 5). Par l’eau et le sang : en vivant une vie nouvelle dans notre Baptême commun, une vie d’amour toujours et pour tous, y compris au prix du sacrifice du sang. Que de martyrs dans ce pays, depuis les premiers siècles du christianisme, ont vécu la foi héroïquement et jusqu’au fond, en versant leur sang plutôt que de renier le Seigneur et de céder aux illusions du mal ou seulement à la tentation de répondre au mal par le mal. Le vénérable Martyrologue de l’Église copte en témoigne bien. Encore récemment, malheureusement, le sang innocent de fidèles sans défense a été cruellement versé : leur sang innocent nous unit. Très cher Frère, tout comme la Jérusalem céleste est unique, unique est notre martyrologe, et vos souffrances sont aussi nos souffrances. Fortifiés par votre témoignage, œuvrons pour nous opposer à la violence en prêchant et en semant le bien, en faisant grandir la concorde et en maintenant l’unité, en priant afin que tant de sacrifices ouvrent la voie à un avenir de pleine communion entre nous et de paix pour tous.

La merveilleuse histoire de sainteté de cette terre n’est pas particulière uniquement à cause du sacrifice des martyrs. À peine terminées les persécutions antiques, a émergé une forme nouvelle de vie qui, donnée au Seigneur, ne retenait rien pour elle: dans le désert a commencé le monachisme. Ainsi, aux grands signes que Dieu, par le passé, avait accomplis en Égypte et dans la Mer rouge (cf. Ps 106, 21-22), a fait suite le prodige d’une vie nouvelle, qui a fait fleurir de sainteté le désert. Avec vénération pour ce patrimoine commun, je suis venu en pèlerin sur cette terre, où le Seigneur lui-même aime se rendre: ici, glorieux, il est descendu sur le mont Sinaï (cf. Ex 24, 16) ; ici, humble, il a trouvé refuge en tant qu’enfant (cf. Mt 2, 14).

Sainteté, très cher Frère, que le même Seigneur nous accorde de repartir aujourd’hui, ensemble, en pèlerins de communion et en messagers de paix. Sur ce chemin, que nous prenne par la main Celle qui a accompagné ici Jésus et que la grande tradition théologique égyptienne a déclarée depuis l’antiquité Theotokos, Mère de Dieu. À ce titre, s’unissent admirablement l’humanité et la divinité, car dans la Mère, Dieu s’est fait pour toujours homme. Que la Vierge Sainte, qui nous conduit toujours à Jésus, symphonie parfaite du divin avec l’humain, apporte encore un peu du Ciel sur notre terre!

[Texte original: Italien]

L’Egypte est appelée à sauver le Moyen-Orient « de la famine de l’amour et de la fraternité »

Source Zenit

L’Égypte « joue un rôle irremplaçable au Moyen Orient », a affirmé le pape François au premier jour de son voyage apostolique dans le pays, devant les autorités égyptiennes, le 28 avril 2017 : elle est « appelée… à sauver cette région bien-aimée de la famine de l’amour et de la fraternité; elle est appelée à condamner et à vaincre toute violence et tout terrorisme ».

Depuis l’Hotel Al-Màsah du Caire, devant quelque 800 représentants des institutions, du Corps diplomatique et de la société civile, le pape a rappelé que « sur le sol égyptien, a trouvé refuge et hospitalité la Sainte Famille ». Une hospitalité qui « reste dans la mémoire collective de l’humanité » et qui fait de l’Égypte « une terre qu’en un certain sens nous sentons tous comme nôtre ».

Très applaudi durant son discours, le pape François a encouragé les responsables à valoriser « le génie inné de ce peuple » pour « une Égypte où ne manquent à personne le pain, la liberté et la justice sociale ».

L’Égypte a « un devoir particulier », a-t-il fait observer en évoquant les attentats perpétrés dans le pays : « renforcer et consolider aussi la paix régionale, tout en étant, sur son propre sol, affectée par des violences aveugles ». « L’Égypte, qui en même temps construit et combat le terrorisme, est appelée à donner la preuve que ‘‘AL DIN LILLAH WA AL WATÀN LILGIAMIA’ / La foi est pour Dieu, la patrie est pour tous’’ », a-t-il insisté.

Et le pape de conclure : « Paix à ce pays bien-aimé ! Paix à toute cette région, en particulier à la Palestine et à Israël, à la Syrie, à la Libye, au Yémen, à l’Irak, et au Soudan du Sud ; paix à tous les hommes de bonne volonté ! »

AK

Discours du pape François

Monsieur le Président,
Honorables membres du Gouvernement et du Parlement,
Messieurs les Ambassadeurs et membres du Corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs,

Al Salamò Alaikum / la paix soit avec vous !

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour vos cordiales paroles de bienvenue et pour l’aimable invitation que vous m’avez adressée à visiter votre cher pays. Je garde vivant le souvenir de votre visite à Rome, en novembre 2014, tout comme celui de la rencontre fraternelle avec Sa Sainteté le Pape Tawadros II, en 2013, et avec le Grand Imam de l’Université d’Al-Azhar, le Docteur Ahmad Al-Tayyib, l’année dernière.

Je suis heureux de me trouver en Égypte, terre d’une très ancienne et noble civilisation, dont nous pouvons admirer les vestiges encore aujourd’hui et qui, dans leur majesté, semblent vouloir défier les siècles. Cette terre représente beaucoup pour l’histoire de l’humanité et pour la Tradition de l’Église, non seulement par son prestigieux passé historique – des pharaons, copte et musulman, – mais aussi parce que beaucoup de Patriarches ont vécu en Égypte ou l’ont traversée. En effet, l’Égypte est mentionnée un grand nombre de fois dans les Saintes Écritures. Sur cette terre, Dieu a fait entendre sa voix, il « a révélé son nom à Moïse » (Jean-Paul II, Discours lors de la cérémonie de bienvenue, 24 février 2000 : Insegnamenti XXIII, 1 [2000], p. 248) et sur le mont Sinaï, il a confié les dix commandements divins à son peuple ainsi qu’à l’humanité. Sur le sol égyptien, a trouvé refuge et hospitalité la Sainte Famille : Jésus, Marie et Joseph.

L’hospitalité offerte avec générosité, il y a plus de deux mille ans, reste dans la mémoire collective de l’humanité et est source d’abondantes bénédictions qui s’étendent encore. L’Égypte est donc une terre qu’en un certain sens nous sentons tous comme nôtre ! Et comme vous le dites : ‘‘Misr um al dugna / L’Égypte est la mère de l’univers’’. Aujourd’hui, y trouvent également accueil des millions de réfugiés provenant de divers pays, dont le Soudan, l’Erythrée, la Syrie et l’Irak, réfugiés qu’on cherche à intégrer dans la société égyptienne avec un engagement admirable.

L’Égypte, en raison de son histoire et de sa situation géographique particulière, joue un rôle irremplaçable au Moyen Orient et dans le contexte des pays à la recherche de solutions à des problèmes aigus et complexes qui ont besoin d’être affrontés maintenant, pour éviter une dérive de violence plus grave encore. Je me réfère à cette violence aveugle et inhumaine causée par divers facteurs : par le désir borné de pouvoir, du commerce des armes, par de graves problèmes sociaux et par l’extrémisme religieux qui utilise le Saint Nom de Dieu pour perpétrer des massacres et des injustices inouïs.

Ce destin et cette tâche de l’Égypte constituent aussi le motif qui a conduit le peuple à aspirer à une Égypte où ne manquent à personne le pain, la liberté et la justice sociale. Certes, cet objectif deviendra une réalité à condition qu’ensemble tout le monde ait la volonté de transformer les paroles en actions, les légitimes aspirations en engagement, les lois écrites en lois appliquées, en valorisant le génie inné de ce peuple.

L’Égypte a donc un devoir particulier : renforcer et consolider aussi la paix régionale, tout en étant, sur son propre sol, affectée par des violences aveugles. Ces violences font souffrir injustement de nombreuses familles – dont certaines sont ici présentes – qui pleurent leurs fils et leurs filles.

Ma pensée va en particulier à toutes les personnes qui, ces dernières années, ont donné la vie pour sauvegarder leur patrie : les jeunes, les membres des forces armées et de la police, les citoyens coptes et tous les anonymes victimes de diverses actions terroristes. Je pense aussi aux assassinats et aux menaces qui ont provoqué un exode de chrétiens du Sinaï septentrional. J’exprime ma reconnaissance aux Autorités civiles et religieuses et à tous ceux qui ont offert accueil et assistance à ces personnes si éprouvées. Je pense également à ceux qui ont été touchés lors des attentats aux églises coptes, aussi bien en décembre dernier que récemment à Tanta et à Alexandrie. À leurs proches et à toute l’Égypte, vont mes plus sincères condoléances et ma prière au Seigneur afin qu’il accorde une prompte guérison aux personnes blessées.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

je ne peux pas ne pas encourager l’audace des efforts pour la réalisation de nombreux projets nationaux, ainsi que les nombreuses initiatives qui ont été prises en faveur de la paix dans le pays et en dehors, en vue du développement appelé de tous les vœux, dans la prospérité et dans la paix, que le peuple désire et mérite.

Le développement, la prospérité et la paix sont des biens inaliénables qui méritent tout sacrifice. Ce sont également des objectifs qui demandent du travail sérieux, un engagement convaincu, une méthodologie appropriée et, surtout, le respect inconditionnel des droits inaliénables de l’homme, tels que l’égalité entre tous les citoyens, la liberté religieuse et d’expression, sans aucune distinction (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme ; Constitution égyptienne de 2014, chap. III). Des objectifs qui exigent une attention spéciale au rôle de la femme, des jeunes, des plus pauvres et des malades. En réalité, le développement authentique se mesure à la sollicitude envers l’homme – cœur de tout développement – à son éducation, à sa santé et à sa dignité ; en effet, la grandeur de toute nation se révèle par le soin dont elle entoure réellement les plus faibles de la société : les femmes, les enfants, les personnes âgées, les malades, les personnes porteuses de handicap, les minorités afin que personne et aucun groupe social ne soit exclu ou laissé pour compte.

Face à une situation mondiale délicate et complexe, qui fait penser à celle que j’ai appelée une ‘‘guerre mondiale par morceaux’’, il faut rappeler qu’on ne peut pas construire la civilisation sans rejeter toute idéologie du mal, de la violence et toute interprétation extrémiste qui prétend annuler l’autre et anéantir les diversités, en manipulant et en outrageant le Saint Nom de Dieu.

Monsieur le Président, vous m’en avez parlé plus d’une fois et en diverses circonstances avec une clarté, qui mérite écoute et appréciation.

Nous avons tous le devoir d’enseigner aux nouvelles générations que Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, n’a pas besoin d’être protégé par les hommes, au contraire c’est lui qui protège les hommes ; lui ne veut jamais la mort de ses enfants mais leur vie et leur bonheur ; il ne peut ni demander ni justifier la violence, au contraire il la déteste et la rejette. Le vrai Dieu appelle à l’amour inconditionnel, au pardon gratuit, à la miséricorde, au respect absolu de toute vie, à la fraternité entre ses enfants, croyants et non croyants.

Nous avons le devoir d’affirmer ensemble que l’histoire ne pardonne pas à ceux qui proclament la justice et pratiquent l’injustice ; elle ne pardonne pas à ceux qui parlent d’égalité et rejettent l’autre qui est différent. Nous avons le devoir de démasquer les vendeurs d’illusions sur l’au-delà, qui prêchent la haine pour voler aux gens simples leur vie présente et leur droit de vivre avec dignité, en les transformant en bois à brûler et en les privant de la capacité de choisir avec liberté et de croire avec responsabilité. Monsieur le président, vous avez dit il y a quelques instants que Dieu est le Dieu de la liberté, et cela est vrai. Nous avons le devoir de démonter les idées homicides et les idéologies extrémistes, en affirmant l’incompatibilité entre la vraie foi et la violence, entre Dieu les actes de mort.

En revanche, l’histoire honore les bâtisseurs de paix, qui, avec courage et sans violence, luttent pour un monde meilleur : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9).

L’Égypte qui, au temps de Joseph, a sauvé les autres peuples de la famine (cf. Gn 47, 57), est donc appelée aujourd’hui également à sauver cette région bien-aimée de la famine de l’amour et de la fraternité; elle est appelée à condamner et à vaincre toute violence et tout terrorisme ; elle est appelée à donner le grain de la paix à tous les cœurs affamés de cohabitation pacifique, de travail digne, d’éducation humaine. L’Égypte, qui en même temps construit et combat le terrorisme, est appelée à donner la preuve que ‘‘AL DIN LILLAH WA AL WATÀN LILGIAMIA’ / La foi est pour Dieu, la patrie est pour tous’’, comme le dit la devise de la Révolution du 23 juillet 1952, manifestant qu’on peut croire et vivre en harmonie avec les autres, en partageant avec eux les valeurs humaines fondamentales et en respectant la liberté et la foi de chacun (cf. Constitution égyptienne de 2014, art. 5). Le rôle particulier de l’Égypte est nécessaire pour pouvoir affirmer que cette région, berceau des trois grandes religions, peut, voire doit se réveiller de la longue nuit de tribulation pour faire rayonner de nouveau les valeurs suprêmes de la justice et de la fraternité, qui sont le fondement solide et la voie obligatoire de la paix (cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2014, n. 4). De grandes nations, on ne peut peu attendre !

Cette année, se célèbrera le 70ème anniversaire des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République Arabe d’Égypte, l’un des premiers pays arabes à établir de telles relations diplomatiques. Elles ont toujours été caractérisées par l’amitié, par l’estime et par la collaboration réciproque. Je souhaite que ma présente visite puisse les consolider et les renforcer.

La paix est un don de Dieu mais elle est aussi un travail de l’homme. C’est un bien à construire et à protéger, dans le respect du principe qui affirme la force de la loi et non la loi de la force (cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2017, n. 1). Paix à ce pays bien-aimé ! Paix à toute cette région, en particulier à la Palestine et à Israël, à la Syrie, à la Libye, au Yémen, à l’Irak, et au Soudan du Sud ; paix à tous les hommes de bonne volonté !

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

je voudrais adresser une salutation affectueuse et une accolade paternelle à tous les citoyens égyptiens, qui sont symboliquement présents dans cette salle. Je salue également les fils et les frères chrétiens qui vivent dans ce pays : les coptes orthodoxes, les gréco-byzantins, les arméniens orthodoxes, les protestants et les catholiques. Que Saint Marc, l’évangélisateur de cette terre, vous protège et nous aide à construire et à atteindre l’unité, si désirée par Notre Seigneur (cf. Jn 17, 20- 23). Votre présence dans ce pays n’est ni nouvelle ni fortuite, mais historique et inséparable de l’histoire de l’Égypte. Vous êtes une partie intégrante de ce pays et vous avez développé au cours des siècles une sorte de relation unique, une symbiose particulière, qui peut être prise comme exemple par d’autres nations. Vous avez démontré et vous démontrez qu’on peut vivre ensemble, dans le respect réciproque et dans la confrontation loyale, en trouvant dans la différence une source de richesse et jamais un motif d’affrontement (cf. Benoît XVI, Exhort. ap. postsyn. Ecclesia in Medio Oriente, nn. 24-25).

Merci pour votre chaleureux accueil. Je demande à Dieu Tout-puissant et Unique de combler tous les citoyens égyptiens de ses bénédictions divines. Qu’il accorde à l’Égypte paix et prospérité, progrès et justice et qu’il bénisse tous ses enfants !

« Béni soit l’Égypte, mon peuple », dit le Seigneur dans le Livre d’Isaïe (19, 25).

Shukram wa tahìah misr! / Merci et vive l’Égypte !