L’Œuvre d’Orient apprend avec tristesse le décès de M. Devedjian.

L’Œuvre d’Orient apprend avec tristesse le décès de M. Devedjian. Il était venu rencontrer notre Directeur général à plusieurs reprises dans nos bureaux.

Il portait le souci des chrétiens d’Orient et plus spécialement celui des arméniens dont sa famille faisait partie. Il était un ami de la communauté arménienne de France.

L’Œuvre d’Orient partage la peine de la communauté arménienne de France.



Dimanche 29 mars 2020
Communiqué de Monseigneur Elie Yéghiayan
Evêque de l’Eparchie des Arméniens Catholiques de France

En ce dimanche, j’ai appris avec une grande tristesse le rappel à Dieu de monsieur Patrick Devedjian, ancien ministre.

Avec les prêtres et les fidèles de l’Eparchie, Je veux m’associer à la douleur de son épouse, de ses enfants, de sa famille et de toute la communauté arménienne. Je partage leur tristesse, mais aussi leur Espérance.

Sa Béatitude Grégoire Pierre XX Ghabroyan, patriarche de l’Eglise Arménienne Catholique a bien connu Patrick Devedjian lorsqu’il était évêque à Paris. Il s’associe à la peine de la famille et lui présente ses condoléances.

Nous prions pour que Dieu accueille son âme et qu’elle repose en paix dans la demeure des justes.

« Souviens-toi, Seigneur, de ton serviteur Patrick Devedjian au jour du grand avènement de ton royaume. Rends le digne de miséricorde, et de la rémission des péchés.
Fais-le briller en le mettant à ta droite, dans les rangs de tes saints; car tu es le Seigneur et le Créateur de tous, juge des vivants et des morts ; et à toi convienne la gloire, la puissance et l’honneur, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen »

Patrick Devedjian était un pilier de la communauté Arménienne Catholique. Il était toujours présent à nos côtés lors des grands évènements dans la cathédrale Sainte-Croix de Paris, mais aussi lors des commémorations des victimes du Génocide des Arméniens à Notre-Dame de Paris.

Sa famille originaire de Sivas avait été obligée de fuir la Turquie au moment du Génocide. Il a fait une partie de sa scolarité au collège arménien catholique Samuel-Moorat de Sèvres (92). Patrick Devedjian était fier de ses origines arméniennes. En tant que parlementaire, il s’est toujours engagé pour la reconnaissance politique du génocide arménien.

Ses obsèques seront célébrées ce mercredi à 11h dans notre cathédrale Sainte Croix de Paris qu’il chérissait et affectionnait, notamment dans les circonstances familiales. Cet office sera célébré dans la plus stricte intimité due aux conditions sanitaires actuelles. Une Messe de Requiem, ouverte à tous, sera célébrée lorsque les conditions le permettront.

 

Photo : Michel Pourny

[CARÊME] Jeûnez pour les chrétiens d’Orient !

🙏 En ce temps de Carême et de confinement, il est plus que nécessaire de continuer à tisser des liens spirituels avec nos frères chrétiens orientaux. Déjà fragilisées par la guerre et les crises économiques, les populations d’Orient sont exposées à un risque sanitaire considérable.

🍚 Nous vous proposons ainsi de partager virtuellement un « bol de riz », en offrant votre jeûne pour les chrétiens d’Orient.

Pour suivre la démarche, cliquez ici

Irak : L’Œuvre d’Orient se réjouit de la libération des 3 ressortissants français et du ressortissant irakien enlevés en janvier 2020.

Communiqué de l’Œuvre d’Orient

Jeudi 26 mars 2020

Nous avons appris la libération des 3 français et de l’irakien, enlevés en Irak en janvier dernier.

Nous partageons leur soulagement et celui de leurs proches.

Cet épisode nous rappelle combien il est crucial de respecter les règles de sécurité et les recommandations des autorités françaises dans les pays où nous œuvrons.

Notre association, en accord avec les autorités françaises, continue à opérer sur le terrain à travers l’action des communautés chrétiennes que nous soutenons dans 23 pays, au Liban, en Égypte, en Israël, dans la Corne de l’Afrique …

 


 

L’Œuvre d’Orient est une association catholique et apolitique, reconnue d’intérêt général, qui œuvre depuis plus de 160 ans pour soutenir les communautés chrétiennes au Moyen-Orient au service de toute la population.
Nous collectons des fonds pour financer des actions au bénéfice des chrétiens d’Orient. Nous sommes membres du Comité de la Charte et bénéficions du label « Don en confiance ». Ce label, garantit la totale transparence sur nos financements et la destination de nos fonds. Contact : communication@oeuvre-orient.fr

 

Mgr Pascal Gollnisch TS

« Puisse ce moment douloureux nous rapprocher des chrétiens d’Orient » Mgr Pascal Gollnisch

Chers amis,

Le monde entier subit l’épidémie du coronavirus.

L’Œuvre d’Orient continue au sa mission service de tous

Nos bureaux du 20 rue du Regard sont fermés, mais l’ensemble des salariés et bénévoles du siège sont connectés en télétravail. Depuis Paris ou en région, l’activité continue, les projets sont en cours de traitement, les enseignements pour les personnes réfugiées se font en visio-conférence, notre service Donateurs est mobilisé à votre écoute … Je salue l’innovation dont font preuve mes collaborateurs pour poursuivre leur mission.
Ces dernières semaines, nous avons réorganisé la mission des volontaires. Sur nos 50 volontaires, la majorité est rentrée, notamment ceux qui étaient en mission de courte durée. Quelques-uns, parce que c’était leur choix, sont restés sur place, confinés, pour continuer leur action au service de la population au sein des communautés religieuses.

Une crise mondiale qui nous rapproche et nous invite plus que jamais à prendre soin les uns des autres

Si nous avons tous des inquiétudes pour nous-mêmes et pour nos proches, nous restons plus que jamais concentrés pour continuer notre mission au service des chrétiens d’Orient.
Car, déjà éprouvés par les guerres en Irak et en Syrie, les chrétiens d’Orient sont eux aussi victimes de ce fléau. Pour eux il s’agit d’une crise dans la crise. Et je reçois de leur part de nombreux messages de soutien.
Nous ne savons pas combien de personnes sont atteintes, combien sont décédées, ni quelle sera la durée de cette crise.
Cela suppose une adaptation de notre aide face à cet imprévu et donc une bonne capacité d’analyse pour prendre la mesure de cette pandémie mondiale. Nous avons besoin de prendre du recul sur ce que nous faisons.

Une crise spirituelle

Pour les croyants, cette période est une opportunité pour vivre une proximité plus grande avec le Christ, le soignant qui n’avait pas peur d’approcher les lépreux.
Car en définitive cette crise aura également des répercussions spirituelles. Nombre de nos concitoyens sont placés face à l’essentiel de leur vie et ce qui lui donne du sens. Les fidèles sont, bien sûr, engagés dans la prière, en communion avec le Pape et les évêques, mais le jeun sacramentel, qui peut nous faire souffrir, nous conduit à approfondir notre vie spirituelle.
Cette période de confinement nous invite à reprendre une vie de prière faite d’espérance.
Puisse ce temps douloureux nous rapprocher de vous, nous rapprocher des chrétiens d’Orient.
C’est pourquoi nous continuerons à vous informer sur l’actualité de nos projets au Moyen-Orient,

Mgr Pascal Gollnisch,
Directeur général de l’Œuvre d’Orient


Durant le confinement, L’Oeuvre d’Orient reste ouverte pour vos questions :

 

[Turquie] Assassinat d’une chrétienne

Communiqué de presse
Une chrétienne (chaldéenne, catholique) a été retrouvée assassinée en Turquie après avoir été longtemps kidnappée avec son mari.
Il s’agit des parents d’un prêtre.
L’Œuvre d’Orient prie pour cette victime, pour sa famille, pour sa communauté.
Ce n’est pas le premier assassinat de chrétien en Turquie ces dernières années.
L’Œuvre d’Orient condamne cet acte de barbarie et demande aux autorités turques de faire la lumière sur cette tragédie ainsi que d’assurer la sécurité de tous les chrétiens.
Directeur général de l’Œuvre d’Orient

[TERRE SAINTE] « Un curieux mois de mars à Bethléem » – Témoignage de Marie-Domitille, volontaire en Terre Sainte.

[EDIT] Marie-Domitille a finalement été contrainte de quitter la Terre Sainte pour rentrer en France. Elle ne le savait pas encore lorsqu’elle nous a transmis son témoignage. Nous lui souhaitons un bon retour.


Marie-Domitille, volontaire de L’Œuvre d’Orient en mission à la crèche de Bethléem, a vécu les importantes mesures de confinement mises en place en Terre Sainte. Elle partage ses impressions.


Depuis 15 jours, Bethléem est « sur pause »

Cela va bientôt faire 15 jours que la ville de Bethléem est « sur pause ». Le COVID-19 est arrivé chez nous bien avant de faire paniquer la France. Tout est allé très vite. Au début, les checkpoints ont été fermés entre Israël et Palestine. Tous les touristes rapatriés. Pour moi qui suis à Bethléem, plus de petite virée possible à Jérusalem, qui n’est pourtant qu’à 8 km d’ici. Ensuite, ce fut une interdiction de quitter Bethléem pour se déplacer en Palestine. Maintenant, et depuis une grosse semaine déjà, c’est une belle invitation à rester chez nous.

Bethléem qui est en principe une ville dissipée, est aujourd’hui toute vide et toute triste. Ce qui m’avait marquée en arrivant ici, c’était le bruit ! Souvent les volontaires (ou autres visiteurs) de Jérusalem disent être fascinés par les odeurs, eh bien pour moi c’était le bruit ! Ici, pour exister, il faut crier !

Au début, j’avais du mal à dormir tant les bruits étaient forts : les klaxons, les moteurs trafiqués, les cris, le muezzin, les ambulances pour un oui pour un non. Aujourd’hui, tout est tellement silencieux que nous entendons les cloches de Beit Jala, le village d’à côté ! Je n’avais encore jamais entendu de cloches ici ! C’est pour dire !

 

La ville change de visage

C’est difficile de décrire le décalage qui s’est produit si brusquement. Les rues sont désertes alors qu’avant je devais faire attention à ne pas passer sous une voiture, à ne pas cogner contre un chariot, à ne pas marcher sur les pieds d’un enfant, à ne pas foncer dans un passant, sur l’étalage de fraise, ou dans les tas de falafels… Depuis 10 jours, le souk est vide, toutes les grandes portes métalliques sont fermées à triple tour. La basilique, les moquées, les magasins sont fermés. Il n’y a plus de bus, plus de taxi, plus d’école, plus de pharmacie, plus rien. Deux trois petites épiceries seulement. J’ai même cru comprendre qu’il pourrait bientôt y avoir des problèmes de ravitaillement puisque normalement personne ne peut entrer ou sortir de Bethléem.

Confinés en Palestine, loin des réalités européennes

La Palestine est pauvre, et les soins médicaux sont légers et très chers. En temps normal, c’est déjà suffisamment compliqué. Alors bien sûr, si le virus prend de l’ampleur ici, ils s’en sortiront bien mal. Je crois qu’ils ont vraiment peur.

Les vols pour la France sont désormais impossibles. Le blocus devrait encore durer 1 bon mois, certains disent bien plus. Chacun y va de sa théorie. Peu importe, j’espère en tous cas que Bethléem en sortira sans s’être trop épuisée, et que nous, les 3 petits volontaires isolés de la Terre Sainte, nous garderons le moral et la santé dans cette prison à ciel ouvert !

Ecole Maronite de Baalbeck © JM Gautier

« L’éducation est une action à long terme » – Édito de la Lettre d’Information n°106, par Mgr Pascal Gollnisch

Chers Amis,

L’éducation est une action à long terme : il faut plus de vingt ans pour former un adulte. Le risque est donc grand, dans des régions déstabilisées comme le Moyen-Orient, de négliger les efforts nécessaires à la bonne éducation. Pourtant celle-ci est essentielle à l’avenir d’un pays, toutes les tensions d’une société peuvent être résolues par l’éducation : la citoyenneté, le respect de la femme, la coexistence religieuse, les droits fondamentaux, etc.

Voilà pourquoi les Églises du Moyen-Orient, orientales ou congrégations religieuses latines, sont engagées depuis très longtemps dans ce service de l’éducation, au profit de tous. Nous voyons des établissements de grande qualité qui forment des élites ou de petites écoles qui transmettent la culture dans des villages isolés et pauvres. Ces écoles représentent, avec les établissements de santé, l’action évangélique la plus noble de l’Église.

Aujourd’hui cette action est tragiquement menacée. La situation est alarmante. Au Liban, l’enseignement catholique est en danger, risquant de faire fuir les familles chrétiennes qui ne voient pas d’autre possibilité pour les enfants. Il faut trouver des remèdes. Voilà pourquoi nous avons incité l’État français à agir et le Président de la République française a annoncé à Jérusalem la création d’un fonds pour les écoles francophones chrétiennes du Moyen-Orient.

Mais cela ne suffira pas. Il faut une mobilisation générale pour mettre les États devant leurs responsabilités. Il en va de l’avenir non seulement des chrétiens d’Orient mais des sociétés du Moyen-Orient dans l’ensemble.

Au Liban, les communautés catholiques sont très engagées et contribuent au tissu social de la société. Or, le Liban connaît de graves difficultés financières et politiques. Son avenir se joue et – nous l’espérons – se construit actuellement. La question n’est pas seulement le confessionnalisme, la corruption et l’incompétence, le fonctionnement de l’État. Elle est aussi celle de sa responsabilité vis-à-vis des œuvres sociales qui remplissent une mission que l’on pourrait appeler « délégation de service public » ou en tout cas d’intérêt général. Il faut que le Liban et les Libanais trouvent d’urgence un nouveau projet de société.

Pour sa part, l’Œuvre d’Orient va persévérer plus que jamais dans le soutien à ces écoles et toutes ces institutions catholiques (dispensaires, maison pour personnes âgées, handicapés, aides sociales…) qui rendent crédible l’action des chrétiens au nom de l’Évangile.

Monseigneur Pascal Gollnisch, Directeur général de l’Œuvre d’Orient.

Photo : Ecole Nationale maronite de Baalbeck, © JM Gautier

[EGYPTE] Le témoignage de Charles et Amélie : Dictionnaire amoureux du bruit, une journée au Caire

Charles, diplômé d’HEC et Amélie, cardiologue, tout juste mariés sont partis au Caire pour 7 mois aider dans un institut recueillant 80 jeunes filles de 11 à 18 ans en situation de précarité qui poursuivent leurs études avec une aide scolaire et psychologique déterminante. 


Dictionnaire amoureux du bruit
Une journée au Caire

 

6h35 : En un barrissement, le premier car s’annonce et fait ouvrir la lourde grille noire du 198 Ramses Street. Il n’arrive pas seul. Bientôt, c’est un chapelet ininterrompu de bus scolaires aux couleurs du Ramses College for Girls. Un chapelet ? Un rosaire, même.

A chaque dizaine, un chauffeur salue d’un enthousiaste klaxon auquel le gardien -le bawab- répond d’un pudique et franc sourire couvert de moustache.

De ce chapelet, chaque petit pois libère un essaim de jeunes cairotes qui prennent joyeusement possession de la cour d’école.

Au 2e étage du pavillon central, juste sous le fronton aux armes de l’Evangelical Synod of the Nile, derrière un volet roulant de bois, un grognement empâté. Charles se frotte les yeux, grogne à nouveau, renfonce cette boule quies gauche qui décidément ne veut pas rester à sa place. Amélie dort.

En bas, dans la cour, les filles s’égayent et piaillent dans leurs polos jaunes et bruns. Il fait encore nuit. Bientôt, ce sera l’heure.

7h30 : c’est l’heure.
L’heure d’entamer une nouvelle journée scolaire dans cette école cossue, anglophone et chrétienne. C’est là que nous louons un petit appartement, « avec un espace dédié à la décoration personnelle ».
Comme dans toutes les écoles, c’est l’heure de l’hymne.

– « Beladi, beladi, belaaaadi
Laki Huuubi, wa Fouaaadi »
Egypte mon pays : à toi ma vie, à toi mon cœur. A toi mes tympans, surtout !

La cour est sonorisée. Une quinzaine de baffles du dernier cri, presque synchronisées, crachent joyeusement le refrain et les deux premiers couplets.

Chaque matin, le lourd micro est confié à une nouvelle écolière, chargée de couvrir de sa voix les harmoniques de ses camarades, alignées devant le drapeau. Celle qui chante le mieux, c’est celle du mardi.

– « Misr ya umm al-bilaaad »
Egypte, toi la mère de tous les pays : entends-tu encore les cris de tes enfants ?

– « One, two ! One, two ! One, two ! ».
Cette fois, c’est la professeure principale qui donne le rythme et compte dans le micro chaque binôme qui entre dans l’école. A l’oreille, il semble qu’il y en ait environ 250, des binômes (« Il en manque une ! Vous en êtes sourds ? Tout à fait sourds ! »).

8h : ça y est, les enceintes se sont tues : les filles sont entrées en classe, juste sous nos pieds.

Après la prière ânonnée dans un anglais que plus personne ne comprend (ce doit être ça, la méthode syllabique), le professeur prend la parole. Mais pour qu’elle porte autant que celles de ses 40 élèves, ici au Ramses College, la parole de l’enseignant est … sonorisée bien sûr.

De toutes manières, il faut bien que nous nous levions aussi, allez.

9h15 : aujourd’hui, c’est lundi. En fait, c’était déjà lundi à 6h35, bien sûr.
Mais on dit ça à 9h15, parce que le lundi et le mercredi, c’est à 9h15 qu’on doit partir pour nos cours d’arabe. 4h par semaine où, en écoliers à notre tour, nous allons sagement nous asseoir côte-à-côte devant la maitresse pour apprendre ensemble à écrire, à lire (en suivant avec le doigt dessous, tu vois, comme ça, mais de la droite vers la gauche. Oui, voilà, comme ça.)

Mais pour l’instant, c’est donc l’heure de sortir de chez nous et de traverser la cour. Le bruit du moment, ce sont les gloussements des lycéennes, qui ne se sont toujours pas habituées à voir passer un homme dans leur cour. (Oui, parce qu’on répète au cas où : cette école, ce n’est pas l’orphelinat où on travaille tous les jours, c’est juste l’endroit où on habite.)

D’un geste de la main, on salue le bawab en passant la grille. Nous voilà sur Ramses Street. Il fait beau. Mais comme il y a eu une averse la semaine dernière, il faut faire attention aux immenses flaques. Heureusement, Ramses Street, c’est une des seules qui a un trottoir. Tant mieux, parce que c’est aussi un axe très emprunté qui perce le Caire d’Est en Ouest, et que les camions, taxis, bus, minibus, microbus, motos, LADA et autres voitures fumantes ont tous l’air très pressés.

A ce moment de la journée, il n’est pas nécessaire de décrire le bruit. Ecoutez plutôt les klaxons : des graves, des longs, des aigus, des agressifs, des joyeux, des fatigués, des soviétiques, des musicaux… Tout, tout, tout, il y a de tout.

C’est comme dans les reportages animaliers, ceux sur la migration des manchots au Pôle Sud : chacun a un cri bien caractéristique pour reconnaître ses petits dans toute cette foule.

9h30 : Tiens, tu entends cette corne de brume ? Ca, ça veut dire que notre bus arrive.

« Vers Zamalek ? » Parfait, alors on saute dedans, en marche bien sûr. Il reste une place au fond. On se faufile, on fait passer de mains en mains les 10 livres pour le chauffeur, et on sort nos cahiers d’arabe : on a encore oublié de faire nos devoirs.

De toutes manières, on va avoir le temps de les faire, nos devoirs, parce que ça bouchonne encore. Pas de chance, le policier du carrefour a fini son café et décidé de tout bloquer. Autour de notre bus, le flot de véhicules en tous genres proteste, ou appelle ses petits, on ne sait pas.

De toutes manières, on n’entend pas : on s’est mis au fond du bus, là où les enceintes Samsoomg chantent en boucle la sourate 63 : https://www.youtube.com/watch?v=lQ_99MF2_bo

10h10 : On est en retard, mais on est arrivés, c’est le moment de descendre du bus. On crie pour demander au chauffeur de nous arrêter là. Il n’entend pas. Plus fort ? Ca y est, il entend. Oui, c’est ça, là, à gauche après le panneau. Choukrane.

11h45 : Il reste 30 minutes de cours. Pour l’instant, nous sommes encore très appliqués. On se mord la langue pour réussir nos pleins et déliés. Devant la porte, la femme de ménage est assise et trempe son pain dans le fromage. Son téléphone joue le tube de l’année en Egypte, celui qu’on entend partout, tout le temps, en alternance avec les sourates (mélomanes, c’est votre jour !): https://www.youtube.com/watch?v=uHBaHQau8b4.

En bas, dans la rue, un nouveau magasin vient d’ouvrir. Pour fêter ça comme il se doit, des décorations lumineuses pendent du haut de l’immeuble jusqu’aux quatre enceintes qui jouent pleine balle la même musique que la femme de ménage, mais en décalé. C’est ce qu’on appelle faire le buzz !

Mais soudain, les enceintes s’arrêtent. Que se passe-t-il ? Quelques secondes. Un autre haut parleur prend le relais. Mais oui, c’est l’heure de la prière. La loi interdit la diffusion de musique amplifiée aux heures du muezzin. Et pour notre plus grande surprise, cette loi-là est respectée !

Aie, je me suis laissé distraire, j’ai raté mon Z.

13h20 : je n’ai jamais couru de marathon, et je n’en courrai pas. Mais c’est comme ça que j’imagine les départs groupés au Marathon de Paris. Beaucoup plus de monde que la chaussée ne peut en laisser passer. Il faut donc jouer des coudes, slalomer, doubler, tripler. Le chauffeur de bus a un peu d’expérience, et le compas dans l’œil: ça secoue l’oreille interne. L’externe aussi, d’ailleurs.

Détendu et confiant comme un égyptien, le chauffeur plaisante à très haute voix, le regard perdu dans le rétroviseur intérieur (« regardez la route, Serge ! »). A chaque vanne, les passagers rient, et l’encouragent d’un rire franc et clair.

On n’y comprend goutte. Mais ça a l’air drôle, et on se surprend à rire bêtement. Ca ne doit pas nous donner l’air malin, si on en croit la dernière sortie du chauffeur: les passagers se retournent amusés vers les deux étrangers du fond. Gêne. Mais sourire complice et bienveillant.

Nous passons la gare Ramsès. Là-bas, les microbus cherchent leurs passagers et annoncent leur destination: « Aliskanderia, skanderia, skanderia ! ». Les sirènes du phare, sans doute. Dans cette cohue, on entend à peine la corne de brume du marchand ambulant de barbes-à-papa ensachées.

Plus loin, on saute du bus. Le temps de traverser la route, souples et agiles comme un El Cordobès esquivant la charge de dizaines de toros pétaradants. Nous aussi, on apprend la confiance en tout, la sérénité à l’égyptienne. Evitant les flaques, nous remontons la longue ruelle terreuse qui conduit à l’orphelinat. On dépasse le ferrailleur, qui pousse son chariot et son cri de stentor : « Vechia, vechia ! ».

Caquètement des poulets dans leur cage chez le volailler, habituelle salutation au vieux marchand de courges au regard si doux, assis comme tous les jours sous son turban. Nous voilà devant l’immeuble qui cache l’orphelinat. Nous arrivons en même temps que les filles, qui rentrent de l’école.

« Bonjour les filles ! Bonjour Magda. Izzayik ya Mariam, ça s’est bien passé ce matin ? Sabah el Kheir ya Demiana. Saïda ya Imen. Bonjour Jumana, ça va ? »
80 filles, mais heureusement 14 prénoms différents.

Traversée de la cour, l’escalier au fond, 1er étage, une porte banale. Nous entrons avec les filles, qui lancent chacune la joyeuse et claironnante salutation des maisons chrétiennes : « Saïda ya Sister ! » (Joie, ma soeur!).

15h: l’heure du déjeuner, dans le réfectoire. Ambiance volière, ça piaille. Rogina hurle: le riz est prêt. Entrechoquement d’assiettes en alu, chacune passe se servir, s’installe où elle veut, quand elle veut.

Au cœur du bruit, au cœur du jour, un silence imperceptible. Quelques secondes, sans même interrompre le vacarme des voisines. Chacune à son tour, à sa place, le front reposant sur les mains croisées, prie. Précieux silence. Edifiante prière. Action de grâces pour ce déjeuner servi. Signe de croix. Reprise des hurlements.

15h20 : glissades dans le grand couloir. Piaillements, gloussements, et nous, au milieu de tout ça. Hannan joue à la corde à sauter, Mariam a trouvé une trompette en plastique. Mais qui diable a offert ça ?

Température extérieure, 26°C. Température intérieure, 13°C. Cette bibliothèque ne veut décidément pas se réchauffer.

16h : on se transforme en chiens de berger pour rassembler les filles vers la salle d’études. On aboie affectueusement : en français, en arabe. Ca fonctionne relativement. Heureusement, la sœur et son charisme arrivent. Elle lève la main gauche, doucement. Aussitôt, tout s’arrête. Deuxième silence de la journée. 3 minutes.

C’est l’heure de l’étude. Les cours du matin, dispensés par des professeurs sous payés, sont incompréhensibles sans leur complément en leçon particulière l’après-midi. Leçons payantes, bien sûr, et inaccessibles pour les filles de la maison.

Sur les 80 filles, la moitié va à l’école du gouvernement. L’autre moitié suit les cours en français, à Saint Vincent de Paul. C’est elles que nous pouvons aider plus facilement.

En français, en maths, en sciences, en anglais… Les aider à anticiper leurs devoirs, leurs examens. Par petit groupe dans des salles surchargées de bazar, les emmener pour expliquer la dernière leçon d’anglais sur les verbes irréguliers, celle sur le mouvement des ondes infrasonores pour les 4èmes, l’Acte III de l’Avare avec les 1ères, le cycle de Krebs avec Dina qui passe son bac S à la fin de l’année…

Comprendre nous mêmes, tenter d’y intéresser les filles, de leur expliquer. Maintenir leur concentration et leur silence, 10 minutes, au moins 10 minutes… Défi.
Dans le bureau de la sœur, le téléphone sonne. Les familles qui appellent, pour prendre des nouvelles des filles. L’école qui appelle, pour signaler la dernière bêtise de Youstina. Le chauffeur qui appelle, il a perdu son père en Haute Egypte et ne sera pas là demain. Les inspecteurs du gouvernement qui sonnent à la porte, 3e visite du mois.

« Quelle patience ! », soupire la sœur, en un clin d’œil complice. Quel courage, surtout.

18h05 : Appel à la prière. Le soleil est donc couché, dehors. Dans le Caire islamique, les pigeonniers rappellent leurs vols en sifflant, le souk s’anime, les chiens aboient, la caravane est bloquée dans les bouchons. Il doit y avoir un enterrement dans la rue d’à-côté, sous les grandes tentures brodées: un micro psalmodie depuis 30 minutes. Le glas en chanson.

Le jour prend fin, et le Caire s’ébroue. La lumière baisse, le volume monte. Le soir commence en un ballet d’odeurs nouvelles. Il faudrait en écrire un autre chapitre, car celui-ci est trop long, nous avons déjà trop écrit. Trop écrit sur un jour type jalonné de bruits, de sonneries, de cris, d’aboiements, de klaxons.

Dans certaines familles de Haute Egypte -chrétiennes comme musulmanes- se perpétue l’antique cérémonie pharaonique de l’Osbooa, une semaine après chaque naissance. Rassemblée autour du nouveau-né en un vacarme de casseroles et de crécelles, la famille siffle, chante et crie pour l’Ouverture des Oreilles. Le bébé pleure. Ses oreilles s’ouvrent au monde, littéralement.

Un monde hostile pour nos tympans occidentaux, engoncés dans des bulles individuelles où toute incursion est une invasion. Un apprentissage de la patience. Où l’on commence par s’offusquer de tant de bruyants sans-gênes. Où l’on finit bien sûr par s’habituer, par se laisser séduire et envahir, par aimer. Où l’on se met à l’école d’un monde qui se laisse déranger avec joie: « tu entres dans ma bulle ? Ahlan wa salan: bienvenu, assieds-toi là, partage mon repas. »

***

« Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. » Ap 3, 20

« Lâchez ce micro, ne faites pas l’enfant ! » Hubert Bonisseur

[LONDRES] la conférence de son Eminence Cardinal Michael Fitzgerald, sur le document sur la fraternité humaine

Fellowship & Aid to the Christians of the East (FACE) en partenariat avec  la Paroisse de Notre-Dame de France présente la conférence de

Son Eminence Cardinal Michael Fitzgerald, M.Afr  Document sur la fraternité humaine

À la salle « St Joseph’s Hall », London Oratory, Brompton Road, London, SW7 2RP Le lundi 30 mars 2020 à 19h30

ENTRÉE LIBRE – QUËTE AU PROFIT DES CHRETIENS D’ORIENT

La conférence – prononcée en français – présentera le Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence, document signé à Abou Dhabi le 4 février 2019 par le pape François et le Grand Imam d’al-Azhar, le Dr Ahmad al’Tayyeb.  Cardinal Fitzgerald signalera les antécédents du document, en indiquera le contenu, et essaiera d’en évaluer son importance. Informations : http://bit.ly/30Mars2020


Monseigneur Michael Louis, Cardinal Fitzgerald, M.Afr.

Né à Walsall en Angleterre en 1937, le Cardinal Fitzgerald est l’un des principaux experts de l’Islam, des relations entre chrétiens et musulmans et du dialogue interreligieux de l’église catholique.  De 1987 à 2002, il était Secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux et le président de 2002 à 2006. Il était nonce apostolique en Égypte et délégué pour la Ligue arabe de 2006 à 2012.
Cardinal Fitzgerald a été ordonné prêtre de la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) en 1961. Il est nommé évêque titulaire de Nepte en 1991 et a été consacré à la basilique Saint-Pierre par le pape Jean-Paul II en 1992. C’était le même pape qui lui a conféré également le titre d’archevêque en 2002. Il est créé cardinal par le pape François lors du consistoire du 5 octobre 2019.
Ses publications incluent : Dieu rêve d’unité. Les catholiques et les religions : les leçons du dialogue, Entretiens avec Annie Laurent (Paris, Bayard Presse, 2005) et (avec John Borelli) Interfaith Dialogue. Une vue catholique (SPCK, Londres & Orbis books, Maryknoll). Cardinal Fitzgerald parle couramment l’arabe.
Retraité en 2012, il demeura à la maison des missionnaires d’Afrique à Jérusalem jusqu’au début de 2019, après quoi il retourna à Liverpool en Angleterre pour travailler dans la paroisse de St Vincent de Paul qui est confiée aux Missionnaires d’Afrique.
En 2019, l’association FACE en Angleterre – la branche sœur de l’Œuvre d’Orient – a été placée sous le haut patronage du Cardinal Fitzgerald. Il a été également nommé conseiller du dialogue inter-religieux dans le conseil d’administration de l’association. Ainsi, il apparait qu’une ancienne synergie datant du dix-neuvième siècle a resurgi. Charles Lavigerie, qui deviendra plus tard l’archevêque d’Alger et le fondateur de la Société des Missionnaires d’Afrique, fut le premier directeur-général de l’Œuvre d’Orient (en 1856).  Depuis, ce poste a été occupé par d’autres pères blancs

Le jeudi de l’IMA du 2 avril : Le patrimoine au Moyen Orient et la revue de l’Institut National du Patrimoine

Evènement : Jeudi de l’IMA du 02 avril 2020

En 2020, l’Inp célèbre un double anniversaire : ses 30 ans, et les 15 ans de Patrimoines, sa revue qu’il rénove pour l’occasion. Consacrant le dossier thématique de la livraison 2020 au patrimoine du Moyen-Orient, l’Inp convie un panel de spécialistes de cette région à aborder des thèmes aussi variés que la conservation de son patrimoine – particulièrement affecté ces dernières années par l’état de guerre et par les exactions de Daesh –, la sauvegarde de sa mémoire, ainsi que la lutte contre le trafic illicite des biens culturels.


Intervenants :

Marielle Pic
Archéologue, conservateur général et directrice du département des
Antiquités orientales au musée du Louvre

Pascal Maguesyan
Chef de projet Mesopotamia Heritage

Vincent Michel
Professeur d’archéologie de l’Antiquité classique d’Orient ? directeur du laboratoire « Hellénisation et romanisation dans le monde antique » de l’université de Poitiers (HeRMA – EA 3811) et expert dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans la région MENA*

Yves Ubelmann
Architecte, président et cofondateur d’Iconem


Sommaire : 

Éditorial Jack Lang

Avant-propos Charles Personnaz

Patrimoines d’Orient
Entretien avec Khaled EL Enany, ministre des Antiquités égyptiennes
Le renouveau du patrimoine archéologique égyptien

Jean-Gabriel Leturcq Le musée du Louvre et le partage d’expertise avec les professionnels égyptiens

Jean-Noël Baléo Le patrimoine de l’Irak entre splendeur, martyre et relèvement
Pascal Maguesyan MESOPOTAMIA : une aventure patrimoniale

Mamoun Abdul Karim La protection du patrimoine culturel syrien entre 2012 et 2017

Chérif Khaznadar Le théâtre d’ombres en Syrie aujourd’hui

Audrey Azoulay Le patrimoine culturel dans les zones en conflit

Valéry Freland ALIPH : protéger le patrimoine pour construire la paix

Emmanuel Pénicaut et Yves Ubelmann Conserver le patrimoine en danger ?

Vincent Michel Le trafic illicite des biens culturels dans les pays en conflit.
De l’identification des objets à la judiciarisation des affaires

Vincent Lemire Ouvrir les archives d’une ville fermée ? Retour sur le projet « Open Jerusalem »

Marion Blocquet, Dans les petits papiers de l’imprimerie franciscaine de Jérusalem (1847-1969)

Dominique Pieri Le département Archéologie et histoire de l’Antiquité à l’Ifpo, acteur majeur de la recherche au Proche-Orient

Caroline Gelot Le centre de conservation et de restauration de Beit Gazo au service du patrimoine des chrétiens d’Orient
Valérie Lee Le chantier école du monastère de Charfet
Isabelle Bonnard La Bibliothèque nationale de France au centre Beit Gazo : un séminaire « à la carte »

Cécile Brossard La découverte de vestiges à décor sous la reliure du BnF-Syriaque 402
Alain Desreumaux Une peshitta du XIIIe siècle
François Vinourd Les tribulations d’une reliure du XVIe siècle

Sarah Piram Archéologie, architecture et beaux-arts en Iran : un aperçu des politiques patrimoniales du XXe siècle