Témoignage d’Anaïs, volontaire à Samalout en Egypte

Voilà exactement une semaine que je suis arrivée à Samalout*, et c’est une vraie grâce d’être ici. A mon arrivée j’ai reçu un accueil des plus chaleureux à la maison mère à Héliopolis puis au dispensaire par Soeur Férial, Soeur Camélia et Soeur Juan ! Les Soeurs sont vraiment aux petits soins avec moi et l’ambiance est très chaleureuse. Nous rentrons aujourd’hui d’Alexandrie où nous avons passé le week-end chez la famille de Soeur Férial, un vrai bonheur.

Quelle joie d’être avec les chrétiens d’Orient !

Sinon des éléments plus fun : soirée narguilé, plage, danse devant l’ancien Palais du Roi Farouk à Alexandrie, et petite virée sur le Nil. Jeudi j’aurai la grâce d’assister au mariage de Marina, la nièce de Soeur Magda, au village juste à côté. Nous pouvons prier pour leur union.

Un jour est arrivé ce que je redoutais le plus depuis le début de ma mission en Haute-Égypte.

Les vendredis nous quittons notre dispensaire de Samalout et toute notre petite équipe de dix infirmières et deux médecins dermatologues allons dans une ancienne école religieuse d’Abou El-Abbas soutenir une équipe médicale de trois personnes. De même qu’au dispensaire, nous soignons les brûlures, du premier au troisième degrés, les maladies de peau et les pertes de cheveux.

A la différence de Samalout, l’équipe de soins pour les brûlés est toute petite, un médecin Nadia, que je seconde, et nous ne disposons que d’une pièce. Abou El-Abbas est par ailleurs un village beaucoup plus rural que Samalout, où il est coutume de vivre avec le bétail dans le logis détériorant davantage les conditions d’hygiène. Sa robe était déchirée laissant  la peau calcinée à vif du menton et de sa poitrine à nue, son visage tuméfié, un seul œil à peine visible entre des paupières gonflées, des joues écarlates, des lèvres difformes. Cette femme avait été tabassée et brûlée.

C’est dans un silence religieux que nous avons fait sortir ses accompagnantes avec l’aplomb et l’autorité rassurante de femmes soignantes. Après l’avoir fait assoir, Nadia et moi accomplissions ce lugubre cérémonial mécanique des soins tentant de garder une neutralité, qui dans nos regards, croulait devant l’horreur. Elle ne bougea pas, ne prononça un son, ne donna aucun signe de résistance malgré l’alcool et les produits à même sa chaire. Cette femme était devenue l’ombre d’elle-même, une statue cristallisant l’humiliation qu’elle avait subie.

Le travail fini, elle n’était plus que deux yeux sous d’innombrables bandages. Incertaine je lui remis sa robe, la gaze cachait à présent sa poitrine lui donnant alors la pudeur accordée aux femmes défigurées.

En fermant la porte derrière elle, la brise du ventilateur fut le souffle pour me faire tenir debout et je me tournais émue cherchant le regard fuyant de Nadia, qui désinfectait nerveusement les pinces et ciseaux. Elle resta silencieuse et ne me regarda pas. Elle était déjà au travail pour les suivantes.

Anaïs

 

*Salamout est dans le diocèse copte catholique de Minya et abrite une communauté de Sœurs spécialisée dans le traitement des brûlés.

 

 

 

 

 

 

 

 

Témoignages de Mathilde et Noémie, volontaires en Terre Sainte

« Tarhali »

Cet appel qui signifie « viens » en arabe résonne à notre arrivée à la crèche de Bethléem le 3 juillet. Depuis, les enfants ne cessent de nous le redire, tant pour nous inviter à jouer avec eux, que pour les faire monter sur le toboggan, pour les aider à prendre le repas ou encore pour nager.

Nous sommes deux volontaires, Mathilde et Noémie, envoyées en mission en Terre Sainte pour participer à une colonie de vacances à Béthanie. Nous avons d’abord passé quelques jours à la crèche de Bethléem, leur lieu de vie, pour faire leur connaissance avant de partir pour Jérusalem – Béthanie se situant sur le flanc du mont des Oliviers.

En effet, cette crèche dirigée par sœur Denise, est la maison de plusieurs enfants orphelins ou délaissés par leur famille. C’est avec eux que nous passons nos premiers jours de mission.

Cette maison est tenue par les Filles de la Charité depuis 1884. Elles ont eu à cœur de rendre les lieux toujours plus accueillants et appropriés aux âges des enfants dont elles ont la charge. De grands dortoirs aux murs décorés de peintures enfantines, de longs couloirs propices aux courses des plus petits dans leur trotteur, des salles de jeux, une cour de récréation avec, non seulement un trampoline, mais aussi un manège de balançoires !

Au cours de notre première journée, nous saluons les employés, des salles de classe à la cuisine, en passant par la laverie et la pouponnière qui nous disent « God with you ».

A Bethléem, nous nous sommes occupées d’enfants de 1 à 6 ans, parfois en plusieurs groupes parfois rassemblées, ce qui donnait lieu à une joyeuse smala.Beaucoup de jeux avec les plus grands, vélo, ballons, perles… et de demande de câlins de la part des plus petits… mais aussi des grands !

Si les enfants nous parlaient beaucoup, nous étions quelque peu désemparées pour leur répondre en arabe … ! Heureusement, les signes et quelques expressions apprises sur le tas ou grâce à Georges, l’ange gardien de la crèche, nous ont permis de créer un échange, voire de discuter, avec beaucoup de mimiques à l’appui.

Ces journées furent très intenses car il y avait beaucoup d’absence dans le personnel. Pour nous qui débarquions, ce fut un vrai plongeon, au sens propre et figuré puisque nous finissions la journée par la douche des plus petits, juste avant de les coucher.

Lundi 8 juillet, deux estafettes blanches avec le logo bleu des sœurs quittent la ville de la Nativité en direction de celle de la Résurrection. Un mur sépare ces villes si peu éloignées et pour certains cette sortie est la seule de l’année en territoire israélien ! Nous mesurons d’autant plus ce que représente ce voyage qui nécessite tant de démarches administratives. Un air de vacances se fait sentir. Les enfants de 3 à 6 ans avec qui nous partons sont très sages dans la voiture, bien qu’un brin d’excitation les tienne tout à fait éveillés. A notre arrivée, des cris de joie se font entendre à la vue de Sœur Silouane qui attend cette joyeuse bande d’une petite vingtaine sur le pas de la porte. Elle nous accueille dans cette maison adossée à la colline et face au désert de Judée. Après le déjeuner, une baignade tant attendue réjouit grands et petits, inaugurant le rituel de tous les après-midis.

Jeux, bricolages, chorégraphies (sur des musiques cadencées si l’on veut être appréciées) rythment les matinées. Sœur Silouane a mille et une idées pour colorer leur journée. Nous participons à cette farandole d’activités durant lesquelles plusieurs enfants ne peuvent s’empêcher de rivaliser de bêtises. Nous avons remarqué avec amusement que lorsque nos bribes de mots arabes étaient insuffisantes pour nous faire comprendre, nous nous mettions à parler anglais… comme si cela devenait plus clair que le français ! Grande illusion 😊

Malgré ces imprécisions de langage, leurs sourires nous laissent aujourd’hui penser qu’une certaine complicité a pu se créer entre nous. Chaque matin les « abonnés aux câlins » se jettent dans nos bras ou s’amusent à nous surprendre par derrière mais nous reconnaissons maintenant leur voix et leur rire. Même si les cris et les disputes mettent parfois notre patience à l’épreuve, la bonne humeur des enfants est contagieuse et ravive notre enthousiasme ! Cette mission auprès des plus petits nous rappelle la merveille d’un sourire d’enfant qui dévoile la joie d’un moment.

 

 

 

 

 

 

 

Il y a 5 ans, Qaraqosh et la plaine de Ninive tombaient aux mains de Daech

Il y a 5 ans, dans la nuit du 6 août 2014, la ville de Qaraqosh tombait aux mains des hommes de Daech. Le 7 août 2014, Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne du nord de l’Irak et la vallée de la plaine de Ninive étaient contrôlées par l’Etat islamique, obligeant ses 50 000 habitants à fuir.

Les chrétiens fuient des villes comme Qaraqosh, Karamless, Bartellah et Batnaya alors que les djihadistes avancent. Des centaines de milliers de chrétiens trouvent alors refuge au Kurdistan irakien ou à l’étranger.

En automne 2016, la plaine de Ninive est enfin libérée.

Ce triste anniversaire ne doit pas faire de l’ombre à l’espérance qui anime ces chrétiens d’Irak, qui malgré les guerres et les discriminations veulent rester sur leurs terres. C’est un formidable témoignage de foi dans cette région qui porte encore les stigmates de la guerre.

 

L’Œuvre d’Orient soutient le retour des chrétiens à Qaraqosh, notamment à travers la reconstruction de leurs maisons.

 

Irak : ouverture du Synode chaldéen

Article paru dans Vatican News le 5 août 2019.

L’Assemblée synodale de l’Église chaldéenne s’est ouverte ce dimanche 4 août au complexe patriarcal d’Ankawa, dans l’agglomération d’Erbil, au Kurdistan irakien.
À l’occasion de l’ouverture des travaux, le Patriarche Louis Raphaël Sako a rendu public le texte d’une lettre qu’il avait envoyé en Pape François. Dans cette missive, le primat de l’Église chaldéenne rappelle la «grande joie» avec laquelle les chrétiens d’Irak ont accueilli l’annonce d’une projet de visite du Pape dans leur pays en 2020.

«Depuis les premiers siècles, l’Église chaldéenne a été un Église missionnaire, a proclamé l’Évangile jusqu’en Chine, et a offert au long du chemin un grand nombre de martyrs, qui continue à grandir jusqu’à aujourd’hui», rappelle le cardinal Sako dans cette lettre. «Nous pouvons dire qu’elle a toujours été l’Église des martyrs, au cours de l’histoire», explique le Patriarche chaldéen, en précisant que «nos frères musulmans souffrent aussi pour leur vie chaque jour». Il souhaite donc que «dans la douleur puissent être ouverts des chemins d’espérance pour un futur meilleur».

L’Assemblée synodale prend, pour les deux premiers jours, la forme d’exercices spirituels prêchés par Mgr Joseph Soueif, l’archevêque maronite de Chypre. Ensuite, du mardi 6 au jeudi 8 août, se dérouleront les sessions de travail synodal dans lesquelles est prévue aussi la présence d’un représentant laïc pour chaque diocèse chaldéen. La troisième est dernière partie de l’Assemblée synodale, à partir du jeudi 8 août, sera de nouveau réservée aux évêques.

(avec Fides)

Lecture d’été : Le pianiste de Yarmouk

Cet été, découvrez notre sélection de livres à lire !

 Le pianiste de Yarmouk

de Aeham Ahmad

En 2015, la guerre fait rage en Syrie. Une photo apparaît sur les télescripteurs du monde entier. Elle fait le tour du monde très rapidement. Il s’agit d’un jeune damascène. Aeham AHMAD est pianiste et joue de son instrument au milieu des ruines. Au cœur de l’indicible, une photo, des notes de musique nous rappellent cette humanité oubliée, blessée par plus de sept ans de guerre. « Les images ne racontent jamais le début d’une histoire. Et elles taisent ce qui est ensuite advenu. Ainsi, cette photographie qui me montre assis à un piano, chantant au milieu de mon quartier en ruines. Les journaux du monde entier l’ont publiée. Il se murmure aujourd’hui encore que c’est l’une des photos qui resteront du conflit syrien. Parce qu’elle est plus forte que la guerre ».

Ce jeune Palestinien est né en 1988 dans un camp installé en 1954 par le gouvernement syrien pour les réfugiés palestiniens chassés d’Israël (10 000 réfugiés parmi les 700 000 expulsés par Israël). Yarmouk est un champ de ruines. Aeham apporte un grain de sable petit mais nécessaire.  

 Aeham AHMAD veut lutter « contre les idées reçues. Contre les simplifications. Contre les images trompeuses (…) Quand tu fuis les bombes et la famine, tu laisses ton monde derrière toi. Tu deviens l’une de ces silhouettes grises, qui ont forcément toujours vécu dans la misère et qui viennent maintenant profiter des richesses de l’Europe« .

Sa mère est enseignante et son père est violoncelliste. Ce dernier, aveugle, initie son jeune fils à la musique. A l’âge de 6 ans, le jeune garçon reçoit un Premier Prix dans une école de Damas. Le jeune enfant ne perçoit pas à quoi va lui servir de savoir apprendre le solfège, le piano. Au cœur de l’obscurité apparente, le père voit clair. « Tu dois apprendre, dit-il à son fils, une langue que tout le monde comprend. Nous sommes des réfugiés. On ne peut pas retourner dans notre pays. Tu dois être international ». « Mes yeux seront tes yeux !!! ». Dix ans s’écoulent et le jeune palestinien devient professeur de piano. Avec son père, il ouvre une fabrique de luth. À 23 ans, il rencontre Tahani. Les deux amoureux se marient au moment où la guerre éclate. Un premier enfant naît de leur amour en 2012. Mais que peut-on attendre au milieu des décombres, sans rien, sans espoir, avec deux parents âgés et dont l’un est aveugle ? 

 Blessé à la main par un éclat d’obus, le jeune musicien décide de faire de la musique une forme de résistance. « Je suis pianiste. Je n’ai jamais porté de bannière. Ma révolution, c’est la musique« . Il sort de lui-même. Il sort de chez lui au milieu de rien. « Avec d’autres jeunes du quartier, j’avais commencé à chanter dans la rue. On avait hissé mon piano sur un chariot, on l’avait transporté jusque dans les ruines et l’on s’était mis à chanter contre la faim. Nos vidéos étaient très partagées sur You Tube ». Apparemment, ils ne remportent pas de suite un franc succès. Têtu, Aeham appelle son ami Marwan pour l’aider à sortir le piano de quatre cents kilos du magasin de musique. Niraz prend des photos. « Je voulais qu’on entende notre désespoir. Que l’on entende la femme enceinte qui mourait aux checkpoints, le tourment d’attendre la moitié de la nuit pour un carton de vivres et de revenir les mains vides. J’ai jeté tous mes sentiments d’abandon dans ces morceaux. Comme si mon chant était le cri de quelqu’un qui, chutant dans un abîme, donnait une mélodie à cette descente aux enfers« . Chacun, en temps de guerre, résiste comme il peut et comme il sait. « Ma résistance, c’est la musique ! » s’écrie-t-il.

La résistance aura duré très peu de temps. En avril 2015, un djihadiste brûle son piano. Ce ne sont pas seulement les livres, les statues, les musées, les croix, mais toute expression de la culture qui doit être effacée. Culture équivaut à Occident, et Occident, à péché. 

Trop, c’est trop ! A la fin de septembre, il décide de prendre son destin en main. Il part pour l’Allemagne. Sa femme et son fils le rejoindront plus tard. Son père lui avait dit qu’il serait « international ». Aujourd’hui, Aeham AHMAD vit avec sa famille à Wiesbaden, en Allemagne. Il est devenu un symbole sorti des ruines et de la violence. Il se produit dans des concerts et des festivals pour témoigner de ce parcours, pour parler de la Paix, de la culture. Sur les notes de son piano, il écrit l’espoir. « Il y a de l’espoir. Il y a toujours de l’espoirVoilà mon histoire. L’histoire qui se cache derrière cette photo qui a fait le tour du monde. Cette photo qui me montre chantant au milieu des ruines, assis à mon piano, habillé d’un polo vert… ». Les mots du début reviennent à la fin et nous convoquent, nous lecteurs, à soutenir ces populations de Syrie et d’Irak qui luttent debout et fiers devant la barbarie d’une guerre qui semble ne pas vouloir s’arrêter.

Un beau livre d’espoir et d’espérance à lire, à offrir.

Patrice SABATER, cm

 

Aeham AHMAD, Le pianiste de Yarmouk. Ed. La découverte. Paris, 2018. 344 pages. 19 €.

Témoignage de Roxane, volontaire en Ethiopie

Je quitte l’Ethiopie dans maintenant deux jours. Il y a un mois, j’ai débarqué au sein de la communauté des frères de Saint Jean d’Addis Abeba, pleine d’entrain et d’appréhension. L’inévitable perte de mes bagages à l’aéroport passée, j’ai vite été mise à l’aise par la bienveillance des frères. La présence d’Etienne, Emmanuel, Paul et Aymeric, qui travaillent depuis maintenant plusieurs mois sur les projets Epiphania et Hosannah, et celle d’Alix arrivée avec moi ont bien sûr contribué à mon adaptation au prieuré.

L’Ethiopie demeure relativement mystérieuse pour bon nombre d’Européens, qui l’associent souvent à l’Afrique Noire ou a contrario aux traditions orientales du Moyen Orient. Sa position géographique, son impressionnante diversité ethnique mais également sa très ancienne tradition chrétienne, font de l’Ethiopie un pays bien difficile à comparer avec ses voisins africains. D’ailleurs, très peu d’Ethiopiens se considèrent véritablement Africains. Le mot coexistence prend tout son sens dans le pays : les différentes ethnies, religions et langues cohabitent au sein d’un même Etat, et parfois même au sein d’une même ville. Le prieuré d’Addis, par exemple, est entouré d’une église orthodoxe et d’une mosquée, qui tentent chacun d’imposer leur suprématie sonore à l’heure de la prière. Pourtant, il est fascinant de voir que tous les Ethiopiens partagent une culture commune. La traditionnelle « ingera » (galette de teff présente dans 100% des repas éthiopiens) vous sera servie aussi bien dans la région d’Awassa au Sud que dans le Tigray au Nord. Les maisons traditionnelles, appelées plus communément « toukoul », peuplent les vallées escarpées de Lalibela comme les plaines plus humides du Sud. Cette dualité inhérente au pays est l’une des premières qui m’a frappé en arrivant.

Notre mission d’animateur en Ethiopie consistait en l’organisation de deux camps d’été. Les frères de Saint Jean sont en lien durant l’année avec des enfants et adolescents issus des différents orphelinats d’Addis, tenus par des communautés de sœurs. Depuis maintenant une dizaine d’années, ils organisent chaque été plusieurs camps pour les accueillir le temps d’une semaine.

Le premier camp d’été se déroulait chez les Sœurs de Mère Theresa de Sodo, à environ 8h de bus de la capitale. Il rassemblait des enfants d’Addis, issus des orphelinats d’Asko et Kindane&Meret, ainsi que des enfants de Sodo même. Chose étonnante pour nous Français, les enfants ne parlaient pas la même langue (amharique pour Addis, walatinia pour Sodo). Néanmoins, il fut rapidement facile pour nous volontaires de communiquer avec eux grâce aux jeux. Grâce à eux et aux trois volontaires éthiopiens, j’ai appris une base de mots en amharique, notamment les chiffres, essentiels pour négocier les prix locaux.  Les journées étaient rythmées par des temps de jeux, des ateliers manuels, mais également des enseignements donnés par les volontaires. La messe était célébrée tous les jours, et était suivie d’un temps d’adoration. Il était pour moi incroyable de voir que ces enfants étaient vraiment épanouis spirituellement : contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’adoration journalière d’une heure se déroulait toujours dans le plus grand calme, rythmée par des chants méditatifs en amharique.

La partie spirituelle, assurée par le père Charles-Emmanuel et Frère Jakob, occupait également une place importante. Le traditionnel  mesmour , ou chant religieux, était quasi omniprésent toute la journée, accompagné par le son détonnant du cabajo. Comme ils disent souvent, chanter, c’est prier deux fois.

Après le second camp, j’ai eu la chance de me rendre à Lalibela. La ville est nichée au cœur des montagnes, et offre une vue incroyable sur les vallées environnantes. Classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, les 12 églises monolithiques de la Jérusalem noire sont réellement fascinantes. Creusées au temps du roi Lalibela, elles accueillent aujourd’hui encore de très nombreux pèlerins orthodoxes venus de toute l’Ethiopie. Aux quelques touristes européens se mêlent ainsi les élégantes toges blanches traditionnelles.

Ma mission en Ethiopie fut une très belle expérience, qui m’a permis de découvrir un pays à l’histoire et à la culture singulières. La richesse de l’Ethiopie m’apparaît encore plus forte aujourd’hui, et je repars avec un gout de trop-peu.

J’ai également compris que la notion de chrétienté était inévitablement liée à celle de diversité. Il est beau de voir que les orthodoxes de tradition orientale sont rassemblés sous la même bannière chrétienne que les catholiques de tradition romaine, en dépit de leurs apparentes dissemblances.  Je reviens de cette mission sensible à cette belle diversité de l’Eglise.

 

 

Ces jeunes qui incarnent la relève chrétienne au Proche-Orient

Publié dans la Croix, article de Jenny Lafond Saleh, à Beyrouth, 

En ce samedi après-midi, la cour du petit collège jésuite de Notre-Dame-de-Jamhour résonne de musique, de brouhahas et de rires, malgré la chaleur étouffante de la fin juillet. Près de 350 jeunes âgés de 18 à 30 ans venus d’Irak, de Syrie, de Jordanie, du Liban et de France y sont regroupés pour participer jusqu’au 4 août aux Journées régionales de la Jeunesse (JRJ), initiées par les jésuites de la Province du Moyen-Orient, avec le soutien de l’Œuvre d’Orient.

L’ambiance s’échauffe encore alors que deux bus transportant la délégation de jeunes Égyptiens pénètrent enfin dans l’enceinte, après une longue attente à l’aéroport. La joie de se retrouver pour certains, ou tout simplement de se découvrir, est perceptible. Seul bémol, l’absence, cette année, d’une délégation de chrétiens palestiniens, qui n’ont pu obtenir de visa d’entrée au Liban.

Les JRJ ont été lancées en 2006 pour être « le pendant des JMJ pour les chrétiens orientaux qui ne peuvent y assister », indique Maximilien Neymon, l’un des volontaires de l’Œuvre d’Orient chargé de la logistique de l’événement. Satisfait du lancement « très réussi », le père Dany Younès, provincial jésuite pour le Proche-Orient et le Maghreb, souligne que « l’idée est de propager un engagement dans les pays respectifs de ces jeunes comme une interprétation des Évangiles ». Les JRJ auraient dû se tenir en 2018, mais le père Younès a souhaité les reporter d’un an pour commémorer les cinq ans de l’assassinat du jésuite néerlandais Frans van der Lugt à Homs, en avril 2014.

Après les multiples tragédies vécues par les chrétiens de la région, la thématique « De sa paix dépend votre paix » (Jérémie 29,7) prend tout son sens. « L’engagement dans la cité, c’est l’expression de notre foi. Même si nous sommes alertés par l’hémorragie des chrétiens de la région qui s’est accélérée depuis 2012, nous ne devons pas être dans le regret, mais avoir la paix comme projet pour l’avenir », explique le provincial. Une donnée essentielle dans une région en proie aux extrémismes.

« Encourager à croire en son potentiel »

« Nous ne devons pas construire une fausse paix en nous isolant, mais construire avec nos concitoyens d’autres religions une société viable. Notre identité se maintient quand nous entrons dans un dialogue fécond avec l’autre », ajoute-t-il. En écho, le père Gabriel Khairallah, à l’œuvre pour l’organisation des JRJ, souligne que « la jeunesse est une flamme d’espoir et de charité » et qu’il faut l’« encourager à croire en son potentiel ». Et garder l’espérance.

Les 350 jeunes sont donc appelés à réfléchir sur cette thématique et à s’ouvrir les uns aux autres. Après un week-end d’ouverture riche en enseignements, ils sont partis pour un temps d’« experiment » – une immersion de quatre jours au sein d’associations et d’œuvres sociales réparties sur le territoire libanais – puis ils se rassembleront de nouveau à Jamhour pour un week-end de spiritualité, de réflexion et de festivités.

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La déclinaison des JMJ au Proche-Orient

Les JRJ ou Journées régionales de la jeunesse ont vu le jour en 2006 à l’initiative des jésuites du Moyen-Orient pour proposer un rassemblement d’Église aux jeunes chrétiens orientaux, souvent privés des Journées mondiales de la jeunesse faute de visa. Comme le rappelle Maximilien Neymon, d’Œuvre d’Orient, seuls cinq Irakiens avaient assisté aux JMJ organisées au Panama, malgré une centaine de demandes.

Les JRJ se déroulent tous les trois ans : en Égypte en 2006, en Syrie en 2009, au Liban en 2012 puis en Égypte en 2015. La 6e édition devrait se tenir en 2022 en Jordanie.

L’édition libanaise est marquée par la venue de 40 Français emmenés par le père Jacques Enjalbert, aumônier du Centre Saint-Guillaume à Paris. L’Œuvre d’Orient, qui s’est associée aux JRJ, a financé la venue de 33 Irakiens, tandis que les jésuites ont assuré le voyage de 110 Égyptiens, 90 Syriens, 17 Jordaniens et la présence d’une cinquantaine de Libanais.

Paul Morinière, artisan de paix

Derrière le bureau étroit de l’Œuvre d’Orient, à Paris, Paul Morinière ne tient pas en place. Le jeune homme de 23 ans effectue un passage éclair en France avant de repartir pour Beyrouth (Liban). Il ne peut se poser, l’esprit tourné vers la mission qu’il vient de quitter.

En janvier 2019, après des études de commerce à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), le jeune Parisien décide de passer un an au service des autres. Avec son ami Maximilien, il s’engage à l’Œuvre d’Orient, l’organisation qui soutient les communautés chrétiennes au Moyen-Orient. Leur mission est de mettre en relation de jeunes entrepreneurs arabes chrétiens afin qu’ils participent aux Journées régionales de la jeunesse (lire l’encadré ci-dessous).

L’Occident voit les chrétiens d’Orient comme des persécutés mais ils possèdent une force et une envie de construire la paix qui laissent sans voix.

« De sa paix dépendra votre paix. » Le thème des JRJ encourage les chrétiens à devenir des bâtisseurs dans leur pays. Un enjeu de taille dans des territoires marqués par les conflits et le passage de Daech. Rien qu’en Irak, les trois quarts des chrétiens ont émigré au cours des trente dernières années.

Pendant plusieurs mois, Paul et Maximilien ont sillonné l’Irak, mais aussi l’Égypte et le Liban, à leur rencontre. Certains ont monté des dispensaires pour personnes handicapées, d’autres, des centres de microcrédit pour faciliter la reconstruction. Ils ont un fort désir de partager leurs initiatives et de se rencontrer. « On a une grosse pression. On reçoit des messages des Irakiens presque tous les jours : ils sont si motivés ! » constate Paul.

Les récits glaçants des exactions de Daech

En parallèle, pour « décompresser », il a décidé de s’investir comme aide-soignant avec les Sœurs de la Charité dans un hôpital au sud de Beyrouth. « Auprès des malades, ma mission de volontaire chrétien prend tout son sens », révèle Paul, dont le ton s’apaise subitement quand il évoque les sœurs de Beyrouth, exemple d’espérance joyeuse.

« L’Occident voit les chrétiens d’Orient comme des persécutés mais ils possèdent une force et une envie de construire la paix qui laissent sans voix », assure-t-il. Depuis sept mois, Paul a appris à écouter. Même les récits glaçants des exactions de Daech.

Pour que ces histoires retentissent dans le cœur des autres, ces « témoins » sont invités aux JRJ. Au programme : tables rondes, conférences, et avant tout convivialité. « Nos amis syriens n’ont pas fait la fête depuis onze ans », rappelle Paul.

Après ce temps de partage qui durera jusqu’au 4 août, il espère la création d’un réseau d’entrepreneurs pour échanger. Pour lui, c’est cela l’Église universelle.

 

Journées régionales de la jeunesse

Les JRJ sont organisées par les Jésuites de la Province du Moyen-Orient et l’Œuvre d’Orient depuis 2006, sur le modèle des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). En 2019, 420 jeunes chrétiens libanais, égyptiens, syriens, jordaniens, irakiens et français sont attendus du 27 juillet au 4 août à Beyrouth (Liban).

Les Journées Régionales de la Jeunesse 2019, ça commence aujourd’hui !

Les Journées Régionales de la Jeunesse (JRJ) sont un grand rassemblement organisé par les Jésuites de la Province du Moyen-Orient et l’Œuvre d’Orient. Le thème de cette année est celui de l’Espérance, inspiré de la citation du livre de Jérémie :
« De sa paix dépendra votre paix »
Cette rencontre se veut donc construite pour les 18-30 ans autour de 2 thèmes fondamentaux : l’engagement et l’espérance.

L’Œuvre d’Orient sera partenaire de ces journées, et animera une partie des tables rondes et ateliers sur la thématique de l’engagement et la responsabilité des chrétiens dans la société, du 27 juillet au 4 août.

Des intervenants de divers pays se succéderont : des jeunes engagés dans l’action sociale en Syrie par la création de lieux de formation pour les étudiants et les jeunes professionnels, des jeunes entrepreneurs, des artistes, des journalistes, des témoins de la paix et du pardon dans leur pays.

L’Œuvre d’Orient s’investit plus particulièrement auprès de la délégation irakienne qui se rendra à Beyrouth pour ces JRJ. Nous avons eu la chance de rencontrer de jeunes irakiens engagés pour la reconstruction des villes détruites par Daech, pour l’insertion des personnes handicapées, pour promouvoir la place des femmes… Nous voulons les aider à se rendre aux JRJ afin de rencontrer d’autres chrétiens orientaux engagés, et partager sur leurs initiatives.

Suivez ces JRJ sur la page Facebook de l’Œuvre d’Orient aux JRJ !

Il y a 3 ans était tué le Père Jacques Hamel

Il y a 3 ans, aujourd’hui, était sauvagement tué le Père Jacques Hamel dans une église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, par des hommes liés à l’Etat islamique. Nous lui rendons hommage, à lui et à tous ceux qui ont perdu leur vie en raison de leur Foi.

 

Prions pour qu’un jour, tout le monde travaille main dans la main et sème partout la paix, la justice, l’amour, peu importe leur religion.

Qu’un jour, tout le monde se retrouve autour de la même table, partageant le même pain, buvant à la même coupe.

Dieu, notre Père qui est un Dieu de paix, d’amour et d’unité, nous te prions. Et nous te demandons de rassembler, par ton Esprit-Sain, tout ce qui est divisé.

Dieu, notre Père, vient essuyer nos larmes et fais grandir en nous notre espérance. Guéris nos divisions et conduis-nous vers la paix et l’unité.

Nous rendons grâce aux serviteurs qui ont donné leur vie en témoignage de leur Foi, à travers leur courage et leur fidélité.

 

 

(Source prière : Hozana)