Patriarche Bagdad

Communiqué final du XXVIème congrès du Conseil des Patriarches Catholiques d’Orient Bagdad (Irak), 26-30 novembre 2018

 

Introduction

  1. Le Conseil des Patriarches Catholiques d’Orient (CPCO) a tenu son XXVIème congrès du 26 au 30 novembre 2018 au siège du patriarcat chaldéen à Baghdad (Irak). Y ont participé leurs Béatitudes Louis Raphaël Cardinal SAKO, patriarche chaldéen de Babylone, Béchara Boutros Cardinal RAI, patriarche d’Antioche et de tout l’Orient pour les Maronites, Ibrahim Isaac SEDRAK, patriarche copte catholique d’Alexandrie, Ignace Youssef III YOUNAN, patriarche syriaque catholique d’Antioche, Youssef ABSI, patriarche grec melkite catholique d’Antioche, de tout l’Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem, Krikor BEDROS XX, catholicos patriarche arménien catholique de Cilicie, l’évêque Mgr William SHOMALI, représentant du patriarcat latin de Jérusalem. A pris part à la séance d’ouverture Son Excellence le nonce apostolique en Irak et en Jordanie Mgr Alberto Ortega MARTIN. A la lumière de la parole des disciples d’Emmaüs au Seigneur Jésus : « Reste avec nous car le soir vient et la journée déjà est avancée», les pères ont abordé le thème du congrès : « Les jeunes, signes d’espérance dans les pays du Moyen Orient ».

 

  1. L’ouverture du congrès fut précédée par une messe concélébrée par Sa Béatitude le patriarche Ignace Youssef III YOUNAN et les pères patriarches, chez l’archevêque syriaque catholique de Baghdad dans la cathédrale Notre Dame de la Délivrance à l’occasion du huitième anniversaire du terrible massacre qui y a eu lieu et qui a causé le martyre de deux jeunes prêtres et de quarante-cinq fidèles.

 

Dans son homélie, Sa Béatitude le patriarche YOUNAN a appelé les fidèles à renouveler, en dépit de la douleur, de l’atrocité du mal et de l’horreur, l’acte « d’espérance au-delà de toute espérance » en la Providence divine, sûrs que le sacrifice des martyrs apportera bien et grâce à l’Irak et à l’Orient. Il a supplié Dieu pour que vienne le jour où les martyrs seront béatifiés et élevés sur les autels.

 

  1. La séance d’ouverture débuta avec une prière suivie du mot de bienvenue du Cardinal Louis Raphaël SAKO qui vit que la tenue du congrès pour la première fois en Irak en dit long sur la solidarité des patriarches avec ce pays, sur leurs contacts avec ses chrétiens et sur leur encouragement au retour des déplacés et des migrants dans leurs villages et leurs contrées. Il assura que le congrès est un message contre le fanatisme et l’extrémisme visant à consolider les valeurs du vivre-ensemble.

 

Par ailleurs, le Nonce Apostolique, Mgr Alberto Ortega Martin aborda, dans son mot, le thème du congrès portant sur le rôle des jeunes dans la vie de l’Eglise, mettant l’accent sur la nécessité de vivre l’amour et l’unité dans l’esprit de communion et d’espérance.

 

  1. Les pères ont, ensuite, adressé une lettre à Sa Sainteté le Pape François l’informant du thème du congrès et suppliant sa bénédiction pour les travaux de leur congrès et pour leurs Eglises. Ils ont remercié Sa Sainteté du synode spécial pour les jeunes qui a eu lieu à Rome en octobre dernier, exprimant leurs sentiments d’union au Siège pétrinien et assurant qu’ils prient pour Sa Sainteté afin qu’il poursuivre son ministère apostolique pour le bien de l’Eglise et de l’humanité entière.

 

  1. Les pères patriarches ont rendu visite à Son Excellence le président de la République irakienne, Dr Barham Saleh pour lui présenter leurs vœux à l’occasion de son élection. Ils ont loué sa visite réussie à la Cité du Vatican il y a quelques jours et son entrevue avec sa Sainteté le Pape François. Ils ont, de même, rendu visite à son Excellence le premier ministre M. Adel Abdel Mehdi lui présentant leurs vœux pour la même occasion.

 

Les deux visites ont donné lieu à un échange d’idées autour de thèmes se rapportant à l’Irak et à la région du Moyen Orient, notamment l’égalité des ressortissants du même pays en matière de droit et de devoirs sur la base de la citoyenneté, le retour en Irak des déplacés, ainsi que l’instauration de l’Etat civil, l’Etat de droit et des institutions, et la nécessité de respecter tous les citoyens sans distinction aucune. Les patriarches ont dit leur satisfaction d’avoir constaté, lors des deux visites, la confirmation que les chrétiens ne sont pas minoritaires, ils sont plutôt l’une des composantes fondamentales de l’Irak.

 

  1. Les pères ont écouté les comptes rendus des travaux des commissions et des organes concernant le Conseil, et décidé de tenir le prochain congrès au patriarcat des Coptes catholiques au Caire en Egypte du 25 au 29 novembre 2019, chez Sa Béatitude le patriarche Ibrahim Isaac Sedrak. Le congrès aura pour thème : « L’information au service de l’Evangile».

 

  1. Le congrès devait être clôturé par une messe concélébrée par les patriarches en la cathédrale Saint Joseph de Baghdad devant une grande assemblée de fidèles.

 

Au terme du congrès, les pères patriarches ont publié le communiqué suivant :

 

I- Les jeunes, signe d’espérance dans les pays du Moyen-Orient

 

  1. Chers jeunes gens et jeunes filles : nous avons participé au synode spécial auquel avait convoqué Sa Sainteté le Pape François, sur « Les jeunes : foi et discernement des vocations ». Nous avons fait de nombreuses recommandations concernant votre mission dans les Eglises et dans les sociétés. A Bagdad, nous avons suivi votre parcours sur le thème des jeunes, et nous avons été comblés de joie et de fierté lors de la soirée de prière avec les jeunes de Bagdad en la cathédrale Saint Joseph des Chaldéens, à l’écoute des expériences des jeunes, de leurs questionnements, de leurs soucis et de leurs aspirations.
  2. Vu les difficultés et les défis que vous endurez dans la situation qui prévaut au Moyen Orient, et l’hémorragie de l’émigration qui menace votre avenir et la présence chrétienne dans tout l’Orient, nous nous tenons à vos côtés et partageons votre douleur. Nous visons avec vous un lendemain brillant qui ne saurait se lever sans votre présence, et nous vous assurons que nous œuvrerons ensemble pour que vous puissiez résister et rester dans votre terre.
  3. Nous vous redisons ce que nous avons adressé à nos fidèles dans notre onzième lettre pastorale pour la dernière fête de la Pentecôte :

« Restez fermes dans votre foi et dans vos patries … Contribuez à leur construction, que vous y restiez ou que vous soyez forcés de les quitter. Nous sommes un petit nombre. Mais le Christ nous dit toujours que nous sommes « sel, lumière et levain », et nous sommes une Église de martyrs. Croyez, aimez, comme Dieu aime, toute sa création. Soyez des croyants forts par votre amour, et des constructeurs de vos patries avec tous vos compatriotes, participant aux souffrances et aux sacrifices, pour y assurer la prospérité et la vie. Soyez le cœur dans vos pays, artisans de son histoire quelle que soit la cruauté des temps et des hommes».

(Lettre des patriarches catholiques d’Orient 11, nº19).

 

II- Situation ecclésiastique et politique et appels

 

  1. Chaque père patriarche a décrit la situation dans son pays : difficultés politiques, économiques et sociales, perspectives d’avenir, état des déplacés et retour possible dans leurs villages, relations et contact avec l’expansion. Les patriarches ont lancé des appels à leurs fils et frères des pays du Moyen-Orient :

 

En Irak 

  1. Nous apprécions l’atmosphère positive qui prévaut déjà en Irak avec l’élection d’un président de république et de deux autres pour le parlement et le conseil des ministres. Cela introduira à une stabilité que nous espérons totale avec la formation d’un nouveau gouvernement qui s’attèlera au bien du pays dans toutes ses composantes. Tout en priant pour les martyrs et tout en souhaitant la guérison aux blessés, nous confirmons la nécessité d’éradiquer la pensée obscurantiste de Daesh, et des esprits et du discours. Aux responsables d’Irak, nous demandons de travailler, main dans la main, pour la renaissance et le développement du pays. De même, nous exhortons nos fils et filles à tenir à leur terre et à préserver l’héritage de leurs pères et de leurs ancêtres en dépit des difficultés et des défis ; car c’est notre pays, et c’est là notre histoire, notre civilisation et notre culture.

 

En Syrie 

  1. Nous sommes satisfaits que la situation se soit stabilisée dans la plus grande partie du pays et que la vie soit retournée à la normale. Nous espérons qu’une telle stabilité régnera partout en Syrie et nous demandons aux responsables et à toutes les composantes du pays de se donner la main pour reconstruire une Syrie prospère et développée basée sur le respect mutuel entre tous. Tout en priant pour les martyrs et tout en souhaitant la guérison totale aux blessés, nous demandons à tous les décideurs d’œuvrer sérieusement pour le retour dans leurs propriétés des déplacés et des migrants, car cela marquera profondément la protection de l’unité nationale, afin que la Syrie reste la terre de la paix, de la liberté et de la dignité.

 

Au Liban

  1. Nous félicitons les Libanais pour les élections législatives qui ont eu lieu en mai dernier dans un climat de liberté et de démocratie, et demandons aux responsables de former au plus vite un nouveau gouvernement en passant outre tout intérêt personnel ou catégoriel, afin que l’Etat se remette sur les rails en fonction des besoins des citoyens qui connaissant des conditions économiques difficiles sous lesquelles ploie le Liban. De même, nous remercions l’Etat libanais, dans toutes ses composantes, d’avoir accueilli les déplacés d’Irak et de Syrie malgré les difficultés économiques dont souffre le Liban. Nous insistons sur la nécessité de les rapatrier en vue de leur préserver leurs droits civils, leur civilisation et leur culture. Nous approuvons des démarches visant à faire du Liban un centre international pour le dialogue des religions et des civilisations.

 

En Palestine

  1. Nous confirmons notre solidarité avec le peuple palestinien qui ploie toujours sous l’occupation et qui soupire après le salut et l’indépendance, car la situation stagne. Nous réclamons à la communauté internationale d’entériner l’Etat palestinien dans le cadre des deux Etats et de rapatrier les réfugiés palestiniens. Nous redisons notre rejet total que Jérusalem soit proclamée capitale d’Israël, que l’on y transfère l’ambassade des Etats-Unis et que l’on fasse d’Israël un Etat national pour les Juifs.

 

En Jordanie

  1. Nous apprécions la stabilité qui prévaut dans le Royaume Hachémite de Jordanie et lui souhaitons de réussir à faire face aux divers défis. Certes, nous nous portons solidaires de tous les citoyens dans leur vie, leur stabilité et leur vivre-en-commun. De même, nous louons les efforts déployés au service des réfugiés et des déplacées, notamment ceux venus de Syrie et d’Irak.

 

En Egypte

  1. Nous réalisons l’énormité des défis et apprécions les efforts déployés pour renouveler le discours religieux et moderniser les programmes scolaires en Egypte, de manière à garantir l’égalité et à fonder l’avenir sur la citoyenneté et l’esprit de fraternité entre tous les Égyptiens. Tout en redisant notre solidarité avec les familles des martyrs, nous confirmons que l’Egypte restera le modèle de l’ouverture et de la résistance en face de tout extrémisme. Nous approuvons toutes les démarches visant à améliorer la situation des citoyens et à relever l’économie afin que tous aient une vie décente.

 

Appel général

  1. À l’adresse des responsables civils de notre Orient, nous confirmons que le parcours et l’avenir de nos pays n’ont et n’auront lieu que moyennant le respect des droits de tous les citoyens conformément à la « Charte des droits de l’Homme » de l’ONU stipulée il y a soixante-dix ans. Cette charte impose à tous les Etats membres le devoir de garantir à tous les citoyens les libertés civile et religieuse. En vérité, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI prévient : « Dans notre monde, la paix et la justice ne sauraient se réaliser sans le respect des libertés religieuses de tous ».
  2. Notre foi commune en un Dieu Un, créateur et administrateur de l’univers, unifie nos cœurs et nous implique dans l’édification d’un pays un, dans un vivre actif et interactif fondé sur le principe d’une citoyenneté une. Telle est la civilisation de l’amour à laquelle nous convient aujourd’hui nos martyrs et nos blessés. Ne les décevons pas. Comme eux soyons des « artisans de paix » pour que nous méritions d’être appelés « Fils de Dieu».

 

Conclusion

17- De la terre bénie de l’Irak, pays du Tigre et de l’Euphrate, dont le sol est imprégné du sang de nos fils et de nos filles martyrs, qui exhale le parfum du témoignage pour le Seigneur Jésus et pour l’Evangile de l’amour, de la joie et de la paix, ainsi que celui du martyre par amour pour le Divin Maître, et en ces jours sacrés où nous nous préparons pour célébrer la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, la fin de 2018 et le début du nouvel an 2019 que nous espérons béni et plein de paix et de sécurité, nous redisons nos sentiments d’amour paternel et de solidarité avec nos fils en Orient qui témoignent pour le Seigneur Jésus dans un monde tourmenté et ballotté par de fortes vagues qui menacent leur existence. A eux tous nous donnons notre bénédiction apostolique et leur rappelons le mot du Divin Maître : « Que vos cours ne tremblent pas et n’aient pas peur ». Saint Paul, apôtre des nations nous le confirme : « Si Dieu est avec nous, personne n’aura raison de nous ». En effet, « sans le Seigneur, nous ne pourrons rien », et « qui compte sur Lui ne sera pas déçu ».

Homélie de Mgr Audo lors de la messe à Marseille, le 24 novembre 2018

Homélie de Mgr Audo – Marseille, 24 novembre 2018

 

Invités ce soir par l’Œuvre d’Orient, nous nous sommes rassemblés autour de l’autel de la Basilique du Sacré Cœur, pour rendre grâce au Seigneur.

 

Je viens de la Syrie meurtrie par une guerre qui perdure depuis huit ans, j’appartiens à l’Église chaldéenne dont les racines s’enfoncent dans un Irak déchiré par les guerres, la course au pouvoir, le désir de vengeance.

 

Et pourtant, je voudrais au nom des chrétiens du Moyen-Orient vous inviter à l’action de grâce qui nous maintient dans l’Espérance, et nous aide à rester dans nos pays, à goûter les bienfaits de l’Évangile à partager avec notre entourage.

 

En effet, la parole de Dieu, dans le Révélation, nous dit que l’action de grâce est une prière communautaire qui s’élève dans un mouvement de communion, répandant la joie d’être aimé et sauvé par notre Dieu. Pour cela, chrétiens  de France au service des chrétiens d’Orient, nous voulons ensemble que notre Eucharistie soit un cri de reconnaissance qui nous fait traverser toutes les violences, les peurs qui nous troublent d’un côté ou de l’autre de la Méditerranée !

 

Malgré toutes les difficultés qui nous entourent et nous assiègent, nous voulons penser notre présence dans nos pays, au Moyen Orient ; présence active au nom de l’Évangile, source de joie et de consolation. En tant qu’orientaux, nous aussi nous avons quelque chose à dire sur la nouvelle évangélisation. Si Dieu nous a gardés et préservés jusqu’à présent c’est qu’il attend de nous une parole, un témoignage, une manière d’être porteuse et annonciatrice de paix.

 

Dans notre situation de minorités chrétiennes menacées de disparition, je ne peux m’empêcher de répéter les paroles du Pape François : « construire des ponts et non des murs… nous ne pouvons pas imaginer un Moyen-Orient sans la présence des chrétiens ». Je ne peux m’étendre sur le rôle important des Églises orientales dans les domaines culturel et économique aux moments cruciaux de notre histoire. Je voudrais aussi souligner la qualité de notre inculturation dans le monde arabo-musulman. Sans être pleinement arabes, nous appartenons à ce monde oriental et sémitique où la Bible a vu le jour ; ainsi nous avons l’art de vivre ensemble, de partager, de créer des solidarités, des partenariats pour le bien de tous, malgré les conflits et les défis de la modernité.

 

Oui l’Église Catholique, l’Église de France, toute proche de nous, experte dans l’orientalisme est à même de nous aider dans notre recherche d’une démocratie, des droits de l’Homme, dans un monde assoiffé de liberté et de justice.

 

Bref, nous représentons des Chrétientés arabophones, motif de fierté, force de dialogue et de vivre ensemble.

 

 

(Homélie prononcée par Mgr Antoine Audo, évêque chaldéen d’Alep, lors de la messe en rite chaldéen célébrée à la basilique du Sacré-Cœur, à Marseille. )

Vincent, volontaire de l’Œuvre d’Orient à Jérusalem dans le centre St Vincent

Cela fait maintenant bientôt 3 mois que je suis arrivé en Terre sainte. Je m’appelle Vincent Benito et je suis séminariste pour le diocèse de Perpignan-Elne dans le sud de la France, en formation au séminaire de Toulouse. Cette mission se situe dans le cadre de ma formation de séminariste, on l’appelle généralement « inter-cycles » car elle se situe entre le cycle de philosophie (2 ans) et de théologie (3 ans). J’ai choisi de partir avec l’Œuvre d’Orient et c’est eux qui m’ont proposé une mission en Terre sainte.

 

Cette mission se trouve à Ein Kerem, à l’ouest de Jérusalem, à 45 min en transport, dans le centre St Vincent, tenu par les Filles de la charité. Cette maison accueille une soixantaine d’enfants juifs et arabes, âgés de 1 an jusqu’à une vingtaine d’années et provenant de toutes les régions d’Israël. Ces enfants ont des besoins spécifiques, c’est à dire que leurs motricités ainsi que leurs habiletés cognitives ont été retardées ou fortement diminuées. Le principe est simple, chaque volontaire, travailleur s’occupe d’une chambre de 4 jeunes. Pour ma part je m’occupe de la chambre 6A et m’en occuperai pendant 1 an, ce qui me laisse du temps pour apprendre à bien connaître les enfants et évoluer avec eux.

 

(De gauche à droite) Eidan, Maor, Ismaël et Motassam, les jeunes dont je prends soin.

 

Je fais le travail d’un aide-soignant. Nous nous occupons des enfants le matin afin de les préparer pour aller à l’école qui se situe sur place, et aux différentes activités qui leur sont proposées. Nous les levons, faisons la toilette, les habillons et leur donnons à manger. L’après-midi, plusieurs activités sont proposées, ateliers peintures, musique, balade dans le jardin …

Je n’ai jamais travaillé dans ce milieu-là, donc c’est une découverte pour ma part. J’ai d’abord commencé par regarder et observer, puis j’ai pu petit à petit travailler seul dans la chambre qui m’avait été confiée. Cela s’est plutôt bien fait même si au début nous nous retrouvons vite désemparés. En effet, il me semble que quand nous sommes devant une personne qui ne peut pas parler et par qui les seuls échanges peuvent se faire par le regard ou par les gestes, notre attention doit être vraiment déployée et généreuse. Les masques tombent et nous nous découvrons sous un autre regard.

 

Moi-même avec Radwan, un enfant du centre.

J’apprends donc à être patient et à ouvrir mon cœur à ces jeunes qui demandent une présence et une attention simple et joyeuse.  En effet, parfois c’est dur, la fatigue se fait sentir, la barrière de la langue n’est pas toujours évidente. Eh bien c’est un enfant qui par son grand sourire beau et joyeux vous permettra de continuer jusqu’à la fin de la journée et de le lui rendre par du temps passé avec lui, une chanson ou un autre sourire. Une personne m’a dit un jour, « commence par aimer », le reste viendra tout seul, et bien je peux donc le pratiquer !

 

 

Oscar, un autre volontaire qui vient du Guatemala, John un enfant du centre qui se prépare notamment à recevoir la 1ère communion.

Pour ma part, en lien avec mon parcours et ma vocation, ce qui me fait tenir dans cette mission et qui me permet de me lever tous les matins, c’est la vie de prière que j’ai mise en place pour cette mission. J’ai pu redécouvrir la belle prière de l’oraison, de ce cœur à cœur avec le Seigneur, afin de lui confier ce que je vis, de lui confier les jeunes du centre et de prier pour ce beau pays. Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est de pouvoir vivre concrètement l’Évangile que l’on peut lire et écouter, du moins essayer de le vivre. Dans cette mission on se retrouve dedans littéralement, et le Seigneur me demande de le servir à travers ces jeunes.

 

Je repense souvent à cette phrase de l’Évangile : «  Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade et vous m’avez  visité ; j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi ! […] Amen je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » Mt 25,35-40

 

 

 

 

Enfin il n’est pas anodin, de vivre cette mission en Terre sainte, dans ce pays que le Christ a choisi pour vivre son passage terrestre. Ainsi je peux donc découvrir les différents lieux saints, redécouvrir les beaux textes de la Bible sur les lieux mais aussi découvrir et mieux connaitre les religions, les rites qui sont pratiqués ici.

C’est donc une vraie joie d’être ici en mission avec ses grâces et ses difficultés et de pouvoir servir le Christ en servant ces jeunes. Les rencontres que je peux faire à travers le pays sont également d’une grande richesse et cela me permet de nous faire grandir mais aussi de partager notre humble expérience avec ceux que nous rencontrons.

 

Le coucher de soleil les pieds dans l’eau depuis Tel Aviv – Jaffa avec vue sur la vieille ville de Jaffa.

 

Commémoration de l’Holodomor

« La grande famine organisée par Staline en Ukraine a fait 4 millions de morts en 6 mois (7 millions en tout entre 1932 et 1933 en Ukraine et Russie – ndlr). Il faut imaginer ce chiffre terrible, cela représente 20.000 personnes qui meurent chaque jour de faim pendant six mois. Pour les Ukrainiens, c’est la blessure la plus profonde, en plus du nombre de victimes effroyables, cette famine a éradiqué la culture populaire et paysanne de l’Ukraine » souligne Antoine Arjakovsky.

Alors que les commémorations de ce que qui est reconnu par un génocide par de nombreux pays se déroulent partout dans le monde, l’Ukraine vient de fixer au quatrième samedi de novembre, le jour de commémoration officielle des victimes de l’Holodomor, soit le 24 novembre pour cette année.

A Lyon, était célébrée dimanche 18 novembre hier la Divine Liturgie en présence du Cardinal Barbarin et Mgr Boris Guzdiak, éparque de Saint-Volodymir-le-Grand de Paris des Byzantins-Ukrainiens, en mémoire des victimes.

L’Holodomor, soit l’extermination par la faim, fut méticuleusement planifiée par le Kremlin. Ces réquisitions ont été délibérément organisées par un régime qui voulait broyer la société paysanne traditionnelle, considérée comme un foyer de résistance à l’évolution vers la « société communiste », tout en conduisant une guerre contre la religion, détruisant de nombreuses églises dans les campagnes. Toute la production alimentaire des villages fut confisquée, et des brigades furent envoyées pour confisquer la nourriture chez les paysans. Mourant de faim, ceux-ci n’eurent plus d’autres choix que de fuir, mais toute fuite fut réprimée par le régime stalinien. La lente agonie que provoque la faim détruisit également le tissu social, plus d’entraide, de compassion. Les plus généreux mourraient en premier, ne résistaient que ceux qui luttaient contre tous pour ne pas mourir à leur tour. Des témoignages de survivants montrent cependant que dans cet effroyable combat pour la survie, certains eurent des comportements héroïques.

Les conséquences, 85 ans, après, sont encore palpables dans la société ukrainienne. Le monde rural a été dévasté et anéanti alors qu’il était la richesse de l’Ukraine (43% de la récolte mondiale d’orge, 20% de celle du blé était ukrainienne avant la Première Guerre Mondiale)[i] Longtemps tue, aussi parce que des cas de cannibalisme hantaient les mémoires, elle ne fut révélée au monde occidental que quarante plus tard, avec la publication de l’Archipel du Goulag, de Soljenitsyne.

« Les gens ramassaient des racines et préparaient de la soupe avec pour survivre…  ils mangeaient des vers de terre » racontait une survivante. « Le but de ce génocide était d’anéantir le peuple ukrainien en tant que nation, pour que nous oublions qui nous sommes et nous obliger à nous soumettre au pouvoir soviétique ».

Ce dimanche 25 novembre à 14h30 une messe en la cathédrale Notre Dame de Paris en présence de Mgr Boris Guzdiak, commémorera, comme chaque année, cette famine dévastatrice.

 

[i] https://www.lorientlejour.com/article/1143630/holodomor-en-ukraine-1932-1933-lextermination-par-la-faim.html

Témoignage de Bérangère, volontaire à Jérusalem

 

Jérusalem, le 20/11/2018

 

 

Je suis arrivée à Jérusalem il y a quelques semaines maintenant. Après un voyage un peu épique, une heure d’interrogatoire à la douane avec un petit homme d’une amabilité notoire, un trajet Tel-Aviv-Jérusalem non sans encombre, j’ai enfin retrouvé les sœurs à l’Hospice Saint Vincent de Paul, ouf ! Un véritable havre de paix après cette longue journée ! J’ai tout de suite été interloquée par la localisation de la maison, qui se trouve au milieu d’un quartier très riche, en bordure d’une rue équivalente aux Champs-Elysées parisiens. Frappant mais très révélateur du pays et des disparités qu’il peut y avoir entre les différentes populations, religions, nationalités.

 

J’ai été très bien accueillie par les Sœurs, qui m’avaient préparée une chambre tout confort et qui ont été adorables avec moi, dès le début, le luxe ! C’est infiniment précieux quand on arrive dans un endroit qu’on ne connait pas, loin de ses repères et de ses habitudes. J’ai vite retrouvé les autres volontaires de l’Hospice ; Patrick, Sixtine et Pierre. Les trois travaillent avec les personnes handicapées, tandis que je m’occupe des bébés à la crèche que gère Sœur Silouane, tandis que Sœur Marlène s’occupe des handicapés et que Sœur Alice s’occupe de l’administration (j’admire ……).

L’ambiance qui règne dans la maison est chaleureuse et conviviale, c’est un bonheur de s’y sentir comme chez soi. Les Sœurs sont aux petits soins avec nous et s’inquiètent toujours de savoir si nous ne manquons de rien, si tout va bien, si nous n’avons pas froid, si nous mangeons bien… Pour nous qui sommes loin de nos familles, elles représentent de vraies mamans pour nous et c’est rassurant de les savoir ici, avec nous !

Patrick est volontaire depuis déjà 9 mois, alors que nous venons d’arriver avec Sixtine et Pierre ; c’est donc très intéressant de pouvoir échanger avec lui sur nos premières impressions, nos premiers ressentis, nos peurs, appréhensions, joies, questions, qui nous animent en ce début de mission. On sent qu’il a déjà le recul nécessaire pour nous rapporter certains points ou moments clé de son expérience, que nous sommes amenés à vivre en ce moment, de manière plus ou moins intense.

 

 

Le travail à la crèche est beaucoup plus intense et stimulant que ce que j’imaginais. Je m’occupe des enfants qui ont entre 1 an et 18 mois, ce sont des petits érythréens pour la plupart, qui ont fui leur pays en guerre contre l’Ethiopie et qui vivent à Jérusalem dans une grande pauvreté. Il y a également quelques petits français, dont les parents sont expatriés. Je travaille avec Jeanna et Salam, deux salariées palestiniennes, qui sont adorables avec moi ; ce sont deux femmes au grand cœur, qui ont le sens du service, de l’abnégation et de l’enthousiasme.

Nous arrivons à communiquer en anglais (oui, oui, il n’est jamais trop tard pour s’y mettre !!) et elles m’apprennent quelques mots en hébreu et en arabe. Quand nous n’arrivons pas à communiquer par les mots, nous trouvons d’autres moyens pour se faire passer les idées, comme les gestes, le regard, les expressions. C’est impressionnant, cette mixité et cette diversité ! Je crois que j’entends parler au moins 6 langues dans l’enceinte de l’Hospice ! Tout cela me permet de prendre vraiment conscience de la complexité et de la richesse du contexte dans lequel je vais avoir la chance d’évoluer durant mon année ici. Aussi, travailler avec des personnes d’une culture différente de la mienne est une expérience très intéressante. En effet, cela permet de constater qu’il peut y avoir d’autres manières de travailler, de communiquer avec les enfants ou de s’en occuper.

 

Au début ça a été difficile, je le reconnais, et je me suis demandée comment j’allais bien pouvoir canaliser mon caractère de feu, impatient et hyperactif, pour pouvoir apporter aux enfants ce dont ils avaient besoin. Mais je me suis finalement aperçue que ces difficultés de début de mission, aussi déstabilisantes soient-elles, sont une véritable source d’enrichissement personnel et ont un côté très positif. En effet, de manière assez radicale, elles révèlent nos vulnérabilités, nos propres limites, notre besoin d’être reconnu et tout ce qui restaient inavoués à l’intérieur de nos cœurs. C’est une sacrée claque, c’est une belle leçon d’humilité que nous recevons ici, à l’école de l’Homme. C’est un retour à plus de simplicité, plus d’acceptation de l’autre et de soi, plus de profondeur et de vérité dans ses pensées et dans ses actes. Cela nous pousse à révéler ce qu’il y a vraiment au fond de nous et à répondre à ce à quoi nous sommes appelés. Ainsi, « l’autre est la chance de ta vie », et c’est ici que j’en prends déjà bien toute la mesure. Je prends conscience de la beauté et de la richesse de la rencontre et du service. L’exigence de l’ouverture et du don de sa personne est porteuse de sens, de joie, de vérité. Bizarrement, c’est en s’éloignant de sa vie quotidienne, de son pays, de ses repères que l’on se trouve véritablement, que l’on peut prendre du recul et percevoir qui l’on est vraiment et ce à quoi l’on aspire, alors …. Yallah !

 

A côté du travail, il y a le cadre. Je mesure de jours en jours l’immense chance que j’ai de vivre dans un tel contexte, qu’est Jérusalem ! La richesse de cette ville est incalculable … Il y a tant à faire, tant à découvrir, tant à saisir ! Le poids de l’histoire, de la puissance culturelle, des tensions encore vives et permanentes, font de ce lieu un endroit à la fois fascinant et apeurant ! Fascinant parce qu’il nourrit et ravive en moi des croyances et aspirations spirituelles que je cherche à travailler et approfondir.

Sans trop rentrer dans les détails, ce qui se passe ici n’est pas anodin … nos cœurs sont travaillés et bousculés, c’est assez fort. Apeurant, car le contexte n’est pas anodin, banal et il est double. D’une part, le conflit israélo-palestinien est encore actuel et je le ressens vraiment en vivant ici. D’autre part, car Jérusalem reste la ville trois fois sainte, recouvrant plus de 3000 ans d’histoire qui, pleine de controverses, suscite toujours autant de passions. On sent que tout repose sur un fil, tout semble suspendu on ne sait trop comment, on sent que le vide n’est pas loin et que la moindre étincelle peut rallumer un brasier ardent. C’est grisant, impressionnant et vif, mais je crois que j’aime ça.

 

Nous sommes un bon groupe de français ici, que ce soit des étudiants, des volontaires ou autres. L’ambiance est donc plutôt sympathique et de nombreuses activités sont proposées : week-end baroud dans le désert en stop, visites avec les frères dominicains de l’Ecole Biblique dans la ville ou dans le pays, sorties et week-ends scouts, groupes de prières ou de formation théologique, match de foot, entraînement pour le semi-marathon de Jérusalem …. On ne s’ennuie pas, on croque la vie à pleine dents et tente de saisir la puissance de l’expérience unique que nous sommes tous en train de vivre ! Je sens que de belles amitiés spirituelles sont en train de s’édifier et cela participe à la création de repères ici.

Jérusalem c’est un peu cela : beaucoup de dépaysement et de belles surprises, beaucoup de rencontres et de dons, beaucoup de langages et de confessions, beaucoup d’aventures et de révélations, beaucoup de chamboulement et d’apaisement. Malgré le contexte pourtant tendu, la vie semble s’y écouler (presque) comme un long fleuve tranquille et le temps apparaît comme étant suspendu. Oui, vivre ici demande une certaine adaptation, mais ce n’est pas si difficile que ça finalement. Tous cohabitent sans soucis, c’est très surprenant au début ; et puis on se laisse bercer par cet ensemble harmonieux aux douces saveurs, aux mille couleurs, aux rues étroites, aux cieux étoilés, aux journées intenses et aux heures orientales.

 

Je réalise ici, que ma petitesse et mes faiblesses attirent l’amour de Dieu. Je trouve déjà des réponses à certaines de mes questions intérieures, car je crois que l’on reçoit des lumières étonnantes ici, qui permette d’acquérir une profonde acceptation de soi, qui permette de consolider et d’édifier nos cœurs et nos âmes…  Or, c’est par cette acceptation que l’on peut se donner pleinement en retour, il me semble. C’est comme si, ici à Jérusalem, toutes nos impressions, nos sentiments, notre imagination et nos réflexions, étaient éclairées par une force insaisissable que je n’avais jamais ressentie jusqu’à présent ! En bref, c’est assez puissant et encore trop difficile à verbaliser, mais je laisse du temps au temps !

 

« Votre confiance nous a permis d’aider environs 800 personnes vulnérables » lettre du Père libanais Abdo Raad

En lien continu avec les religieux et communautés que nous aidons, nous avons reçu ce message du père Abdo Raad, représentant de l’association Annas Linnas, association libanaise de protection des populations vulnérables libanaises et réfugiées au Liban.

 

« La mission de l’Œuvre d’Orient reste un magnifique témoignage d’Emmanuel (Jésus parmi nous).

En tant que représentant de l’Association Annas Linnas, je tiens à remercier de tout cœur l’Œuvre d’Orient qui nous a soutenu dans les instants les plus pénibles de la crise syrienne.

Nombre de syriens ont en effet trouvé refuge au Liban et ont dû faire face à des conditions de vie parfois extrêmement difficiles. La plupart vivent dans des camps ou dans des maisons abandonnées, ne trouvent pas de travail, n’ont pas d’argent pour subvenir aux besoins de leur famille, et s’efforcent de survivre lors des hivers particulièrement froids au Liban. 500 000 d’entre eux sont des enfants, et la moitié ne sont toujours pas scolarisés car les écoles publiques n’ont plus de place pour les accueillir. Il s’agit d’une catastrophe humanitaire à laquelle Annas Linnas se devait de réagir. Tous nos bénévoles ont décidé d’apporter leur soutien à ces populations démunies, mais c’est grâce à l’aide financière apportée par l’Œuvre d’Orient que nous avons pu leur offrir un véritable soutien.

 

Plusieurs projets étaient soutenus grâce à l’aide financière de l’Œuvre d’Orient :

 

1) « La Maison de la Charité », centre éducatif à Naameh, une ville située à 15 Km au sud de Beyrouth, a pu accueillir pas moins de 280 enfants réfugiés syriens déscolarisés. Ils ont pu poursuivre la scolarisation, ont retrouvé un lieu sécurisé où ils peuvent apprendre, jouer et grandir en toute quiétude. Les professeurs, libanais et syriens, chrétiens et musulmans, suivent les jeunes bénévolement et sont très impliqués dans leur développement personnel. Certains ont subi les affres de la guerre, ont été témoins de violences inacceptables et restent traumatisés par ces scènes d’une insoutenable intensité. Il s’agit donc de tenter d’apaiser ces âmes meurtries dans leur plus tendre enfance et toute l’équipe enseignante et administrative s’y emploi avec brio. L’accueil des enfants dans ce centre évite également la traite et l’exploitation. Malheureusement, ce centre ne pourra rester ouvert qu’avec une aide financière régulière et la rentrée scolaire d’octobre reste incertaine. L’association Annas Linnas met toute en œuvre pour aider la Maison de la Charité. Cependant, les fonds manquent encore.

 

2) l’aide versée aux populations vivant dans les camps de réfugiés connus par Annas Linnas, leur a permis de construire ou de reconstruire les abris nécessaires à l’accueil de nouvelles familles, mais aussi d’acheter des vivres, des combustibles et des habits pour préparer l’hiver. Les hivers libanais étant extrêmement rudes, les populations pauvres souffrent du froid et les abris faits de matériaux de récupération ne suffisent pas à les protéger et les coupons du UNHCR ne sont pas assez importantes pour subvenir aux besoins de toutes ces personnes.

 

3) Le reste des dons a permis d’offrir un chauffage à l’École de la Charité à Kfarnabrakh. La somme versée à cette école a permis l’installation du chauffage dans toutes les classes. Les élèves n’arrivaient pas à se concentrer alors que le froid les tiraillait et finissaient par abandonner l’école. Ce chauffage a donc donné l’occasion à l’école de scolariser bon nombre de ces enfants durant l’année scolaire 2017-2018.

 

 

           

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est donc avec une immense gratitude que je vous écris aujourd’hui : la confiance que vous avez placée en nous nous a permis d’aider environs 800 personnes vulnérables en leur apportant les biens nécessaires à la survie mais également en offrant aux enfants une scolarisation sécurisée. Cependant, je souhaite rappeler que cette abominable situation continue et que, malgré un début de retour précaire et critique des réfugiés, plus d’un million de personnes syriennes vivent encore au Liban dans d’ignobles conditions.

Nous souhaitons donc que l’action se poursuive et qu’aux côtés de l’Œuvre d’Orient, Annas Linnas puisse persévérer dans ses activités bienfaitrices, en apportant l’aide nécessaire aux structures qui accueillent et protègent les populations vulnérables et désœuvrées, victimes des guerres qui déchirent notre monde. »

 

Que le Seigneur Jésus Christ envoie son Esprit dans ce monde pour le remplir de nouveau de joie et de paix ».

 

+ Abdo Raad  10-9-2018

Légion d’honneur pour Mgr Sabri Anar

Mgr Sabri Anar, curé de la paroisse chaldéenne catholique de St Thomas Apôtre de Sarcelles, a été reçu dans l’ordre de la Légion d’Honneur lors d’une cérémonie organisée au Sénat. Les insignes de la Légion d’Honneur lui ont été remis par le président du Sénat Gérard Larcher.

Témoignage de Baudouin, volontaire en Égypte

 

Lettres Alexandrines

 

 

…L’Eglise y était presque vide.

 

Ce vendredi matin, j’avais décidé de passer à une messe orthodoxe, celle qui se donnait dans l’enceinte du collège. Comme chaque semaine, l’église latine de Saint-Marc était prêtée aux coptes des alentours, lesquels la maquillaient de drap pourpres et d’icônes aux couleurs vives et baroques.

 

Ce vendredi matin, les chants s’y relayaient, étranges et beaux, passant de basse profonde à baryton, puis de baryton à basse profonde. Le prêtre, semblable à un muezzin dont la voix aurait mué, y avait psalmodié quelques cantiques devant ses fidèles… lesquels maintenant s’amassaient, groupés devant l’autel de circonstance, pour s’y partager du pain. J’appris qu’il s’agissait d’un « pain de l’amitié ».

 

Et une vieille copte que je connaissais bien, m’ayant reconnu dans l’assistance, m’adressa un sourire ; je la vis trottiner jusqu’à moi, balançant ses petites épaules de droite à gauche. Elle voulait me donner la moitié de son pain.

…L’église y était presque vide ; mais il y avait ce « pain de l’amitié » que l’on m’y a donné.

 

L’Egypte, c’est un peu cela : beaucoup de dépaysement et quelques belles surprises, surprises que la vie alexandrine, comme le la vie chrétienne d’Alexandrie peuvent révéler.

 

Vivre  à  Alexandrie

 

Après quelques pérégrinations, j’ai réussi à m’acclimater à mon travail au collège et à ma vie en Alexandrie.

 

La vie au collège

 

Les enfants apprennent bien ; leurs efforts sont réels et soutenus. Cela a même pu étonner mes collègues. Il faut dire qu’un français, il y a cinq ans, n’avait pas réussi à tenir ses classes… J’avais donc été mis en garde sur les difficultés pour un non-arabophone à se faire respecter. Mais j’ai heureusement su montrer auprès des élèves une présence : celle de la bienveillance, de l’autorité, de la culture et de la méthode. Une collègue m’a donc confié que sa classe attendait ma venue avec impatience, et les élèves ne manquent jamais de me saluer avec sympathie quand je les rencontre dans la rue. Un de mes chefs, que j’imagine surpris par mes rapports systématiquement laudatifs sur mes classes, est venu vérifier par lui-même, à l’improviste… Et le thème de son discours a maintenant changé : la « difficulté à se faire respecter » est maintenant devenue « la difficulté à ne pas laisser les élèves s’attacher ».

 

C’est néanmoins un travail fatiguant, demandant constamment une grande attention, tant pour l’ordre et la discipline que pour le fait de faire grandir chaque élève. Il faut donc souvent se reposer, quelques brefs instants, entre chaque cours. Hélas, sous la fenêtre de ma chambre, résonnent à chaque instant du jour les cris ininterrompus des élèves, qui laissent place, dès la fin des cours, au règne ininterrompu du tam-tam incessant des -très- nombreux joueurs de basket-ball de l’école… Ces brillants semi-professionnels s’y entrainent, toutes les après-midis, jusqu’à 23 heure environ. Souvent, ils font du zèle, et poussent l’entrainement jusqu’à une heure beaucoup plus avancée. La semaine passée, quelques-uns étaient encore là à 4h du matin… Alexandrie est une ville qui ne dort pas beaucoup ; moi non plus. Et une migraine sournoise vient donc en ce moment se loger dans mon crâne… Aussi, mes voisins et moi-même avons décidé d’aller parler avec le directeur : nous allons parler sport en général, et basket en particulier.

 

La vie alexandrine

 

Cependant, il faut dire qu’à ce détail près, la vie s’écoule ici comme un fleuve tranquille, dans cet orient languissant, où le temps suspend son vol. C’est maintenant l’hiver, depuis quelques jours ; la première pluie, en effet a annoncé le changement de saison … Il n’y a d’ailleurs ici que deux saisons : l’hiver et l’été. Aussi, l’air chaud et moite de l’été a donc été remplacé… par l’air chaud et moite de l’hiver. Cette pluie, gorgée d’un sable noir et ocre qui macule les vêtements, fut violente et brève… découpant méthodiquement les ramures des arbres. Pour un temps, la mer, huileuse et azurée, s’était transformée alors en le ressac écumant et vert émeraude de la Bretagne-Nord. Pour un temps trop bref, les rues furent nettoyées d’une partie de leurs immondices, faisant vomir les égouts en souffles et hoquets glaireux. Et dehors, le vent chantait des rengaines de marins, en sifflant.

 

Il y a peu, je suis allé à l’emplacement de l’ancien phare d’Alexandrie (aujourd’hui citadelle de Quaitbay), visitée avec un couple d’amis qui était de passage. La visite fut brève ; nous en fûmes en effet chassés par un militaire, fusil mitrailleur au poing : apparemment, l’heure des visites se terminait. Cela nous a donc donné tout loisir de partager une bière dans un bar de la Corniche, que tenait un chrétien grec. Mais je ne saurais jamais si c’était cet endroit ou l’eau que j’avais préalablement partagée avec mes deux amis…toujours est-il que, depuis, j’ai la dysenterie ; au moins, cela me fait un point commun avec Saint Louis.

 

Vivre à Alexandrie demande de l’adaptation, mais cela peut n’être pas si difficile, car tous cohabitent sans soucis ; mais je sens, à chaque fois que je rencontre des chrétiens, que le bel équilibre confessionnel de l’Egypte est encore instable.

 

 

Être  chrétien  en  Alexandrie

 

…Cela, je ne vais pas vous le dire ; je vais vous le raconter, par deux histoires : l’histoire du cimetière copte , et l’anecdote de la rue Saint-Nicolas.

 

Le cimetière copte

 

Il y a quelques temps, sortant d’une messe de semaine que j’avais partagée avec les sœurs de Sainte Jeanne Antide, j’ai décidé de rentrer dans un cimetière copte. L’endroit, gardé par des militaires (comme souvent les édifices chrétiens ici) ressemblait à une place forte, avec ses hauts murs blancs. Je n’avais pas mes papiers sur moi… mais j’avais le t-shirt « Œuvre d’Orient » qui m’a servi de passeport devant ce soldat, très probablement chrétien. Ce cimetière est très différent de ce que l’on trouve généralement en Occident : par manque de place, les tombes y sont empilées les unes sur les autres, comme en Galice, formant des tours et des murailles d’au moins cinq mètres. C’était vendredi, et beaucoup d’égyptiens y entretenaient leurs morts ; le vendredi fait office de dimanche pour les coptes… en terre d’islam, l’on travaille le dimanche. J’ai donc pu assiste, dans l’église du cimetière, à un peu d’une de leurs messe (leurs offices durent plusieurs heures) après avoir montré patte blanche une seconde fois, Et en passant le rideau qui faisait office de porte, j’ai pénétré un court instant dans un nuage d’encens, et une bulle de couleurs vives. Les psalmodies coptes, reliquat d’une des plus anciennes langues du monde, résonnaient, gutturales et lancinantes, sur les murs peints.

 

C’est alors qu’un vieil homme, m’a abordé du dehors. J’ai compris qu’il me demandait si j’étais catholique ou protestant. Je lui ai répondu en lui montrant la croix de Jérusalem sur mon t-shirt. Il a souri, a embrassé sa main, l’a posé sur la croix, puis m’a montré l’intérieur de son poignet droit… En souriant, il m’a murmurée « orthodoxe »… Son poignet était tatoué d’une belle croix noire. Il faut savoir que le tatouage dans le poignet est une tradition copte : bien que discriminés, persécutés, et quelquefois martyrisés, les coptes ne se cachent pas. Le vieux copte m’a alors dit « Inguélésia », en m’invitant à le suivre. J’ai donc sillonné au milieu du labyrinthe de tombes -enjambant des tas de sable et de gravats de béton- et je fus amené à un muret. L’on pouvait y voir, au loin, un cimetière de militaires britanniques, tombés au champ d’honneur de la première guerre mondiale.

 

C’était très surprenant de voir cela, surprenant doublement ; d’une part parce que c’était des tombes militaires, bien rangées au milieu de cet Orient si hétéroclite… d’autre part parce que c’était un immense carré de verdure, que nul n’aurait pu croire exister, entouré de tous ces blocs de bétons gris et beige. Alexandrie est en effet une ville où les endroits verdoyants, rares, sont toujours payants ; à part la mer qui se confond avec le ciel lorsque le jour se dérobe à la nuit, tout y est gris et beige. Les voitures, mêmes, sont souvent recouvertes d’une housse grisâtre qui les protège de la poussière et du sable du proche désert.

 

La rue Saint-Nicolas

 

Il y a peu, en rentrant de la messe franciscaine (francophone), j‘ai fait un détour par une rue sablonneuse, que les locaux avaient nommée rue Saint-Nicolas. J’étais intrigué. Intrigué par le nom chrétien cette rue, en ce dar-el-islam que le muezzin me rappelle toutes les nuits. Intrigué par le possible vestige d’un passé cosmopolite que je pourrais y découvrir. Cette ruelle, décorée par une haie d’honneur de guirlandes plastifiées, accrochées çà et là aux fils électriques, avait l’odeur indéfinissable des petites rues alexandrines, mélange épicé de sueur, de gasoil, et de sable chaud.

 

A son bout, à deux pas de la méditerranée et de ses plages courtes et gris-béton, il y avait un de ces chantiers dont Alexandrie a le secret… Il faut dire que le sous-sol de ce qui fut la capitale du dernier grand royaume d’Egypte regorge, par strates, d’Histoire, ces histoires que seuls les conteurs, archéologues et poètes, peuvent montrer. Qui, à part eux, pourrait rappeler que le tombeau du plus extraordinaire conquérant de tous les temps, Alexandre le grand, doit se cacher ici, sous les obscures fondations d’un gratte-ciel ou d’une mosquée ? Hélas en effet, l’Alexandrie moderne recouvre son passé par un béton sans âme, béton clair que le vent recouvre, le temps des travaux, par des bouteilles et des sacs plastiques vides. Les égyptologues ont donc dû s’adapter, et procèdent, m’a-t-on dit, à des « fouilles d’urgence »… L’on croirait à un oxymore : les auparavant patientes et minutieuses fouilles archéologiques doivent maintenant, par la force des choses, fouiner en accéléré. Elles ne durent même que quelques nuits, avant que le béton ne rescelle, pour quelques décennies, ses trésors deux fois enfouis.

 

Dans cette rue étroite, étoilée de paraboles, je fus attiré par une tractopelle abandonnée. L’outil de démolition avait attaqué un mur, et commençait, monstrueuse taupe ferrailleuse, à s’engouffrer dans les débris blancs qui jonchaient le sol en désordre…Ce mur, c’était celui d’une église… C’était l’église Saint-Nicolas. Et la petite croix grecque qui coiffait le rond de son dôme y vivait ses dernières heures ; bientôt arrachée et avalée par l’infernale machine, qui la broierai sous des gravats. Mais son reflet rouillé, brûlé par le soleil, lui donnait encore une vague couleur de blé mur.
…Seuls maintenant ceux qui se sont mariés dans cette église, seuls ceux qui y auront baptisés un enfant pourront s’en souvenir… Mais cela suffit, amplement. ; car il faut se souvenir de ce qui fut beau, quand bien même cela n’est plus.

 

 

Vous rappelez vous Le Petit Prince ? lorsque celui-ci, aux cheveux couleur blé, doit hélas quitter pour toujours son ami le renard…

 

 

…« J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé ».
SAINT-EXUPERY, Le petit Prince, 1943.

Liban : Témoignages de l’école et institution sociale Saint Vincent de Paul à Baabda

Depuis 2016, l’Œuvre d’Orient contribue au financement de l’école et institution sociale Saint Vincent de Paul, sous l’ordre des Sœurs de la Charité de Besançon, située dans la ville de Baabda, au Liban. Cette école, qui est au service d’une population appauvrie par la guerre, a ouvert un département pour les élèves nécessitant une éducation spécialisée. Ce service est coûteux et des aides sociales sont également accordées, par l’école, à plus de 300 élèves. L’école a donc sollicité un soutien financier pour la scolarité de quelques élèves de ce service spécialisé afin que même ces derniers aient aussi accès à une éducation.

 

Une enseignante, des parents et un élève suivant les cours du service spécialisé témoignent sur ce département offrant une éducation spécialisée.


 

Témoignage d’une enseignante de français de EB1 (CP)

 

«  Notre école ne cesse jamais de nous épater ! Et voilà encore une fois qu’elle prouve « son choix des plus petits », sa mission éducative et ses valeurs humaines. En effet il y a 4 ans, elle a inauguré un département de services spécialisés pour les enfants en difficulté. Elle avait la certitude que tout le monde a le droit de réussir sa vie. En effet beaucoup d’enfants reçoivent une éducation adaptée, et s’intègrent dans une société qui leur était autrefois hostile. Grand merci à notre chère école. »

 

 

Témoignage d’un élève présentant un  déficit visuel en classe de 3ème 

 

« Je suis à l’aise à l’école des Sœurs de la Charité de Besançon à Baabda  et j’ai trouvé des personnes merveilleuses et attentives à tout ce dont j’ai besoin. Mes camarades m’entourent comme s’ils étaient mes frères et mes sœurs en m’enregistrant l’explication des enseignants, m’accompagnant dans tous mes déplacement, etc…

J’ai senti que j’étais l’ami des adultes et des élèves qui ne cessent de m’encourager.

Je remercie le Seigneur d’avoir été planté dans un jardin formidable où je me sens aimé tel que je suis. »

 

Témoignage de parents dont l’enfant est bénéficiaire du département de services spécialisés depuis 4 ans

 

« Notre fils Ali, 8 ans, est né avec une malformation des os du crâne ; « la craniosténose». Lorsqu’il était bébé il réagissait peu ou de manière inadaptée aux situations. Etant notre premier enfant, on n’a pas pu discerner directement les différences ou les retards au niveau du comportement.

 

Sa première année scolaire fut un désastre, mais en le comparant à ses camarades de classe, on a pu remarquer ses retards sur plusieurs plans : répétitions des mots, pas de dialogue soutenu, manque de concentration, problèmes psychomoteurs, etc… En somme, après plusieurs bilans, un léger retard mental est décelé dû à sa maladie.

 

Dès lors Ali a été pris en charge par le service spécialisé composé de psychomotricienne, orthophoniste, orthopédagogue ainsi qu’une accompagnatrice permanente (une « auxiliaire scolaire » (shadow-teacher)).  Pour Ali et pour ses camarades qui ne peuvent suivre le rythme des autres élèves, le conseil de direction à l’école de nos chères Sœurs de la Charité a inauguré le programme d’inclusion au sein de leur établissement. Nous avons découvert via le groupe de spécialistes le côté humain et bienveillant envers le handicap, une compréhension totale et une écoute très chaleureuse des parents. Le département de services spécialisés et le cycle préscolaire qui accueille mon fils en moyenne section sont composés de personnes formidables, professionnelles et attentives à chaque élève. Ce qui me touche c’est que Ali ne soit pas perçu comme un « alien» par les autres enfants. Tous aiment et acceptent Ali. Nous pouvons affirmer que notre école fait tout pour mettre en œuvre sa première mission qui est d’apprendre à la nouvelle génération d’accepter la différence et de la considérer comme une richesse.

 

Nous nous sommes très vite rendus compte que les méthodes utilisées sont efficaces et savent motiver et impliquer Ali afin qu’il progresse dans son apprentissage. Ali s’assoit et se concentre plus longtemps, il reconnait quelques lettres, les couleurs, les formes ; il assemble ce qui se ressemble. Il est très épanoui et beaucoup plus stable malgré que le chemin à faire soit encore long. Le plus beau des cadeaux est de constater que notre enfant, malgré son entêtement, est épanoui et fait des progrès.

 

Nous tenons à remercier tout particulièrement Sœur Marie Rached qui a permis à ce service de naître au sein de son établissement et qui a mobilisé un département rien que pour nos enfants appelés «  différents ». Egalement un grand merci à Mlle Carla Chedid responsable de ce service et toutes les éducatrices et à toute l’équipe sans qui Ali n’aurait pas fait tous ces progrès. Votre but est de donner à nos enfants tous les moyens d’être le plus autonomes et plus épanoui, le mot « merci » est même trop faible. Bonne continuation. »