• Actualités

[ETHIOPIE] Le témoignage de Jean-Désiré : "La pose de la croix sur le faîte du bâtiment a été un moment délicat et très symbolique !"

Jean-Désiré, 22 ans, ingénieur de formation, est en Éthiopie pour 6 mois afin d’aider les Frères de Saint Jean en supervisant le chantier de la chapelle de la communauté. 


Les Éthiopiens

Les Éthiopiens ont un tempérament très ouvert. Ils dévisagent et appellent « Farenji ! » (« étranger » en amharique) tous les étrangers qu’ils croisent, mais ils cherchent toujours à savoir si l’on a besoin d’aide. Leur physique caractéristique résulte d’un métissage entre habitants de l’Afrique subsaharienne et de la péninsule arabique. Beaucoup ne se considèrent d’ailleurs pas comme Africains. La langue vernaculaire est l’amharique, une langue qui a les mêmes racines que l’arabe et l’hébreu, et presque tous les Éthiopiens parlent anglais, qui est la langue de l’administration. Je me suis donc mis à l’amharique.

Le prieuré

La Communauté des Frères de Saint Jean qui m’accueille est composée de huit frères : trois prêtres français, trois Éthiopiens, un Togolais et un Camerounais, ainsi que de deux postulants éthiopiens. Leur accueil et leur bienveillance sont remarquables. Ils parlent tous français ou anglais, la communication ne pose donc pas de problème. Deux autres volontaires français, Gauthier et Constance, sont présents depuis mars et m’aident à prendre en main la mission et à découvrir la culture du pays.

Du fait de la crise sanitaire, j’ai dû subir deux semaines de quarantaine à mon arrivée au prieuré. Le nombre de cas de Covid-19 explosait à ce moment-là en Éthiopie, à la mi-août, mais les chiffres officiels semblent à présent en baisse. Le prieuré se trouve à flanc de montagne, à 2500 m d’altitude, entre la forêt du mont Entoto et les dernières habitations de la capitale. Il suffit de marcher 5 minutes pour se retrouver en pleine forêt. Le Centre est situé au milieu des habitations précaires du quartier, faites de terre, de tôles et de bouts de bois. Les bâtiments neufs et modernes des frères détonnent avec le reste du voisinage.

La météo est très variable du fait de la saison des pluies et de la localisation en montagne : un soleil rayonnant peut laisser la place en l’espace de deux heures à des pluies torrentielles, voire à de la grêle. Il faut donc profiter de chaque minute de beau temps ! L’électricité est toute aussi capricieuse et les coupures de courant longues et fréquentes. Nous disposons heureusement d’un générateur indépendant pour alimenter le chantier si besoin.

Le chantier

Le chantier de la chapelle avance bien malgré la pluie. Toute la structure des murs en béton ainsi que l’armature métallique du toit étaient réalisées à mon arrivée. Les étapes suivantes ont été la finition du toit et la réalisation d’un mur de soutènement pour délimiter le terrain des frères de celui du voisin. La pose de la croix sur le faîte du bâtiment a été un moment délicat et très symbolique !

La chapelle est hexagonale, qui est la forme des églises orientales. Les méthodes de travail sont rudimentaires mais les ouvriers font preuve d’une inventivité et d’une débrouillardise étonnantes pour faire avec les moyens du bord. Ils ont parfois tendance à réaliser le travail le plus vite possible au détriment de la qualité. Ma mission sur le chantier consiste pour l’instant à superviser leur travail pour s’assurer qu’il soit bien fait et que les ouvriers disposent de l’électricité et de l’eau nécessaire. Un artiste vitrailliste de Chartres est arrivé pour quelques semaines afin de concevoir des vitraux en harmonie avec la culture locale et étudier quelles méthodes de fabrication peuvent être réalisées sur place.

Le quartier de Shero Meda

On descend de la montagne pour la ville à pied ou en prenant une navette. Il n’existe pas de circuit officiel avec des arrêts définis : le coéquipier du conducteur hèle les passants qu’ils croisent en criant la destination et les passagers prennent le minibus en cours de route. On peut s’entasser à vingt dans ces petits véhicules d’une douzaine de places, mais l’épidémie du Covid-19 a conduit le gouvernement à diviser par deux le nombre de places autorisées.

On arrive en bas de la montagne au carrefour de Shero Meda. C’est le quartier du tissu artisanal. Des dizaines de petites boutiques de vêtements traditionnels se succèdent dans un dédale sans aucun ordre précis. Elles se ressemblent toutes et semblent vendre les mêmes articles à première vue, mais lorsque l’on s’y intéresse de plus près, on s’aperçoit que chaque motif est différent et original. Les usines de manufacture se trouvent directement en face des boutiques. Aucun prix n’est affiché, donc tout se négocie. Pour un « Farenji » comme moi, il faut commencer par répéter « Abesha price » (« prix d’Éthiopien ») et ensuite critiquer le prix jusqu’à obtenir un tarif satisfaisant. Un article peut ainsi s’acheter au 2/3 de la valeur annoncée initialement.

Le prix sera de toute façon dérisoire pour un Européen : la monnaie locale, le birr, s’élève à environ 43 birr pour 1 € (en septembre 2020). Le taux de change de l’euro par rapport au birr a doublé en 10 ans. Un repas dans un restaurant bon marché coûtera 100 birr (2.30 €), une bière en bouteille 20 birr (moins de 0.50 €) et une écharpe au motif unique, tissée à la main, pourra s’acheter 400 birr seulement (moins de 10 €). Les ouvriers sur le chantier vivent au jour le jour, et le salaire quotidien, entre 70 et 80 birr (autour de 1,70€), leur permet de s’acheter à manger le jour suivant.