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Les prêtres : sans eux, l’Église au Moyen-Orient mourrait !  

Dans un Moyen-Orient meurtri, de nombreux chrétiens s’interrogent : partir ou rester ? Le rôle des évêques, des prêtres, des religieux et religieuses est déterminant. Avec amour et charité, ils doivent trouver les mots, les solutions pour redonner l’espérance, montrer qu’un avenir est encore possible.


Impossible d’imaginer le Liban, la Syrie, l’Irak… sans chrétiens, c’est la terre des origines du christianisme. Leur maintien est « un enjeu de civilisation » selon le Pape François. Véritables chefs de leur communauté, ils doivent être à la fois confesseurs, bâtisseurs, assistants sociaux… L’éducation, l’aide sociale, le dialogue, la pastorale sont leurs outils. Ils travaillent ainsi pour la paix et la réconciliation.

Sans ressources propres, ces prêtres ont besoin de notre générosité, de nos intentions de messes pour vivre dignement leur ministère et continuer à porter l’Évangile auprès de tous. Soutenir la formation des séminaristes est indispensable. Offrir des bourses pour permettre aux plus brillants de poursuivre des études de théologie, philosophie , droit canonique ; beaucoup deviendront évêques et même patriarches pour certains.


SUR LE TERRAIN

L’exemple des prêtres irakiens

Lors de l’invasion de l’Irak par Daesh, les prêtres irakiens sont restés aux côtés de leur fidèles, fuyant sur les routes avec eux, partageant pour certains leur vie dans les camps. En 2017, le père Emmanuel à Mossoul ou Mgr Moshe à Qaraqosh sont les premiers à être revenus dans les villes libérées. Leur exemple a convaincu leurs fidèles, parfois réticents, à revenir chez eux. 5 ans après la libération de la plaine de Ninive, à l’image de Mgr Mirkis et de Mgr Shabi que nous vous présentons ici, le rôle des prêtres reste essentiel dans une communauté tant de fois éprouvée.


MGR YOUSIF THOMAS MIRKIS

Un archevêque visionnaire

Lorsqu’il a été nommé évêque du diocèse chaldéen de Kirkouk et Souleymaniyeh, en janvier 2014, Monseigneur Yousif Thomas Mirkis confie qu’il n’était pas préparé. « J’étais religieux, dominicain, journaliste, éditeur ; je dirigeai la revue Pensée chrétienne. J’ai eu besoin d’un an pour apprendre le métier d’évêque. »  Son diocèse à la particularité d’être à fois au Kurdistan irakien (pour Souleymaniyeh) et sur l’Etat fédéral irakien (pour Kirkouk) dans une région à grande majorité musulmane puisque les chrétiens ne sont qu’1 %. Nous avons 6 églises et 6 prêtres, 2 à Souleymaniyeh, 4 à Kirkuk, et 5 diacres.  Nous sommes donc une petite communauté »

L’hospitalité

En 2014, Daesh envahi Mossoul et la Plaine de Ninive. Mgr Mirkis décide de faire venir les étudiants à l’université de Kirkouk « Vous, l’Œuvre d’Orient, avec L’Eglise de France, êtes allés au-delà de mes attentes. Au départ j’ai reçu 400 étudiants, puis 700, puis 1000 ! La moitié n’étaient pas chrétiens, il y avait de nombreux de yézédis, de sunnites, des chites aussi. Ils ont appris à se connaitre les uns les autres, à se respecter. A présent, ils ont trouvé du travail. Ils sont reconnaissants parce que nous les avons aidés et aimés. Nous essayons d’inculquer à la nouvelle génération que l’appartenance à l’Eglise n’est pas cérébrale. L’hospitalité joue à ce titre un rôle essentiel. Ce que je vous raconte, c’est tout ce que les médias ne voient pas.  Comme ces réalités de tendresse et de reconnaissance.  Et de pitié.

La miséricorde

Mgr Mirkis met quotidiennement en pratique la devise qu’il a choisie pour son épiscopat : Miséricorde. C’est d’ailleurs le nom que porte la maison d’accueil pour malades d’Alzheimer et autistes – « la seule de tout le Proche-Orient », dit-il avec fierté – qui ouvrira bientôt ses portes à Souleymanieh. « Ceux que personne ne veut, qu’ils viennent ici. C’est un vrai défi d’accompagner les malades d’Alzheimer ». Pour faire tourner la maison, des médecins, des infirmières, mais aussi des religieuses indiennes du Kerala,  de la CMC (Congregation of Mother of Carmel), qui ont « profité » des 2 années de COVID pour apprendre l’arabe et le kurde avant de prendre soin des gens.

La responsabilité

Le mantra de Mgr Mirkis est d’ : « ancrer le diocèse dans les générations à venir ». Ainsi, suivant la ligne de Laudato Si, il plante 2000 arbres dans le centre de Kirkuk, 1000 à Souleymanieh et creuse des puits pour l’arrosage, avec une ONG locale. Aujourd’hui il projette d’équiper les écoles et églises du diocèse de panneaux solaires : « On dépense 10 000 € par mois juste pour pallier aux coupures d’électricité de nos 6 églises, on économisera la moitié », et aussi 10 maisons grâce au micro-crédit, persuadé que « le mimétisme fait des miracles » et que les notables locaux lui emboiteront le pas. « Oui je pallie aux défaillances de l’Etat, mais c’est aussi une manière de de dire aux jeunes, si vous ne vous bougez pas, personne ne le fera pour vous, c’est à vous de prendre vos responsabilités »

Le rôle de l’évêque

Pour Mgr Mirkis, l’évêque ne doit pas se placer au-dessus des prêtres, « mais s’intéresser à la périphérie, mettre de l’huile dans les rouages, défendre la citoyenneté, il est « la devanture » des chrétiens. Le rôle des diacres, des laïcs est essentiel ; ils rapportent à l’évêque les vrais problèmes de la société. Ainsi, avec les prêtres, il peut dessiner l’avenir du diocèse. »

Rien n’arrête, Mgr Yousif Mirkis. Si face aux problèmes « Dieu pourvoira », il ne manque jamais, d’évoquer son immense gratitude envers les donateurs de l’Œuvre d’Orient. « Vous me soutenez dans tous mes projets, avec vous, je peux construire ce nouvel Irak, où les chrétiens auront envie de rester. Et de conclure par un proverbe arabe : « les voyages de 1000 km commencent avec un seul pas ». 


MGR FELIX SHABI

La foi des montagnes

Mgr Félix Shabi est évêque chaldéen du diocèse de Zakho au Kurdistan irakien depuis 2020. Après avoir servi près de 20 ans aux États-Unis, il revient dans son diocèse d’origine où vivent 1500 familles chaldéennes, réparties dans 20 paroisses et 22 églises.

Son diocèse borde la Turquie, donc régulièrement la cible des attaques turques contre des positions du PKK (comme celle du 2O juillet dernier qui a tué 9 civils dans une station touristique, tous des touristes). Cette situation géographique n’encourage pas les jeunes à rester.

De fait beaucoup partent en Turquie et au Liban, puis en Europe. En plus des problèmes sécuritaires « nous avons besoin de travail, d’électricité, d’infrastructures, nous raconte Mgr Felix. L’Eglise essaie avec les ONG présentes d’améliorer la vie des paroissiens, mais parfois je me sens si démuni. Une fois que les jeunes ont fini leurs études, ils ne trouvent pas de travail. En même temps la situation internationale nous oblige à ne pas trop demander ni à nous plaindre. Les plus âgés peuvent attendre, mais les jeunes non, ce sont eux ma principale préoccupation. En cela que l’aide de l’Œuvre d’Orient, pour les messes notamment est précieuse. La foi a pu s’émousser dans les camps, pendant ces trois années d’occupation de Daesh. Mais elle est revenue. La foi, elle aussi a parfois besoin de congé, ajoute-t-il dans un sourire, mais quand elle est revient, elle est d’autant plus forte. »


Article extrait de la lettre d’information Toussaint, consultez-là intégralement ici :