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[LIBAN] Le témoignage de Louis-Marie : "Ce que je vis à Anta Akhi, c’est l’expérience du bonheur, de la joie et de la fraternité pure".

Découvrez le journal de bord de Louis-Marie, 21 ans, moniteur spécialisé et volontaire à Anta Akhi auprès de personnes handicapées.


L’avant mission

J’entends le son de la vie autour de moi, des moteurs de voiture qui passent çà et là dans la ruelle. Un bourdonnement de soufflerie tourne perpétuellement entre notre immeuble et ceux des voisins. Face à moi, des Libanais s’attellent à la construction du dernier étage d’un des innombrables immeubles qui couvrent la montagne. Les environnements visuels et sonores sont atypiques, mais pas pour un pays du Proche Orient.

Comme tout arrivant dans un nouvel environnement, je suis déboussolé. Je regarde partout, j’écoute tout, bref j’acclimate mes sens. Je me suis installé dans une chambre très sympa, où je me suis tout de suite senti chez moi. Cette petite chambre très lumineuse donne une superbe vue sur la montagne, j’ai parfaitement conscience de ma chance, je vous l’assure. Les 3 premières nuits que j’ai passées ici ont été très agréables et reposantes, j’en avais grand besoin. Effectivement, je suis arrivé déjà bien fatigué nerveusement, et toute cette fameuse acclimatation demande beaucoup d’énergie.

Aller, rentrons dans le vif du sujet ! Anta Akhi ! Cet endroit est incroyable. Je suis dans « un foyer de Tendresse ». Un lieu où amour, partage, dignité, fraternité et joie sont les principes directeurs. À mon arrivé, j’ai rencontré beaucoup de gens, pleins de prénoms nouveaux que je m’exerce tous les jours à retenir. Tout le monde semblait heureux de nous rencontrer, de savoir qu’on passerait un bout de vie ensemble, à partager des moments remplis de lumière. Pour le moment ce bonheur très présent, je l’observe plus que je n’y participe, à mon grand regret. Nous sommes tous victimes de la situation sanitaire, et notre devoir est de protéger nos frères et sœurs, surtout les plus fragiles, donc me voilà confiné dans ma chambre, attendant de pouvoir passer à l’action.

En attendant, je discute avec les personnes qui travaillent au bon fonctionnement de la maison, ceux qui accompagnent, ceux qui organisent et ceux qui demandent. Nous sommes dans une famille, et comme dans une famille, tout le monde met son grain de sel là où il est nécessaire, même s’il n’a pas été engagé pour ça à l’origine. Je bouillonne d’impatience de pouvoir mettre le mien ! Juste au-dessus, j’ai dit ceux qui « demandent », je pense que ça vaut le coup de préciser que Anta Akhi ne reçoit pas d’aide de l’Etat, c’est eux qui trouvent l’argent, les denrées et les équipements dont ils ont besoin au quotidien pour subvenir au collectif et ses spécificités liées aux différents handicaps. J’ai trouvé ça surréaliste, j’avoue, car la bâtisse est immense et le personnel nombreux. Donc plusieurs bureaux sont chargés de solliciter des entreprises et associations pour recevoir des aides matérielles et/ou financières. C’est un poste essentiel pour que la maison puisse tourner sans manque. J’en profite donc pour vous remercier pour vos dons qui sont plus que les bienvenus en ce lieu.

Anta Akhi !

Aujourd’hui, Edith et moi sommes attendus au dépôt. Edith c’est la volontaire qui est arrivée en même temps que moi, nous avons la même mission à Anta Akhi. Nous ne pouvons toujours pas être en contact avec les personnes handicapées, ici on les appelle « les jeunes » même s’il pour la plupart ils sont bien plus âgés que moi. Du coup pour nous rendre utiles nous avons passé la journée à aider Charly à préparer des lots alimentaires pour des familles en difficulté financière. En fait Anta Akhi reçoit beaucoup de dons en nature de la part des particuliers et parfois d’entreprises. Étant donné l’immense solidarité des Libanais, nous avons un stock important que nous redistribuons à ceux qui en ont le besoin. C’est assez impressionnant, Charly nous a fait part de ses inquiétudes face à la situation économique du pays où la corruption ne cesse de détériorer le système économique… « Où va notre argent ? Où ? » . Pourtant, même avec un très faible pouvoir d’achat, un taux de chômage important et des salaires insuffisants, les Libanais donnent à leurs frères.

Avant la pause de midi, nous avons assisté à la messe en arabe, et encore une fois nos frères et sœurs ne nous laissent pas de côté la moindre seconde. C’est la deuxième messe que nous faisons ici et il y a toujours quelqu’un à se porter volontaire pour nous traduire l’homélie. La messe est faite dans l’enceinte de Anta Akhi, là-bas les normes d’accessibilités pour les Personnes à Mobilité Réduite ce n’est pas de la tarte, donc on s’en sort très bien avec la messe à domicile. En plus, nous avons la chance d’avoir une chapelle avec le Saint Sacrement, elle est entre ma chambre et la salle à manger, alors soyez sur de ma prière ! Je vous parlerai prochainement de la formation existentielle, qui est le pilier de l’accompagnement ici. Je vous mets l’eau à la bouche, et puis j’ai surtout envie de vous dire les choses au plus juste, donc de prendre le temps de bien découvrir tout cela.

Premiers pas dans la « Maison de Tendresse »

Yallah ! Hier, j’ai commencé à accompagner les personnes dans leur quotidien, enfin ! Ca fait de bien de pouvoir être en contact avec les jeunes. Il a fallu être patient, mais c’est parti, je suis lancé et bien content de pouvoir mettre la main à la pâte dans cette grande Maison de Tendresse. La matinée s’est ponctuée par le levé des jeunes, leur petit-déjeuner et leur toilette. Ensuite, notre groupe s’est réuni pour un atelier de discussion sur le thème de Noël, la manière dont nous préparons nos cœurs et la joie que nous donne la fête de la naissance de Jésus. Encore une fois un des accompagnateurs nous a gentiment traduit tout l’échange. Nous avons ensuite déjeuné avant d’accompagner les jeunes pour la sieste. Après s’être reposés, les jeunes prennent une collation avant de rejoindre la chapelle d’Anta Akhi pour le chapelet, me voilà donc en plein apprentissage du « Je vous salue Marie » en Libanais. Le chapelet est particulièrement touchant ici, et Anta Akhi porte une grande dévotion à Sainte Marie. Je vous partage la prière qui m’a profondément émue, elle est dite pendant le chapelet :

Ô Marie, Set El Beit,

Rein de l’impossible

Envoie-nous des personnes selon Ton cœur

Et les moyens pour les garder,

Pour que tu ne cesses de régner à Anta Akhi,

Sur nos cœurs, sur notre vie,

Pour qu’ensemble,

Nous puissions vivre en famille, Ta famille,

Témoins de l’amour de Ton fils, de Sa joie,

Et que tu puisses, à travers nous,

Révéler Jésus Ton Fils,

Ton Bien-Aimé.

Depuis notre arrivée, nous avons pu faire quelques visites et randonnées, nos hôtes sont fiers de nous montrer les lieux qui embellissent un pays déjà bien gâté par ses atouts naturels.

Fady nous a conduit à Faraya où se trouve la statue de St Charbel, Saint patron du Liban, la statue surplombe la vallée et veille sur ses habitants.

De surprises en surprises !

Après un merveilleux week end de découverte et de randonnée, j’entame une nouvelle semaine à Anta Akhi. Je commence à prendre gentiment mes marques dans la maison, notamment en sachant les prénoms de presque chacun ! Il faut savoir que les mêmes prénoms reviennent très souvent, surtout Elie, on en a 7 en tout ici, donc on les appels par leur prénom suivi de leur nom, sauf qu’on a aussi deux Elie Khoury ! Tiens je vais continuer sur les petites choses qui m’ont surpris au Liban, et qui me surprennent encore d’ailleurs !

 La conduite : Ici les panneaux de signalisation ont plus une utilité décorative qu’autre chose, sans parler des feux tricolores, je me demande s’ils ne font pas parti des déco de Noël.

 La pollution : Malheureusement, les Libanais sont très peu sensibilisés au recyclage et au respect de la nature avec l’utilisation de simples poubelles. Anta Akhi est très en avance par rapport à son pays à ce niveau.

St Charbel : Saint patron du Liban, St Charbel est énormément représenté avec des statuts et autres icônes, dans les rues, les voitures, les maisons etc…

L’amour du Liban : Les libanais aiment beaucoup leur pays, ils sont désespérés par ce qui s’y passe et par la corruption, mais ils aiment profondément leur pays et son histoire.

L’importance des soins : À Anta Akhi les personnes accueillies bénéficient de très bons soins. On est loin de ce qu’on peut entendre en France sur des établissements qui offrent la possibilité d’une toilette intégrale seulement hebdomadaire. Ici c’est « grand bain», un jour sur deux, sinon « petit bain » c’est-à-dire une toilette au gant.

Vous l’imaginez, j’ai le droit à une météo très clémente pour un mois de décembre, on avoisine les 20°C au soleil, mais quand la nuit tombe ou quand on monte en altitude, mieux vaut être couvert correctement, rien d’étonnant. En regardant par la fenêtre les piques montagneux, on aperçoit un beau manteau de neige, qui devrai s’étendre bientôt à toute la vallée.

Plus personnellement, ici, je m’ouvre à une vie de prière qui m’apporte énormément de bonheur. J’ai la chance d’avoir la présence du Saint Sacrement en permanence derrière le mur de ma chambre dans une belle petite chapelle ornée d’icônes de la petite Thérèse, Saint Charbel et la Sainte Famille. Son sol couvert de tapis d’orient et sa lumière est apaisante.

Les spécialités libanaises.

Le groupe des trois français que nous formons Lionel, Edith et moi ont été invité pour passer la nuit de Noël dans la famille de Mirna, une de nos collègues. Cette soirée était très belle, au cœur d’une famille pleine de joie et de rire. Ils nous ont sorti le grand jeu avec un karaoké en début de soirée. Tout le monde parlait bien français, surtout le petit Steven, qui refuse de parler arabe et parle uniquement français. Le petit bonhomme à 4 ans ! Les Libanais aiment beaucoup la France, d’ailleurs, j’ai appris que leur programme d’histoire géographie est le même qu’en France, j’ai encore du mal à y croire ! Cela leur permet de taire des questions polémiques vis-à-vis du point de vu des événements historiques, en revanche concernant la géographie, je trouve ça dommage. Ce qui est dommage aussi, c’est que la jeunesse Libanaise ne rêve que de quitter le Liban, ils n’ont pas espoir, et vu la situation politique et économique, c’est compréhensible.

Revenons en à la soirée : LE REPAS ! C’était très bon, nous avons eu la chance d’avoir de la viande, ce qui n’est pas vraiment fréquent au Liban. Roy le mari de Mirna nous a dévoilé sa recette du Toum, pour vous faire une idée, c’est plein d’huile. Des escargots ont agrémenté le dîner, accompagné d’un vin de château Libanais dont j’ai oublié le nom.

Après le succulent repas, nous avons pris un temps de prière autour de la crèche avant de rejoindre nos lits.

Première journée de cette nouvelle année, j’ai l’impression qu’elle est passée en une fraction de seconde. Nous sommes bien occupés ici, les jeunes sont demandeurs, et c’est très bien ainsi, ça veut dire qu’ils sont en confiance. Hier nous avons fait la fête, c’était un très bon moment de rire et de joie pour clôturer cette année difficile. Le bruit d’un nouveau confinement court, alors j’en profite pour visiter le pays au maximum et profiter de la beauté de ses paysages.

 

Je ne suis pas très inspiré ce soir, la fatigue des fêtes prend le dessus. J’aimerai que vous sachiez que ce que je vis à Anta Akhi, c’est l’expérience du bonheur, de la joie et de la fraternité pure. Je vous remercie pour vos pensées, prières et dons, qui nous permettent de continuer tous jours à faire vivre le Foyer de Tendresse. J’aimerais vous partager un témoignage qui m’a beaucoup ému, celui de Charly, un de mes collègues qui travaille au dépôt de fournitures et denrées alimentaires. Il racontait à Edith et moi à quel point la situation du Liban est catastrophique et comme lui en souffre. « Mais ici nous sommes sous la protection de la Vierge Marie, plusieurs fois nous aurions dû fermer nos portes définitivement, mais Marie vie à Anta Akhi avec nous, si elle venait à partir, nous fermerions les portes dès le lendemain. ». Les yeux de Charly étaient profonds et confiants, même au milieu du chao qui touche le Liban et chacun de ses habitants.

Merci de continuer à prier pour nos frères du proche Orient et à la réussite de ma mission.

Mes prières vous accompagnent. Je vous souhaite une belle et heureuse année 2021.

Louis-Marie.