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Prix littéraire de L’Œuvre d’Orient 2020 : questions – Réponses avec Tigrane Yégavian

Le jury de la 9ème édition du Prix littéraire de L’Œuvre d’Orient a attribué une mention spéciale à Tigrane Yégavian pour Minorités d’Orient, les oubliés de l’Histoire. A cette occasion, Tigrane Yégavian a accepté de répondre à nos questions.


Pourquoi avez-vous décidé d’écrire sur les chrétiens d’Orient ?

Tigrane Yégavian : Issu d’une famille de « chrétiens orientaux », je me passionne pour ce sujet depuis une dizaine d’années. Ce livre part d’une volonté de proposer une synthèse géopolitique critique sur le sujet. Il s’agissait pour moi de m’inscrire en faux contre la sempiternelle représentation victimaire des chrétiens orientaux, qui demeure hélas à ce jour le principal angle retenu par les médias. Déconstruire aussi le récit historique en vogue en Occident qui nous parle d’une France traditionnellement protectrice des chrétiens d’Orient et proposer un bilan critique sur les errements funestes des puissances européennes, qui naguère ont utilisé les minorités de la région comme relais d’influence. Proposer une autre version que celle présentée par les médias sur les Kurdes et leur rapport aux minorités d’Orient. Mais ce tableau serait resté incomplet s’il n’y avait pas une invitation à l’autocritique, une prise de conscience sur les errements funestes des élites chrétiennes de l’Empire ottoman à la veille du génocide de 1915 ou encore lors de la guerre du Liban.

Votre livre est dans la présélection du prix littéraire pour la description réaliste et le message d’espoir qu’il porte sur les chrétiens d’Orient : pourquoi a-t-il sa place dans ce prix ?

TY : Contrairement aux Cassandre convaincues que l’extinction « programmée » des chrétiens d’Orient est une question de temps, je souhaite lancer un message d’espérance. Plus concrètement, je veux croire au potentiel de la nouvelle diaspora des chrétiens orientaux qui commence à prendre forme à la faveur des réseaux transnationaux, des nouvelles technologies de l’information et de communication. Une nouvelle génération est appelée à jouer un rôle aussi bien au plan politique (via le militantisme, le lobbying…), que spirituel (via la formation d’un clergé détenteur d’une double culture). Mais restons lucide, si la majorité va s’assimiler il restera un noyau dur en diaspora (ultra fragmentée) qui portera le combat des chrétiens orientaux. Cette vision que je propose ne saurait être réaliste que si les chrétiens de la diaspora investissent le champ de l’éducation et modernisent le logiciel de la transmission de leur patrimoine dans le contexte occidental. Ils sont à l’évidence appelés à leur mission première qui est celle de témoigner de la résurrection du Christ.

En quoi un lecteur occidental peut-il être touché/intéressé par votre livre ?

TY : J’espère que les néophytes comme le public averti comprendront que mon propos s’adresse au plus grand nombre. Je pars du principe que la question des chrétiens orientaux n’est pas l’apanage de la droite catholique, mais que c’est une question qu’il nous faut appréhender dans l’angle de la défense des droits de l’homme et de la dignité humaine.

La bonne santé des minorités d’Orient constitue le baromètre de la démocratisation de ces sociétés. Mais les défis sont légion ; pris en étau entre l’enclume autoritaire et le marteau islamiste, ils doivent encore s’affranchir du poids de certaines traditions anachroniques et procéder à leur propre aggiornamento ; une façon d’accéder à la citoyenneté par le bas. Vaste chantier ! A ce triple défi vient se greffer celui posé par les millénaristes évangélistes, thuriféraires d’un grand Israël dans lequel les non-juifs n’ont pas leur place.