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[ROME] La canonisation de Charles de Foucauld

Une délégation de L’Œuvre d’Orient était présente à Rome à l’occasion de la canonisation de Charles de Foucauld, dimanche 15 mai 2022.

Par son parcours, son témoignage, sa vie donnée aux plus petits, Charles de Foucauld a eu une grande fécondité : de nombreuses communautés issues de sa spiritualité ont vu le jour après sa mort, comme Les petites sœurs de Nazareth à Dbayeh au Liban, Les Petites Sœurs de Jésus au Caire (Egypte) à Addis Abeba (Ethiopie) à Bagdad (Irak) à Mossoul (Irak) à Beyrouth (Liban) et à Alep (Syrie). L’Œuvre d’Orient s’efforce d’être à leurs côtés.

Vous trouverez ci-dessous la retranscription d’un témoignage oral de Mgr Pascal Gollnisch à l’occasion de cette canonisation qui revient sur les évènements fondateurs de la vie du désormais Saint Charles de Foucauld.


Une jeunesse dissipée 

Tandis que nous nous réjouissons de la canonisation de Charles de Foucauld, L’Œuvre d’Orient ne peut manquer de regarder d’abord ce qu’a été l’itinéraire personnel de cet homme, officier, Saint-Cyrien et bon vivant. Il a mené au début une vie éthique tout à fait discutable. Puis, il a été rattrapé peu à peu par une quête de Dieu. Cette quête spirituelle ne fut pas linéaire. Il a vécu des moments très fort de rencontres, de refondation surtout lorsqu’il est allé dans la paroisse parisienne de Saint-Augustin pour rencontrer un prêtre, l’abbé Huvelin, qui, au lieu de l’inviter à s’asseoir pour discuter, lui dit : « mettez-vous à genoux et confessez-vous ! ».

Il a cherché ensuite du côté des Trappistes à Notre-Dame des Neiges puis a voulu aller sur la terre de Jésus. Ainsi, sa quête de Dieu est-elle très vite devenue une rencontre de Jésus. La personne même de Jésus l’a habité. Lors de son séjour à Nazareth, il s’était proposé pour être jardinier mais la supérieure des Clarisses s’était bien rendu compte qu’il était animé par une quête spirituelle ? Par délicatesse, elle ne lui a rien dit.

Charles de Foucauld a développé un vrai amour pour le monde arabo-musulman. Pourquoi a-t-il tant aimé ce monde ? Sans doute parce qu’il y puisait une soif de Dieu, certes pas du Dieu de Jésus-Christ mais une soif de Dieu. De tout cela, il a mis du temps à s’en rendre compte.

Voyage au Maroc et cheminement spirituel 

Son voyage au Maroc, où il s’est rendu déguisé en Juif parce que les Européens n’avaient pas le droit d’arpenter le Maroc, et accompagné par le rabbin Mardochée Aby Serour, a été une vraie exploration. Le talent d’explorateur de Charles de Foucauld, tout son savoir-faire d’officier, a été mis au profit de cette mission. Il va avoir un rôle tout à fait impressionnant d’exploration culturelle dans la culture Touareg.

Son amour pour le désert, le Sahara, c’est un peu comme l’océan pour les marins : on est finalement seul entre la terre et le ciel donc il est difficile de ne pas être face à Dieu. Ce face à face, à la fois souhaitable et redoutable, n’est pas toujours limpide et apaisant. Dans ce Sahara, Charles de Foucauld a creusé encore davantage cette soif de Dieu qui l’habitait. Il a rencontré Jésus et éprouvé le désir de dire la messe. En effet, il avait été ordonné prêtre mais ne pouvait célébrer la messe car, à l’époque, un prêtre n’avait pas le droit de célébrer seul ; il fallait qu’il y ait au moins un servant de messe. Puisqu’il était le seul chrétien à Tamanrasset, il a fallu un indult, une décision particulière de Rome, une exception, pour célébrer la messe. Un de ses amis, officier français, lui a apporté l’autorisation de Rome et cela a été pour lui une joie très profonde de pouvoir célébrer la messe et de pouvoir garder, dans sa petite maison de Tamanrasset, le Saint-Sacrement dans lequel il s’est nourri spirituellement.

La rencontre avec les Touaregs a été décisive. Là aussi, avec toute sa culture familiale, militaire, il va leur apporter ce qui est à ses yeux la civilisation, la culture française et la foi chrétienne. La conversion de Tamanrasset sera une découverte : celle que ces hommes portent de véritables richesses humaines et spirituelles même s’ils ne sont pas chrétiens et que leur devenir chrétien est l’action de Dieu, pas simplement l’action d’une planification pastorale (comme si on voulait entrer dans un marché et convaincre par des méthodes publicitaires des clients d’acheter la marchandise). La conversion est d’abord l’œuvre de Dieu et, donc, il est clair pour Charles de Foucauld qu’en se faisant l’ami, le frère universel de tous, il pouvait éveiller le goût de la vie chrétienne pour ceux qui ne connaissaient pas le Christ et leur curiosité sur ce qu’est la vie chrétienne, et puis, d’un autre côté, prier pour ces hommes et ces femmes.

L’expérience de la fraternité

Durant l’année 1908, à Tamanrasset où il était seul, vivaient aux alentours des gens qui cultivaient la terre. Au cours des mois, Charles de Foucauld tombe malade, en proie à une très grave fièvre. Il manque de mourir. Incapable de se lever, ce sont les Touaregs qui l’ont soutenu, ce sont les Touaregs qui lui ont apporté à boire et à manger car il n’était plus autonome. La chaleur et leurs remèdes l’ont soigné et lui ont permis de ne pas mourir. L’un des officiers français, à plusieurs centaines de kilomètres de là, inquiet de ne pas avoir de ses nouvelles, a pensé qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Il envoie des militaires pour prendre de ses nouvelles. Lorsqu’ils arrivent, Charles de Foucauld allait déjà beaucoup mieux.

À cette occasion, Charles de Foucauld a fait l’expérience de recevoir : « Je croyais être celui qui devait tout donner à des gens dont j’imaginais qu’ils n’avaient rien à donner. J’ai dû apprendre à être celui qui lui aussi reçoit de la part de gens qui avaient aussi à donner. » Il y a eu, là, un bouleversement très profond de Charles de Foucauld qui continuera son chemin vers Dieu.

La mort de Charles de Foucauld et son héritage

Le père de Foucauld part ensuite à l’Assekrem (il n’a pas toujours été très réaliste dans son élan missionnaire et spirituel,) ce lieu extraordinaire qui a très profondément marqué tous ceux qui y sont allés. C’est au moment où la Seconde Guerre mondiale éclate. Les choses sont tendues. Il va imaginer là un petit fortin de défenses avec les règles militaires qu’il a pu apprendre à Saint-Cyr mais il va y être pris par ruse et assassiné. On ne sait pas très bien comment les choses se sont passées. On raconte que les gens voulaient simplement le kidnapper, qu’il y a eu une espèce de précipitation. Les gens ont eu peur et, finalement, un coup de feu est parti et l’a tué. Il s’est donc enfoui dans cette terre du Sahara ; le fortin existe toujours, le trou dans le mur de la balle qui l’a tué est toujours là. Cette trace garde le souvenir du père de Foucauld au milieu de ce peuple musulman qui est là, à Tamanrasset, et qui, parfois, ne connait pas bien cette histoire. Il y a là toute une histoire d’enfouissement très impressionnante. Mais le blé tombé en terre porte des fruits : c’est le deuxième aspect de tout ce rayonnement par la convergence d’un écrivain qui a écrit sur lui, de femmes et d’hommes remarquables notamment petite sœur Madeleine, et d’ailleurs une fécondité de la famille du père de Foucauld, plusieurs communautés religieuses dont les Petites Sœurs de Jésus et aussi des comités d’hommes, les frères du Père de Foucauld qui portent finalement cette présence, souvent en terre d’islam mais pas exclusivement.

Bien sûr, nous pouvons souhaiter que ces musulmans découvrent le Christ et le rencontrent mais il y a quelque chose de plus fort que cela : c’est que le Christ aille jusqu’à eux, les aime, dans ce mouvement d’amour qui vient du Christ : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi mais c’est moi qui vous ai choisis ». C’est ce choix de Dieu, cette proximité de Dieu vers ces hommes dont la famille de Foucauld essaie d’être à la fois les serviteurs et les témoins. C’est une famille religieuse très ancrée dans la prière mais aussi dans la présence évangélique dans l’attente de l’éventuelle action de Dieu pour ouvrir les cœurs à la découverte du Christ.

Charles de Foucauld : une incarnation pour le dialogue islamo-chrétien

Ainsi, cette canonisation touche forcément L’Œuvre d’Orient parce que nous savons bien que beaucoup de chrétiens d’Orient, pas tous, mais beaucoup, vivent dans des sociétés à majorité musulmane, parfois dans des coexistences difficiles, parfois dans la discrimination, parfois dans des violences ponctuelles comme celle qui a frappé le père de Foucauld, parfois dans des persécutions comme plus récemment avec Daech. Ce monde musulman est divers, dans la recherche du sens, de sa densité spirituelle, de sa quête de Dieu. Alors, la présence de la famille du père de Foucauld, qui est humble, discrète, parfois fragile si on la regarde avec des yeux humains avec une analyse d’efficacité, est extrêmement puissante pour cette rencontre des musulmans et des chrétiens.

La canonisation du père de Foucauld ne peut que nous toucher très profondément. Moi-même, avant d’être à L’Œuvre d’Orient, je suis allé souvent à Tamanrasset et l’Assekrem. Ce sont des lieux dont on ne revient pas indemne. Il y a quelques lieux comme ça dans le monde comme le Mont Sinaï par exemple. Nous prions donc à l’occasion de cette canonisation du frère Charles, pour toute cette famille spirituelle si féconde, et pour tout ce monde musulman au milieu duquel elle se trouve.

Mgr Pascal Gollnisch