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Syrie, Ukraine, Roumanie, le souci du Pape pour les chrétiens en Orient

Dans ses vœux du Nouvel An au Corps diplomatique, devant les ambassadeurs des 183 États qui entretiennent des relations diplomatiques avec le Vatican, le Pape François a confié son souci pour le monde entier, les migrants, le dialogue interreligieux et également les chrétiens en Orient et en Europe orientale.

Vous trouverez ci dessous plusieurs extraits du texte original italien paru dans l’Osservatore Romano du 10 janvier 2020:

sur le dialogue interreligieux

[…] Dans mon second voyage en 2019, je me suis rendu aux Emirats Arabes Unis, première visite d’un Successeur de Pierre dans la Péninsule arabique. A Abou Dabi, j’ai signé avec le Grand Imam de Al-Azhar Ahmad al-Tayyib, le Document sur la Fraternité Humaine pour la Paix Mondiale et la coexistence commune. Il s’agit d’un texte important visant à favoriser la compréhension mutuelle entre chrétiens et musulmans et la coexistence dans des sociétés toujours plus multi-ethniques et multi-culturelles, parce que, condamner fermement l’utilisation du « nom de Dieu pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression »[11], rappelle l’importance du concept de citoyenneté, qui « se base sur l’égalité des droits et des devoirs à l’ombre de laquelle tous jouissent de la justice »[12]. Cela exige le respect de la liberté religieuse et l’engagement à renoncer à l’usage discriminatoire du terme “minorités”, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et d’infériorité et prépare le terrain aux hostilités et à la discorde, discriminant les citoyens à partir de l’appartenance religieuse[13]. A cet effet, il est particulièrement important de former les générations futures au dialogue interreligieux, comme voie royale pour la connaissance, la compréhension et le soutien réciproque entre les membres des diverses religions.

Paix et espérance ont été aussi au centre de ma visite au Maroc où, avec sa Majesté le Roi Mohamad VI, j’ai signé un appel conjoint sur Jérusalem, « reconnaissant l’unicité et la sacralité de Jérusalem / Al Qods Acharif et ayant à cœur sa signification spirituelle et sa vocation particulière de Ville de la Paix »[14]. De Jérusalem, Ville chère aux fidèles des trois religions monothéistes, appelée à être un lieu symbole de rencontre et de coexistence pacifique, où se cultive le respect réciproque et le dialogue[15], ma pensée ne peut que s’étendre à toute la Terre Sainte, pour rappeler l’urgence à ce que toute la communauté internationale, avec courage et sincérité et dans le respect du droit international, reconfirme son plein soutien au processus de paix israélo-palestinien.

sur le Moyen-Orient

[…] Un engagement plus assidu et efficace de la part de la Communauté internationale est plus que jamais urgent aussi dans d’autres régions méditerranéennes et du Moyen Orient. Je me réfère surtout à la chape de silence qui risque de recouvrir la guerre qui a dévasté la Syrie au cours de cette décennie. Il est particulièrement urgent de trouver des solutions adéquates et clairvoyantes qui permettent au cher peuple syrien, épuisé par la guerre, de retrouver la paix et d’entamer la construction du pays. Le Saint-Siège accueille favorablement toute initiative visant à poser les bases en vue de la résolution du conflit et exprime, une fois encore sa gratitude à la Jordanie et au Liban pour avoir accueilli et pris en charge, avec de nombreux sacrifices, des milliers de réfugiés syriens. Malheureusement, en plus des fatigues causées par l’accueil, d’autres facteurs d’incertitude économique et politique, au Liban et dans d’autres Etats, sont en train de provoquer des tensions au sein de la population, mettant ultérieurement à risque, la fragile stabilité du Moyen Orient.

Les signes qui parviennent de toute la région sont particulièrement préoccupants, suite à l’élévation de la tension entre l’Iran et les Etats Unis, et qui risquent surtout de mettre à dure épreuve le lent processus de reconstruction de l’Iraq, et aussi de créer les bases d’un conflit à plus grande échelle que nous voudrions tous pouvoir empêcher. Je renouvelle donc mon appel pour que les parties intéressées évitent un durcissement de la confrontation et maintiennent « allumée la flamme du dialogue et de l’autocontrôle »[16] dans le plein respect du droit international.

Ma pensée va aussi au Yémen, qui vit une des plus graves crises humanitaires de l’histoire récente, dans un climat d’indifférence générale de la part de la Communauté internationale, et à la Libye qui, depuis plusieurs années, vit une situation conflictuelle aggravée par des attaques de groupes extrémistes et par une augmentation des violences ces derniers jours. Un tel contexte est un terrain fertile pour cette plaie de l’exploitation et du trafic d’êtres humains, alimenté par des personnes sans scrupules qui exploitent la pauvreté et la souffrance de ceux qui fuient les situations de conflits ou de pauvreté extrême. Parmi eux, nombreux sont la proie de vraies mafias qui les détiennent dans des conditions inhumaines et dégradantes et en font des objets de tortures, de violences sexuelles, d’extorsions.

En général, il convient de relever que dans le monde, il existe plusieurs milliers de personnes – avec de légitimes demandes d’asile, de besoins humanitaires et de protection vérifiables -, qui ne sont pas adéquatement identifiées. Un grand nombre d’entre eux risquent leur vie dans des voyages périlleux par voie de terre et surtout par voie de mer. Avec douleur, on continue de constater combien la Mer Méditerranée reste un grand cimetière[17]. Il est donc plus urgent, que tous les Etats prennent sur eux la responsabilité de trouver des solutions durables.

Pour sa part, le Saint-Siège regarde avec une grande espérance les efforts accomplis par de nombreux pays pour partager le poids de la réinsertion et fournir aux personnes déplacées, en particulier en raison des urgences humanitaires, un endroit sûr pour vivre, une éducation, ainsi que la possibilité de travailler et de se retrouver avec leurs familles.

sur l’Europe orientale

[…] Durant les voyages de l’année dernière, j’ai eu l’occasion de toucher aussi trois pays de l’Europe orientale, en rejoignant d’abord la Bulgarie et la Macédoine du Nord et, dans un second temps, la Roumanie. Il s’agit de trois pays différents, réunis cependant pour avoir été, durant des siècles, des ponts entre l’Orient et l’Occident, et un carrefour de cultures, d’ethnies et de civilisations diverses. En les visitant, j’ai pu expérimenter, une fois encore, combien le dialogue et la culture de la rencontre sont importants pour construire des sociétés pacifiques, dans lesquelles chacun puisse exprimer librement sa propre appartenance ethnique et religieuse.

En restant dans le contexte européen, je voudrais rappeler l’importance de soutenir le dialogue et le respect du droit international pour résoudre les « conflits gelés » qui persistent sur le continent – pour certains, depuis des décennies – et qui exigent une solution, à commencer par les situations relatives aux Balkans occidentaux et au Caucase méridional, en particulier la Géorgie. Devant cette assemblée je voudrais, de plus, exprimer l’encouragement du Saint-Siège aux pourparlers sur la réunification de Chypre, qui renforcerait la coopération régionale en favorisant la stabilité de toute la région méditerranéenne, ainsi que sa reconnaissance pour les tentatives visant à résoudre le conflit dans la partie orientale de l’Ukraine et mettre fin à la souffrance de la population.

Le dialogue – et non les armes – est l’instrument essentiel pour résoudre les querelles. A ce propos, je désire, devant cette assemblée, mentionner la contribution offerte, par exemple, en Ukraine par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), spécialement en cette année du 45° anniversaire de l’Acte final de Helsinki, qui a clôturé la Conférence sur la Sécurité et sur la Coopération en Europe (CSCE), initiée en 1973 pour favoriser l’apaisement et la collaboration entre les pays d’Europe occidentale et d’Europe de l’Est, quand le continent était encore divisé par le rideau de fer. C’était une étape importante d’un processus initié sur les décombres de la Seconde Guerre Mondiale et qui a vu dans le consensus et le dialogue un instrument essentiel pour résoudre les querelles.

© Librairie éditrice du Vatican