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Témoignage de Blanche, volontaire au sein d'un centre de réinsertion à Bikfaya, au Liban

C’est début mai que l’Œuvre d’Orient m’a proposé une mission de deux mois au Liban dans un centre de réinsertion à Bikfaya, un gros village situé dans les montagnes, à une heure de Beyrouth.

Je les ai rejoints le mardi 21 mai, ayant rencontré le directeur du centre le jour précédent. Le Docteur Hector Hajjar m’a très gentiment accueillie et m’a laissée très libre du choix de ma mission, mais nous y reviendrons plus tard. Une petite introduction s’impose pour vous présenter le centre et la mission qu’il se propose de mener au Liban.

 

Le centre Message de Paix

Fondé en 1996 à Bikfaya, village chrétien du Kisrawan, Message de Paix accueille tous les jours environ 80 personnes en situation de handicap mental.

      L’association est organisée autour du centre d’aide par le travail (CAT) qui produit des bougies décoratives, principalement pour les paroisses maronites, les associations et les familles lors d’événements particuliers (première communion, baptême, etc). Le CAT est composé de deux ateliers : la fabrication de bougies et l’atelier de décoration.

Le premier pôle fait travailler sept personnes en situation de handicap et elles sont encadrées par deux employés quant à l’atelier de décoration il emploie sept jeunes femmes handicapées.

D’autre part, le centre Message de Paix organise aussi des activités de formation et d’éducation toutes les matinées. Les « jeunes » (chebeb), comme les appellent les animateurs, sont répartis en six groupes selon leurs capacités et leur caractère. Les activités sont tout autant manuelles qu’intellectuelles, allant de la fabrication d’un porte-clés à un cours sur la nutrition. Les pensionnaires arrivent vers 7h30 au centre et repartent en bus ou en voiture vers 13h.

Enfin, Message de Paix est aussi un foyer d’accueil pour les personnes handicapées n’ayant pas de famille ou n’ayant pas les moyens d’être hébergées par des proches. Elles sont environ une vingtaine, cela varie, à vivre toute la semaine à Bikfaya. Ils ne rentrent chez eux que le week-end, à partir du vendredi après-midi.

Il y a donc tous les jours des bus, venant de Jbeil (Byblos), de Faraya (dans la montagne) ou de Beyrouth, qui passent prendre nos travailleurs devant chez eux. Ils les redescendent ensuite vers 13h, heure à laquelle les activités et les ateliers de travail se terminent.

Message de Paix accueille aussi dans ses locaux une entreprise partenaire de plexiglas répondant au nom de « Plexipro ». Leurs produits sont vendus dans la même boutique que les bougies au sein du centre.

Ils ont pour projet de s’agrandir en installant un centre similaire à Jbeil (Byblos) sur un terrain assez immense que leur cèderai le diocèse.

Par le centre d’aide par le travail, Message de Paix souhaite offrir aux personnes handicapées une place dans la société civile libanaise. Dans un pays économiquement en crise et extrêmement sensible, la question des personnes en situation de déficience mentale est passée sous silence et reste un tabou pour de nombreuses communautés.

C’est seulement depuis une dizaine d’années que nous pouvons noter un timide changement, sous l’impulsion de la société civile (et très peu de l’Etat), avec le développement de structures d’accueil telles que Message de Paix, ou sa jumelle destinée aux enfants, le Sesobel (Service Social pour le Bien-être des Enfants au Liban).

En apprenant un savoir-faire à ces personnes handicapées, Message de Paix cherche à les valoriser et à leur montrer qu’ils ont quelque chose à apporter au monde dans lequel ils vivent. En s’inscrivant dans la promotion d’une société inclusive, le centre de Bikfaya veut briser le tabou existant autour du handicap qui fait que de nombreuses personnes handicapées au Liban ne reçoivent pas l’aide appropriée ou n’en reçoivent pas du tout provoquant un grand isolement pour elles.

Ma mission pour deux mois

Le Docteur Hajjar m’a proposé de rester deux mois au foyer de Bikfaya pour aider les animateurs à s’occuper des « jeunes » pendant la semaine. Ma mission n’est pas vraiment plus précise, l’idée étant d’être vraiment à disposition des animateurs et des employés pour les aider dans leurs tâches.

Concrètement, l’organisation de mes semaines s’est faite ainsi : je travaillais le matin dans un des ateliers du CAT avec les « jeunes » ou à la cuisine, puis, après le déjeuner, je rejoignais les jeunes du foyer et j’aidais les animateurs à organiser les activités. Il m’a fallu surmonter un petit sentiment de frustration au début, car il faut trouver sa place et réussir à s’intégrer dans l’organisation, déjà bien rodée du centre. Si ma présence n’est pas indispensable au bon fonctionnement de l’association, elle fournit tout de même une aide supplémentaire. Passer du temps avec les jeunes en jouant avec eux, en discutant ou simplement en les écoutant (dans les limites de notre maîtrise de l’arabe) est déjà une belle manière de rendre service et de se rendre disponible aux autres.

Je dors donc au foyer toute la semaine et, à partir du vendredi midi, je suis en week-end et suis libre de l’organiser comme je l’entends. Je suis redescendue à Beyrouth et en ai aussi profité pour me balader un peu dans tout le Liban avec mes amis. En général, je profitais du bus qui prenaient les personnes handicapées chaque lundi matin à 6h, pour remonter à Bikfaya. Nourrie, logée mais pas vraiment blanchie, il faut penser à laver ses affaires chez des amis le week-end, mais les animateurs m’ont aussi très gentiment proposé de laver un sac chez eux de temps en temps.

Cela fait déjà plus d’un mois que je travaille à Message de Paix et je repars déjà dans deux semaines ! De cette courte expérience dans l’humanitaire et dans le monde du handicap, je peux faire quelques remarques et réflexions.

Tout d’abord, j’ai beaucoup aimé vivre au quotidien avec ceux qui sont aidés à Message de Paix, déjeuner avec eux,

jouer, parler, dormir dans la même chambre (les deux premières semaines, j’ai dû dormir avec deux femmes en situation de handicap). C’est la meilleure façon, je pense, de les découvrir en profondeur et en vérité. J’ai été impressionnée et souvent très touchée, par leur joie, leurs sourires, l’amour qu’ils répandent autour d’eux. Ils sont attentionnés à l’extrême (ce qui peut parfois énerver le vendredi soir après une semaine bien remplie) et s’aident beaucoup mutuellement. De même, leur patience est admirable, sans doute en partie liée à leur handicap qui les oblige à prendre plus de temps pour faire les choses.

Ces personnes aiment donc profondément.

Je suis ravie de découvrir le monde du handicap au Liban. La joie de vivre et le goût de la fête de ce peuple rend les activités très dansantes, chantantes. La fête de fin d’année était, à cet égard, un parfait exemple des arts musicaux libanais, les « jeunes » étaient à fond et très attentifs, un vrai succès !

D’autre part, c’était aussi ma première expérience dans l’humanitaire. La démarche de se mettre au service, et de se faire en quelque sorte toute petite, pour s’adapter à son nouvel environnement et accueillir les nouvelles rencontres, m’a énormément parlé et j’ai aimé terminer mon année d’échange universitaire par cet engagement. C’est aussi une manière pour moi de rendre ce que le pays et ses habitants m’ont donné.

Apprendre à se sentir inutile, accepter de ne pas toujours comprendre, d’être complètement dépendant des autres, c’était une façon pour moi d’apprendre à perdre le contrôle, à lâcher prise. Je repartirais sûrement au sein de missions humanitaires si j’en ai l’occasion.

Cette expérience fut extrêmement enrichissante et belle, et je pense ne pas encore en voir tous les fruits. Elle m’a fait rentrer dans le monde de l’humanitaire, centré autour du don de soi, à contre-courant de certaines tendances individualistes de notre société. Tout ceci s’est fait grâce à l’Œuvre, et pour cela un grand Merci !

Blanche