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[BULGARIE] Le témoignage de Charlotte : " Je vais continuer de vivre chaque instant en suivant le conseil d’une soeur « vivre avec authenticité, amour et combativité ».

Découvrez le témoignage de Charlotte, 24 ans, qui est en mission à Sofia en Bulgarie auprès des sœurs Eucharistines.


L’arrivée

Deux mois et demi sont passés, déjà ! Avant d’écrire ces nouvelles, je relis mon carnet de bord que je m’efforce de tenir. Beaucoup de choses ont évolué. En écrivant chaque jour, une petite histoire s’est construite au fil du temps, je vais essayer de vous raconter les émotions et les moments forts que j’ai ressenti à Sofia parmi les Soeurs Eucharistines.
Il faut d’abord comprendre qui sont les soeurs. Je veux vous les présenter parce que je les aime beaucoup, énormément, et aussi parce que nous passons notre quotidien avec Madeleine, mon binôme de mission, avec elles dans le monastère. Nous partageons les tâches, les repas et les prières. Je fais presque partie de la communauté. C’est donc un lien très fort qui s’est créé avec ces sept soeurs, aux âges et aux histoires variées. Les Soeurs Eucharistines sont de rite gréco-catholique byzantin slave. Pour une communauté catholique bulgare représentant déjà moins de 1% de la population, la communauté gréco-catholique est encore plus réduite, se comptant à quelques milliers de personnes. Les Soeurs sont la seule congrégation avec les Carmélites de Sofia de ce rite byzantin, et les seules soeurs bulgares en Bulgarie, celles des autres congrégations étant roumaines, polonaises, italiennes.
Maintenant que les présentations sont faites, je peux vous parler un peu plus de mon quotidien. C’est difficile à résumer puisque ma mission ne consiste pas à donner des cours, ou à prodiguer des soins avec un emploi du temps connu à l’avance. Il s’agit de faire présence, d’aider pour tout un tas de choses qui peuvent paraitre peu gratifiantes. Et pourtant ces actions sont variées et significatives pour la communauté. En un mot : soulager, par n’importe quel moyen les soeurs dans leur charge de travail pour leur laisser du temps pour se retrouver, avancer sur d’autres projets et se reposer. Aider par la présence, par des tâches du quotidien comme la vaisselle ou le ménage, par des visites à des personnes âgées ou malades, par des distributions alimentaires aux sans-abris et personnes âgées, par la création d’un site internet… Bref, vous comprendrez qu’aucune journée ne se ressemble, j’apprends à vivre jour après jour et vivre l’instant présent. C’est difficile de lâcher prise lorsque rien n’est clairement défini. Une soeur aime bien me répéter que « c’est la liberté de ne pas savoir de quoi la journée sera faite ».

 

L’immersion

Être volontaire parmi les soeurs demeure un statut particulier. Moi qui étais arrivée pleine d’ambition et de grands projets, je me suis confrontée à l’organisation monastique clairement définie et à un rythme opposé au mien. J’ai appris à moins intellectualiser les tâches, à ne pas chercher à être efficace à tout prix pour me caler sur le rythme de vie de nos soeurs. J’apporte mon soutien plus discrètement mais avec tout autant d’importance. Je suis également là pour apporter de la joie, des sourires et des pauses, un souffle vivifiant. En dehors de mes missions, il y a du temps et pourtant il n’y pas la place à l’ennui. Entre la lecture, la prière, la préparation de certains événements, la tenue du carnet de bord, les visites de Sofia et les sorties avec nos nouveaux amis bulgares, les journées sont bien remplies. C’est un temps précieux pour mieux me retrouver avec moi-même et grandir dans ma foi dans un rite que je découvre un peu mieux chaque jour. Je n’ai jamais eu autant le temps de réfléchir, mes questionnements sont quotidiens sur des choses simples ou plus profondes. C’est très fort de pouvoir faire un chapelet dans une langue qui n’est pas la sienne porté par Jésus et les voix des soeurs, de vivre une adoration à minuit pour fêter la nouvelle année. Ces moments sont de vrais apaisements de l’âme. En voyant le temps filer, je ne me sentais pas prête à partir, pas tout de suite, pas dans 6 semaines, je viens à peine d’arriver ! Mon mois de mars était encore libre et avec un grand « oui » des soeurs j’ai pu prolonger ma mission d’un mois.

Au sein du monastère, j’ai partagé et vécu des moments qui me marqueront à jamais, ils sont uniques et précieux. Vivre Noël avec les soeurs a été très touchant et intime, une célébration simple et pleine
de joies de la naissance de Jésus. Ça a créé un tournant dans le lien qui m’unit à elles. Avec Madeleine, nous leur avons offert deux poissons, dont la symbolique est importante dans l’histoire de leur congrégation. Ça a été un véritable événement ! C’est une nouvelle famille qui se crée ici.
Fin décembre a également eu lieu le camp d’hiver des scouts catholiques de Bulgarie. Un nouvel uniforme pour être chef parmi les Bulgares, aider la communauté d’une autre manière et rencontrer les jeunes ! J’étais super heureuse à l’idée d’aller voir à quoi ressemblait les scouts bulgares et de préparer des activités ! À la suite du camp, les soeurs ont bien compris que le scoutisme et ses valeurs était un pilier pour moi et que j’étais heureuse d’honorer ma promesse scoute en Bulgarie. Et c’est pourquoi, je suis en ce moment en pleine organisation du camp que les soeurs font chaque été pour un quinzaine de filles. C’est encore une autre mission, une autre manière de travailler. Pour une fois les rôles sont inversés, c’est drôle. Je fais découvrir aux soeurs une autre manière d’avancer avec les jeunes, une autre pédagogie, un vrai travail d’équipe !
Récemment, je suis revenue d’une semaine hors du temps dans un village niché dans les Rhodopes, au sud-est de la Bulgarie : Pokrovan. J’ai séjourné chez soeur Bernadetta, 85 ans, dont la vie simple et emplie de prières est un exemple d’humilité. Mon séjour m’a permis de plonger dans la réalité des villages bulgares habités par des personnes âgées, confrontées à la pauvreté et au manque d’accès aux services vitaux. Les enfants de la région ont émigré à l’étranger, laissant derrière eux des parents vieillissants vivant avec des retraites insuffisantes qui ne leur permettent pas de vivre dignement. Le visage des habitants, tous plus de 70 ans, reste radieux. Leur hospitalité et leur générosité dépassent largement les difficultés auxquelles ils sont confrontés.

De retour à Sofia, la vie continue. Nous retrouvons les personnes âgées à qui nous distribuons tous les jours des sandwichs, cela fait chaud au coeur de voir qu’ils sont heureux de nous revoir, et moi aussi ! Nous prenons des nouvelles et échangeons de plus en plus longtemps en bulgare. Certains nous lancent quelques mots de français qu’ils ont appris pour nous faire plaisir. Tout se passe toujours avec le sourire. Cela peut paraitre évident mais ces rencontres constituent la plus grande richesse du volontariat. Ici en Bulgarie, je reçois beaucoup de mots de remerciements, presque de la gratitude. Cela parait en décalage par rapport à ce que j’apporte. Mais j’ai appris à accepter ce regard et j’essaye de mériter ces « merci ». Je retrouve aussi les soeurs. Je me sens bien et à ma place, c’est comme un retour à la maison et le rythme reprend.

C’était particulièrement émouvant de constater que derrière le premier abord qui peut sembler froid, se cache un peuple bulgare exceptionnellement chaleureux. Cette apparente froideur découle en réalité d’années difficiles de communisme et de persécutions violentes, entre autres contre les catholiques. La communauté catholique est très accueillante. Nous avons été intégrés dès le début, que ce soit à la cathédrale latine Saint Joseph où nous allons à la messe française une fois toutes les 3 semaines ou bien à la cathédrale gréco catholique de la Dormition de Sofia. Être témoin d’un réel engagement et d’une ferveur religieuse catholique forte est inspirant. Grâce aux soeurs, à l’évêque Monseigneur Christo et aux paroissiens, je comprends de mieux en mieux les marques laissées par le communisme. C’est une histoire encore très récente que les victimes directes nous racontent. Les témoignages sont toujours chargés d’émotions.
Avec les Soeurs Eucharistines, c’est une mission toute nouvelle, en construction, nous sommes le deuxième binôme avec Madeleine. Pleins de choses sont encore à faire, des choses que les soeurs ne savent peut-être pas encore. Il existe bien sûr des enjeux comme l’autonomisation des tâches ou la charge de travail. Nous arrivons « malko po malko » (petit à petit) à leur montrer ce qui est possible de faire sans avoir peur des possibles obstacles sur la route. Ce que nous essayons de donner marque des étapes dans l’histoire des futurs volontaires. Il ne faut pas craindre de s’immerger pleinement dans la communauté et prendre le temps de poser les questions pour mieux savoir se situer. Oser dire les choses telles qu’on les perçoit, avec bienveillance et ouverture, permet de tisser des liens de confiance plus profonds. C’est merveilleux de découvrir comment créer un équilibre délicat entre donner sans retenue et respecter les rythmes et les besoins des soeurs. Pour ces dernières semaines, je vais continuer de vivre chaque instant en suivant le conseil d’une soeur « vivre avec authenticité, amour et combativité ».

Charlotte