L’Amiral Bernard Louzeau nous a laissés hier matin pour son ultime traversée. Peu de temps après avoir quitté ses lourdes responsabilités de Chef d’état-major de la Marine, il avait accepté d’assumer la présidence du Conseil d’administration de L’Œuvre d’Orient.
Pendant seize ans, il l’a fait profiter de son immense expérience et de la profondeur de ses réflexions. La finesse de ses analyses, la précision de sa mémoire, sa courtoisie et son calme en toutes circonstances resteront dans le souvenir de ceux, administrateurs et collaborateurs, qui l’ont côtoyé rue du Regard.
La célébration, en 2006, du cent cinquantenaire de L’Œuvre d’Orient, activement préparée et conduite par Monseigneur Philippe Brizard, alors Directeur général, a connu un remarquable succès.
Au nom de L’Œuvre d’Orient, très reconnaissante à l’Amiral Louzeau pour son dévouement comme Président, sa fidélité et son intérêt permanent pour la cause des Chrétiens d’Orient, je présente mes très sincères condoléances à son épouse et sa famille, et vous demande de vous associer aux prières à son intention.
Pierre Sabatié-Garat
Président
Pour aller plus loin
L’Amiral Bernard Louzeau en quelques dates clefs
1929 :Naissance à Talence en Gironde
1947 : Entrée à l‘École Navaleaprès des classes préparatoires au lycée Saint-Louis
1950-1952 : Participation à la guerre d’Indochine
1958 : Nomination au poste de commandement du sous-marin Laubie
1972 : Commandement de la première patrouille du sous-marin Le Redoutable
1976-1977 : Il commande un navire de surface, la frégate Suffren, fin de carrière opérationnelle
1985 : l’Amiral Louzeau devient major général des armées puis chef d’état-major de la Marine en 1987
La célébration religieuse pour L’Amiral Bernard Louzeau aura lieu en la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides à Paris dans le VIIe arrondissement, le vendredi 13 septembre à 10 heures.
Voilà aujourd’hui deux semaines que je suis arrivée au Centre Marthe et Marie. Je commence à m’habituer aux tâches quotidiennes que j’occupe, et à m’attacher aux enfants avec qui je passe mes journées. Ce centre accueillant ces enfants de parents immigrés est très bien aménagé, plus que ce que j’imaginais.
Je travaille avec les enfants âgés de 1 à 3 ans. La majorité des parents viennent d’Ethiopie, et des Philippines, les enfants sont très bien entourés, et le personnel du centre leur donne beaucoup d’attention. Le travail que j’effectue correspond à celui que j’imaginais, j’assiste les enfants dans leurs activités liées à leur éveil (chants, histoires, vocabulaire). Mais cela ne dure qu’une demi-heure par jour, le reste du temps est consacré à la surveillance principalement.
Effectuer une mission à l’étranger n’est pas chose si facile car nous sommes confrontés à des personnes avec une culture différente. Mais, cela fait partie de la mission, et nous permet de mieux comprendre le mode de vie français, d’un regard extérieur, ce qui est un point intéressant.
Apprendre et transmettre
De plus, il est un point essentiel sur lequel j’ai forgé une réflexion qui m’apparaît intéressantes à évoquer. Le centre Marthe et Marie accueille des enfants d’immigrés, de foi chrétienne. Au début, à mon arrivée, cela ne m’avait pas interpellée plus que cela. Sauf qu’avec du recul, et la compréhension de la zone géographique sur laquelle j’effectue ma mission (à savoir Jérusalem), je me suis rendue compte de l’importance de la pratique religieuse dans laquelle les enfants sont entourés (chants religieux avant de manger par exemple), car les chrétiens représentent ici une minorité. Lorsque j’observe les enfants, je me dis que plus tard, ils appartiendront à une société dont les croyances sont diverses. Je pense alors qu’il est important d’enrichir leur croyance en Terre Sainte, et le centre y veille, dès le plus jeune âge. Je me dis que je participe, ainsi, non seulement à l’éveil des enfants, à l’affection qu’ils méritent, mais également au développement de leur foi chrétienne.
Le quotidien en mission
Concernant le logement dans lequel je me trouve, j’ai été agréablement surprise quant au confort. Nous disposons de la climatisation, ce qui est un pur bonheur lorsque l’on effectue une mission à Jérusalem pendant les trois mois d’été. Nous disposons de beaucoup de place, il y a un salon avec une grande télé, deux salles de bain pour les dames, et les chambres sont assez spacieuses. La barrière de la langue se ressent parfois dans les relations entre les jeunes venus de pays différents, mais cela nourrit notre expérience à l’international et je pense en ressortir plus riche.
Je suis donc reconnaissante envers l’association l’Œuvre d’Orient pour la qualité de ses missions qui nous aident à comprendre la situation des chrétiens en terre d’Orient.
Les informations qui me parviennent de Syrie sont douloureuses. S’il est vrai que la guerre cède peu à peu du terrain, invitant au retour progressif des populations déplacées, la situation, sur le plan économique, est aujourd’hui pire que pendant les combats en raison des pénuries de fioul et de gaz notamment.
J’ai pu le constater, tout est à reconstruire : maisons, hôpitaux, lieux de culte et bien sûr les écoles. Le retour d’un calme relatif a permis de nouveaux chantiers et une relance timide de l’activité économique, mais pour cela nous avons besoin de vous.
Dans quelques jours, la rentrée aura lieu et de nombreuses écoles n’ont toujours pas les moyens d’ouvrir leurs portes, de remettre en état les bâtiments ni même de fournir le matériel scolaire de base aux enfants. Nous ne pouvons pas abandonner ces familles. Elles ont besoin de notre soutien pour reconstruire matériellement et spirituellement leur vie.
Nous savons que la folie barbare se nourrit de l’ignorance. Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain, l’avenir de la Syrie. C’est en leur donnant un accès à l’éducation et à la connaissance que nous pourrons garantir la paix.
Parmi les projets que nous menons pour la jeunesse, il y a notamment :
L’agrandissement et la réhabilitation des écoles arméniennes catholiques de Kamishli et Hassaké dans la Mésopotamie syrienne, gravement endommagées, qui accueillent 900 élèves ;
Le soutien au centre Sénévé de Homs, qui reçoit 90 enfants handicapés, et n’a jamais arrêté son activité malgré la guerre ;
L’accompagnement de l’association “Espace du Ciel” (Feshet Sama) dans sa mission de soutien scolaire, de formation et d’insertion sociale auprès des jeunes femmes en grande précarité ;
Et bien d’autres encore…
Les besoins sont considérables, à la fois pour parer quotidiennement aux urgences vitales mais aussi pour préparer la reconstruction de demain.
À Alep :
Avec les Maristes Bleus, nous subvenons aux besoins alimentaires quotidiens de 680 familles vulnérables depuis 5 ans.
Nous assurons le fonctionnement électrique de plusieurs départements de soins de l’hôpital Al Kalimat.
Le Hope Center accompagne les projets de micro-entreprises portées par des entrepreneurs en grande précarité.
À Damas :
Nous apportons des aides médicales d’urgence (médicaments, soins) et participons au relogement de plusieurs centaines de familles réfugiées.
Nous avons entièrement équipé le centre pédiatrique de l’hôpital Saint-Louis.
Sur l’ensemble du territoire, nous participons à la réédification des maisons, des églises, des centres de santé… Rien ne serait possible sans le soutien financier de nos donateurs.
Pour pouvoir aider aujourd’hui nos frères syriens dans cette situation d’urgence, votre don est essentiel.
Vous pouvez choisir de nous faire un don ponctuel ou de nous accompagner dans la durée.
Au nom de nos équipes et de tous ceux que nous pourrons aider grâce à vous, je vous en remercie infiniment. Veuillez croire en mon sincère dévouement.
Je suis arrivée à l’Hospice Saint Vincent de Paul de Jérusalem il y a un mois et demi seulement et pourtant il s’est déjà passé tant de choses…j’ai l’impression d’être ici depuis bien plus longtemps !
Le premier mois de mission s’est bien passé mais il m’a fallu du temps avant de prendre le rythme et trouver ma place. Les sœurs de l’hospice m’ont extrêmement bien accueillie. Ce sont des petites mamans qui nous demandant à longueur de journée si nous ne manquons de rien. Même si nous ne vivons pas vraiment de temps spirituels forts avec elles (en dehors de la messe), cela est extrêmement enrichissant de les découvrir dans leur service au quotidien. Alors que la vocation religieuse peut parfois effrayer par son caractère radical, extrême parce que loin du monde réel, la mission des Filles de la charité nous montre un autre visage de la vie religieuse. Les sœurs sont ici en permanence en mouvement, confrontées à des problématiques matérielles évidentes liées à la gestion de l’hospice et sont ainsi pleinement ancrées dans le monde réel.
L’hospice accueillie 24 personnes adultes polyhandicapées, c’est à dire ayant un handicap à la fois physique et mental. Je m’occupe des filles avec Sixtine tandis que Pierre et Baudouin s’occupent des garçons. Il n’est pas forcément facile d’arriver dans un tel centre et d’y trouver sa place. Concrètement, on apprend sur le tas, en observant les autres volontaires et employés et en essayant de reproduire au mieux. Mais maintenant je peux dire que cette première phase “d’observation” est largement dépassée !! Je suis tellement heureuse ici. Je continue à découvrir les personnes handicapées chaque jour et réussis désormais à avoir de vrais échanges avec elles. Ils sont extrêmement attachants ! Nous avons de vrais moments de complicité, de fou rire et je dois dire que leur handicap se voit de moins en moins. Certains sont autonomes, d’autres ne peuvent absolument rien faire. Il faut alors s’adapter aux besoins de chacun et innover pour réussir à les distraire et les occuper tous les jours. Je crois (et même je suis sûre) que je les aime profondément et c’est ce qui m’aide à me mettre dans une démarche de service auprès d’eux. A ne pas compter le temps passé avec eux. A faire attention à eux, à toujours veiller à leur bien être et essayer d’agir au mieux auprès d’eux. Je les aime et essaie désormais de leur transmettre cet amour. On peut dire que j’ai compris le sens de ma mission. Enfin !
Je vis également de très beaux moments lors des changes et des douches. Eh oui, je n’aurais pas cru autant aimer changer une couche ! Cette partie de la mission qui, à première vue, est assez ingrate (et l’est) se révèle être en réalité très belle. Parce que ce sont des moments d’une extrême simplicité, où la personne handicapée vous témoigne d’une confiance infinie (alors qu’elle ne vous connait que depuis quelques jours, elle accepte que vous manipuliez son corps), et qui nous demande de respecter l’intimité de l’autre et sa dignité malgré sa fragilité. Même si je peux rapidement être tentée de considérer la personne handicapée comme un enfant, de par son absence totale d’autonomie, je ne dois pas oublier qu’il s’agit aussi d’un adulte de 85 ans, qui a donc plus de 60 ans que moi et qui doit donc être considérée comme tel. Avec respect et pudeur. Aussi, c’est dans ces moments que j’apprends à agir avec humilité, sans chercher de reconnaissance. En effet, bon nombre des handicapés ne peuvent pas communiquer. Il faut donc agir simplement, sans chercher à être remercié. C’est la définition même du don et je suis très heureuse d’en faire l’expérience aussi intensément pendant six mois. Je sens que j’en ressortirai grandie.
Une journée type ? Je travaille soit de 6h30 à 12h30, soit de 13h30 à 19h. Nous devons alors les réveiller, les doucher, les nourrir, changer leurs couches, leur organiser des petites activités, les coucher…. Rien d’extraordinaire ! Mais que cela fait du bien d’avoir un travail manuel, simple, utile…. Loin des bouquins de droit…
Le reste du temps, je peux me balader en Terre Sainte et réalise la chance que j’ai de vivre une telle expérience ! Je suis notamment partie avec d’autres volontaires faire le Jesus Trail la semaine dernière, une marche de Nazareth à Capharnaüm, c’était inouï !
Article paru dans Aleteia le 22/08/2019 – Propos recueillis par Agnès Pinard Legry
Proclamée « Journée internationale de commémoration des personnes victimes de violences en raison de leur religion ou de leurs convictions » par les Nations unies, ce 22 août est un moment privilégié pour mettre en lumière le quotidien de millions de personnes à travers le monde. « Dans certains pays, à force de banaliser les discriminations à l’égard de minorités religieuses on en vient à rendre possible des attentats », alerte auprès d’Aleteia Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient. « Cette banalisation des discriminations est la toile de fond, le terreau favorable aux actes de violence et aux persécutions ».
Face à une augmentation inquiétante du nombre d’actes de violence contre des personnes issues de minorités religieuses et des lieux de culte, l’Assemblée générale des Nations unies a proclamé le 22 août « Journée internationale de commémoration des personnes victimes de violences en raison de leur religion ou de leurs convictions ». Directeur de l’Œuvre d’Orient, Mgr Pascal Gollnisch y voit une occasion de mettre en lumière des réalités pas toujours évidentes à saisir.Aleteia : Que pensez-vous de cette journée de commémoration ? Mgr Pascal Gollnisch : C’est un signal positif. Toute action qui permet d’éclairer, de mettre en relief le quotidien de ces personnes victimes de violences en raison de leur religion va dans le bon sens. Ceci étant dit, la question ne doit pas simplement être de faire mémoire mais également d’évoquer des situations concrètes. Et d’agir.
De quoi ces minorités religieuses souffrent-elles ?
On peut distinguer trois degrés de violence. Il y a la persécution qui suppose quelque chose d’organiser et de systématique. Ensuite, il y a des actes de violences ponctuels, comme les attentats perpétrés contre une communauté définie par exemple. Enfin, il y a les discriminations. Cela peut être des discriminations à l’emploi, à l’entrée, à l’université… Globalement, j’observe une banalisation des discriminations envers les minorités religieuses. Mais à force de les banaliser on en vient à rendre possible des attentats ! La toile de fond qui sous-tend la persécution n’est autre que la banalisation des discriminations. Malheureusement, nous fermons les yeux et nous laissons ces situations se produire sans agir, comme si c’était normal. À partir de ce moment-là, il suffit qu’une organisation violente ou un gourou se mette en place et ces minorités se retrouvent victimes de persécutions. Dans certains pays du Moyen-Orient de nombreuses minorités sont ainsi discriminées : je pense aux chrétiens mais aussi aux yézidis, aux sunnites dans les pays à majorités chiite et inversement. Par exemple, en Arabie saoudite, plus de deux millions de chrétiens n’ont pas de lieu de culte. C’est une discrimination qui est banalisée. C’est un terreau fertile à des attitudes beaucoup plus persécutentes.
Est-ce un signal positif de voir les Nations unies à l’initiative de cette journée ?
La liberté religieuse fait partie des droits fondamentaux. L’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme précise ainsi que : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ». Bien sûr, c’est un signal positif mais je pense aussi que les Nations unies ne se sont pas assez arc boutées sur ces questions de persécutions religieuses… Quand on regarde le conseil des Nations unies, plusieurs pays qui y siègent pratiquent ces discriminations. Par exemple, dans de nombreux pays du Moyen-Orient, un musulman ne peut pas se convertir sans mettre sa vie en danger. S’habituer à cela, c’est entretenir un terreau favorable aux persécutions.
Que peut-on faire concrètement pour soutenir les personnes victimes de violences en raison de leur religion ?
Par la prière, si on est croyant. C’est par là que toute action commence et que toute action s’accomplit. Deuxièmement, il faut manifester ses convictions afin d’avertir ses élus, ses représentants politiques. Je crois également qu’il important de s’informer, tout simplement, afin d’avoir une connaissance précise de ce qui se passe dans le monde. Enfin, et c’est là une chose essentielle, il faut savoir mettre des nuances sur des choses complexes. Je déplore parfois que certains confondent « mettre des nuances » et « mettre de la modération ». Non, il ne doit pas y avoir de modération sur ces persécutions. Mais il faut accepter la complexité du réel et comprendre qu’il existe des réalités diverses. On ne lutte pas contre un attentat ou une persécution de la même manière qu’on lutte contre des discriminations.
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Homs, l’espérance obstinée
de Ziad Hilal
Huit années difficiles, terribles, viennent de s’écouler en Syrie et en Irak. L’évocation du seul nom de l’Etat Islamique ou de Daesh font encore frémir ceux qui ont subi – et qui subissent encore – la barbarie et l’iniquité entre habitants de même pays. L’horreur absolue comme rarement vécue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il faut des mots pour le dire. Ces mots ne sont pas si faciles à prononcer, à coucher sur le papier. Les journalistes et correspondants de guerre témoignent des faits, des mouvements de troupes, des événements. Cela ne remplacera jamais pas ce fils de cette terre au contact des siens et confrontés à l’indicible ! Le Père Ziad HILAL, syrien et jésuite est de ceux-là. Il n’est pas le seul…, hélas ! Dans le livre qu’il publie aux Editions Bayard, « Homs, l’espérance obstinée« , il décrit six ans de présence et d’horreur dans cette ville à moitié détruite.
Après les premières manifestations et échauffourées, en 2011, les premiers jésuites ont commencé à partir d’Homs. Deux prêtres de la communauté ignacienne restent dans la ville. Ailleurs, également, la présence jésuite est significative. Le Père Ziad aborde la présence et le témoignage du Père jésuite italien Paolo del’Oglio enlevé par Daesh comme deux évêques orthodoxes syriens. Le Père Ziad le rencontre pour la première fois en 1994. A ce jour, personne n’a des nouvelles de ces trois kidnappés.
En février 2012, la population de cette petite ville syrienne très connue évacue rapidement les lieux par peur des exactions. Malgré tout, les jésuites restent. Ils affrontent courageusement la situation et soutiennent ceux qui sont restés. « Nous n’avons jamais arrêté le travail« , dit-il. Que faire ? Comment aider à vivre ou à survivre dans ces conditions quand il n’y a pas d’électricité, d’eau, de produits de première nécessité et que « les gens mangeaient de l’herbe. Il n’y avait rien à manger » ? Beaucoup ont été touchés, fauchés, pris en otage… Malgré tout, ils ont affronté courageusement les balles, la peur, les armes, la faim et la mort. Comment, dans ces conditions, l’Eglise et les jésuites pourraient-il partir et fuir ? En mai 2014, après le départ des dits « rebelles », les Homsi (habitants de Homs) ont commencé à revenir. De nombreuses ONG (l’Œuvre d’Orient, l’Aide à l’Eglise en Détresse et la Caritas, le JRS – Service Jésuite d’aide aux réfugiés) ont commencé à aider les habitants de cette ville à reconstruire des maisons, des rues, des églises.
Cette même année, la ville est scindée en deux et il devient de plus en plus difficile de pouvoir passer de la vieille ville et au Centre Saint-Sauveur, dans la banlieue-Sud. Les jésuites décident de se séparer et de vivre chacun d’entre eux dans un lieu. Le Père Ziad s’installe dans la banlieue-Sud. Narguant la mort et en prenant de nombreux risques, le Père Ziad franchit la ligne de front et prend le « chemin de la mort », comme les jésuites la surnommaient. Les possibilités de déplacement s’amenuisent pour bientôt ne plus exister. Il rencontre son confrère, le Père Frans, pour la dernière fois le 1er juin 2012.
Dans les trente chapitres, l’auteur raconte l’histoire journellementvécue à Homs. Il retrace ce que tous les autres ne peuvent pas dire ou assumer. Il le dit avec amitié, sans passion, sans rien effacer et sans rien éluder. Juste des faits, et rien que des faits non rapportés mais vécus de l’intérieur. « Je décris la réalité: nos souffrances, nos joies, notre isolement, comment nous mangeons, comment nous cherchons de l’eau, de l’électricité, comment aussi nous essayons depuis le début de la guerre de répondre à la fois à l’urgence humanitaire et à l’immense besoin d’éducation. Je montre le rôle et la force de l’Église, des Églises chrétiennes, pour aider le peuple syrien. Nous ne voulons pas que la nouvelle génération soit une génération de la guerre mais une génération de la paix: pour cela, il faut dès maintenant lutter contre l’intégrisme religieux et les discours de haine ».
Il n’est pas seul en Syrie ni à Homs à vivre cette situation de guerre et de désolation. Un autre jésuite partage jusqu’au bout cette expérience. Il s’agit, ici, du Père Frans tombé à Homs comme Martyr de la foi. Un prêtre psychanalyste qui avait donné sa vie à la Syrie et à ses frères d’où qu’ils viennent. Un homme lucide, réaliste et vivant dans une paix intérieure même quand il a failli mourir… Il sourit, et il continue son petit bonhomme de chemin… Il était certes un homme de paix, de dialogue et de réconciliation. La communauté ignacienne de Homs est un havre de paix et d’accueil qui n’hésite pas ouvrir les portes à des musulmans et des chrétiens. La présence et l’écoute : simples lieux pour « reconstruire » l’autre et pour essayer d’évacuer les peurs ainsi que la haine. Ce travail long était déjà en route et il s’est poursuivi en donnant les contours nécessaires pour entrer dans le mouvement d’une éducation à la paix, à la réconciliation, et à la purification de la mémoire. Purifier la mémoire et obtenir une réconciliation entre les parties va mettre des années…, mais peu importe ! En fin de compte, cette œuvre de tous les instants aide à entrer dans l’espérance. La mort du Père Frans a eu un retentissement très important en Syrie. Le prêtre hollandais a été a été enterré dans le jardin de la communauté jésuite par les familles qu’il logeait. Ils le considéraient comme un homme Juste !
Si le danger est semble-t-il écarté pour l’heure, et que la présence physique de Daesh ne se fait plus sentir, il faut malgré tout faire front à un autre danger… moins immédiat mais bien réel. La défaite militaire n’a pas fait disparaître cette idéologie sanguinaire et cette vision de l’islam des esprits. L’esprit de l’Etat islamique demeure chez beaucoup de Syriens qui s’étaient ralliés, si ce n’est par les armes au moins par un sentiment d’adhésion. C’est le temps du recul, et le travail est loin d’être terminé. C’est une nouvelle période qui commence. Cela prendra des années.
Sur les 60.000 chrétiens qui vivaient dans ce quartier, il en reste environ 200 de toutes confessions. C’est difficile aujourd’hui d’en faire le décompte exact. Toujours est-il que la diminution de la présence des chrétiens à Homs est dramatique. La guerre a laissé des marques indélébiles dans le propre corps de chaque Syrien, quel qu’il soit. Cette violence acharnée a fait des centaines de milliers de morts, cinq millions de réfugiés, douze millions de déplacés.
« Les mots me manquent pour clore ce récit. J’aimerais rendre grâce à Dieu, qui fut mon refuge intime, autant que le protecteur de notre mission. C’est grâce à lui que nous avons pu cheminer sous les bombes et œuvrer d’une telle manière. Oui, Dieu était avec moi, avec nous. A chaque instant» (page 293)
Comment alors, en cette fin de lecture, ne pas nous souvenir des paroles de l’Apôtre Paul quand il s’adresse aux Romains ?
« Qui condamnera ? Jésus-Christ est celui qui est mort, bien plus, qui est ressuscité, qui aussi est à la droite de Dieu, qui aussi intercède pour nous ! Qui nous séparera de l’amour du Christ ? L’affliction, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou le glaive ? Selon qu’il est écrit : à cause de toi nous sommes livrés à la mort tout le jour, nous avons été regardés comme des brebis destinées à la boucherie.Au contraire, dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Car j’ai l’assurance que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ, notre Seigneur ». (Rom 8, 34-38)
Les mots simples du jeune Père Ziad nous touchent au cœur. Gardons les dernières paroles de ce récit saisissant, comme un trésor à faire fructifier et à partager : « Mon vœux ? Voir la paix renaître dans mon pays, afin que les familles chrétiennes se réunissent, que les enfants renouent avec la joie, que les jeunes puissent de nouveau rêver d’un avenir. Il est urgent de se réconcilier. L’heure est venue de rejeter, pour de bon, la voie des armes (…) Je sais que le chemin sera long. Mais le flambeau que nous transmis Frans et nos autres compagnons, religieux, religieuses, et collaborateurs, n’est pas près de s’éteindre. Un jour viendra où nous sortirons des ténèbres. La lumière l’emportera… » (page 294)
Un livre à lire, à méditer et à partager avec d’autres. Bonne lecture !
Cela fait bientôt un mois que je suis arrivée en Israël ! Un mois de découverte complète : la mission, mon nouvel entourage, les cultures, les langues, spiritualités, le rythme de vie etc… si bien que j’ai l’impression d’être là depuis des lustres ! Voici quelques mots et photos qui vous donneront un aperçu de ce premier mois et de mon nouveau cadre de vie encore en construction mais si déjà fascinant !
La mission
J’habite et travaille au Centre Saint Vincent. C’est un lieu magnifique mais à l’écosystème complexe dans lequel j’ai dû avant tout m’intégrer.
Saint Vincent accueille environ 45 jeunes de 3 à 27ans ayant des besoins très particuliers.
Les volontaires font le même travail que les workers mais avec un rythme différent.
Responsables d’une chambre de 4 enfants, nous sommes plus ou moins des aides soignants.
Ce n’était vraiment pas évident pour moi au début, il m’a fallu dépasser tour à tour le choc face de tels handicaps, le malaise, et la peur de mal faire…. Mais les 15 jours de formation m’ont permis de mieux connaitre les enfants et les gestes du quotidiens.
Qui ? Les sœurs, trois Filles de la Charité qui tiennent le centre ; Les « workers » et infirmiers, environ 20, ils sont palestiniens ; le personnel médical (ergothérapeute, professeur spécialisé, art thérapeute…) sont à majorité israéliens ; les volontaires, 3 français de l’OEuvre d’Orient, une guatémaltèque et une américaine.
Les temps off
Le rythme de la mission est assez lourd puisqu’on travaille 6 jours sur 7 de 6h30 à 9h puis de 15h à 19h. Et comme le travail est assez physique, on fait des bonnes siestes !
Mais j’arrive tout de même à voir du pays ! En effet, l’un des avantages d’Israël, c’est que tout est proche donc on peut facilement faire des choses en une journée. J’ai bien pris le temps de découvrir Jérusalem.
Les « Lund’hic »
Tous les lundis soirs nous nous retrouvons avec d’autres volontaires français pour prier dans des lieux saints de Jérusalem. On est allé au Mont des Oliviers, à l’Abbaye de la dormition et à l’Ecce homo.
C’est juste magique d’avoir ces lieux (trop) touristiques juste pour nous le temps d’une soirée !
Zoom sur … Ain Karem, la ville du centre St Vincent
Charmante banlieue bucolique de Jérusalem, Ain Karem est un lieu prisé par les Hiérosolymites pour le Shabbat, les artistes, et les touristes pour ses superbes collines et ses calmes jardins.
C’est le lieu de la Visitation de Marie à Elizabeth. On peut donc voir l’église de la Visitation, celle de la naissance de Saint Jean-Baptiste, une église Orthodoxe et le couvent de Notre Dame de Sion, connu pour son très beau jardin.
Autant de lieux religieux dans une si petite ville ? Bienvenu en Terre Sainte ! Mais ne vous inquiétez pas, il y a aussi un excellent glacier (le meilleur d’Israël diront certains…) pour compléter la nourriture spirituelle !
Cet été, découvrez notre sélection de livres à lire !
Lettres d’Alep
de Nabil Antakiet Georges Sabé
On aura tout dit ou tout écrit sur la guerre en Syrie…
On aura décrit les horreurs, les départs, les viols, les démembrements… On aura certainement moins parlé de l’espérance, de la solidarité au cœur de la peur, de l’exil et de la faim. Pendant les quatre ans de guerre dans la deuxième ville de Syrie – Alep -, les FrèresMaristes se sont donnés sans compter pour soulager tous les déplacés de la partie occupée par les milices rebelles. La spiritualité de cette Congrégation est de vivre à l’exemple de la Vierge Marie dans le Monde pour être au service de l’humanité ; et principalement auprès des défavorisés. Ils assistent aussi les jeunes dans l’éducation. Marcellin CHAMAPGNAT et Jean-Claude COLIN en sont les figures de proue. A leur exemple, le Frère Georges SABE, alors en ministère auprès de jeunes décide de fonder en 1986, l’Association « L’oreille de Dieu », qui prendra par la suite le nom de « Maristes bleus». Il reçoit l’aide du Dr Nabil ANTAKI et de son épouse Leyla. Au début, ils sont 30 bénévoles à se démener pour rendre un peu de dignité aux Alépins et aux déplacés. Ils ne sont pas tous chrétiens. Ils sont tous un cœur solidaire…
Tout commence le 23 juillet 2012. Le Frère Georges évoque cette époque en disant qu’ « Alep, notre ville, deuxième ville du pays, capitale économique, grand centre de commerce et d’artisanat, est en train de mourir. (…) La ville est encerclée de tous côtés. On risque d’être enlevé et tué. Les gens ont peur… Une peur qui déprime, qui paralyse, qui tue… », (première Lettre datée du 26 juillet).
En Juillet 2012, la guerre défigure cette vénérable ville, comme d’ailleurs l’ensemble du territoire syrien. Les évènements terribles se succèdent depuis un an et demi. Certains font le choix de fuir, de se mettre à l’écart un temps ou définitivement. Le Docteur Nabil ANTAKI et le Frère Georges SABE font un autre choix. Ils décident de rester pour assister la population. Ils connaissent bien la ville puisqu’ils sont alépins. Comment aider directement quand il manque de tout ? Patiemment, mais méthodiquement les deux auteurs décrivent ce qui se passe. Ils envoient à leurs amis des Lettres d’Alep ; et principalement à une amie française. Ils narrent ce que fait cette petite ONG locale; les « Maristes bleus ». J’en ai été moi-même destinataire.
Raconter la misère, l’effroi, la guerre dans sa laideur quotidienne, la mort dans sa froideur terrible, et l’espérance qui baisse au fil des jours qui passent. Reverront-ils un jour des jours heureux à Alep ? La Citadelle est prise, la mosquée des Omeyades est tombée, les souks anciens si célèbres et si beaux n’existent plus ! Les deux auteurs offrent leurs yeux pour décrire ce qui se passe et ce qui se vit dans cette Syrie dont on nous parle soit par le biais des horreurs soit en raison des compromissions politiques et militaires. S’intéressent-on encore et réellement au sort de ces populations ? Il n’y a rien. « Ma fi !!! ». Le siège dure de très longs mois, et vraiment il manque de tout : nourriture, chauffage, médicaments, eau, électricité… Que faire ? En plus des paniers alimentaires, l’Association installe des sanitaires, organise des consultations médicales et des activités pour les enfants quels qu’ils soient. Comme cela se fait partout au Proche-Orient, le Docteur ANTAKI affirme qu’ « en aidant chrétiens et musulmans, on prépare l’avenir. Le fanatisme extrémiste n’était pas dans notre culture (…). Certains musulmans réfugiés à Alep-ouest n’avaient jamais rencontré de chrétiens parce qu’ils vivaient dans des régions où il n’y en avait pas. Ils ont vu que ces personnes n’étaient pas des ‘koufars’, des mécréants, mais des gens comme eux. » (interview à France 24)
Ce livre est un livre de solidarité(s) où l’on voit comment avec de petits moyens on peut assister l’autre, l’aider, l’accompagner… être présent à sa vie, à ses angoisses et à ses « petites victoires ». Elles ne sont pas perceptibles par l’Occident trop afféré à regarder ou non ce qui se passe là-bas, et surtout assidus à proposer des parades, des explications ou à déchiffrer les peurs… pour l’Occident ! Le médecin n’est pas tendre avec ce silence et ses regards qui fuient la réalité. Où est donc cette solidarité des pays dits civilisés, de la France des Droits de l’Homme ? « Votre attitude est une honte. Vous devriez être poursuivis pour crime de guerre et contre l’humanité pour complicité passive« , écrit-il en mai 2014. « Ce qui nous révoltait le plus, c’était la désinformation dans les médias occidentaux. Tous les médias prenaient leurs informations d’une seule source : l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme qui, sous un nom très beau, n’était qu’une agence d’informations des rebelles armés ! Ce n’était pas des informations objectives« , (interview suite de France 24).
Voici donc un livre nécessaire, juste, qui fait nous donne à réfléchir sur les solidarités à mettre en route. Il nous dit que tout est possible quand on concrètement partie pour l’Homme sans distinction de confessions, de culture, de niveaux de vie. Ils sont des hommes de foi et d’action l’un en raison de son serment d’Hippocrate et de la vision qu’il a de l’Homme et l’autre pour ce que l’Evangile lui dit de ces Frères qui partagent une même humanité. Un livre à mettre entre de nombreuses mains, auprès de bénévoles d’association et, surtout des Jeunes… notre présente et notre avenir.
Patrice SABATER, cm
Dr Nabil ANATAKI et Georges SABE, Lettres d’Alep. Edition L’Harmattan. Paris, Mars 2018. 278 Pages. 28 €
La foi en l’Assomption, générale parmi les chrétiens d’Orient (même si ceux-ci préfèrent parler de « dormition de la Vierge »), est partagée par les catholiques.
On célèbre cette fête dès le IVè siècle, à Antioche, et au Vè siècle en Palestine. Il semble que la date du 15 août ait été choisie en Orient par l’empereur Maurice (582-603) pour commémorer l’inauguration d’une église dédiée à la Vierge montée au ciel.
C’est le 1er novembre 1950 que le Pape Pie XII affirmait la foi de l’Église en l’Assomption de la Vierge Marie par une définition dogmatique.Il écrivait notamment : « …Nous affirmons, nous déclarons et nous définissons comme un dogme divinement révélé que l’Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours Vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste. »
Cette fête est aujourd’hui, en France, l’une des quatre fêtes catholiques légalement chômées (avec Noël le 25 décembre, l’Ascension et la Toussaint le 1er novembre).
La Vierge Marie, depuis 1638, sous le règne de Louis XIII, est la Patronne de la France (Sainte Jeanne d’Arc étant la patronne secondaire), ce patronage a été confirmé par le Pape Pie XI (2 mars 1922).
Dormition ou Assomption ? La Vierge Marie en Orient et en Occident
Il n’est pas besoin de rappeler que la Vierge Marie est une figure majeure de foi en Orient et en Occident, pour les catholiques et pour les orthodoxes. Ceux-ci la fêtent et l’honorent de diverses manières, à travers moult célébrations liturgiques, artistiques ou populaires. Le 15 août, dit dans diverses contrées la « fête de la Vierge », est l’une de ces dates où l’on célèbre Marie. Mais de quelle solennité s’agit-il ? D’aucuns, catholiques, répondent : c’est l’Assomption de la Vierge Marie ; et d’autres, orthodoxes, rétorquent : c’est la Dormition de la Mère de Dieu !
Les deux fêtes se confondent effectivement dans une même date, et l’histoire lie, dans un certain sens, l’évolution de ces deux visions de la personne de Marie. Cependant, force est de constater que cette célébration n’est pas qu’une expression de la diversité de l’Église, mais aussi l’endroit d’un différend dogmatique qui existe entre les catholiques et les orthodoxes. Si les premiers considèrent la Dormition comme faisant partie du dogme de l’Assomption, les seconds refusent ce dernier, et pour cause, sa dépendance du dogme de l’Immaculée conception que les Églises orthodoxes rejettent. Pourtant, la Dormition et l’Assomption sont deux concepts qui expriment une même réalité : le départ exceptionnel de Marie. Cet article a comme but de mettre en lumière ces différentes lectures du « mystère de Marie ». Pour commencer, faisons un peu d’histoire.
Bien que saint Éphrem (+373) évoque dans ses écrits la préservation du corps de Marie après son décès, de l’impureté de la mort, les plus anciennes traditions de la croyance en la Dormition ou en l’Assomption de la Vierge Marie remontent aux Ve et VIe siècle. On les trouve présents dans des traités théologiques, des textes liturgiques, des écrits apocryphes et des traditions populaires. Au VIe siècle, l’empereur Byzantin Maurice déclara le 15 août jour de la fête de la Dormition de la Vierge Marie. Un siècle plus tard, cette solennité mariale trouva son chemin vers l’Occident, grâce au pape Théodore. Au VIIIe siècle, elle changea de nom et s’intitula fête de l’Assomption. Si la Dormition n’est pas considérée comme un dogme par l’Église orthodoxe, l’Église catholique proclama la croyance en l’Assomption de la Vierge Marie comme dogme en 1950.
Il existe diverses manières pour définir la Dormition, mais toutes vont dans le même sens. Elles signifient que Marie mourut naturellement, comme tous les êtres humains – mais sans souffrances ni vieillesse dixit certaines traditions – ; que son esprit fut reçu par le Christ après son décès, et que son corps fut ressuscité le troisième jour et transporté au ciel. Ainsi, l’idée de l’assomption de Marie au ciel existe dans la croyance orthodoxe en la Dormition de la Vierge. L’Église catholique accepte cette conception de la Dormition, et on peut considérer qu’elle fait partie de son dogme de l’Assomption. Jusque-là, les deux Églises sœurs sont d’accord.
Mais l’Église orthodoxe refuse le dogme catholique de l’Assomption qui enseigne que « la Vierge Immaculée, préservée de toute tache de la faute originelle, au terme de sa vie terrestre, fut élevée à la gloire du ciel en son âme et son corps » (Lumen Gentium, § 59). Par sa définition, l’Église catholique lie le dogme de l’Assomption au dogme de l’Immaculée conception – rejeté par les orthodoxes –, d’une manière étroite. Ces derniers considèrent que Marie, solidaire de toute l’humanité, mourut par la nécessité de la nature humaine, liée à la corruption survenue après la chute originelle. Ainsi, la considérer comme préservée du péché originel, donc sauvée par anticipation, la rendrait hors d’atteinte de la mort, ce qui contredirait sa Dormition qui est une mort naturelle. De plus, les orthodoxes rajoutent que la dire Immaculée correspondrait à en faire une personne à part du genre humain, abrogeant la liberté qu’elle avait de dire « non » à l’appel de Dieu par l’ange Gabriel.
Marie est une figure œcuménique réunissant en sa personne des visions antagonistes qui la célèbrent pourtant, à la même date, et qui lui témoignent d’un attachement particulier. Nous restons confiant que l’Esprit guide les Églises dans leurs dialogues œcuméniques, ce qui leur permettra un jour de résoudre leurs différends dogmatiques d’une manière qui respecte et honore les traditions et les héritages de tous. Mais en attendant, la plupart des croyants des deux Églises sœurs se soucient peu des antagonismes théologiques ou les ignorent, et célèbrent Marie, en Orient et en Occident, le 15 août, dans leurs différentes communautés. Même si les enseignements des Églises restent d’un grand intérêt, l’importance de la « fête de la Vierge » est dans le fait que les croyants y perçoivent la figure maternelle de Marie et l’exemple exceptionnel de celle qui crut, livrant sa vie à Dieu et traçant des chemins de foi uniques.
Merci à Antoine Fleyfel, professeur de théologie et de philosophie à l’université catholique de Lille et responsable des relations académiques à l’Œuvre d’Orient.