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[Éthiopie] Le témoignage de Jean-Désiré : "je me devais de voir de mes propres yeux le « paradis sur Terre » dont tout le monde me parlait."

Découvrez le témoignage de Jean-Désiré, volontaire à Addis-Abeba en Ethiopie où il aide la communauté des Frères de Saint-Jean à la construction de leur chapelle.


Après deux mois à Addis-Abeba, j’ai enfin pu sortir de la capitale et découvrir la campagne éthiopienne ! Le chantier demande une présence quasi-permanente sur le site, afin de remédier à tout problème et répondre aux questions de détails du chef de chantier. Je ne peux donc pas partir du prieuré tous les week-ends.

Awassa

Mon premier voyage fut à Awassa, à 280 km en voiture au sud d’Addis. Cette ville est la capitale de la Région des nations, nationalités et peuples du Sud, l’une des neufs régions d’Éthiopie. Les Frères y organisent un camp pour jeunes fin août, dans un ermitage abandonné à l’extérieur de la ville. Celle-ci est notamment intéressante pour les bords du lac Awassa où elle est établie. Les lieux n’attirent quasiment pas de touristes (Éthiopiens ou hors d’Éthiopie), les alentours du lac sont donc encore très préservés et sauvages.

Étant encore en quarantaine due à mon arrivée récente dans le pays, je n’avais pu participer au camp organisé par les Frères. Mais je me devais de voir de mes propres yeux le « paradis sur Terre » dont tout le monde ne cessait de me parler. Je suis donc parti un week-end avec Mihretu, un étudiant d’Addis-Abeba originaire d’Awassa, avec qui j’ai été mis en relation par les Frères.


Le trajet

Le trajet s’est fait en car, pour une durée de 5 heures environ. La capitale est bien pourvue en compagnies de car, avec des véhicules de même facture qu’en Europe, et la concurrence est rude entre elles. Lorsque l’on arrive sur le parking de la gare routière, on est assailli par tous les chauffeurs des différentes compagnies au cas où l’on n’aurait pas encore acheté son billet (chose que j’avais bien heureusement fait en avance).

La campagne autour d’Addis- Abeba ressemble étrangement à la campagne française, avec les mêmes champs et plaines alors que l’on se trouve à 2000 m d’altitude en plus. Mais la campagne se transforme rapidement et la brousse africaine s’impose alors, avec ses arbres solitaires bien caractéristiques. Cela fait un mois que la saison sèche s’est installée et l’herbe est déjà brûlée. Il faudra attendre le mois de mai pour la prochaine saison des pluies. Une différence demeure dans les champs de blé : les ouvriers travaillent pour la plupart à la main ou avec des animaux.

La route reliant Addis à Awassa est goudronnée et globalement de bonne qualité. Le car ralentit tout de même régulièrement pour passer un nid de poule ou faire fuir au klaxon des vaches ou chèvres se baladant sur la voie. De nombreux petits villages sont établis de part et d’autre de la route et certains profitent du trafic pour vendre les produits des champs et vergers sur le bord de la route. Je devine que la plupart de ces villages sont musulmans, car chacun a sa mosquée de la taille d’une petite maison.


La faune et la flore à Awassa

La faune est bien plus visible dans la ville à Awassa qu’à Addis-Abeba. Il est courant de voir des vaches et des chèvres sur le bord de la route ou au milieu, en train de brouter le terre-plein central. Cela ne semble pas troubler le trafic routier outre mesure. Les ânes sont beaucoup utilisés pour tirer des calèches de fortune, généralement pour transporter des marchandises.

Dans les rues proches du lac, de grands oiseaux se promènent librement, sortes de cousins des hérons européens en bien plus grands et gros. Plusieurs parcs sur les bords du lac sont entretenus par l’État, héritages des jardins construits de toutes pièces par les empereurs pour leurs villégiatures.

De grands arbres centenaires rem- plissent ces parcs où se promènent les Éthiopiens aux côtés de nombreux petits singes en liberté. Le calme règne dans ces grands espaces verts où il est facile de se trouver un coin tranquille loin du bruit. La pêche est l’activité locale traditionnelle. Nous avons pu profiter d’un dîner sur le bord du lac en dégustant des poissons frits à point, péchés le jour même, en admirant le soleil déclinant sur l’étendue d’eau.


L’ermitage de Gethsémani

Nous sommes partis pour l’ermitage de Gethsémani où les Frères organisent leur camp d’été, au sud de la ville, par une grande route de terre qui fait le tour du lac.  De nombreuses maisons sont établies de chaque côté de cette route en petits quartiers. La moto y est le transport en commun de prédilection qui peut transporter jusqu’à quatre passagers à la fois (si l’on compte l’enfant assis sur le guidon). Des motos roulent donc régulièrement dans un sens ou dans l’autre, avec une vitesse toute relative car il faut éviter les trous remplis d’eau. Les conducteurs, jeunes adultes (hommes) pour la plupart, sont expérimentés et sont passés maîtres dans l’art du slalom.

Il faut quitter cette route et se rapprocher du bord du lac, après avoir traversé un village pittoresque de l’Afrique profonde, pour atteindre enfin le fameux ermitage. L’ermite qui y vivait là est mort depuis longtemps à présent et les lieux sont à l’abandon, mais étant faits en pierre, ils ne sont pas délabrés. Les seuls squatteurs que nous avons rencontrés sont des lézards de la taille de petits chats et deux ados qui se lavaient dans les eaux limpides du lac. Les bâtiments donnent tous directement sur le lac et cela procure effectivement à l’ermitage une ambiance de jardin paradisiaque. Ici, le silence règne.


Le chantier

Le couple de volontaires français que j’ai rejoint au prieuré en août a décidé de changer de mission et de partir pour le Liban. Après trois semaines de confinement dans leur chambre, à cause de malheureux petits tests Covid positifs, ils ont enfin pu prendre l’avion et décoller vers le Pays du Cèdre fin octobre. Je ne suis pas resté seul bien longtemps, car un nouveau volontaire, Foucauld Vuillemin (toujours français et de l’Œuvre d’Orient), m’a rejoint dix jours plus tard. Il est ingénieur d’une école de travaux publiques. Être deux volontaires sur le chantier permet de voir beaucoup plus de détails et de mieux gérer la quantité de travail lorsque plusieurs problèmes apparaissent en même temps, comme il arrive souvent.

Des parpaings et bars de renforcements ont été posés dans le fond de la chapelle pour former l’armature principale du « sanctuaire », c’est-à-dire l’estrade où repose l’autel et l’ambon.  Foucauld a été mis au travail dès son arrivée, car il fallait poser rapidement les gaines qui contiendront les câbles-son dans l’estrade et au plafond. Pour ce dernier, nous avons profité du gigantesque échafaudage en bois d’eucalyptus qui venait d’être construit et qui servira à la réalisation du plafond. Le portique de la chapelle comporte à présent ses trois arches en briques ! Les ouvriers ont utilisé les coffrages ayant servi pour former les arches en béton et ont posé les briques par- dessus en les joignant avec du mortier.

Ne possédant pas de plan de toutes les faces des arches, les ouvriers ont décidé dans un excès de zèle de poser certaines briques perpendiculaires aux premières, car ils craignaient que les charges ne soient pas bien supportées. C’est en enlevant les coffrages que nous nous sommes aperçus que l’aspect esthétique n’était pas au rendez-vous.

Deux solutions s’offraient à nous :   détruire et refaire les arches ou recouvrir de ciment ces fameuses briques. Le chef de chantier ayant pris la liberté de choisir la deuxième option, sûrement parce qu’il aurait perdu de l’argent avec la première, nous avons décidé de laisser tel quel et d’attendre le rendu final avant de prendre une décision définitive.

Deux autres arches plus étroites sont censées remplir les côtés du portique d’entrée. Dans une tentative de gagner du temps et de l’argent, les coffrages de ces arches ont été réalisés avec des morceaux de carton et mis en forme à la main (tentative bien malheureuse et complètement ratée). Le rendu étant ce qu’il est, l’architecte a heureusement demandé que ce soit démoli et refait avec des coffrages propres.

En tant que client, nous n’avons en effet aucune autorité technique et nous devons nous ranger derrière les décisions de l’architecte. Celui-ci étant assez pointilleux et exigeant sur la qualité, cela ne pose généralement pas de problème lorsque nous ne sommes pas satisfaits d’un résultat, mais il faut savoir faire entendre nos critiques de manière intelligente et raisonnée.

Les parements de briques et de pierres continuent de s’élever et embellissent réellement le bâtiment. Ils donnent quelques complications pour les questions de charge et de stabilité : plusieurs parties s’élèvent au- dessus de fenêtres du sous-sol et ne reposent donc pas sur le sol, tandis que d’autres sont trop hautes et pourraient menacer de se détacher du mur.

Certains responsables du chantier rechignant à se pencher sérieusement sur ces questions, il a fallu faire avec les solutions de repli en les adaptant au mieux, en lien bien sûr avec l’architecte pour s’assurer de leur viabilité. Tous les murs, intérieurs comme extérieurs, qui ne sont pas recouverts de briques ou de pierres, sont enduits de béton pour renforcer la structure et lisser toutes les surfaces: c’est le « plastering ». Cela devient subtile lorsqu’il faut conserver la circularité des ouvertures qui avaient été coulées avec des coffrages. Il a donc fallu vérifier et rectifier plusieurs fenêtres dont les arches n’avaient plus rien de circulaire.

 À suivre…