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[TERRE SAINTE] Le témoignage de Chrysostome : " J’ai la joie d’expérimenter davantage cette belle complémentarité entre la prière et le travail "

Chrysostome, séminariste et volontaire à Jérusalem est en mission au sein de l’hospice Saint Vincent. C’est une mission auprès d’adulte handicapé tenu par les filles de la charité !


L’Hospice Saint-Vincent-de-Paul :

J’ai posé mes valises dans la ville sainte le 26 septembre dernier. J’ai découvert avec émerveillement mon lieu de travail : un vaste bâtiment du XIXe siècle en pierre blanche de Jérusalem et chaque jour j’arpente avec plaisir ses longs couloirs voûtés, ses cours cachées, son jardin d’honneur et sa vaste chapelle. L’Hospice se situe aussi à quelques pas des remparts de la vieille ville et du Saint-Sépulcre. Un cadre idéal pour cette troisième année de formation sacerdotale !

Ce vaste complexe édifié pour les Filles de la Charité accueille aujourd’hui une crèche, ainsi que 29 personnes aux handicaps lourds. C’est près de 80 salariés qui travaillent quotidiennement sur place, et bien encadré par les trois sœurs présentes : Sœur Simone est « sœur servante » (c’est-à-dire supérieure) ; sœur Alice est dévouée aux tâches administratives, tandis que sœur Marlène est responsable du service des handicapés et de la crèche.

 

Notre service : Labora

Avec Hélène, qui est aussi volontaire de l’Œuvre d’Orient et après deux jours occupés à prendre nos repères, nous avons enfin pu découvrir notre service.

Nous avons pour mission de servir les 29 handicapés ; ils sont majoritairement Arabes (chrétiens ou musulmans), on compte aussi trois Juifs. Le plus jeune a 17 ans et le plus âgé en a 86.

Avec trois salariés palestiniens, je m’occupe d’accompagner les hommes de l’hospice dans les différents actes de leur quotidien : lever, douches, repas, différents changes et temps de détente ; nous devons être auprès d’eux à tout instant car ils sont très dépendants. Bien sûr, les compartiments féminins et masculins de l’hospice ne sont pas entièrement cloisonnés : les repas et détentes sont vécus en commun et cela me permet de bien connaître tout le monde désormais.

Concrètement, ce service me demande une attention de tous les instants, de la patience et de la délicatesse.

Les premiers jours furent un défi. Il a fallu apprendre en peu de temps et malgré la barrière de la langue, les bons gestes au bon moment, les besoins singuliers de chacune des personnes, d’autant que les handicaps sont très variés. Ces actions souvent répétitives demandent aussi de la précision. Je ne suis pas un technicien qui veillent sur des machines. Je suis responsable du bon déroulement de la vie de personnes et je dois veiller à compenser leurs nombreuses cécités ; une chute et le lot d’ennuis qui vont avec, arrivent très vite si l’on est distrait.

Au-delà, notre rôle est d’apporter de la joie pour illuminer le quotidien de nos handicapés. Franchement, chaque journée se ressemble, pour eux comme pour moi. Après les premiers jours où je redoublais d’imagination pour les divertir, je me rends compte maintenant qu’il est difficile de ne pas se laisser gagner par une certaine lassitude. Les temps de détente peuvent donc paraitre très longs. Occuper ces personnes, qui sont pour la majorité incapables d’autonomie, requiert pas mal de patience et d’inventivité.

Quand il s’agit d’assister Radouane dans l’exécution d’un coloriage très simple, et de le voir reposer toutes les dix secondes son crayon sur la table par manque de persévérance est assez crispant.

Voir Yazzen secouer son hochet (qui fait un bruit de clochettes exaspérant) pendant des heures, et qui, en plus, semble vraiment passionné, vous donne une idée de ce à quoi peuvent ressembler les temps d’activités de nos protégés et de la difficulté d’apporter un peu de nouveauté dans leur vie quotidienne.

Rassurez-vous, ces moments sont aussi traversés par des éclats de joie ! Certaines fois, lors d’anniversaire, avec Ranza l’une des salariés, nous improvisons des petites fêtes et nous dansons avec les plus valides, au grand plaisir des autres qui regardent la scène.

Je trouve aussi le moyen de les faire rire au long de la journée par quelques pitreries : dérapages en fauteuil roulant, batailles de polochon, imitations diverses… Je n’hésite pas non plus à leur chanter mon répertoire scout ou liturgique car la musique est un excellent moyen pour les toucher tous. Et lorsque j’ai moins d’entrain, c’est eux qui me motivent par leurs sourires ou quelques bonnes paroles. « Habibi ! » revient souvent : c’est un terme arabe affectueux qui se traduirait chez nous par « mon chéri ».

Si c’est un service assez répétitif, les journées passent très vites. Et c’est une joie profonde que de fréquenter tous les jours ces « moins que rien ». Ils n’ont rien pour eux, ni la beauté, ni l’intelligence, ce sont des bébés avec des corps d’adultes ; certains même, sont au premier abord rebutant. Le travail n’est pas facile, pourtant les sourires souvent discrets et les petits gestes sont des encouragements me rappelant que ces hommes ont bien une dignité et qu’ils ne sont pas lassés de vivre malgré leurs limites. Ils me rappellent qu’ils ont un cœur rempli de l’amour de Dieu. C’est une motivation supplémentaire pour m’abaisser devant eux et les servir. C’est alors à moi de surpasser mes propres limites, mes manques d’amour et mes négligences.

Au bout de deux mois à vivre ici, je comprends que cette mission est un ancrage nécessaire pour cette année en Terre Sainte. Elle permet de donner une dimension concrète à ce beau pèlerinage entrepris sur les pas du Christ.

 

Ora !

 Comme vous le savez, le temps consacré à la prière est essentiel pour le séminariste que je suis ! Heureusement j’ai chaque jour le temps d’aller à la messe, de prier deux ou trois offices (Laudes / Vêpres / Complies en générale) et de faire oraison. J’ai la joie d’expérimenter davantage cette belle complémentarité entre la prière et le travail.

Jérusalem comporte aussi de nombreux lieux propices au ressourcement. J’ai l’immense privilège de n’être qu’à quelques minutes de marche du Saint-Sépulcre. Je peux donc m’y rendre plusieurs fois par semaine pour profiter du déploiement liturgique assuré par les gardiens des lieux saints : les Franciscains. Je m’y rends très régulièrement pour la messe ou la procession quotidienne, qui permet différemment d’un chemin de croix, de faire mémoire du Mystère de la Rédemption. Il y a encore la messe tous les jours à l’Hospice, ce qui est bien pratique. Une vaste chapelle préserve un climat de recueillement chose rare entre le brouhaha de la crèche, les cris des handicapés et le vacarme de la rue.

Le rythme de l’Hospice me permet aussi de dégager du temps pour du travail plus intellectuel. J’ai saisi l’opportunité d’apprendre l’Hébreux ancien. Je commence à bien déchiffrer, et j’entame la grammaire maintenant, plus fastidieuse. J’approfondis aussi les cours de philosophie reçues ces deux dernières années. Il y a aussi de très multiples propositions culturelles à Jérusalem, grâce à des institutions comme l’EBAF (Ecole biblique et archéologique française, tenue par les Dominicains). Il n’est donc pas difficile de s’aérer l’esprit et d’apprendre chaque jour de nouvelles choses.

Nous avons un jour de repos par semaine. J’exploite ce précieux temps pour explorer plus largement la Terre Sainte. Nous aimons vivre ces excursions entre volontaires, mais j’aime aussi prendre ce temps pour aller marcher seul. Par exemple, entre Jérusalem et Abu Gosh ; entre Jérusalem et Jéricho par le Wadi Qelt : une oasis au fond d’une vallée très encaissée, qui traverse le désert de Judée en descendant à Jéricho. Toutefois je reste assez limité par mon emploie du temps pour accomplir de plus longues excursions. Lorsque j’aurai quelques vacances, je pourrai enfin partir en vadrouille sans être trop restreint par le temps !

L’ambiance de l’Avent ici est très chaleureuse. Depuis début décembre Bethléem et Jérusalem se parent de lumières pour accueillir Celui qui est la vraie Lumière : les illuminations de sapins de Noël en différents lieux font place à des fêtes de quartier animées par des concerts, des marchés, et des feux d’artifice. C’est alors l’occasion de voir les chrétiens orientaux vivre fièrement de leurs traditions.

La coupe du monde occupe quelques-unes de ces sorties hivernales. Les matchs de l’équipe de France passionnent les Juifs francophones qui chahutent dans la rue après chaque victoire, particulièrement lors de la dernière victoire contre l’Angleterre.

Mais, déjà la grande fête de la Nativité pointe le bout de son nez. J’aurai l’immense privilège de vivre ce Noël à Bethléem en chantant dans la chorale pour la grand’messe de minuit. Aussi, je vous souhaite à tous une sainte fête de la Nativité ainsi qu’une bonne année 2023 ! Je prierai pour que le Seigneur veille sur chacun d’entre vous.

A bientôt pour une prochaine missive et priez pour moi !

 

Chrysostome Létondot