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L’icône de la Dormition du patriarcat maronite

Après un travail minutieux de restauration de deux ans, l’icône de la Dormition redécouverte dans la salle des archives du patriarcat maronite à Bkerké (Liban) va être exposée à la salle des icônes du Petit Palais du 3 au 29 mars 2020. L’inauguration a lieu le mardi 4 mars en présence de l’ambassadeur du Liban, Mgr Pascal Gollnisch, Delphine Lévy, Directrice générale de Paris Musées Christophe Leribault, Directeur du Petit Palais. Retour sur l’histoire de cette icône et sa restauration.

 

Les icônes dans la tradition orientale chrétienne

D’après l’historiographie traditionnelle, deux périodes culturellement prospères ont marqué l’histoire de l’art des chrétiens d’Orient. La première coïncide avec l’instauration du califat abbasside, avec pour centre culturel et politique la ville de Bagdad, de la moitié du VIIIème siècle au Xème siècle. Durant cette période, les Eglises schismatiques, se libérant de la tutelle de Constantinople, s’épanouissent et développent une création artistique singulière.

La seconde période débute au XVIème siècle avec l’essor de l’Empire ottoman, qui va créer un climat stable propice au renouveau culturel au sein de l’empire, y compris pour les communautés chrétiennes d’Orient. Lors de cette période de prospérité, les chrétiens d’Orient vont marquer leur singularité, notamment par leur production artistique. Celle-ci va s’inspirer des nombreuses influences entre l’Empire ottoman et l’Europe, qui vont d’ailleurs être à l’origine d’une mixité inédite des différentes communautés chrétiennes les unes avec les autres.

Les icônes sont des objets d’art, mais elles participent également au divin. Ainsi, elles sont marquées par leur dimension à la fois historique mais aussi religieuse. L’icône permet de représenter les personnes auxquelles s’adressent les fidèles et établissent un lien entre le réel et le divin. La fin du XVIème siècle est synonyme de renouveau pour l’art des icônes. La ville d’Alep va s’imposer comme centre culturel et artistique de la production d’icônes. Cependant, des œuvres vont être produites aux quatre coins de l’empire. Situé au carrefour des traditions occidentales, grecques, byzantines ou encore ottomanes, l’art chrétien ne va pas échapper à ces inspirations multiples, lui conférant une certaine originalité. Cette période de prolifération artistique et d’âge d’or des icônes va perdurer jusqu’au XVIIème siècle, avant de connaître un certain déclin au XVIIIème siècle. C’est durant cette période de renouveau artistique qu’a été peinte l’icône de la Dormition de Marie présentée ici.

La Dormition de Marie

Cette icône représente la Dormition de Marie, dont les récits font partie de la littérature florissante des premiers siècles de l’Église. Pour les chrétiens, le mot « dormition » désigne la mort non-violente et apaisée d’un saint. Pour les chrétiens d’Orient, la Dormition désigne la mort terrestre de la Vierge Marie ainsi que son élévation au ciel. Ce culte a été instauré par l’Empereur byzantin Maurice (539-632). Aujourd’hui, la Dormition de la Vierge est célébrée par les Églises d’Orient le 15 août, le même jour où l’Église catholique romaine célèbre l’Assomption.

D’après le récit traditionnel de la Dormition, c’est l’archange Gabriel qui annonça à Marie sa mort en lui remettant une palme. Elle prépara alors sa dernière prière avec les apôtres, transportés miraculeusement par des nuées autour d’elle. Jésus apparût alors pour accueillir l’âme de sa mère, accompagné d’anges. Les apôtres portèrent le corps de la Vierge jusqu’à son tombeau, mais sur le chemin, un juif dénommé Jephonias tenta en vain de profaner le corps de Marie. C’est alors qu’un ange muni d’une épée de feu apparut et trancha les mains de Jephonias, qui restèrent suspendues dans les airs. Après que Jephonias eut finalement proclamé la sainteté de la Vierge, saint Pierre rattacha ses mains à ses bras. Selon une seconde version, les mains de Jephonias furent rattachées à ses bras après une invocation à la sainte Vierge. Le corps de la Vierge fut ensuite déposé dans son tombeau.

D’après certains écrits, Thomas, retardé en Inde, fut emporté sur un nuage vers Jérusalem et rencontra la Vierge dans les airs. Il lui demanda de le bénir, ce qu’elle fit en lui offrant sa ceinture. En arrivant à Jérusalem, Thomas demanda à voir le tombeau de Marie. En l’ouvrant, les apôtres constatèrent qu’il était vide. C’est alors que Thomas, montrant la ceinture de la Vierge, raconta comment il avait vu le corps de Marie monter au ciel.

On retrouve au centre de cette œuvre le Christ entouré d’anges, au sein d’une mandorle, recevant l’âme de sa mère. L’âme de la Vierge est représentée sous la forme d’un nouveau-né emmailloté, tandis que son corps repose sur le lit mortuaire, encensé par saint Pierre à gauche. A droite du corps, on distingue saint Paul se prosternant aux pieds du corps de Marie. Les deux saints sont entourés d’apôtres et d’évêques déplorant la mort de la Vierge. En bas de l’icône, sur la gauche, on distingue l’ange Gabriel tranchant les mains de Jéphonias, conformément au récit traditionnel de la Dormition.

La restauration de l’œuvre

Longtemps conservée dans la salle des archives du patriarcat maronite à Bkerké (Liban), l’icône de la Dormition de Marie a souffert des conditions de conservation, notamment de l’humidité et de dégâts des eaux, qui ont endommagé l’œuvre. Présentée au grand public lors de l’exposition « Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire » à l’Institut du Monde arabe en 2017-2018, une étude approfondie de cette œuvre a mis en évidence la nécessité d’une restauration de l’icône, proposée par le Petit Palais sous la direction de Raphaëlle Ziadé, conservatrice responsable de la direction scientifique et du pilotage du projet. Après autorisation du Patriarcat maronite, la restauration de l’icône a été prise en charge par le Petit Palais en septembre 2018, avec la participation financière de l’Ambassade du Liban, de l’Œuvre d’Orient et de mécènes privés.

Cette icône est une peinture sur bois mesurant 1,80 mètre de haut, s’inscrivant dans la continuité du style byzantin. Elle se compose de quatre planches en bois maintenues par trois traverses, dont deux étaient bloquées. L’expertise de l’état de l’œuvre a également établi que plusieurs parties de la couche picturale ont été repeintes à maintes reprises. La première partie de la restauration a consisté à débloquer les deux traverses du revers, qui endommageaient la peinture. Ensuite, une restauration de la couche picturale a été entreprise en différentes étapes. L’essence du bois a également été analysée, permettant d’affirmer qu’il s’agit de bois de cèdre, arbre emblématique du Liban.

Un élément essentiel a été révélé par cette restauration : la datation de l’icône. L’utilisation de rayons ultraviolets a permis d’établir la date de réalisation à 1523, ce qui constitue une nouvelle source de connaissance du patrimoine des chrétiens d’Orient. En effet, aucune icône libanaise de cette période n’était connue jusqu’alors. Cette datation permet d’affirmer que cette icône appartient au courant de renouveau artistique qu’ont connu les chrétiens d’Orient du XVIème au XVIIème siècle sous l’Empire ottoman.

Cette restauration a également bénéficié de partenariats scientifiques avec l’INP (Institut National du Patrimoine), l’INHA (Institut national de l’Histoire de l’Art) et le C2RMF (Centre de recherche et de restauration des Musées de France). Vous pouvez découvrir cette icône lors de d’une exposition du 3 au 29 mars 2020 dans la salle des icônes de la Fondation Sisley d’Ornano, au Petit Palais, Avenue Winston-Churchill, fravant son retour au Liban.

Sources :

https://www.lesclesdumoyenorient.com/Icones-arabes-art-chretien-du-Levant

http://www.petitpalais.paris.fr/collections/actualites/une-exceptionnelle-icone-du-patriarcat-maronite-restauree-au-petit-palais

https://oeuvre-orient.fr/actualites/la-vierge-marie-en-orient-et-en-occident-dormition-ou-assomption/

http://www.1oeuvre-1histoire.com/dormition-vierge.html

https://www.narthex.fr/blogs/le-patrimoine-des-chretiens-dorient/l2019icone-de-la-dormition-de-notre-tres-sainte-dame-la-mere-de-dieu

 

Infos : 

au Petit Palais

Avenue Winston-Churchill, 75008 Paris

petitpalais.paris.fr