Alors que nous apprenons ce samedi 31 décembre 2022 le décès du pape émérite Benoît XVI, l’Œuvre d’Orient avec l’ensemble de l’Église, tient à rendre grâce pour la fécondité de son pontificat et pour le souci constant qui a été le sien à l’égard des fidèles catholiques d’Orient.
Inspiré par l’esprit des Pères du concile Vatican II, en particulier par le décret Orientalium ecclesiarium, et par l’œuvre de ses prédécesseurs, Benoît XVI considère les communautés catholiques orientales, à la suite de Jean-Paul II, comme un des « deux poumons », sans lequel l’Église universelle ne peut vivre sa pleine catholicité. Convaincu que les chrétiens d’Orient ont une voix à faire porter dans l’Église tout entière, Benoît XVI enrichit le collège des cardinaux par la présence de nombreux prélats orientaux, à l’image de Sa Béatitude Emmanuel III Delly, patriarche de Babylone des Chaldéens, Sa Béatitude Antonios Naguib, patriarche d’Alexandrie des Coptes catholiques, Sa Béatitude Lucian Mureșan, archevêque majeur de l’Église gréco-catholique roumaine, Sa Béatitude George Alencherry, archevêque majeur de l’Église catholique syro-malabare, Sa Béatitude Bechara Boutros Raï, patriarche d’Antioche des Maronites et Sa Béatitude Baselios Cleemis, archevêque majeur de l’Église catholique syro-malankare.
En plaçant son pontificat sous le signe de la communion, le pape Benoît cherche à approfondir les liens entre l’Église catholique et les diverses Églises orientales séparées. À cet égard, ses nombreux voyages (en Turquie auprès du patriarche œcuménique Bartholomée Ier, à Chypre, en Jordanie, en Terre Sainte, au Liban), correspondances, rencontres œcuméniques et déclarations communes ont manifesté cette soif d’unité qui le caractérise tant.
En ouverture du synode qu’il convoque en 2010 sur le thème « L’Église catholique au Moyen-Orient : communion et témoignage », Benoit XVI supplie les trois religions présentes au Moyen-Orient, musulmane, juive et chrétienne, d’« exclure la violence ». Dans son exhortation apostolique qui conclut le synode en 2012, Ecclesia in Medio Oriente, Benoît XVI rappelle le lien qui unit les communautés orientales aux événements bibliques : la présence chrétienne au Moyen-Orient et le maintien de leur héritage liturgique, théologique et spirituel sont autant de signes permettant à l’Église universelle de retrouver « la sève des origines » de la foi chrétienne. Cependant, Benoit XVI invite les chrétiens d’Orient à se tourner vers l’avenir pour leurs communautés et pour leurs nations. Il a souhaité regarder l’avenir avec confiance.
Prophétiques avant les terribles événements de DAECH qui poussèrent à l’exil de nombreux fidèles orientaux, les conclusions de ce synode gardent toute leur pertinence aujourd’hui.
FIGAROVOX/TRIBUNE – À l’occasion de la fête de la Nativité, le directeur général de l’Œuvre d’Orient rend hommage aux chrétiens persécutés dans le monde et leur adresse un message d’espoir. En Irak notamment, le regard sur les chrétiens évolue et Noël est devenu un jour de fête, rappelle-t-il.
Nuit de Noël. Douce nuit durant laquelle grands et petits viennent s’attendrir devant la crèche popularisée par saint François d’Assise. Temps de fête et de cadeaux, quinzaine commerciale exceptionnelle, au point d’estomper la réalité chrétienne de Noël dans notre pays : la fête devient la célébration païenne du solstice d’hiver, où l’on s’efforce d’oublier les soucis du quotidien.
Cependant le récit évangélique de Noël nous met, par-delà la joie de la naissance de Jésus, et par-delà le message de paix universelle, devant un double drame :
Le premier est celui de l’exclusion de la sainte famille, qui ne trouve pas de place dans la maison commune, afin de permettre à Marie d’accoucher, et qui doit se réfugier auprès des animaux pour trouver quelque chaleur. Les chrétiens d’Orient sont encore trop souvent en situation d’exclusion en raison des discriminations qu’ils subissent au quotidien, au point d’être parfois comme des parias dans leurs propres pays. Le Cardinal Sako, en résidence à Bagdad, a encore rappelé récemment le manque d’une plénitude de droits pour les citoyens chrétiens. La liberté religieuse, plus vaste et plus profonde que la simple existence de lieux de culte réservés aux familles d’origine chrétienne. On a beaucoup évoqué le problème LGBT au Qatar, on n’a pas mentionné l’interdiction de la conversion au christianisme d’un musulman, dans aucun pays du Moyen-Orient, à l’exception notable du Liban. On pourrait évoquer aussi l’interdiction pour une musulmane d’épouser un chrétien, ainsi que de nombreuses autres discriminations que subissent les chrétiens, de manière diverse selon les pays, et que je ne peux ici détailler au cas par cas. Il n’y a pas encore une vraie place pour les chrétiens dans la maison commune qu’est leur propre nation, dans une certaine insouciance des défenseurs des droits de l’Homme.
Pourtant des signes d’espoir existent. Il convient sans doute moins de condamner des sociétés, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives pour les chrétiens, que d’accompagner les évolutions positives. Les visites du Pape François sont autant de gestes prophétiques dont les conséquences se mesureront dans la durée. Mais déjà elles se laissent percevoir : ainsi en Irak le regard sur les chrétiens se modifie peu à peu, et Noël devient un jour de fête, férié, pour tous les Irakiens. Et dans d’autres pays la fête des chrétiens est respectée par les musulmans de bonne volonté, tandis que des relations en profondeur se nouent entre théologiens, à Amman, au Liban et à Bagdad avec l’association Adyan, ou avec les Dominicains au Caire, à Jérusalem ou à Bagdad, parmi d’autres exemples.
Noël doit se garder de deux erreurs : croire que par magie tout problème est résolu, ou croire que dans ce monde rien ne peut être tenté et tout doit se jouer au ciel. L’espérance de Noël est une source inépuisable d’action…
Alors que la guerre se poursuit en Ukraine, que la situation se dégrade en Arménie, au Haut-Karabagh, que l’on assiste à des résurgences de DAECH en Irak et en Syrie comme rappelé lors du sommet de soutien régional à l’Irak, la chaine de télévision Arte annonce son refus le 20 décembre de diffuser des spots payants de L’Œuvre d’Orient, dans le cadre de la campagne de Noël.
En Irak, Syrie, Ukraine, Arménie, Éthiopie, les communautés chrétiennes, qui sont au premier plan sur des lignes de fractures, affrontent des crises d’une rare violence. Par leurs actions humanitaires, et malgré les discriminations qu’ils subissent, les chrétiens d’Orient restent au service de l’ensemble de la population.
« Chrétiens d’Orient » est un terme générique qui désigne une minorité persécutée et pacifique, connue par 70% de la population française et appréciée (sondage Kantar, mars 2022). Leur action humanitaire, que L’Œuvre d’Orient soutient depuis 1856, est au service de tous.
Il est paradoxal qu’Arte se réfugie derrière son cahier des charges franco allemand pour refuser la diffusion de ce spot et couper la voix aux chrétiens d’Orient, tandis que les chaines du service public (France télévision, Radio France) le diffusent ainsi que la RATP. Par ailleurs d’autres médias nationaux offrent à l’association des spots gracieux sur cette fin d’année.
Association de loi 1901, d’intérêt général, L’Œuvre d’Orient est fermement attachée à la laïcité républicaine, au respect de toutes les religions, et à la liberté d’expression.
L’Œuvre d’Orient n’a pas souhaité de polémique publique et regrette l’impossibilité de dialoguer et de se faire comprendre. Ses appels à la présidence d’Arte sont restés sans réponse. Devant l’urgence des besoins de ces populations, L’Œuvre d’Orient demande à la Présidence d’Arte de revenir sur sa position.
Contact presse : Armelle Milcent, directrice de la communication
Chrétiens Orientaux propose en ce jour de Noël (du calendrier grégorien) de découvrir la grotte et la basilique de la Nativité à Bethléem.
Après une dizaine d’années de travaux, elle a retrouvé sa splendeur des siècles passés. Nous ouvrirons des portes habituellement fermées, pour contempler des trésors de l’art sacré : mosaïques, fresques, peintures, khatchkars arméniens en bois…
Les arméniens qui sont gardiens de la basilique célébrèrent la Messe sur l’autel de la grotte au-dessus de l’étoile qui marque l’endroit de naissance de Jésus. Avec eux, nous découvrirons la vie de prière des chrétiens de Terre Sainte, mais aussi le secret du message de la venue du Christ : Dieu fait homme.
Avec la participation de :
Père Asded Balian, doyen du monastère arménien de Bethléem et Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de « Terre Sainte » magazine.
Emission – du 25 décembre 2022, 9h45 (horaire inhabituel), France 2 – une émission de Thomas Wallut et par Guillaume Juhérian (réalisateur). A voir ici.
Chrysostome, séminariste et volontaire à Jérusalem est en mission au sein de l’hospice Saint Vincent. C’est une mission auprès d’adulte handicapé tenu par les filles de la charité !
L’Hospice Saint-Vincent-de-Paul :
J’ai posé mes valises dans la ville sainte le 26 septembre dernier. J’ai découvert avec émerveillement mon lieu de travail : un vaste bâtiment du XIXe siècle en pierre blanche de Jérusalem et chaque jour j’arpente avec plaisir ses longs couloirs voûtés, ses cours cachées, son jardin d’honneur et sa vaste chapelle. L’Hospice se situe aussi à quelques pas des remparts de la vieille ville et du Saint-Sépulcre. Un cadre idéal pour cette troisième année de formation sacerdotale !
Ce vaste complexe édifié pour les Filles de la Charité accueille aujourd’hui une crèche, ainsi que 29 personnes aux handicaps lourds. C’est près de 80 salariés qui travaillent quotidiennement sur place, et bien encadré par les trois sœurs présentes : Sœur Simone est « sœur servante » (c’est-à-dire supérieure) ; sœur Alice est dévouée aux tâches administratives, tandis que sœur Marlène est responsable du service des handicapés et de la crèche.
Notre service : Labora…
Avec Hélène, qui est aussi volontaire de l’Œuvre d’Orient et après deux jours occupés à prendre nos repères, nous avons enfin pu découvrir notre service.
Nous avons pour mission de servir les 29 handicapés ; ils sont majoritairement Arabes (chrétiens ou musulmans), on compte aussi trois Juifs. Le plus jeune a 17 ans et le plus âgé en a 86.
Avec trois salariés palestiniens, je m’occupe d’accompagner les hommes de l’hospice dans les différents actes de leur quotidien : lever, douches, repas, différents changes et temps de détente ; nous devons être auprès d’eux à tout instant car ils sont très dépendants. Bien sûr, les compartiments féminins et masculins de l’hospice ne sont pas entièrement cloisonnés : les repas et détentes sont vécus en commun et cela me permet de bien connaître tout le monde désormais.
Concrètement, ce service me demande une attention de tous les instants, de la patience et de la délicatesse.
Les premiers jours furent un défi. Il a fallu apprendre en peu de temps et malgré la barrière de la langue, les bons gestes au bon moment, les besoins singuliers de chacune des personnes, d’autant que les handicaps sont très variés. Ces actions souvent répétitives demandent aussi de la précision. Je ne suis pas un technicien qui veillent sur des machines. Je suis responsable du bon déroulement de la vie de personnes et je dois veiller à compenser leurs nombreuses cécités ; une chute et le lot d’ennuis qui vont avec, arrivent très vite si l’on est distrait.
Au-delà, notre rôle est d’apporter de la joie pour illuminer le quotidien de nos handicapés. Franchement, chaque journée se ressemble, pour eux comme pour moi. Après les premiers jours où je redoublais d’imagination pour les divertir, je me rends compte maintenant qu’il est difficile de ne pas se laisser gagner par une certaine lassitude. Les temps de détente peuvent donc paraitre très longs. Occuper ces personnes, qui sont pour la majorité incapables d’autonomie, requiert pas mal de patience et d’inventivité.
Quand il s’agit d’assister Radouane dans l’exécution d’un coloriage très simple, et de le voir reposer toutes les dix secondes son crayon sur la table par manque de persévérance est assez crispant.
Voir Yazzen secouer son hochet (qui fait un bruit de clochettes exaspérant) pendant des heures, et qui, en plus, semble vraiment passionné, vous donne une idée de ce à quoi peuvent ressembler les temps d’activités de nos protégés et de la difficulté d’apporter un peu de nouveauté dans leur vie quotidienne.
Rassurez-vous, ces moments sont aussi traversés par des éclats de joie ! Certaines fois, lors d’anniversaire, avec Ranza l’une des salariés, nous improvisons des petites fêtes et nous dansons avec les plus valides, au grand plaisir des autres qui regardent la scène.
Je trouve aussi le moyen de les faire rire au long de la journée par quelques pitreries : dérapages en fauteuil roulant, batailles de polochon, imitations diverses… Je n’hésite pas non plus à leur chanter mon répertoire scout ou liturgique car la musique est un excellent moyen pour les toucher tous. Et lorsque j’ai moins d’entrain, c’est eux qui me motivent par leurs sourires ou quelques bonnes paroles. « Habibi ! » revient souvent : c’est un terme arabe affectueux qui se traduirait chez nous par « mon chéri ».
Si c’est un service assez répétitif, les journées passent très vites. Et c’est une joie profonde que de fréquenter tous les jours ces « moins que rien ». Ils n’ont rien pour eux, ni la beauté, ni l’intelligence, ce sont des bébés avec des corps d’adultes ; certains même, sont au premier abord rebutant. Le travail n’est pas facile, pourtant les sourires souvent discrets et les petits gestes sont des encouragements me rappelant que ces hommes ont bien une dignité et qu’ils ne sont pas lassés de vivre malgré leurs limites. Ils me rappellent qu’ils ont un cœur rempli de l’amour de Dieu. C’est une motivation supplémentaire pour m’abaisser devant eux et les servir. C’est alors à moi de surpasser mes propres limites, mes manques d’amour et mes négligences.
Au bout de deux mois à vivre ici, je comprends que cette mission est un ancrage nécessaire pour cette année en Terre Sainte. Elle permet de donner une dimension concrète à ce beau pèlerinage entrepris sur les pas du Christ.
Ora !
Comme vous le savez, le temps consacré à la prière est essentiel pour le séminariste que je suis ! Heureusement j’ai chaque jour le temps d’aller à la messe, de prier deux ou trois offices (Laudes / Vêpres / Complies en générale) et de faire oraison. J’ai la joie d’expérimenter davantage cette belle complémentarité entre la prière et le travail.
Jérusalem comporte aussi de nombreux lieux propices au ressourcement. J’ai l’immense privilège de n’être qu’à quelques minutes de marche du Saint-Sépulcre. Je peux donc m’y rendre plusieurs fois par semaine pour profiter du déploiement liturgique assuré par les gardiens des lieux saints : les Franciscains. Je m’y rends très régulièrement pour la messe ou la procession quotidienne, qui permet différemment d’un chemin de croix, de faire mémoire du Mystère de la Rédemption. Il y a encore la messe tous les jours à l’Hospice, ce qui est bien pratique. Une vaste chapelle préserve un climat de recueillement chose rare entre le brouhaha de la crèche, les cris des handicapés et le vacarme de la rue.
Le rythme de l’Hospice me permet aussi de dégager du temps pour du travail plus intellectuel. J’ai saisi l’opportunité d’apprendre l’Hébreux ancien. Je commence à bien déchiffrer, et j’entame la grammaire maintenant, plus fastidieuse. J’approfondis aussi les cours de philosophie reçues ces deux dernières années. Il y a aussi de très multiples propositions culturelles à Jérusalem, grâce à des institutions comme l’EBAF (Ecole biblique et archéologique française, tenue par les Dominicains). Il n’est donc pas difficile de s’aérer l’esprit et d’apprendre chaque jour de nouvelles choses.
Nous avons un jour de repos par semaine. J’exploite ce précieux temps pour explorer plus largement la Terre Sainte. Nous aimons vivre ces excursions entre volontaires, mais j’aime aussi prendre ce temps pour aller marcher seul. Par exemple, entre Jérusalem et Abu Gosh ; entre Jérusalem et Jéricho par le Wadi Qelt : une oasis au fond d’une vallée très encaissée, qui traverse le désert de Judée en descendant à Jéricho. Toutefois je reste assez limité par mon emploie du temps pour accomplir de plus longues excursions. Lorsque j’aurai quelques vacances, je pourrai enfin partir en vadrouille sans être trop restreint par le temps !
L’ambiance de l’Avent ici est très chaleureuse. Depuis début décembre Bethléem et Jérusalem se parent de lumières pour accueillir Celui qui est la vraie Lumière : les illuminations de sapins de Noël en différents lieux font place à des fêtes de quartier animées par des concerts, des marchés, et des feux d’artifice. C’est alors l’occasion de voir les chrétiens orientaux vivre fièrement de leurs traditions.
La coupe du monde occupe quelques-unes de ces sorties hivernales. Les matchs de l’équipe de France passionnent les Juifs francophones qui chahutent dans la rue après chaque victoire, particulièrement lors de la dernière victoire contre l’Angleterre.
Mais, déjà la grande fête de la Nativité pointe le bout de son nez. J’aurai l’immense privilège de vivre ce Noël à Bethléem en chantant dans la chorale pour la grand’messe de minuit. Aussi, je vous souhaite à tous une sainte fête de la Nativité ainsi qu’une bonne année 2023 ! Je prierai pour que le Seigneur veille sur chacun d’entre vous.
A bientôt pour une prochaine missive et priez pour moi !
Communiqué de Presse – Solidarité Ukraine : L’Œuvre d’Orient envoie des générateurs avant Noël.
Pour répondre à la pénurie énergétique qui touche le pays, L’Œuvre d’Orient organise cette fin de semaine son premier « pont d’amitié » vers l’Ukraine.
Les équipes de l’association ont pu réunir 42 générateurs qui seront livrés avant Noël pour faire face aux coupures de courant et aux températures glaciales de l’hiver. Chaque générateur, fonctionnant au carburant sans plomb, sera distribué par l’Église gréco-catholique et installé dans un lieu de vie paroissial et familial.
Un camion, accompagné de collaborateurs de l’association, est parti de France ce vendredi pour apporter 42 générateurs vers Przemysl en Pologne, au plus près de la frontière ukrainienne.
Arrivée à destination dimanche, la livraison sera confiée à un convoi de l’Église ukrainienne qui acheminera les générateurs jusqu’à Kiev.
L’Œuvre d’Orient aux côtés des Ukrainiens depuis 1924 réaffirme ainsi son entière solidarité et disponibilité à l’égard du peuple ukrainien.
Contact Presse : Armelle Milcent, Directrice de la communication
En Turquie du Sud-Est, près de la Syrie, se trouvent les derniers monastères vivants du pays. Ce sont des moines et religieuses qui s’accrochent à ce patrimoine unique, avec quelques centaines de familles chrétiennes qui occupent encore des villages où l’araméen est toujours parlé.
Des scribes au bord du désert
Sur une carte de Turquie, le Tur Abdin se trouve non loin de la frontière syrienne et du fleuve Tigre, un ancien limes oriental pour le monde romain. Il s’agit d’un plateau calcaire de moyenne altitude – entre 800 et mille mètres – qui se déroule sur une pliure de terrain accidenté depuis le centre anatolien jusqu’aux vastes étendues de l’ancien croissant fertile, puis du massif du Hakkâri en bordure de l’Irak actuel. Traversé par de rares rivières, encadré par des canyons creusés par les millénaires, c’est un paysage structuré qui s’offre au visiteur par une succession de collines, de champs cultivés en terrasse, de murs délimitant les anciens pâturages et des monuments qui ponctuent l’horizon. Les étés y sont secs et brûlants, les hivers brusques, le printemps fleuri. Les grandes villes sont Diyarbakir et Mardin au nord et à l’ouest, la petite capitale de Midyat en son centre, puis Cizre et Siirt de l’autre côté du Tigre. Vers la Mésopotamie, plein sud – « entre les fleuves » –, ce sont d’anciennes routes commerciales qui relient Urfa – Édesse dans l’antiquité – avec Antioche, Alep et Mossoul, joignant ainsi les sphères des mondes turc, arabe, kurde, arméniens mais encore ceux de l’Assyrie. Ce sont enfin des sentiers plus modestes – chèvres et mules – qui parcourent les crêtes, d’un village à l’autre, d’un vallon à un terre-plein rocailleux où se dresse un sanctuaire dédié à des martyrs tirés de la chronique de Michel-le-Syrien et des personnages saints de la grande histoire du monde syriaque, ascètes, moines, évêques, scribes et écrivains.
Cette montagne est celle des « serviteurs de Dieu » – le Tur Abdin en syriaque – une dénomination ecclésiastique propre à l’Église syriaque orthodoxe pour désigner ce berceau important de l’Orient chrétien. Une foi qui s’exprime toujours en araméen pour la poignée de religieuses et de moines qui entretiennent ces ermitages, une dizaine peut-être en tout, les derniers de Turquie. Le plus important d’entre eux, fondé en 397 par Samuel, originaire de Mardin et fils spirituel de l’évêque martyr Karpos tué au cours d’un raid des Perses contre Nisibe au milieu du IVe siècle, le monastère de Saint-Gabriel est au cœur de ce récit tourmenté. Un bâtiment aussi austère que majestueux qui s’abrite derrière de hauts murs où poussent la vigne, les oliviers et pistachiers. Le métropolitain Samuel Aktaş y réside l’année durant pour accueillir les pèlerins venus du monde entier – la diaspora syriaque s’est répandue sur tous les continents à partir de 1915, puis dans les années 1990 vers l’Europe à cause du conflit entre l’armée turque et les Kurdes du PKK. Une population attachée à ses origines, à cette terre qu’elle considère comme une seconde Jérusalem. Saint-Gabriel est un lieu important par le symbole, une résistance contre l’érosion de la présence chrétienne du Levant, mais aussi pour la mosaïque byzantine qui décore la voute de son sanctuaire principal. Une œuvre d’art exceptionnelle qui peut rivaliser avec les œuvres laissées par les grands maîtres comme à Constantinople et en Syrie du Nord. Le commanditaire a été l’empereur Anastase vers 512 de notre ère à une époque où l’Empire romain d’Orient avait besoin de sécuriser cette province frontalière contre les Perses. En quelques années, le Tur Abdin s’est fortifié par la volonté impériale, devenant un conservatoire méconnu de l’architecture paléochrétienne. Depuis 2011, la consolidation de la mosaïque de Saint-Gabriel a été prise en charge par une équipe française composée de restaurateurs engagés à la demande de l’évêque dans un soucis de transmission et de sauvegarde.
Une part de mémoire de l’Orient chrétien
Il y aurait tant à voir dans une région si riche et délaissée que ce soit les grands monastères de la montagne de Nisibe, comme l’émouvant Saint-Eugène perché sur sa paroi face au désert de Syrie. C’est en ce lieu que débuta le monachisme syriaque propre à cette géographie avec la figure d’Eugène venus d’Égypte accompagné de ses disciples au début du IVe siècle, dont les tombeaux sont toujours lovés dans l’un des bâtiments. Saint-Eugène revit depuis une dizaine d’années avec la venue d’un jeune moine syriaque ayant grandi en Suède et désirant renouer avec l’ascèse de ses pairs. Un peu plus au sud, dans la ville actuelle de Nusaybin – l’ancienne Nisibe –, c’est l’admirable église de Saint-Jacques qui accueille le visiteur au bout d’un dédale de ruelles étroites. Une église qui a peut-être été le baptistère d’une ancienne basilique construite en ces confins à l’époque de Constantin-le-Grand. Un bâtiment enfin dont les portes finement sculptées ont vu passer saint Ephrem le Syrien, diacre et compositeur d’hymnes qui enchantent toujours les liturgies de l’Orient. Si les pierres demeurent malgré l’usure, les familles chrétiennes continuent de partir pour un horizon meilleur, celui des grandes villes de Turquie mais encore à l’étranger. Une région dont les dizaines de monuments chrétiens ont besoin d’être documentés et étudiés afin de remettre le Tur Abdin au centre du grand carrefour des civilisations.
Jean de Damas (650 ? – 750), arabe et chrétien, haut-fonctionnaire devenu moine et prêtre, fut proclamé Docteur de l’Église en 1890 par Léon XIII. Connu pour la défense de la vénération des icônes, il occupe une place importante dans la théologie byzantine.
Jean de Damas, considéré comme le dernier Père de l’Église d’Orient, est né à Damas en Syrie dans une famille de hauts fonctionnaires qui appartenait à l’élite et à l’orthodoxie chalcédonienne de culture grecque. Son grand-père, Mansûr Ibn Sarjûn, fonctionnaire dans la ville de Damas, joua un rôle quand la Syrie fut envahie par les Perses, les Byzantins et les Musulmans en occupant le poste de percepteur d’impôts pour la ville. Quand le calife Muawiya s’empara du pouvoir, le grand-père de Jean devint le responsable de l’administration fiscale de tout l’empire musulman et, par le fait même, responsable du financement de la conquête musulmane contre Byzance. Par la suite, le père de Jean, Sarjûn, devint lui aussi un haut fonctionnaire que ce soit sous Muawiya ou son successeur Yazid Ier. Malgré cette collaboration zélée avec le califat musulman des Omeyyades, la famille des Sarjûn resta attachée à la foi chrétienne, tout particulièrement à la foi chalcédonienne.
Jean reçut une éducation solide d’abord religieuse, ensuite profane et notamment philosophique et linguistique, grecque et arabe. Il commença par seconder son père dans sa tâche administrative à l’âge de vingt ans, et petit à petit, il devint lui-même le chef de l’administration fiscale urbaine et fréquenta les grandes personnalités du califat des Omeyyades.
La rupture
C’est sous les califes Walid 1er (668-715) et Omar II (717-720) que la vie change pour les chrétiens, puisque ces califes décidèrent d’éliminer tous les non-musulmans des postes administratifs. Cette mesure poussa beaucoup de chrétiens soit à se convertir à l’islam, soit à quitter la ville. Jean décida de quitter la ville et se dirigea vers la Palestine, au monastère de saint Sabas près de Jérusalem, une laure très connue à cette époque et entièrement hellénisée. Jean fut ordonné prêtre du Saint-Sépulcre par le nouveau patriarche Jean III de Jérusalem et restera en contact avec les lieux saints toute sa vie, laissant une œuvre théologique, spirituelle et hymnographique très importante.
Son œuvre, entièrement en grec, comprend La Source de la Connaissance, son principal ouvrage, en trois parties : La Dialectique (partie philosophique), Catalogue des hérésies (partie historique) et Exposé de la foi orthodoxe (partie dogmatique) – dans la deuxième partie, Jean dénonce les erreurs des hérétiques dans deux traités considérés comme les premiers textes chrétiens sur l’islam.
Un précurseur
Une autre publication, Trois discours sur les images, concerne la théologie de l’icône et le culte rendu aux images. Dans cet écrit, St Jean s’engage résolument dans la crise iconoclaste déclenchée en 721 et soutenue par l’empereur Léon III l’Isaurien, en défendant la vénération des images (icônes) et en fondant le culte sur le mystère de l’incarnation. Sans entrer dans les détails de cette controverse, deux arguments majeurs montrent l’apport original de sa pensée théologique : la distinction entre vénération (proskunèsis) et adoration (latreian), et le renvoi au modèle. Il est le premier à clarifier les concepts employés dans le culte des icônes. L’icône est uniquement objet de vénération, car la véritable adoration revient uniquement au Dieu trinitaire ! Par ailleurs, pour lui, la vénération de l’icône ne renvoie pas à la matière, mais au prototype, comme il l’écrit lui-même : « Je ne vénère pas la matière, mais le Créateur de la matière qui s’est fait matière pour moi et qui a daigné habiter dans la matière et opérer son salut par la matière. Je ne cesserai de vénérer la matière par laquelle m’est advenu le salut. Mais je ne la vénère pas comme Dieu. » Ainsi pouvons-nous considérer l’icône comme symbole de la transfiguration de la matière, puisqu’elle est, comme la matière, un moyen de voir l’invisible.
Quant à ses écrits sur l’islam, deux textes brefs nous sont parvenus qui nous montrent l’importance de son témoignage. Le premier est extrait du Livre des hérésies, le deuxième, La controverse entre un Musulman et un Chrétien, est un livre apologétique sous forme d’accusations contre certaines doctrines chrétiennes. Jean est le premier auteur qui décrit la première rencontre entre les musulmans et les chrétiens en Syrie et qui discute avec les musulmans des questions doctrinales avec un ton non seulement apologétique mais aussi interprétatif. Tout en se révélant comme un fin connaisseur de la nouvelle religion, il se montre aussi comme un véritable précurseur des polémiques islamo-chrétiennes, des controverses au sein même de l’islam – le problème de l’éternité de la Parole et du Coran, le problème du libre arbitre, le problème des attributs divins et bien d’autres…
Quant à son œuvre spirituelle, elle est composée de plusieurs hymnes et prières qui rythment les fêtes liturgiques dans la tradition byzantine et qui montrent la profondeur de sa pensée théologique. Ainsi par son génie poétique et sa contemplation du mystère de Dieu devient-il un des grands théologiens dans la spiritualité orientale et la tradition byzantine. Voilà pourquoi cette dernière l’a considéré comme un Père de l’Église et son enseignement théologique, surtout sa théologie de l’icône, a été adoptée par l’Église au dernier concile œcuménique Nicée II en 787 où son autorité théologique a été officiellement reconnue par l’Église universelle.
Après 12 ans d’absence, notre reporter est revenue sur les lieux où elle a vécu. De Homs à Damas, le contraste est saisissant : ici une ville en ruine, là la vie a repris presque comme avant, en apparence, malgré une économie exsangue. Elle a rencontré une jeunesse meurtrie mais engagée pour reconstruire son pays.
Elle marche dans ses ruines qu’elle connait si bien. C’était le quartier de son enfance, à Homs. Depuis 8 ans que la ville a été bombardée, rien n’a changé, des restes de vie jonchent encore les décombres de ces rues dévastées. Pourtant Hala, ingénieure, 30 ans, sourit, tout comme Souzanne, 25 ans, architecte. Grâce à leur association, montée par Sr Samia, elles ont pu reconstruire certaines maisons, et des familles dont celle de Fadi, chauffeur de taxi, ont pu revenir s’installer. Présences presqu’irréelles au cœur de tant de désolation. Hala ne voit pas des ruines, elle revoit le lieu où elle a grandi et a été heureuse : « je veux que ce quartier redevienne aussi beau qu’il l’a été, je veux revenir vivre ici, c’est pour cela que je me bats ». Souzanne non plus ne compte pas quitter Homs, « ma vie est ici, je ne rêve pas d’ailleurs », confie-t-elle. Son père est décédé il y a près de 20 ans, son frère l’an dernier dans un accident de voiture, sa mère ne travaille pas, fume beaucoup « et ne sait cuisiner que le taboulé », sa sœur étudie à l’université. Souzanne fait vivre sa famille ; elles déménagent souvent au gré des logements qu’elles peuvent louer. Son village a été entièrement détruit. Pourtant chacune de ses phrases, même les plus terribles, se termine dans un éclat de rire. Pas d’amertume, pas de colère, pas de révolte, au moins apparente, chez ces deux jeunes femmes, simplement une envie de vivre, de revivre, fracassante.
La Syrie est exsangue, anéantie par plus de dix années de guerre, et des sanctions internationales qui rendent le quotidien impossible. Le pain est rationné, les files d’attente se forment dès 3h du matin pour aller le retirer, parfois des bagarres éclatent. Le prix des transports rend les déplacements inaccessibles à la plupart des Syriens. La livre ne vaut plus rien, il faut des liasses pour payer le moindre achat. Le nombre de cancers, en partie dus aux chocs subis pendant la guerre, explose. Les traitements sont inaccessibles.
Qu’ils aient traversé la guerre à Homs sous les bombardements, comme Nouhad, qui courait chaque jour pour éviter les snipers, ou qu’ils n’aient rien vu de tout cela, comme Ziad, étudiant à Tartous, tous s’accordent à dire qu’ils ne reconnaissent pas leur pays, que quelque chose s’est brisé, que la méfiance a corrompu tous les liens. « Les gens sont devenus si durs entre eux, parce qu’ils ont tellement souffert. Ils auront besoin de beaucoup de temps pour se reconstruire, plus qu’il n’en faudra pour rebâtir les bâtiments » confie Nouhad. Il faudrait plus de lieu comme le monastère de Mar Moussa, pour se réconcilier et se sentir accueillis ». Nouhad s’est installée provisoirement dans cette communauté mixte, œcuménique et dédiée au dialogue islamo chrétien, plantée au cœur du désert.
Détruite en 2012, puis entièrement pillée, jusqu’aux dalles, l’école al Riaya à Jaramana, dans la banlieue de Damas, a été reconstruite depuis un an et a pu accueillir à nouveau 1500 élèves. « Nous avons perdu beaucoup d’enseignants et d’élèves » déplore Sr Jihanne, la directrice. Elle ne s’attarde pourtant pas sur ces années d’enfer. « Je ne peux pas me décourager, il y a encore trop de difficultés. Regarder ces femmes, souvent seules parce que leurs maris sont morts ou en exil. Regarder leur force pour faire vivre leur famille, voilà ce qui me fait tenir. Avec Dieu et l’exemple de saint Paul », puis elle ajoute dans un sourire : « comme lui, il faut parfois un sale caractère pour que les choses avancent ». Le quartier de Jaramana compte désormais 3 millions d’habitants, entassés dans des logements de fortune, ou encore détruits, sans presque ni accès à l’eau ni à l’électricité. Les enfants trient les ordures pour tenter de gagner même pas de quoi acheter du pain. Des enfants devenus violents à force d’être restés enfermés pendant la guerre et à cause des traumatismes subis, constate Sr Jihanne. « On fait des jeux pour qu’ils se défoulent, qu’ils expulsent cette violence ». La maison des sœurs qui jouxte l’école n’a pas été reconstruite. Comme une incongruité, le jardin, lui, explose de roses. « Parce que les fleurs attendrissent l’âme » murmure la sœur.
Oui, ils sont nombreux ces jeunes Syriens à vouloir quitter leur pays. Oui, beaucoup sont épuisés par 11 ans de guerre et de privations. Mais ils savent qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. À les voir se battre pour que renaisse la Syrie, non pas telle qu’elle était avant, mais comme ils la rêvent désormais, avec cette espérance un peu folle qui ne peut jaillir que de la détresse la plus profonde, on se prend à envier leur foi, et à espérer avec eux.
Églantine Gabaix-Hialé, chargée de mission à L’Œuvre d’Orient.