Découvrez le message des Evêques catholiques Erythréens.
IL EST ENCORE TEMPS, POURSUIVONS LA PAIX AVEC ARDEUR !
En tant que chefs spirituels et bergers du peuple de Dieu et en tant que concitoyens, nous exprimons notre profonde tristesse face à la guerre fratricide qui a éclaté violemment dans notre pays voisin, l’Éthiopie. La guerre, c’est l’opposé de la vie et du développement. Au contraire, cela tue, fait mal, détruit, déplace et produit des injustices et des haines durables parmi la population. La conséquence de la guerre est une vérité qui va de soi pour le monde entier et spécialement pour les peuples de la Corne de l’Afrique. Malheureusement, les conflits ont persisté de la même façon.
Au début d’une guerre, personne ne sait quand et où elle finira. Dans une guerre, toutes les parties sont perdantes et il n’y a pas de gagnant ; c’est pourquoi notre pape Saint Jean-Paul II affirmait que la guerre n’a aucun sens et qu’elle est toujours injuste. En d’autres termes, la guerre détruit les quatre piliers de la paix : la vérité, la justice, l’amour et la liberté.
La vérité : dans une société, elle ne garantit pas seulement les droits individuels, elle sauvegarde le bien commun en protégeant les droits des autres comme un bloc constructeur de paix.
La justice : elle garantit les droits des autres en poussant au progrès pour bâtir la paix.
L’amour : il inculque l’empathie pour les besoins des autres, en créant de la réciprocité pour bâtir la paix, à travers une participation intellectuelle et spirituelle en dignité.
La liberté : elle permet aux gens, guidés par leur conscience, de remplir leurs obligations en contribuant au développement de la paix
Inspirés par la foi et la sagesse, nous imaginons que ce qui est sur le terrain ne reste pas toujours pareil. C’est pourquoi la recherche de la paix ne peut pas être séparée du respect de la dignité humaine et des droits humains. La paix et la vérité sont intimement liées par :
– La transmission d’informations vérifiées et certaines ;
– La même justice pour tous devant la loi ;
– Une procédure démocratique transparente qui garantisse la participation des citoyens ;
– La volonté de résoudre les conflits par des moyens pacifiques, honnêtes et constructifs, telle que l’affirme l’exhortation de Jean XXIII pour la construction d’une paix durable.
Donc, au nom de Dieu et pour l’amour des peuples concernés, nous exigeons la cessation immédiate des hostilités destructrices et que l’on s’abstienne de tout langage incendiaire et de propagande qui attisent le feu entre les parties.
Nous exhortons toutes les parties à venir s’asseoir autour de la table et à résoudre le conflit par le dialogue.
Nous demandons au clergé, aux religieux et aux fidèles de s’engager à prier et à implorer.
Puisse le Tout Puissant Roi de la Paix et le Divin Rédempteur apporter une vraie réconciliation et la paix dans notre région.
Retrouvez le témoignage d’Estelle, volontaire en Grèce.
Lundi 14 septembre. Il est 10h40 en Grèce. J’ai quitté le sol français il y a deux heures. Je suis maintenant à 2000 km de chez moi, presque arrivée à Athènes, capitale de la Grèce. Je ne serai de retour en France que dans 6 mois. L’exploration de ce pays à l’histoire millénaire commence ici.
De l’avion qui me porte en Grèce, le premier visage de ce pays se dévoile. Un paysage dévasté par le soleil, une terre sèche, nue, brûlée. Je crois voir un désert que la mer visite par endroits. L’aridité du pays est flagrante. Je pense immédiatement aux hommes qui doivent travailler sur ces terres assoiffées. Cette image de pays harassé par la chaleur, par la nature qui le fait vivre et mourir me reste en tête.
C’est la nature qui fait vivre la Grèce : ces paysages magnifiques que tous nous avons en tête et qui s’offrent à la vue de chacun sont la vitrine de ce pays splendide. Cyprès immenses, mers de sable et d’eau salée, terres battues par un vent fort et qui s’émiettent dans la mer, voilà la Grèce que j’aperçois. Les touristes sont nombreux et confirment cet attrait inépuisable pour cette Grèce si séduisante.
C’est aussi la Grèce et son climat exténuant qui affaiblissent ce peuple. Dans la ville, tous les volets sont fermés, tous les stores baissés, et cela, à toute heure de la journée. Dans le quartier où j’habite, seules les nombreuses échoppes qui donnent sur la rue laissent voir ce qui s’y passe à l’intérieur. Les étages supérieurs semblent tous inhabités ou morts. C’est comme si la vie s’arrêtait au premier étage.
Circulant plus tard au hasard des rues, mon impression d’arriver dans un pays tiraillé dans deux directions opposées par la même réalité me reste en tête : des ruines et des ruines. Les ruines d’une civilisation antique et magnifique qui a fondé l’histoire de l’Occident et les ruines d’un pays sacrifié dans des crises successives. Ici immeubles délabrés côtoient hôtels de luxe fringants. De même, sur les trottoirs de marbre qui parcourent la ville dorment des gens qui n’ont rien. Athènes m’apparaît donc d’abord comme une cité impressionnante dont l’histoire est parfaitement rendue par l’architecture. Je contemple l’Acropole qui domine la ville comme la Grèce rayonna jadis sur tout le bassin méditerranéen et je m’arrête sur les décombres de nombreux bâtiments, miroirs d’un pays qui s’effondre.
Ce qui me frappe aussi c’est cette économie parallèle, que les économistes appellent naïvement économie sous-terraine, mais qui est partout perceptible. Vente à la sauvette, prostitution, paiements réguliers en cash… Cette réalité frappante est d’autant plus visible que la police omniprésente y reste indifférente. On comprend alors la vétusté des infrastructures : routes, bâtiments délabrés et police passive donnent l’image d’un Etat inexistant.
Enfin, le visage d’une Grèce très religieuse se laisse facilement regarder. Les églises et petites chapelles orthodoxes sont partout. Les icônes qui emplissent ces lieux de culte sont reproduites sur des murs de la ville. Le drapeau de l’Eglise grecque orthodoxe est arboré sur certains bâtiments publics. Mon regard de française habituée à une distinction claire entre l’Eglise et l’Etat est désorienté mais surtout émerveillé par cet Etat qui, malgré des défauts évidents, persiste à défendre publiquement les racines qui font son peuple !
C’est dans ce pays fatigué, à genoux mais à l’âme toujours vivante que s’inscrit ma mission. L’Œuvre d’Orient m’a envoyée au JRS (Jesuit Refugee Service). Le JRS est porté ici par la communauté jésuite d’Athènes et par 4 sœurs, avec qui je vis. Je découvre jour après jour que l’Eglise catholique romaine est largement minoritaire en Grèce. Les volontaires, dont je fais partie, sont donc de véritables soutiens pour l’Eglise catholique de Grèce.
Dans le centre JRS où je suis volontaire, je rends service à des réfugiés venus de loin pour trouver un ciel meilleur. La plupart de ceux-là sont afghans, et africains. La première fois que je suis amenée à rencontrer ces personnes, c’est à Victoria Square, à 10 minutes à pied de la communauté avec laquelle je vis. Je vois des familles, de nombreuses familles, assises, par terre, sur des cartons, des couvertures. Que font-elles ici ? Qu’attendent-elles ? Ce sort est-il celui que ces familles ont recherché en quittant leurs pays ? Bon nombre de questions me viennent à l’esprit. Révolte, frustration, incompréhension m’habitent. Le plus étonnant, et certainement le plus consolant c’est que ces personnes ne semblent pas fondamentalement malheureuses. Plus fort encore, je crois percevoir, dans ces quelques premiers regards, l’espoir qui les fait vivre. Je crois que j’avais toujours considéré les réfugiés, que je ne connaissais que par ce que les médias m’en disaient, comme des gens privés de tout. En réalité, ils doivent avoir un espoir immense pour accepter de vivre tout cela. Cet espoir, ils me le transmettent dès cet instant où mon regard ose la rencontre avec le leur. Je manque d’espoir, et c’est eux qui m’en donnent !
En arrivant ici, je pensais côtoyer des situations désespérées alors qu’il semblerait que ce soit radicalement le contraire : si ces gens sont ici, c’est qu’ils ont l’espoir, et même pour certains, une religieuse espérance d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants. A noter également que les échanges avec les femmes que je rencontre sont profonds, et ce, bien que nous ne parlions pas la même langue. L’échange se joue essentiellement dans la communication non verbale. On me l’avait enseigné et c’est impressionnant de l’expérimenter. Lors d’une discussion avec une femme afghane, elle me fait comprendre qu’elle voit tout l’avenir devant elle. Sans doute sa famille a-t-elle rencontré des épreuves très lourdes mais leur espoir est plus grand que ces obstacles ! Ces rencontres sont pour moi pleines d’enseignement.
J’apprends que le JRS propose plusieurs services, dont un centre d’accueil de jour pour les femmes et un magasin de vêtements. Je remarque rapidement que même dans cette ONG d’une taille relativement petite, la bureaucratie se fait pesante. Par exemple, si une femme vient au centre d’accueil sans sa carte d’inscription au JRS, elle doit rentrer chez elle pour aller la rechercher. Si un homme arrive au magasin, sans rendez-vous, le responsable des entrées du magasin lui refuse l’entrée. Ces petits événements sont en réalité assez nombreux et la menace pour le JRS de passer à côté de son objectif est alors particulièrement présente.
Ces quelques lignes résument en substance ce que j’ai découvert au cours des deux semaines passées. J’aurais certainement bien plus à dire : chaque rencontre est une occasion d’étonnement, et souvent d’émerveillement. Enfin, je souhaiterais que cette admiration que j’ai éprouvée pour la plupart des personnes rencontrées ne se tarisse pas. Qu’elle fasse croître en moi le zèle qui m’a portée jusqu’à elles !
Découvrez le témoignage d’Ines, volontaire à Roumieh au Liban.
Nous sommes parties de bon matin avant le jour, un 12 octobre, 6h30, après deux tentatives successives avortées (le 25 septembre puis le 9 octobre). Bien décidées, nous avons passé tous les contrôles ! Première surprise à notre arrivée : le coffre de la voiture de Sœur Marie, renfermant toutes nos valises, ne se ferme plus… Un soldat nous aide à le ficeler avec des tendeurs, et c’est parti pour la montée ! S’il y a un problème, il y a une solution ! Grosse découverte de la semaine : les coupures d’électricité. Elles sont d’autant plus déroutantes quand elles interviennent en pleine douche…
Les légendaires couchers de soleil de Roumieh : La précédente volontaire nous avait parlé des couchers de soleil de avec des étoiles dans les yeux. Dès le premier, jour nous sommes donc parties en pèlerinage vers un espace dégagé où l’admirer. Le ciel parcouru de jaune, d’orange et de rouge au-dessus de la colline et du port de Beyrouth au loin ne nous a pas déçues. Depuis, nous retournons tous les jours, observer les lumières de la côte, entre Beyrouth et Jounieh ! Une précision tout de même : ici le soleil se couche vers 17h30. Les après-midis sont bien occupés, il y a la préparation des cours, mais surtout : le potager de sœur Marie. Notre monnaie d’échange pour les cours d’arabe qu’elle nous dispense…
La force de la communauté
Ce qui m’étonne vraiment ici c’est l’esprit de communauté qui prévaut sur toute autre chose. Les professeurs et les religieuses semblent former une petite famille et tous évoluent dans une même direction. Samedi dernier, nous avons participé à une réunion zoom avec tous les professeurs du primaire 2 et, entre autres sujets évoqués, nous avons compris que tous les professeurs avaient accepté de réduire de moitié leur salaire, avec une compensation en eau, café, tout en augmentant leurs heures de cours. Les familles ne peuvent en effet plus payer l’inscription de leurs enfants, ce qui ne permet pas aux sœurs d’assurer un salaire normal aux professeurs. Malgré tout, ils semblent tous aller de l’avant, refusant de baisser les bras et continuant à dispenser leur savoir aux élèves !
Chers amis, chers proches, voici désormais arrivée la Newsletter. Un condensé de petites nouvelles en direct du Caire, au travers desquelles je pourrais vous décrire le quotidien au sein de la mission, mais aussi de la ville et plus largement, je l’espère, du pays. De quoi donner à vos yeux et je l’espère à votre imagination, un aperçu de cette ville dont les nombreuses surprises ne cesseront d’émerveiller.
Petit récit d’aventures :
1 000 kilomètres par heure, Azimut 115°, 11 kilomètres d’altitude sur 3 210 kilomètres … Après deux longues semaines de patience, de tests covid à répétition, de réservation de billets, d’annulation de billets, j’étais dans le coucou qui devait m’emmener dans la ville millénaire. Il aura bien fallu ce temps pour que la mission se laisse désirer : Il disait quoi Jean déjà ? « Patience et longueur de temps … » ? Un truc comme ça. Et finalement, après 4 heures d’un voyage qui semblait finalement bien court, nous survolions la côte égyptienne. Je le dis désormais, celui qui appelle Paris « Ville-Lumière » n’a pas vu Alexandrie de nuit.
Une descente en douceur, un atterrissage brutal sur le sol cairote, une course dans les couloirs d’un aéroport à faire pâlir un agoraphobe, un coup de chaud et une confrontation à la douane égyptienne plus tard, visa touristique et premières livres égyptiennes en main, je me retrouvais à la sortie de l’aéroport. Prochaine étape, s’extirper de la cohue des taxis pour rejoindre le chauffeur envoyé par le Collège de La Salle. Difficile de se confronter sereinement à leur désir de faire du client quand on ne parle pas la langue : « Patience et longueur de temps… » Difficile de ne pas tourner de l’œil dans une voiture lancée à toute berzingue sur un périphérique où se croisent sherut, carioles et autobus, où le klaxon est un moyen de dialogue et où les conducteurs rivalisent de proximité entre carrosseries au moment de se dépasser. « Patience et longueur de temps … ». Encore quelque chose à apprivoiser : Traverser la rue dans une ville totalement dénuée de passages piétons, s’élancer et forcer le passage, confiant en ce que les automobilistes seront attentifs. « Patience et longueur de temps … ».
Me voilà enfin arrivé au collège … Et quel luxe ! Chambre privée avec salle de bain et climatisation, salon et cuisine commune, chapelle, femme de ménage, cuisiniers, … S’il s’agissait de découvrir la misère, ça attendra de revenir en France ! Et pourtant celle-ci continue de se pointer aux portes de l’établissement. Une fois passé ce portail, on trouve un quartier sans trottoir, où les nids de poule sont la norme, où les carcasses de voiture jonchent la chaussée, où les cireurs de chaussure ont douze ans, où une foule de chats et chiens errants jonchent les tas d’ordures. Une ambiance joyeuse, finalement accueillante, où les « Faransi » sont un spectacle au moment où ils descendent dans les cafés pour des parties de Backgammon arrosées d’un bon thé. Le voilà l’enthousiasme que suscite l’Européen, souvent par simple amusement, parfois par intérêt : Aux pyramides de Gizeh, cela relève parfois du harcèlement, et il faut jouer des coudes pour pouvoir leurs faire face.
Deux semaines de totale découverte : Visite du quartier copte, premier passage aux Pyramides, premier restaurant traditionnel, premiers cours d’arabe, premier contact avec les professeurs, découverte des projets de scoutisme, … Difficile de se sentir prêt à interagir aux besoins quand on commence tout juste à apprendre la langue. Difficile de sortir d’un cercle francophone si important, d’une zone de confort pour un étranger dont les repères ont été bousculés, même en tissant des amitiés locales. La rentrée arrive sous peu, les visites s’amenuisent, tout est fait, tout est à faire : « Patience et longueur de temps … ».
La pépite : Le backgammon
Alors que nous nous baladions dans les rues avec Baudouin, un autre enseignant ayant tenté l’aventure pour apprendre la langue arabe, nous découvrions d’étranges plateaux, sur lesquels les tontons jettent des dés et bougent des pions de dame. Le plateau nous était connu, c’était celui du backgammon, que l’on trouve souvent dans l’intérieur des boites de jeu de dame. La règle est simple : On fait avancer les pions du nombre de case avancé par les dés, et le but est d’être le premier à avoir fait faire le tour du plateau à tous ceux de sa couleur. Une règle simple, connue de beaucoup. Mais aurions-nous soupçonné à quel point ce jeu pouvait être une telle institution ? Chaque bar, chaque café dispose d’un ou deux jeux en libre- service. Il ne nous en fallut pas plus pour nous convaincre d’apprendre les règles ! Et ni une ni deux, nous voilà, chacun des soirs sans programme particulier, à descendre après la messe dans le café du coin, pour commander un thé et lancer quelques parties, au grand plaisir des tontons, des habitués, qui nous regardent faire et commentent le jeu sans que l’on puisse distinguer le bon du mauvais. Le perdant paie le thé, il est 20h, il ne nous reste plus qu’à remonter jusqu’au collège pour le dîner.
Vos mains tendues
Grâce aux dons des particuliers, l’Œuvre d’Orient dispose de ressources financières qui lui permettent de venir en aide aux communautés chrétiennes locales. Si celle-ci dépasse désormais la simple assistance financière, l’envoi même des volontaires demande un certain investissement. Pour cela, je remercie l’Œuvre d’Orient et son Pôle Jeune (et dynamique), mais surtout nous vous remercions, vous qui avez bien voulu participer à cette aventure par des dons. Retardataire désireux de s’y associer ? Pas de panique ! Le mail de cette newsletter contient aussi le document d’information sur le parrainage. Pas de temps pour la lecture ? Pas de panique ! Le lien direct est juste ici : https://secure.oeuvre-orient.fr/soutenir. Prière, don, relai d’informations, … Quel que soit votre geste, il est d’une aide précieuse : Merci !
« L’Egypte l’eut pris pour le dieu de ce temple, le Moyen-Âge l’en croyait le démon, il en était l’âme. »
Ce soir j’ai eu l’immense joie de recevoir avec Pierre Klein auteur d’un livre remarquable sur l’Histoire de l’Eglise d’Orient, le prix du jury de l’œuvre d’Orient des mains de Madame Carrère d’Encausse secrétaire perpétuelle de l’académie française. Ci dessous mes mots de remerciement.
« C’est avec une vive émotion et une profonde gratitude que je vous remercie d’avoir accordé la mention spéciale à mon livre. Écrire à propos des Minorités d’Orient, et plus précisément des chrétiens en ces temps troublés, nécessite une sérieuse dose de foi et de lucidité. Foi en l’espérance chrétienne ; lucidité sur la gravité du sujet, nécessité de ne pas sombrer dans l’écueil de la victimisation et le désespoir.
Enfant de la diaspora, fils d’Arménien de Syrie, petit-fils d’Arménien ottoman, survivant du génocide, je suis fier d’être français et ce que l’école de la République m’a donné. Outre sa langue et son patrimoine, la France nous a fait don de l’esprit critique, de la culture du débat et du vivre ensemble. Autant de valeurs que défend l’Œuvre d’Orient et ses amis.
Nous vivons des temps troublés. Plus que jamais, nous avons besoin de témoigner de ce que nous avons reçu en héritage. Je crois que toute personne ayant reçu une transmission a une responsabilité. Celle de transmettre aux plus jeunes ce que nous sommes. Un peuple monde, que beaucoup auraient aimé réduire à néant, un peuple qui sort de sa réserve quand il se sent menacé. Un peuple dont la sensibilité à dire l’autre, à se mettre à sa place, fait de lui un médiateur par excellence. Un peuple qui bien que meurtri, a su faire de sa blessure une force génératrice de vie, de création et de partage.
Oui, nous vivons des temps difficiles, et alors que notre chère Syrie, notre Liban bien aimé sont plongés dans les ténèbres, je veux croire en la force de la diaspora. Car c’est à mon sens à travers les dynamiques portées par les communautés transnationales que la possibilité d’une renaissance se fera. Elle se fera non pas au nom d’un Dieu qui, pour citer Mgr Gollnisch, serait perçu à tort comme un agent immobilier, mais au nom de la citoyenneté et de la défense de la dignité humaine.
A l’heure où l’Arménie et l’Artsakh font face seules au péril mortel panturquiste et panislamiste, je veux croire en la force des âmes. Celles qui sans haine ni rancœur insuffleront la victoire aux défenseurs de cette terre sacrée. Je veux croire que plus jamais nous ne serons des victimes, mais une nation vivante, témoin de l’espérance en la résurrection en Christ et dont l’expérience humaine nous a appris à tutoyer l’universel.
Discours de Madame Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française et présidente du jury, à la remise du Prix littéraire de l’Œuvre d’Orient 2020.
Bonjours à tous. Je ne voudrais dire que quelques mots. Mgr a dit tout ce qu’il convient de dire, mais je voudrais ajouter que nous, les membres du jury, avons eu la joie, et je crois que tout le monde partage mon avis, d’être en présence d’un certain nombre de livres et nous avons eu de grandes difficultés à trancher. Ils étaient tous de grande qualité. Cela montre précisément que tout ce qui touche au christianisme oriental intéresse des gens de très grande qualité.
Alors en définitive, je le dis très sérieusement pour ceux qui n’ont pas été sélectionnés, qui le seront l’année prochaine ou l’année suivante, ils n’ont pas été écartés parce qu’ils n’étaient pas bien. Ils ont été écartés parce qu’il fallait bien qu’on choisisse. Alors qu’ils n’aient pas de regrets.
Les deux livres que nous avons choisis, celui qui a le prix et celui qui a la mention spéciale sont différents mais également passionnants.
Le livre de monsieur Klein, je dirais que c’est un roman extraordinaire. C’est Marco Polo à l’envers, évidemment. C’est un récit de voyages à part de l’expérience de ces deux moines qui ont fui avec passion. D’abords ils ont tout pour nous intéresser. Leur aventure commence à Pékin et la Chine est au cœur de nos préoccupations. Nos moines sont des nestoriens mais ce sont aussi des ouïghours c’est-à-dire qu’ils appartiennent à un pauvre peuple extrêmement souffrant par les temps qui court et pour lequel nous devons aussi avoir des prières. Ces deux moines qui pensaient arriver à Jérusalem pour y prier ont eu un destin extraordinaire puisque l’un d’eux est arrivé dans les grandes cours européennes pour essayer de convaincre les souverains de faire alliance avec les Mongols, véritablement barrer la route à ceux qui les menaçaient. L’autre, le plus touchant peut-être, qui était un moine du niveau le plus modeste, lui a fini, en employant le terme, catholicos. C’est-à-dire pape des nestoriens. C’est une aventure incroyable.
Ce que je voudrais dire c’est que l’auteur a un talent fou. C’est aussi intéressant à lire que les aventures de Marco Polo. C’est à la fois une équipe extraordinaire, c’est un ouvrage qui nous relate une histoire étonnante. En même temps on comprend très bien les problèmes contemporains des chrétiens d’Orient, rien qu’en voyant ce qui a été dans l’histoire passée. Je dirais que de surcroit c’est amusant, c’est extraordinaire, c’est très bien écrit, c’est historiquement de très bonne qualité. Je crois qu’on ne pouvait pas trouver mieux.
Le livre sur les minorités des chrétiens d’Orient est très informé. Il nous plonge véritablement à la fois dans leur situation et dans la compréhension du monde dans lequel nous sommes. Nous sommes dans un monde très dur, ce n’est pas la peine de nous illusionner.
Mais après tout, le Christ n’a jamais dit que nous étions sur terre pour y vivre aisément. Nous sommes là pour témoigner. Et c’est ce que font les chrétiens d’Orient. Donc ce que fait l’Œuvre d’Orient est absolument décisif. C’est pour cela que je suis très honorée d’être parmi vous aujourd’hui. Je vous remercie de votre confiance.
L’Œuvre d’Orient condamne une nouvelle fois les meurtres islamistes, djihadistes et terroristes, cette fois-ci perpétrés hier dans une église de Nice.
Elle assure les familles des victimes et les fidèles de la paroisse de ses prières.
Ces assassinats sont un crime à l’encontre des victimes.
Un crime contre l’Église catholique.
Un crime contre la France.
Un crime contre l’Islam.
Un crime contre notre Humanité.
Samedi 31 octobre sera commémoré le dixième anniversaire de l’attentat perpétré, lors d’une messe, dans la cathédrale syriaque de Bagdad, suivi de près par un attentat dans la cathédrale orthodoxe d’Alexandrie. Durant l’année au pouvoir du Président MORSI, plus de cent lieux chrétiens ont été détruits en Egypte.
En Syrie et en Irak, les chrétiens ont été persécutés par des groupes se revendiquant de DAESH et d’Al Qaïda.
Nous ne voulons pas oublier.
Nous n’oublierons jamais le génocide de 1915 que certains veulent prolonger.
Ces violences doivent cesser en France et aussi au Proche-Orient : les crimes sont les mêmes, les auteurs sont les mêmes, les idéologies sont les mêmes, les victimes sont les mêmes.
Cependant de nombreux musulmans sont aussi victimes de l’Islamisme, en particulier en Syrie et en Irak. De nombreux musulmans, une grande majorité, refusent la confusion du religieux et du politique. De nombreux musulmans sont choqués par ces crimes perpétrés dans des lieux sacrés. L’avenir des chrétiens d’Orient passe par la transformation citoyenne de leurs pays, qu’ils veulent continuer à servir. C’est aussi le vœu d’une grande partie de la population musulmane.
L’Œuvre d’Orient continuera, avec l’aide de ses donateurs, à soutenir les chrétiens d’Orient dans leur mission de civilisation et de paix.
L’Œuvre d’Orient se réjouit de l’ordination par le patriarche Youssef Absi et Mgr Georges Bacouni, métropolite de Beyrouth du diacre Charbel Nassif qui a eu lieu le 25 Octobre dernier en la cathédrale St Elie des grecs melkites catholiques. Boursier de l’Œuvre d’Orient, il a obtenu brillamment deux doctorats, l’un en Théologie des Arts, l’autre en Théologie, après ses études à l’Institut catholique de Paris. Nous lui souhaitons beaucoup de réussite dans sa mission.
Madame l’Ambassadeur, Excellence, Madame le Secrétaire perpétuel, chers lauréats et chers membres du jury, cher Pascal,
C’est un honneur et une joie pour moi de remettre avec vous Mme le Secrétaire perpétuel ce prix littéraire de L’Œuvre d’Orient.
En tant qu’Ordinaire pour les orientaux catholiques de France, je suis de près la situation de vos communautés, de vos pays, le drame de Beyrouth, celui actuel en Arménie, …
Comme Archevêque de Paris, je prie pour eux et les assure de la prière et la mobilisation des fidèles et des associations du diocèse, à travers, par exemple, l’action de L’Œuvre d’Orient.
Ce prix littéraire a la particularité de récompenser un ouvrage traitant avec espérance de la situation des chrétiens en Orient.
Notre époque a besoin d’espérance et de culture.
Mais quelle espérance proposer à ces fidèles qui font face à ces dilemmes ?
Partir ou rester sur ma terre ? Comment assurer l’avenir de mon enfant si l’école ne réouvre pas ? Comment faire face à la crise économique sans précédent ? Comment se reconstruire personnellement après avoir été témoin de la barbarie de Daech ou des milices ?
Ces chrétiens d’Orient nous disent quelque chose aujourd’hui du Christ souffrant « J’ai soif ». Et nous mettent face à nos responsabilités « Donne-moi à boire ».
Une première responsabilité est de s’informer.
Vos livres, Messieurs, nous éclairent, nous nourrissent.
Votre pérégrination entre Orient et Occident M. Pierre Klein, nous parle d’un monde révolu, ébranlé par les violences des puissants, avec des témoins engagés.
Votre très actuel Minorité d’Orient M. Tigrane Yegavian, informe avec une grande lucidité la situation des chrétiens d’Orient.
Tous deux nous mobilisent, nous font faire mémoire, et nous alertent sur les enjeux de ce qui se passe en Orient.
Alors, quelle espérance ?
L’Espérance, cette vertu, qui comme la définit Péguy, « voit ce qui n’est pas encore et qui sera ». « Elle seule, portant les autres, traverse les mondes révolus ».
Les conflits s’arrêteront, d’autres renaîtront de leurs cendres, les sociétés passeront. La culture se déplacera. La foi restera.
Comme vous l’aviez prédit, Mme le Secrétaire perpétuel, l’Union soviétique s’est effondrée. Les frontières se sont ouvertes. Le culte catholique y a été ré autorisé. Les églises gréco catholiques se sont redéployées avec un formidable élan missionnaire.
Aujourd’hui, dans ces situations douloureuses, ces drames dont nous sommes les témoins, les chrétiens d’Orient par leur présence témoignent, parfois malgré eux, à notre Eglise et à nos sociétés de l’espérance.
Même parfois dans leur désespérance.
Oui les chrétiens d’Orient sont nos frères ainés dans la Foi. Ils nous tracent un chemin dans les situations douloureuses. Par leur piété, leur attachement à la Vierge Marie, ils témoignent d’une espérance au quotidien.
En cette année Sainte Geneviève, où par sa liberté et sa force de caractère, cette jeune femme a su réinsuffler l’espérance aux parisiens, puissent ces ouvrages récompensés aujourd’hui, ouvrir les yeux, dessiller, mobiliser toujours plus et donner envie de mieux connaitre ce poumon de l’Eglise si vivant !
Blanche a 25 ans et est kiné, elle a décidé de partir à la fin de ses études pour vivre une expérience au Liban dans l’éducation.
Des nouvelles de ma mission
Voilà un mois déjà que je suis arrivée à Ajaaltoun, dans les montagnes du Kesrouan, région chrétienne au Nord-Est de Beyrouth. J’ai été envoyée pour une mission d’un an pour enseigner le Français, donner des cours de soutien et m’occuper des internes. Mais, situation sanitaire oblige, ma mission a été quelque peu adaptée et continue de l’être jour après jour. Les cours à l’école Notre-Dame du Rocher d’Ajaaltoun n’ont pas pu reprendre en présentiel, comme dans tout le pays ; pas d’internat non plus. Les élèves ont donc des cours en ligne pour l’instant. Enfin, pour ceux ayant accès à internet et à un ordinateur (sans parler des problèmes d’électricité). Car, dans cette école des Filles de la Charité accueillant principalement des enfants de milieux défavorisés, Sœur Zahia (la sœur supérieure responsable de l’école) compte environ 30% d’enfants qui n’ont pas accès aux cours.
Pour ceux-là, pour ces enfants en décrochage scolaire depuis mars dernier, qui ne quittent plus la télé pour la plupart, les sœurs ont mis en place une mission de soutien scolaire leur permettant une reprise progressive des cours. Au compte-goutte, je m’occupe donc de 2 à 8 enfants par jour, tous niveaux mélangés de la grande section à la 6e. C’est français et maths au programme, mais aussi sciences et anglais. Le but est principalement de raccrocher quelques wagons, mais aussi de les faire sortir d’un contexte familial souvent complexe et difficile, de les faire manger et d’avoir un œil sur leur santé. C’est parfois un peu sportif : de revoir le passé composé avec Nour, en CM1, d’expliquer les fractions à Maroun, en 6e, et d’apprendre à Charbel, en « grand jardin », de compter jusqu’à 10, le tout en même temps bien sûr ! Leurs regards malicieux et intrigués et leur sourire me transportent, leurs bêtises aussi ; c’est une énorme joie d’être auprès de ces enfants, de les découvrir jour après jour.
L’action des sœurs et de Marie (la directrice pédagogique, bénévole) est engagée et dévouée au plus près des pauvres, elles sont vraiment admirables et trouvent toujours des solutions pour chacun.
(Re)découverte du Liban
J’avais eu la chance de venir au Liban auparavant. Mais -a-t-on besoin de le préciser ?- le pays a changé de visage depuis ma venue. Le Liban est un pays incroyable, au sens propre du terme, une terre où tout est contraste. Vous qui connaissez les rues de Beyrouth sans doute mieux que moi, vous voyez bien ces immeubles neufs avoisinant toujours une vieille maison abandonnée aux murs criblés d’éclats de balle. Contraste entre ses paysages maritimes et montagneux, contraste entre les quartiers, les communautés, les cultures et les richesses, contraste entre les apparences et la réalité. Et quel peuple incroyable que sont les Libanais ! (Leur sens de l’accueil est au-delà de sa réputation.
Je suis assez surprise de constater que le pays a été très développé mais connait une vraie décroissance depuis longtemps déjà. En sont témoins les rails qui n’ont pas vu passer de train depuis plus de 25 ans, les infrastructures prévues pour des centaines de personnes mais quasiment désertes, ou encore les commerces fermés de toute part. Alors, non, pardon, je rectifie. Les magasins (et tout globalement dans le pays) ferment mais différentes raisons sont invoquées dans un certain combo explosif : la crise politique, la crise économique, les gens qui émigrent, le coronavirus, la double-explosion… Et c’est sans doute un peu tout ça à la fois qui en est à l’origine. J’entends ou j’observe donc très souvent des « c’était mieux avant, avant c’était comme-ci, quand est-ce qu’on retrouvera notre vie d’avant ». On connait la chanson en France depuis mars dernier ; elle sonne assez différemment ici.
Je suis émue, pour ne rien vous cacher, par le sentiment général des Libanais que je côtoie. Je lisais un article de l’Orient-Le Jour cet été qui parlait de la légendaire résilience libanaise, qui se demandait surtout jusqu’où irait cette résilience quand les réservoirs seraient vides. La grande majorité de la classe moyenne et de la jeunesse a prévu -au moins en plan B- de partir vivre au Canada, en Australie ou en France. Chacun se demande au fond ce qu’il vaut mieux entre s’enfoncer dans la crise ou voir se former un nouveau gouvernement auquel ils ne croient plus. Je ne connaissais pas chez ces Libanais la peur de demain, la peur de la crise, la peur de perdre, la peur des autres. Je veux croire que l’espérance est encore au fond de chaque cœur, mais elle est menacée.
Il n’est pas évident pour moi d’essayer de comprendre tout cela, l’histoire de ce pays, les raisons et les enjeux de la situation présente. D’y démêler les questions identitaires, confessionnelles et d’appartenances politiques qui s’y mélangent. De quoi m’occuper ! Je suis désolée si le tableau que je brosse aujourd’hui n’est pas tout rose, mais rassurez-vous, la vie est magnifique au Liban et le Liban est magnifique de vie.