[LIBAN] Témoignage de Maxime :  » Cette expérience me guidera pour les prochaines années « 

Voici le témoignage de fin de mission de Maxime, 30 ans, ingénieur agricole qui est parti servir les personnes polyhandicapées au Centre Anta Ahki, à Beyrouth pour 6 mois.


Premier épisode, car on ne peut pas réchapper à la fièvre de l’Orient qu’on attrape inconsciemment au coin d’un souk plein de vie, sur la plage face à la lumière orangée d’un coucher de soleil ou seulement après une rencontre avec un libanais souriant. Cette fièvre, je le sais, elle me suivra longtemps et m’incitera à revenir dans d’autres circonstances aux pays du Levant.

Le temps est passé si vite. Je comptais les jours restants et courrais derrière les derniers souvenirs.

Mes cinq premiers mois, j’ai été dans la peau d’un accompagnateur qui avait pour rôle de se mettre au service des personnes avec handicap, d’être en quelque sorte leurs bras et leurs jambes. Chaque jour, j’ai veillé ainsi aux besoins quotidiens de deux personnes avec handicap dont j’avais la responsabilité et pouvait également animer occasionnellement des activités.  Les besoins sont multiples :  bains, habillement, toilettes, prises de médicaments et des repas, aides diverses ou parties de puissance 4 pour mon plus grand plaisir. Mon progrès dans la langue m’a permis d’approfondir les conversations et de tisser davantage de liens avec ces « jeunes », comme on les appelle.

Mon dernier mois, j’ai conclu ma mission au sein de l’unité communication et projets en construisant des projets suites à des remontées de besoins du foyer. Je les traduisais sur des supports attractifs à destination de potentiels bailleurs. Un projet pouvait correspondre à une demande de financement pour couvrir les frais de chauffage, d’installations de panneaux solaires ou encore de thérapies innovantes à destination des jeunes. J’ai apprécié cette facette du foyer, nettement différente mais indispensable à la recherche de fonds et donc au bon fonctionnement du foyer. Cela m’a ainsi permis d’être stimulé intellectuellement, de rendre service autrement et de mettre à contribution mes compétences professionnelles.

Mon rôle de volontaire

Comprendre le rôle d’un volontaire a été tout un cheminement à faire dans mon esprit.

Au départ, tu te dis je pars faire de l’humanitaire, sauver des gens. Sauf qu’arrivé sur place, la réalité est assez différente. Tu réalises vite que la vie n’est pas toute rose. Tes actions peuvent être limitées, petites, souvent épuisantes. Au fil du temps, tu l’acceptes et apprends à lâcher prise. Une fois ce constat en tête, tu commences à prendre véritablement conscience de ton rôle. Le volontaire est une présence, semant de petites graines qui germeront lentement mais sûrement. Chaque participation d’un volontaire, aussi minime soit-elle, est importante et fait partie d’un ensemble. Tout au long de l’année à Anta Akhi, les volontaires successifs se transmettent un flambeau qui symbolise l’amitié et l’amour des français pour ces chrétiens d’Orient.

Ma vision est que le volontaire est une personne multitâche faisant office de couteau suisse :

-Il remonte le moral par son rire, son sourire, sa parole, son écoute ou encore ses gestes. Il apporte son dynamisme, son énergie à des gens qu’ils les ont presque perdus à force d’espoirs envolés. En effet, le climat libanais est de moins en moins propice à des scènes de liesse, et chaque moment de joie compte.

-Il aide partout où il peut aider, à son échelle, dans son lieu de mission.

-Il est aussi l’ambassadeur d’une identité, d’une culture, d’une foi qu’il partage allègrement. C’est d’ailleurs dans ces moments que l’on se sent le plus français. Cette expérience me fait prendre conscience de la chance que j’ai d’avoir l’assurance d’une vie confortable à mon retour et d’être né dans un pays de droits où l’on peut vivre dignement. Ici le salaire moyen est insuffisant pour payer le coût de la vie. Le concept des cinq semaines de congés payés leur est étranger. Les aides de l’état sont absentes. L’accès aux droits fondamentaux tels que les soins, l’électricité, l’eau potable, l’école, est extrêmement limité.

Les fruits de ma mission

Cette mission m’a beaucoup apporté, ce fut une expérience profonde au sein du foyer qui marque et qui te guide pour l’avenir.

Concrètement, je n’ai pas fait grand-chose, à part seulement partager un petit bout de chemin de vie avec le foyer, et ça m’a largement suffi.

-Ce chemin de vie m’a appris à m’abandonner entièrement à l’autre, à apprendre à écouter patiemment. Ma technique : jouer à s’apprivoiser constamment à l’aide du jeu du petit prince et du renard. Chaque jour, je me suis assis un peu plus près sans parler. Au bout d’un temps, l’autre s’ouvre et te rend au centuple ce que tu lui donnes par ses sourires et ses mercis.

ll m’a permis également de gagner en patience, en humilité et en diplomatie car à certains moments, ce n’était pas non plus une partie de plaisir. Comme par exemple, avoir régulièrement des douleurs au dos à force de porter les jeunes plusieurs fois par heure ou accepter de dormir peu car on te réveille en moyenne 4 à 5 fois par nuit pour un besoin, ce n’est pas évident mentalement. Ou encore accepter la critique car chaque jeune a son caractère. Certains peuvent se mettre en colère contre toi car tu as fait quelque chose de travers. Tu as envie de répliquer de la même manière, surtout quand la fatigue se fait sentir, sauf que tu te retiens et réponds avec douceur. De plus, le rythme est lent face à des personnes âgées atteintes d’handicap conséquent, et les journées sont parfois très longues. Malgré tes mille idées en tête, tu dois souvent te restreindre et prendre ton mal en patience.

-Enfin, il m’a donné un regard plus juste du handicap, que j’observais auparavant de loin. Le handicap devient secondaire. Maintenant, je vois avant tout la personne et l’ami(e). De plus, ce qui m’a frappé et fasciné, c’est leur force d’âme surprenante qu’ils ont construites au fil des années. Chacun a son propre message à délivrer. Globalement, et ce qui est beau, c’est qu’ils ont compris que la vie est belle et vaut la peine d’être vécue, ensembles quelques soient les différences. Ils témoignent avec plaisir et partagent leurs messages auprès des écoles ou d’autres visiteurs. Et comme m’a dit une fois Samo, une de nos protégés, avec ces mots à elle « N’aie pas peur, Jésus est dans ton cœur ». Cette mission de témoignage si précieuse explique en partie pourquoi ce foyer est autant soutenu financièrement par de généreux donateurs qui veulent le préserver.

Finalement, ce que j’ai préféré c’est que l’on met l’humain avant toute chose. Chaque membre de la maison est soucieux et veille à ce que tu ne manques de rien, tout en multipliant les formules de politesse de bienvenu. Il y a en permanence des moments de fêtes, de rencontres permettant de créer ce lien qui nous unit.

J’ai admiré toutes les personnes parce qu’elles ne perdent pas espoir, parce ce qu’elles gardent cet accueil cher aux libanais et l’amour pour l’autre malgré toutes les difficultés.

Le Liban, un pays qu’il faut défendre

J’ai eu la chance d’avoir été envoyé dans ce pays. Le Liban est si attachant. Un pays qu’il faut défendre.

Parce qu’il est beau, une oasis au sein du croissant fertile.

Parce qu’il est bruyant par sa multi culturalité et foisonnant de vie.

Parce que les libanais sont formidables et accueillants, des personnes attachées à l’idée de liberté qui aiment la vie et qui pleurent quand ils assistent à la montée de l’intégrisme.

Parce que le Liban incarne un vivre ensemble dans cette région du monde.

Parce que la France et Liban ont des liens profonds, une histoire commune, ce qui explique pourquoi 50% des libanais seraient étonnamment francophones.

Ce pays est maintenu à flot par sa population, ses ONG et ses communautés pourtant toutes menacées par la crise. Au gré des rencontres, j’ai surtout été ébahi par la force de ces communautés chrétiennes orientales qui ont pour vocation historique principalement d’assurer le maintien de l’éducation et l’accès aux soins médicaux dans un pays où l’état est absent dans l’application des services publics de base.  Ces hommes et femmes de Dieu se battent corps et âmes pour la pérennité financière de leur structure en gardant une foi inébranlable. Je pense particulièrement à toutes ces sœurs rencontrées, telles des familles de suricates hyperactifs, hautes comme trois pommes, qui ne soufflent jamais un instant.

 

En conclusion, ce fut beau. Une succession de situations improbables, de rencontres, de moments de partage et de convivialité. Je repars avec un lien très fort à ce foyer et ce pays, avec des souvenirs pleins la tête, avec une profonde amitié pour les autres volontaires, avec ce regard d’amour sur le handicap, avec plus d’humilité et un beau message de vivre ensemble.  Cette expérience me guidera pour les prochaines années dans mon savoir-être et mon orientation professionnelle. J’espère qu’à l’avenir je continuerai à consacrer du temps au service des autres car, au-delà de te sentir utile, être tourné vers l’autre revêt dorénavant pour moi une composante essentielle d’un épanouissement personnel.

 

Yatikon el a3fié ([1])

 

MAXIME SUBRA DE SALAFA

[1] Que Dieu vous donne la force

[CP] Trois ambulances en route pour l’Ukraine.

 « Ces ambulances vont sauver beaucoup de vie » Mgr Borys Gudziak

À la demande spécifique de la curie patriarcale gréco-catholique d’Ukraine, L’Œuvre d’Orient a affrété trois ambulances en direction de l’hôpital Irpin.

Mgr Borys Gudziak, Métropolite et archevêque de Philadelphie pour les Catholiques ukrainiens aux États-Unis d’Amérique, de passage exceptionnel à Paris, a béni les trois ambulances en partance pour l’Ukraine, en présence de Mgr Pascal Gollnisch.

Conduites par des jeunes parisiens elles seront emmenées dès demain à la frontière ukrainienne.

L’envoi de ces ambulances fait partie d’un plan d’ensemble sanitaire et logistique gréco-catholique. Une flotte de cinq camionnettes complète cet envoi. Ces fourgons iront à partir des centres logistiques gérés par l’Eglise gréco-catholique d’Ukraine ravitailler en vivre les déplacés à l’Est et à l’Ouest.

L’arrivée des ambulances à Irpin : 

[ROME] La canonisation de Charles de Foucauld

Une délégation de L’Œuvre d’Orient était présente à Rome à l’occasion de la canonisation de Charles de Foucauld, dimanche 15 mai 2022.

Par son parcours, son témoignage, sa vie donnée aux plus petits, Charles de Foucauld a eu une grande fécondité : de nombreuses communautés issues de sa spiritualité ont vu le jour après sa mort, comme Les petites sœurs de Nazareth à Dbayeh au Liban, Les Petites Sœurs de Jésus au Caire (Egypte) à Addis Abeba (Ethiopie) à Bagdad (Irak) à Mossoul (Irak) à Beyrouth (Liban) et à Alep (Syrie). L’Œuvre d’Orient s’efforce d’être à leurs côtés.

Vous trouverez ci-dessous la retranscription d’un témoignage oral de Mgr Pascal Gollnisch à l’occasion de cette canonisation qui revient sur les évènements fondateurs de la vie du désormais Saint Charles de Foucauld.


Une jeunesse dissipée 

Tandis que nous nous réjouissons de la canonisation de Charles de Foucauld, L’Œuvre d’Orient ne peut manquer de regarder d’abord ce qu’a été l’itinéraire personnel de cet homme, officier, Saint-Cyrien et bon vivant. Il a mené au début une vie éthique tout à fait discutable. Puis, il a été rattrapé peu à peu par une quête de Dieu. Cette quête spirituelle ne fut pas linéaire. Il a vécu des moments très fort de rencontres, de refondation surtout lorsqu’il est allé dans la paroisse parisienne de Saint-Augustin pour rencontrer un prêtre, l’abbé Huvelin, qui, au lieu de l’inviter à s’asseoir pour discuter, lui dit : « mettez-vous à genoux et confessez-vous ! ».

Il a cherché ensuite du côté des Trappistes à Notre-Dame des Neiges puis a voulu aller sur la terre de Jésus. Ainsi, sa quête de Dieu est-elle très vite devenue une rencontre de Jésus. La personne même de Jésus l’a habité. Lors de son séjour à Nazareth, il s’était proposé pour être jardinier mais la supérieure des Clarisses s’était bien rendu compte qu’il était animé par une quête spirituelle ? Par délicatesse, elle ne lui a rien dit.

Charles de Foucauld a développé un vrai amour pour le monde arabo-musulman. Pourquoi a-t-il tant aimé ce monde ? Sans doute parce qu’il y puisait une soif de Dieu, certes pas du Dieu de Jésus-Christ mais une soif de Dieu. De tout cela, il a mis du temps à s’en rendre compte.

Voyage au Maroc et cheminement spirituel 

Son voyage au Maroc, où il s’est rendu déguisé en Juif parce que les Européens n’avaient pas le droit d’arpenter le Maroc, et accompagné par le rabbin Mardochée Aby Serour, a été une vraie exploration. Le talent d’explorateur de Charles de Foucauld, tout son savoir-faire d’officier, a été mis au profit de cette mission. Il va avoir un rôle tout à fait impressionnant d’exploration culturelle dans la culture Touareg.

Son amour pour le désert, le Sahara, c’est un peu comme l’océan pour les marins : on est finalement seul entre la terre et le ciel donc il est difficile de ne pas être face à Dieu. Ce face à face, à la fois souhaitable et redoutable, n’est pas toujours limpide et apaisant. Dans ce Sahara, Charles de Foucauld a creusé encore davantage cette soif de Dieu qui l’habitait. Il a rencontré Jésus et éprouvé le désir de dire la messe. En effet, il avait été ordonné prêtre mais ne pouvait célébrer la messe car, à l’époque, un prêtre n’avait pas le droit de célébrer seul ; il fallait qu’il y ait au moins un servant de messe. Puisqu’il était le seul chrétien à Tamanrasset, il a fallu un indult, une décision particulière de Rome, une exception, pour célébrer la messe. Un de ses amis, officier français, lui a apporté l’autorisation de Rome et cela a été pour lui une joie très profonde de pouvoir célébrer la messe et de pouvoir garder, dans sa petite maison de Tamanrasset, le Saint-Sacrement dans lequel il s’est nourri spirituellement.

La rencontre avec les Touaregs a été décisive. Là aussi, avec toute sa culture familiale, militaire, il va leur apporter ce qui est à ses yeux la civilisation, la culture française et la foi chrétienne. La conversion de Tamanrasset sera une découverte : celle que ces hommes portent de véritables richesses humaines et spirituelles même s’ils ne sont pas chrétiens et que leur devenir chrétien est l’action de Dieu, pas simplement l’action d’une planification pastorale (comme si on voulait entrer dans un marché et convaincre par des méthodes publicitaires des clients d’acheter la marchandise). La conversion est d’abord l’œuvre de Dieu et, donc, il est clair pour Charles de Foucauld qu’en se faisant l’ami, le frère universel de tous, il pouvait éveiller le goût de la vie chrétienne pour ceux qui ne connaissaient pas le Christ et leur curiosité sur ce qu’est la vie chrétienne, et puis, d’un autre côté, prier pour ces hommes et ces femmes.

L’expérience de la fraternité

Durant l’année 1908, à Tamanrasset où il était seul, vivaient aux alentours des gens qui cultivaient la terre. Au cours des mois, Charles de Foucauld tombe malade, en proie à une très grave fièvre. Il manque de mourir. Incapable de se lever, ce sont les Touaregs qui l’ont soutenu, ce sont les Touaregs qui lui ont apporté à boire et à manger car il n’était plus autonome. La chaleur et leurs remèdes l’ont soigné et lui ont permis de ne pas mourir. L’un des officiers français, à plusieurs centaines de kilomètres de là, inquiet de ne pas avoir de ses nouvelles, a pensé qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Il envoie des militaires pour prendre de ses nouvelles. Lorsqu’ils arrivent, Charles de Foucauld allait déjà beaucoup mieux.

À cette occasion, Charles de Foucauld a fait l’expérience de recevoir : « Je croyais être celui qui devait tout donner à des gens dont j’imaginais qu’ils n’avaient rien à donner. J’ai dû apprendre à être celui qui lui aussi reçoit de la part de gens qui avaient aussi à donner. » Il y a eu, là, un bouleversement très profond de Charles de Foucauld qui continuera son chemin vers Dieu.

La mort de Charles de Foucauld et son héritage

Le père de Foucauld part ensuite à l’Assekrem (il n’a pas toujours été très réaliste dans son élan missionnaire et spirituel,) ce lieu extraordinaire qui a très profondément marqué tous ceux qui y sont allés. C’est au moment où la Seconde Guerre mondiale éclate. Les choses sont tendues. Il va imaginer là un petit fortin de défenses avec les règles militaires qu’il a pu apprendre à Saint-Cyr mais il va y être pris par ruse et assassiné. On ne sait pas très bien comment les choses se sont passées. On raconte que les gens voulaient simplement le kidnapper, qu’il y a eu une espèce de précipitation. Les gens ont eu peur et, finalement, un coup de feu est parti et l’a tué. Il s’est donc enfoui dans cette terre du Sahara ; le fortin existe toujours, le trou dans le mur de la balle qui l’a tué est toujours là. Cette trace garde le souvenir du père de Foucauld au milieu de ce peuple musulman qui est là, à Tamanrasset, et qui, parfois, ne connait pas bien cette histoire. Il y a là toute une histoire d’enfouissement très impressionnante. Mais le blé tombé en terre porte des fruits : c’est le deuxième aspect de tout ce rayonnement par la convergence d’un écrivain qui a écrit sur lui, de femmes et d’hommes remarquables notamment petite sœur Madeleine, et d’ailleurs une fécondité de la famille du père de Foucauld, plusieurs communautés religieuses dont les Petites Sœurs de Jésus et aussi des comités d’hommes, les frères du Père de Foucauld qui portent finalement cette présence, souvent en terre d’islam mais pas exclusivement.

Bien sûr, nous pouvons souhaiter que ces musulmans découvrent le Christ et le rencontrent mais il y a quelque chose de plus fort que cela : c’est que le Christ aille jusqu’à eux, les aime, dans ce mouvement d’amour qui vient du Christ : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi mais c’est moi qui vous ai choisis ». C’est ce choix de Dieu, cette proximité de Dieu vers ces hommes dont la famille de Foucauld essaie d’être à la fois les serviteurs et les témoins. C’est une famille religieuse très ancrée dans la prière mais aussi dans la présence évangélique dans l’attente de l’éventuelle action de Dieu pour ouvrir les cœurs à la découverte du Christ.

Charles de Foucauld : une incarnation pour le dialogue islamo-chrétien

Ainsi, cette canonisation touche forcément L’Œuvre d’Orient parce que nous savons bien que beaucoup de chrétiens d’Orient, pas tous, mais beaucoup, vivent dans des sociétés à majorité musulmane, parfois dans des coexistences difficiles, parfois dans la discrimination, parfois dans des violences ponctuelles comme celle qui a frappé le père de Foucauld, parfois dans des persécutions comme plus récemment avec Daech. Ce monde musulman est divers, dans la recherche du sens, de sa densité spirituelle, de sa quête de Dieu. Alors, la présence de la famille du père de Foucauld, qui est humble, discrète, parfois fragile si on la regarde avec des yeux humains avec une analyse d’efficacité, est extrêmement puissante pour cette rencontre des musulmans et des chrétiens.

La canonisation du père de Foucauld ne peut que nous toucher très profondément. Moi-même, avant d’être à L’Œuvre d’Orient, je suis allé souvent à Tamanrasset et l’Assekrem. Ce sont des lieux dont on ne revient pas indemne. Il y a quelques lieux comme ça dans le monde comme le Mont Sinaï par exemple. Nous prions donc à l’occasion de cette canonisation du frère Charles, pour toute cette famille spirituelle si féconde, et pour tout ce monde musulman au milieu duquel elle se trouve.

Mgr Pascal Gollnisch

 

[LIBAN] Le témoignage de Domitille :  » Ahkan kam, c’était un très joyeux week-end de Pâques ! « 

Notre volontaire Domitille est en mission à Bhannes au Liban chez les petites sœurs de la Charité.


Ma mission 

Ahla tout le monde !

Je reviens vers vous aujourd’hui pour ma troisième lettre de mission, qui annonce donc ma présence au Liban depuis trois mois déjà, le temps file !

Je vis chaque semaine toujours plus de choses, que j’essaie de garder en tête et de retranscrire dans mon carnet de bord, la vie passe à toute vitesse ici. Je suis trop contente de vous écrire ces lettres, car ça me permet à moi aussi de réfléchir sur tout ce que je vis, et d’en retenir le plus possible.

Je vais donc vous raconter ce qui s’est passé, dans ma mission et en dehors depuis ma dernière lettre.

A l’hôpital, je me sens de plus en plus proche de l’équipe des soignants. Que ce soit avec les infirmières, qui sont toujours curieuses de savoir que ce que j’ai fait le week-end précédent et avec qui je peux discuter de tout et de rien (mais particulièrement de nos familles respectives, car c’est ce qu’elles préfèrent). Mais aussi avec les aides-soignants. Avec eux c’est un peu plus particulier car ils ne parlent pas français, et très peu anglais. La communication se fait donc avec les gestes, les sourires, les quelques mots respectifs que l’on connaît, en arabe pour ma part, et en français pour eux. Mais malgré cette communication verbale moins riche, je me sens tout aussi proche d’eux et suis aussi contente de les retrouver que de retrouver ceux avec qui je peux parler ! J’ai aussi créé de vrais liens d’amitié avec les internes qui vivent comme nous au sein de l’hôpital. Nous pouvons nous retrouver le midi aux pauses déjeuners, ou le soir après nos journées de travail ! Cela pourrait paraître être un point négatif de vivre sur son lieu de travail, mais finalement, en ayant ses amis sur place, ce n’est que du positif (surtout le matin, ou je peux me lever à 7h15 pour commencer à 7h30). Au niveau professionnel, ma présence avec les patients est minime étant donné que je ne suis pas là tout au long de la journée. Mais comme je l’avais déjà écrit, j’ai compris que ma présence était plus importante au niveau de l’équipe !

C’est plus à l’IMC (le centre des enfants handicapés) que je suis réellement présente avec les patients ! J’ai donc trouvé le bon équilibre en allant à l’hôpital le matin, et avec les enfants l’après-midi. Sans grand étonnement de ma part, les enfants sont toujours aussi craquants, souriants, attachants, coquins, et j’en passe. Avec Yolande, nous leur faisons faire des activités manuelles. Ces dernières semaines les thèmes principaux étaient la fête des mères, et Pâques ! Mais ce qu’ils préfèrent par-dessus tout reste la musique à fond sur l’enceinte pour certains, ou se faire des passes avec un ballon pendant des heures pour d’autres (oui oui, ça m’est arrivé de faire ça non-stop de 15h à 17h). Avec le beau temps qui arrive, nous allons pouvoir se balader avec eux dans le parc de l’hôpital !

A Bhannes, et au Liban en général, le soleil est ENFIN arrivé. C’est beau le Liban sous la neige, mais qu’est-ce que je suis heureuse de savoir que le froid et le ciel gris sont derrière nous. Ça change la vie, maintenant entre midi et deux avec Yolande, on peut se poser sur notre terrasse, en plein soleil, et ça c’est la belle vie.

A Bhannes, il a également fallu dire au revoir à Nolwenn et Anne-Claire qui ont retrouvé la France il y a plus d’une semaine déjà. Pas facile de réaliser que j’allais passer de les voir tous les jours, à les retrouver dans trois mois en France. C’était trois mois de joie et de bonheur avec elles, mais toute bonne chose a une fin. Heureusement que ma fidèle Yoyo est là !

Bonne nouvelle cependant, nous avons accueilli Alix !!! Une nouvelle volontaire de l’Œuvre d’Orient venue remplacer les filles au foyer Sainte Cécile ! C’est parti pour de nouvelles aventures.

Je continue mes visites régulières au foyer Sainte Cécile d’ailleurs, et j’adore toujours autant aller voir Marie-Assaf (ou téta marie pour les intimes), qui me fait bien rire mais qui je le sens, a besoin que l’on vienne la voir régulièrement. J’essaie donc d’être fidèle à mes paroles en lui rendant visite au moins une fois par semaine. C’est trop agréable de savoir que l’on a une petite maison du bonheur en plein milieu de l’hôpital et que l’on peut venir y passer un petit moment dès qu’on en a envie !

Mes week-ends sont encore bien rythmés par la visite de ce pays qui a tant de facettes ! Mais j’ai quand même pu quelques week-ends être un peu plus au calme. Tout d’abord avec un week-end de retraite pour le carême ! Organisée par une laïque consacrée en mission dans la Bekaa, elle a su rassembler le temps d’un week-end, un groupe de jeunes Français (essentiellement des volontaires) et un groupe de jeunes Libanais (lycéens de son aumônerie) pour discuter autour de la foi et autres sujets du genre. Rythmé par des topos, des temps de partage en groupe, de louanges et d’adoration, ce week-end nous a tous fait un bien fou et nous a permis de faire pleins de rencontres avec de jeunes Libanais. Le sujet principal était entre autres que, dans la foi, « la mission n’est pas une option ». Trop intéressant de voir à quel point la notion de mission est intégré par les Libanais, même si jeunes, au sein même de leur pays !

J’ai également passé la semaine Sainte et le week-end de Pâques avec ma communauté. J’avais hâte de découvrir quelles étaient les traditions et si cela changeait beaucoup de ce que j’avais l’habitude de vivre pour la résurrection de Jésus ! Le jeudi Saint m’a particulièrement marqué puisqu’avec Yolande, Alix, Constance et Albane (deux autres volontaires) et une de leur sœur, nous avons fait la visite de 7 églises d’un village, tradition du jeudi Saint ! A chaque église, nous lisions une partie de l’évangile de la passion du Christ et nous méditions dessus quelques minutes. C’est fou de voir le nombre d’églises qu’il y a juste dans un village ! La sœur était ravie de nous faire découvrir tout cela, et nous aussi !

Le samedi soir, était le soir de fête ! Nous l’avons fêté à Sainte-Cécile, avec les sœurs de plusieurs communautés venues se joindre à nous, ainsi que quelques volontaires que j’avais convié à venir ! Après la messe, chacun venait vers l’autre en disant « al messih kam » (Il est ressuscité!) et à l’autre de répondre « ahkan kam »(il est vraiment ressuscité!). Nous avons ensuite partagé un trèèès bon repas avec tout le monde (photo à l’appui) En plus, avec Yolande nous avons été gâtés de chocolats!!! (photo également à l’appui) par nos chères sœurs qui nous font toujours aussi rire pour certaines et avec qui on aime toujours autant avoir des discussions avec d’autres. Ahkan kam, c’était un très joyeux week-end de Pâques !

Concernant la situation des libanais, après plusieurs mois passés ici je me rends quand même compte que ce n’est pas aussi joyeux que ce que je pouvais dire dans mes précédentes lettres. Actuellement le prix du pétrole, comme partout, ne fait qu’augmenter encore et encore. Et le coût de la vie en général. Beaucoup, avec leur salaire, n’ont même pas assez d’argent pour payer l’essence de leur trajet pour aller au travail. Beaucoup sont épuisés, et n’y croient plus. Je m’étais peut-être persuadée que l’espoir dominait, mais je suis forcée de constater que beaucoup n’y croient plus : « on veut partir d’ici » « tous nos amis sont en France » « ça ne va pas s’arranger » « il va falloir vivre avec ». Une fois de plus, je vous les confie encore tous +++ dans vos prières. Moi j’ai espoir pour eux, même si j’ai la bonne place et que c’est facile pour moi… mais l’espoir fait vivre !

À très vite pour une nouvelle lettre, je vous embrasse tous bien fort, et vous porte dans mes prières.

 

Domitille

[CP] Mgr Elie Wardé, évêque pour l’éparchie du Caire et vicaire patriarcal pour le Soudan et le Soudan du Sud.

L’Œuvre d’Orient et l’Ordinariat pour les catholiques orientaux de France se réjouissent de la nomination de Mgr Elie Wardé, chorévèque de l’Église syriaque, curé de la paroisse syriaque catholique de Paris, St Ephrem, comme évêque pour l’éparchie du Caire et vicaire patriarcal pour le Soudan et le Soudan du Sud. Tous lui expriment leur gratitude pour son ministère à Paris et l’assurent des prières de chacun pour la fécondité de son nouveau ministère.


D’origine libanaise, monseigneur Élie Wardé est né le 28 septembre 1977 à Beyrouth. Il a effectué ses études primaires à l’École de la Sagesse de Beyrouth et secondaires dans l’enseignement public. Il intègre le séminaire patriarcal syriaque catholique de Charfet en 1999. Il obtient un diplôme de philosophie et de théologie de l’université Saint Esprit de Kaslik en 2003. Il poursuit ses études en droit canonique oriental à Rome, à l’Institut pontifical oriental, de 2004 à 2007, jusqu’à la maîtrise puis à l’Institut catholique de Paris où il obtient un doctorat.

Il a été ordonné prêtre pour l’Église syriaque catholique le 28 mai 2004 et élevé à la dignité de chorévêque par S. B. le patriarche Ignace Youssef III Younan le 6 octobre 2019.

Il sert l’église Saint-Ephrem des syriaques catholiques de Paris depuis son arrivée en France en 2007. Il a œuvré en même temps à l’installation de communautés syriaques catholiques dans les villes de Tours et Lille, et à accueillir les réfugiés syriaques en provenance d’Irak et de Syrie, dans plusieurs villes et régions de France: Lyon, Besançon, en Bretagne, à Marseille, Poitiers, Belfort, La Rochelle….

Il recevra la consécration épiscopale des mains du patriarche Younan en même temps que deux autres évêques syriaques catholiques, le père Jules Boutros et le père Joseph Chamii, le 18 juin prochain.

© L’Œuvre d’Orient\JAD\ 11 mai 2022.


L’Œuvre d’Orient est une association catholique et apolitique, reconnue d’intérêt général, qui œuvre depuis plus de 160 ans pour soutenir les communautés chrétiennes au Moyen-Orient qui sont au service de toute la population (éducation, santé, culture). Elle est membre du Comité de la Charte et bénéficie du label « Don en confiance ». Ce label, garantit la totale transparence sur ses financements et la destination de ses fonds.

Contact presse : Armelle Milcent : amilcent@oeuvre-orient.fr – 01 45 48 45 42

[LIBAN] Le témoignage de Dauphine :  » Je ne cesse  d’être marquée par la spontanéité et la joie de vivre de certaines de ces femmes « 

Découvrez le témoignage de Dauphine, volontaire à Beyrouth auprès des filles de la Charité d’Achrafieh depuis 8 mois.


Chère Famille, Chers amis,

Voici venu le temps de vous donner quelques nouvelles du Liban. Depuis janvier on dirait que le pays trouve une certaine stabilité dans son instabilité. La livre libanaise cesse de faire des bonds et les manifestations qui pouvaient avoir lieu en automne derniers se sont calmées. Peut-être est- ce à cause du froid me direz-vous. En effet, cette année, le Liban a connu une vague de froid  sans précédent. Les tempêtes de neige se sont succédées paralysant la moitié du pays et entraînant la fermeture d’un grand nombre d’écoles dans l’incapacité de pouvoir recevoir leurs élèves dans des bâtiments non chauffés et sans électricité en raison de la hausse du prix du pétrole. Bien évidemment le Covid a lui aussi accéléré les fermetures. Dans un pays où le système de santé tombe en décrépitude, les Libanais vivent dans la crainte de tomber malade et de se retrouver étranglés financièrement par des frais médicaux exorbitants.

Les beaux jours sont revenus depuis peu, renvoyant les enfants sur le chemin de l’école.
Ma mission à Beyrouth suit son cours, études et distribution de pain sont toujours au programme mais sœur Rita ne manque pas d’imagination quand il s’agit d’organiser des événements.
Le 14 février dernier, à l’occasion de la Saint Valentin sœur Rita a organisé un jeu pour les personnes du quartier. Au programme roue de la fortune, danses et chants animaient la rue pour  la plus grande joie des passants.

Il y a trois semaines, à l’occasion de la fête des mères c’était session coiffure manucure maquillage pour les femmes de Karem El Zeitoun. Il faut dire que les Libanaises prennent soins d’elles et en temps de crise ce sont des choses qu’elles ne peuvent plus s’offrir. Je ne cesse  d’être marquée par la spontanéité et la joie de vivre de certaines de ces femmes.

Enfin en ce temps de carême, avec quatre autres volontaires, nous avons aidé sœur Carine de la Communauté de l’Agneau et Abuna Antony et Abuna Rachad de la Communauté des Béatitudes dans la préparation d’un week-end retraite pour un groupe de Libanais ainsi que les volontaires de l’Oeuvre d’Orient. Un moment propice pour se ressourcer dans ce chemin vers Pâques. Ces deux jours passés  à Taanayel dans le monastère des jésuites ont permis de se retrouver loin de l’agitation de Beyrouth, en plein campagne et de vivre des beaux moments tous ensemble.

Il y a deux semaines, nous avons profité d’un week-end de trois jours pour partir avec huit autres volontaires aider Abuna Abdallah, frère capucin, dans la rénovation d’un internat détruit pendant la guerre. Au programme : peinture, déblaiement de gravas, feu de joie, autant d’activités qui n’ont pas manqué de me rappeler le confinement à la maison. Ce sont surtout à travers ces moments  de simplicité et de travail que je réalise la grâce d’avoir rencontré tous ces volontaires qui sont  une composante à part entière de mon volontariat tant part les activités que nous entreprenons ensemble que par les belles discussions que nous avons.

Le mois d’avril a laissé place a l’été sans même donner au printemps le temps de pointer le bout de son nez. Ce sera l’occasion pour les parents ainsi que Brune, Foulques, Eudes, Gersende et Marie-Aimée qui viennent me rendre visite dans deux semaines de profiter de la chaleur qui semble tarder à arriver chez vous !

Dauphine

La conférence des évêques de France au Liban

Du 8 au 12 mai, une délégation de la Conférence des évêques de France se rendra au Liban à la rencontre des patriarches libanais, des communautés religieuses locales et des plus démunis. L’occasion pour la Conférence des évêques de France, de redire son amitié pour ses frères et sœurs chrétiens du Liban.

Les chrétiens d’Orient sont depuis toujours au cœur des préoccupations des évêques de France.

Ces derniers souhaitent leur manifester leur soutien en se rendant sur place, au Liban, du 8 au 12 mai. Ce déplacement est l’occasion de mettre en lumière les liens tissés de part et d’autre de la Méditerranée entre l’Église de France et les Églises libanaises. La Conférence des évêques de France souhaite aussi constater les fruits de la solidarité et la générosité des français qui s’illustrent dans les nombreuses œuvres sociales, à Beyrouth et dans l’ensemble du pays.
Ces cinq jours sont l’occasion pour la délégation de la Conférence des évêques de France, de rencontrer les patriarches catholiques orientaux qui y ont leur résidence : les patriarches maronite, melkite, syriaque et arménien, ainsi que les évêques représentant les Églises chaldéenne et latine.
La délégation épiscopale visite des écoles, des communautés religieuses, une cantine solidaire et un camp palestinien chrétien. Les évêques rencontreront aussi le nonce apostolique du Liban ainsi que l’ambassadrice de France au Liban.
Depuis des dizaines d’années, des organisations françaises catholiques comme L’Œuvre d’Orient, la DCC, l’AED, l’Ordre de Malte, Caritas Liban, JRS France, CCFD Terre Solidaires, Fondation d’Auteuil, … sont présentes au Liban et viennent en aide à l’ensemble de la population. Ce soutien envers les centres hospitaliers, l’aide auprès des réfugiés, et dans les établissements scolaires, le volontariat auprès des personnes de la rue sont rendus possibles aussi grâce à l’amitié, la prière et les dons de centaines de milliers de catholiques.

Le Liban comprend sur son territoire l’ensemble des religions et des confessions du Proche-Orient. 

Le christianisme y est présent depuis les origines. Les chrétiens, à travers leurs œuvres sociales, y jouent un rôle essentiel dans le vivre ensemble entre les communautés. L’Église est très active dans la société libanaise et a une grande visibilité. Organisée en 24 diocèses, elle comprend 1126 paroisses, avec 53 évêques et 1453 prêtres, 390 séminaristes et 62 postulants.

Ce déplacement des évêques de France met en lumière l’identité propre des Églises orientales,

ce qui les unit et leur place éminente dans l’Église catholique (à ne pas confondre avec l’Église latine). Il rappelle aussi les liens qui unissent les deux rives de la Méditerranée et l’amitié spirituelle profonde que vivent nos deux pays.

Les évêques de France prient sur le port dévasté de Beyrouth

Une délégation d’évêques français emmenée par Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la conférence épiscopale, est venue signifier le soutien des catholiques de France au peuple libanais. Au premier jour de leur périple, ils se sont rendus sur le lieu de l’explosion qui a dévasté la capitale libanaise le 4 août 2020. Pour lire l’article de la prière sur le port de Beyrouth, cliquez-ici.

 

 

Découvrez le reportage KTO sur cette visite

L’objectif : apporter le soutien de l’Eglise de France à la population de ce pays et surtout à ceux qui s’engagent pour soulager le quotidien de leur peuple. Une solidarité venue de l’autre côté de la Méditerranée, source d’espérance.

 

 

 

[LIBAN] Le témoignage de François :  » Au Liban : on s’habitue à tout « 

Découvrez le témoignage de François, volontaire depuis le mois de septembre dernier auprès des frères antonins, à Mrouj au Liban.


Ma mission

Chère famille, chers amis

Je m’enracine je m’enracine… Et je n’en finis pas de découvrir avec émerveillement que le Liban est une terre fabuleuse, riche d’un peuple au cœur immense. Plus le temps passe et plus mon affection grandit pour ce qui m’entoure, plus l’assimilation s’élargit. Le temps, enfin, devient clément, et contribue à l’adoucissement de nos impressions. La semaine dernière, une tempête de neige faisait encore trembler notre petit village. Mais maintenant, nous espérons tous que c’est bien fini ! En quelques jours, la température a triplé et les enfants sortent à nouveau pour jouer au basket ou faire de la balançoire. Le ciel d’azur qui détonne avec la montagne immaculée, semble promettre de beaux jours, et déjà nous devinons les bourgeons éclosent sur les arbres. Quel bonheur de redécouvrir la chaleur et la lumière ! C’est le retour des sourires, des odeurs, des couleurs, des lectures matinales au soleil, de la sueur, de la vie pour les libanais de la montagne. On sort d’un long sommeil, comme d’un mauvais rêve, et tout espoir redevient permis. L’hiver a été bien rude au Liban.

« Pour n’être pas changés en bêtes, ils s’enivrent

D’espace et de lumière et de cieux embrasés », comme dirait Baudelaire.

Les libanais retrouvent un peu le goût des choses en retrouvant le lampadaire céleste, qui sert en même temps de chauffage général et gratuit.

La mission a continué de boiter ce mois-ci, avec des semaines presque toujours inachevées, des enfants absents, des tempêtes, des grèves, des manques matériels qui menacent le foyer… Mais la vie repart toujours, et jamais ne se laisse submerger par les problèmes d’un instant. A chaque fois, reprendre le rythme, convaincre les profs, faire fi des critiques, des menaces de la municipalité, encourager les parents apeurés ou implorer les parents indifférents de faire revenir leurs enfants, demande une énergie considérable. Mais l’épanouissement des enfants au foyer et à l’école, sont le carburant et la récompense de chaque nouvel élan pour rouvrir le foyer.

Nos dortoirs ont été modifiés en profondeur : après plusieurs mois de changements réguliers, ici pour séparer Georges de Michel, là pour permettre à Wissam et Toni d’être ensemble, la décision a été prise de faire trois tranches d’âge : petits, moyens et grands. On n’a pas inventé l’eau chaude, mais c’est déjà ça… En bref, pour je ne sais quelle raison qui m’échappe, je me suis retrouvé avec les moyens. Toujours un peu frileux au changement, je n’ai d’abord pas été ravi. Mais en apprenant à découvrir chaque enfant, j’ai été émerveillé de connaître chacun d’eux, avec leur personnalité propre, leur caractère et leurs manies… J’ai été heureux de garder avec moi Pio et Charbel Halawji. Et d’avoir moins d’enfants, pour mieux m’en charger. Je suis donc bien heureux de mon sort, et de l’amitié qui naît avec ces enfants.

Une remarque m’a sauté aux yeux au bout de sept mois au Liban : on s’habitue à tout. A la nourriture, à la langue, aux imprévus, au temps (plus ou moins), aux situations tragiques, à la pollution, au bruit, à la négoc… Mais on reste interdit par la beauté des montagnes, par la joie des enfants, par les merveilles qui font déborder le cœur, par l’amour des libanais pour la vie. C’est une belle faculté humaine !

Et puis, ma relation aux enfants, bien que très limitée par le langage, trouve sa raison d’être dans le seul sourire d’un enfant, dans sa progression. Plus le temps avance, plus j’aime ces enfants. On en voit certains passer à l’âge bête, ou devenir un peu ternes, quand leur malheur les submerge. Alors, on peut essayer de les dérider avec une petite blague, pour leur montrer qu’on est avec eux et qu’ils ne sont pas seuls. Si ça ne marche pas, seulement leur montrer qu’on sait qu’ils peuvent être meilleurs, et qu’au fond ils sont de bons gars. Ainsi, au moment où ils décideront de devenir meilleurs, ils trouveront un regard confiant vers qui se tourner. D’autres enfants au contraire, s’épanouissent de plus en plus, se bonifient avec le temps, et se rapprochent de nous. C’est une grande joie de pouvoir dépasser le mur qui nous sépare. Il peut arriver, parfois l’instant d’une soirée, de rigoler avec eux et témoigner ainsi de l’amour qu’on leur porte, tout en percevant le leur. Mhamad m’avait lancé un matin, encore hilare de la veille : « Monsieur François, il faut venir ce soir pour qu’on rigole encore », de son air rusé. Effectivement la veille, une situation plus drôle que les autres m’avait fait craquer tandis que j’essayais de gronder Anthony. J’avais explosé de rire, et tout le dortoir avait renchéri en blagues et en fous rires : c’était l’occasion ou jamais pour rigoler une dernière fois. Après avoir calmé tout le petit monde, j’ai remarqué avec un certain plaisir que pour cinq minutes de souk général, nous avions gagné en complicité avec les enfants. Ils ont dû être ravi de remarquer que comme tout le monde, je suis capable de rire, même quand il ne faut pas. Il s’agit juste de grandir encore assez en confiance pour qu’ils dépassent le rapport de force entre eux et moi, pour entrer dans un état d’esprit conciliant et serein. Nos garçons sont tous (sans aucune exception, je le sais maintenant) capables d’arriver à ça.

J’ai cette chance merveilleuse de pouvoir être avec chaque enfant un grand frère, qui ne leur demande rien, n’exige rien d’eux, et ne voit en eux personne d’autre que la personne qu’ils sont maintenant. Quelle étonnante expérience, et tellement formatrice, d’être pour une année seulement avec des enfants pour qui je ne dois être rien d’autre qu’une présence aimante, les encourageant à faire de même entre eux. C’est ma force, ma conviction, mon horizon quand je doute, que je me sens inutile, seul, bien démuni de toute compétence…

[…]

L’année commence déjà à s’accélérer, et les problèmes prennent un aspect moins dramatique avec le retour du beau temps. Nous espérons que les élections de mai ne perturberont pas à nouveau le fragile équilibre des écoles.

Je prie pour chacun de vous, amis ou familiers, et vous confie au cœur de Marie, vierge du Liban et reine de France.

Joyeuses Pâques, Dieu vous garde !

François

Photos : © Constance du Coudert

Témoignage de Chiraz :  » Ce que j’apprécie par-dessus tout, c’est la simplicité des échanges qui dépassent la barrière de la langue « 

Découvrez le témoignage de notre volontaire Chiraz, volontaire au JRS depuis 3 mois. 


Après quelques jours de tempête de neige et un aller-retour au ski le temps d’un week-end, me voilà de nouveau en pull sur le balcon de notre cuisine, profitant du doux soleil d’Athènes durant ma
pause déjeuner. Quel plaisir de sentir la chaleur du soleil et cet air printanier en plein mois de février. C’est dans ces moments-là que je souhaiterais que le temps se fige, ralentisse sa cadence effrénée pour pouvoir profiter un peu plus de ces instants qui rythment mon quotidien. Après deux mois passés ici et 21 ans d’existence, ce n’est que maintenant que j’apprends à apprécier la banalité de la vie.

De plus en plus, je me surprends à aimer ces simples moments en communauté où l’on cuisine, boit du thé, joue à des jeux de société, fait la vaisselle, en musique ou en silence, seul ou accompagné…Je réalise enfin à quel point ces petits moments, aussi simples soient-ils, ne sont pas moins précieux et importants dans les relations que j’entretiens avec les autres volontaires et les migrants. Moi qui aime prendre mon temps, il semblerait que je me plais dans ce quotidien où chacun vit à son rythme dans cet espace commun.

Une communauté en mouvement

Si j’ai la chance d’être bien entourée, la vie en communauté se révèle bien différente de celle d’une colocation où chacun paie sa part du bail. Ici, il faut accepter que l’espace ne nous appartienne pas, qu’il faut partager des moments ensemble, qu’il y a des va-et-vient, et des allers et des venues, des bienvenus et des adieux. Ses deux dernières semaines ont été particulièrement éprouvantes avec le départ d’une volontaire, l’arrivée d’une nouvelle sœur, d’un nouveau jésuite et l’accueil de trois jeunes filles sur leur chemin de pèlerinage. A peine ai-je le temps de faire connaissance avec une personne que celle- ci s’envole vers de nouveaux horizons et se voit remplacée par une autre avec qui il faut partager son quotidien. Telle est la vie de la communauté et il faut s’en accoutumer, mais il est parfois difficile de l’accepter. Et si tout ce monde me permet de ne jamais me sentir seule, je ressens en ce moment le besoin de m’évader, reprendre mon souffle et profiter de quelques instants de solitude pour me ressourcer.

 

Un savoir-faire à cultiver

Au sein de ma mission, je gagne en confiance et m’applique à la tache. Mon visage est désormais familier auprès du public que je côtoie et c’est avec une certaine émotion que je constate que certains migrants et enfants connaissent même mon prénom, pourtant difficile à retenir. Après deux mois de mission, ma perception de l’enseignement a également évolué vers une approche plus détendue et transversale. Étant chargée d’animer un cours d’anglais à une classe d’adulte, je me sentais alors peu légitime d’enseigner une langue que je ne maitrise pas complètement à des élèves du double de mon âge.
Les semaines passantes, j’ai compris qu’enseigner sans en avoir les réelles compétences n’était pas une question de légitimité mais de solidarité. Que celle-ci ne se résume pas à une aide professionnelle mais englobe tout soutien, toute présence, tout moment passé avec et pour l’autre. Il n’est ni question de hiérarchie ou de rapport de force mais juste d’effort et de soutien. Et lorsque je constate à quel point mes élèves sont motivés, déterminés et prêts à tout pour progresser, je ne peux m’empêcher de ressentir une pointe de culpabilité en pensant à l’époque où j’osais détester l’école.

Ce que j’apprécie par-dessus tout, c’est la simplicité des échanges qui dépassent la barrière de la langue. Petit à petit, je découvre et apprends une nouvelle manière de communiquer : par des gestes, par des mots, par une présence, par des sourires et des regards. Moi qui ai passée trois années de fac à étudier les langues, je réalise que si leur apprentissage est essentiel dans le monde dans lequel nous vivons, elles ne constituent pas l’unique moyen de communication. Bien évidemment, je ne pourrais pas dire que mon français, mon anglais et mes bases en arabe sont obsolètes. Ces trois langues se révèlent au contraire très utiles dans mon environnement de travail quotidien mais j’ai l’étrange sentiment qu’en dehors du grec, c’est dans la communication non-verbale que je m’améliore.

 

Un regard nouveau sur mon environnement

Lorsque le temps me le permet, je me rends chez les sœurs de mère Theresa pour les aider à servir les repas qu’elles cuisinent et distribuent trois fois par semaine à près d’une centaine de migrants, dont une majorité de sans-abris. Après un temps consacré à la messe, les migrants peuvent venir chercher les barquettes de nourriture que nous distribuons.

Ici, il n’est pas difficile de constater que la misère est d’un autre ordre que celle que je côtoie au quotidien. La différence entre ceux qui sont logés et les sans-abris se voie à l’œil nu, aux haillons dont ils sont vêtus, aux cernes sur leur visage, à la saleté de leurs ongles et à leur odeur… Les uns derrière les autres, les migrants font la queue pour manger, se disputent sur les quantités de nourriture et se jettent sur les repas à peine servis. Les tensions montent lorsque certains demandent des rations doubles ou triples, en nous expliquant qu’il y a tel ou tel enfant qu’il faut nourrir et qui n’est pas là. Mais nous leur expliquons qu’il est plus juste de servir tout le monde avant de passer aux extras. Mais comment parler de justice à des sans-abris lorsque ceux qui leur servent à manger dormiront tranquillement sous un toit?
En travaillant quotidiennement avec des organismes religieux, la question me brûle de savoir comment parler de foi face à la misère de ces populations. Ou comme diraient Gutierrez et Ludwig Müller dans la théologie de la libération, « comment parler d’amour de Dieu face à la misère des pauvres et l’injustice qui règne dans le monde ? ». Cette question est bien trop profonde pour que je m’y attarde aujourd’hui mais fera sûrement l’objet d’une réflexion détaillée dans mes prochaines newsletters.

Ces migrants m’apprennent beaucoup et je suis impressionnée par leur courage dans leur détresse. De temps à autre j’aime explorer leur regard. Je m’interroge sur ce qu’ils voient, ce qu’ils perçoivent et comment le perçoivent-ils. Je rêverai de plonger dans leur esprit et de lire dans leurs yeux l’histoire de leur vie pour mieux les comprendre et les appréhender. Mais ces questions sont difficiles à poser alors je me contente de les traiter comme tout être humain et d’agir comme je l’ai toujours fait, avec respect et simplicité.

A l’instant où j’écris ces lignes et conclus cette deuxième newsletter, mon cerveau s’émerveille encore de tout ce que cette vie m’offre et m’apprends au quotidien. Je me sens reconnaissante et
chanceuse de pouvoir vivre cette expérience qui ne me laissera pas inchangée. Alors que je souhaite déjà remonter le temps et revivre mes premiers jours ici, il me tarde de savoir ce que les prochains mois me réservent…

A bientôt,

Chiraz

En Éthiopie, les conséquences d’une guerre oubliée

LES CAPUCINS D’ÉTHIOPIE

Les missions des Capucins vers l’Éthiopie ont débuté en 1846 et c’est en 1883 que la province capucine de Toulouse se voit attribuer le Vicariat Apostolique des Gallas.


La pénétration des missionnaires capucins en pays Galla –  aujourd’hui appelé Oromo – a été longue et périlleuse, tant par la nature hostile du pays que par l’environnement religieux (coptes et musulmans) mais aussi par les convoitises politiques multiples. Le missionnaire, plein de zèle apostolique, œuvre en principe à rejeter tout ce qu’il considère comme étant de la barbarie. Ce travail d’« humanisation » et de « civilisation » passe ainsi par l’éducation des jeunes filles, l’enseignement dans les écoles, les soins infirmiers donnés dans les dispensaires, la libération des esclaves, etc.

Évaluer les conséquences de la guerre

Du 3 au 5 janvier 2022, une équipe de Capucins composée des Pères Gebrewold Gebretsadik, Ministre provincial, Tilaye Alemshet. conseiller, Amanuel Gabriel, économe provincial et Hailegabriel, coordinateur des projets, a visité ses missions de Dessie, Kobbo et Kombolcha, situées en zone de conflit. Le but de la visite était de voir les conséquences de la guerre sur ces trois missions et d’évaluer les dommages causés afin de prendre des mesures pour les réhabiliter.

Retour sur la situation politique

En mai 1991, le parti dirigé par l’EPRDF (Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens) renverse le gouvernement DERG (gouvernement militaire provisoire de l’Éthiopie socialiste) de Mengistu Hailemariam. Meles Zenawi devient chef du gouvernement et restera au pouvoir pendant 21 ans, jusqu’à son décès le 19 août 2012. Il est remplacé par le Premier ministre Hailemariam Desalegn qui démissionne en février 2013. Le 13 mars 2013, Abiy Ahmed lui  succède.

Le principal adversaire de l’EPRDF est le TPLF (Front de libération du peuple du Tigré). Mécontents de la nouvelle direction d’Abiy Ahmed, ses membres se révoltent contre le gouvernement et attaquent la Force de défense nationale dans la région du Tigré, le 4 novembre 2020. C’est le début d’une guerre qui n’est pas encore terminée.

La mission de Dessie

Les villes de Dessie et Kombolcha se trouvent sur la route reliant Addis Abeba au nord du pays et à Djibouti. Sur le chemin de Debreberhane à Kobbo, nous avons assisté à la destruction de nombreux véhicules militaires, chars, camions civils, bâtiments endommagés. De même, nous avons vu les routes patrouillées par de nombreux soldats, manifestant qu’il s’agit toujours de la zone de guerre.

À notre arrivée à Dessie, qui avait été occupée du 30 octobre au 15 décembre dernier, nous avons rencontré les quatre frères capucins qui nous ont informé de ce qui s’était passé et de la façon dont ils ont survécu dans ces jours difficiles.

Pendant l’occupation, les rebelles ont tout emporté à Makalle (carburant, voitures, meubles, machines, nourriture, ustensiles de maison, matériel hospitalier, matériaux de construction, etc.). Les frères n’avaient plus d’accès aux transports, pas de voiture, d’eau, d’électricité, de réseau, de téléphone, etc. L’école a été fermée jusqu’au 27 décembre. Ils ont dû s’occuper des 11 pensionnaires et des 16 orphelins venus de Kobbo.

Nos frères ont été particulièrement choqués quand la ville a été bombardée par les deux camps en présence. Ils sont reconnaissants au Seigneur que la mission n’ait pas été endommagée et qu’ils n’aient pas perdu la vie. Seules les deux voitures ont été prises, sinon les frères sont restés fermes dans leur engagement. Ils ont été psychologiquement remués mais se sont sentis soulagés quand les occupants ont quitté Dessie et Kombolcha après une quarantaine de jours de présence.

Pour le moment, la ville de Dessie semble reprendre ses activités normales. L’alimentation électrique, l’eau, le réseau, la télévision, le transport aérien, le carburant, la nourriture, etc., tout est à nouveau disponible.

Nous avons apporté une aide d’urgence de 100 quintaux de farine, d’huile, de pâtes, de macaronis et de désinfectant reçus des Sœurs Missionnaires de la Charité d’Addis-Abeba pour la mission de Dessie. Les frères ont été heureux d’obtenir cette première aide de l’extérieur. Aujourd’hui, Dessie nécessite des travaux de rénovation, surtout des toilettes pour les 11 étudiants internes.

À Kombolcha, plus de peur que de mal

Kombolcha, occupée entre le 31 octobre et le 16 décembre 2021, est une extension de la mission de Dessie. Les frères s’occupent du service de la chapelle et gèrent un jardin d’enfants et une école. C’est une ville industrielle où les rebelles ont emporté les machines, des voitures, des ustensiles de maison, le carburant des stations-service, etc. Les voleurs ont emporté la télévision de la mission. Nous pensons qu’il s’agit d’un vol plutôt que d’une confiscation par le groupe rebelle. Le jardin d’enfants et l’école ont recommencé à fonctionner comme avant. Il y a encore quelques arrivées tardives pour les inscriptions car certains parents ont cherché refuge en dehors de la ville et ne rentrent que maintenant à Kombolcha. Le seul défi à relever est de réparer les balançoires de l’aire de jeux du jardin d’enfants. Sur le chemin de Kobbo, nous constatons que les ponts ont été détruits par les rebelles. Qu’allons-nous trouver sur place ?

Kobbo, une mission importante…

Nous avons de nombreux amis de la mission de Kobbo, et je crois qu’ils seront tristes de savoir ce qui lui est arrivée. C’est celle où les rebelles ont causé le plus de dégâts. Les frères capucins ont abandonné Kobbo le 19 juillet, craignant pour leur vie. Les sœurs ursulines, elles, sont restées et les dommages qu’elles ont subis sont faibles comparés à ceux de l’enceinte des Capucins. À Kobbo, il y a trois sœurs actives et deux sœurs en prison parce qu’elles sont soupçonnées d’avoir collaboré avec les rebelles. Nous n’avons pas le chiffre exact des victimes, mais selon les nouvelles du gouvernement, dans la seule journée du 21 septembre, plus de 600 civils ont perdu la vie.

La mission de Kobbo comprend une résidence pour les frères capucins, une église paroissiale, un orphelinat, une dépendance autonome, une école primaire et une école secondaire, des entrepôts, une ferme laitière et des terres agricoles. Comme vous pouvez le voir, c’est une mission importante.

… complètement dévastée

Dès notre arrivée à Kobbo, nous avons constaté que l’armée Fano (armée régionale de la région d’Amara) y campe encore. Il y a des milliers de militaires dans l’enceinte, avec beaucoup de véhicules militaires et d’autobus civils. Une partie de l’enceinte ressemble à une gare routière avec des dizaines de bus garés là.

Les fenêtres de la dépendance ont été brisées par les bombardements et le bâtiment a servi de dortoir aux rebelles. Maintenant, il n’est plus occupé par personne. Quant aux bureaux de l’école primaire, ils ont été utilisés comme bois de chauffage par les rebelles : il n’y a plus aucune table. Les 50 ordinateurs et les équipements du laboratoire ont été emportés. Pour la rouvrir, il faudra de nouveaux bureaux, des ordinateurs, des fournitures et du matériel…

La résidence des Capucins a été vandalisée ; les rebelles ont emporté une voiture, des ustensiles de cuisine, un matelas, des couvertures, des draps, des tables, des bureaux, trois ordinateurs, une télévision… La seule chose qu’ils n’ont pas touchée, c’est la chapelle.

ou occupée par les militaires

L’école secondaire est utilisée comme camp militaire pour FANO. Toutes les salles de classe sont occupées en dortoir par le personnel militaire. Il y a une salle de classe réservée aux prisonniers de guerre (je ne connais pas exactement le nombre de prisonniers, mais il y avait des prisonniers dans une pièce). Tous les bancs, tables et chaises ont été jetés dehors au soleil et sous la pluie sans aucune protection. Le matériel de laboratoire et les ordinateurs ont été emportés.

L’orphelinat est également occupé par les militaires de Fano. Ils l’utilisent comme dortoir et font cuire leur nourriture dans son enceinte. Les deux entrepôts servent aussi de dortoir.

La ferme laitière n’a pas été endommagée et les vaches laitières sont toujours là alors que les terres agricoles sont dégradées, car il n’y avait pas de gardes pour s’en occuper. Ce sera une priorité pour l’autonomie de la mission.

Des perspectives malgré tout

L’école devait rouvrir le 10 janvier 2022, mais cela s’est avéré impossible car la fraternité de Kobbo n’est pas encore reconstituée et le complexe a besoin d’un grand nettoyage et de nouveau mobilier. Les documents sont détruits, nous n’avons plus de dossiers scolaires, il n’est donc pas facile de rouvrir l’établissement.

De plus, l’Ordre des Capucins doit désigner de nouveaux membres de la fraternité pour cette mission. Le 10 janvier, le Conseil provincial a tenu une réunion extraordinaire à la fraternité Saint-Sauveur, à Addis-Abeba, en Éthiopie, pour discuter de cette situation.

Nous prions humblement pour que nos partenaires viennent à notre aide et nous permettent de réhabiliter la mission de Kobbo.

 


Fr. Hailegabriel Meleku, Cap.

Coordinateur pastoral

et de projets,

Province des Capucins d’Éthiopie