Claire, étudiante en droit et volontaire pour un an au Collège des sœurs antonines de Roumieh, au Liban. Elle y donne des cours de français et de culture générale, entre mythologie grecque, contes et histoire de l’art.
Chère famille, chers amis,
J’espère que vous allez bien et que vous êtes toujours en bonne santé !
La vie quotidienne à Roumieh.

Nous travaillons sur les contes avec les primaires 1 (du CP au CE2). En primaire 2 (CM1 et CM2), nous avançons notre voyage en France. Les élèves écrivent également des lettres à des classes françaises, dans lesquelles ils présentent leur école, Roumieh et le Liban. Ils abordent des sujets plus ou moins importants avec une franchise et une innocence incroyable. En voilà quelques extraits :
A propos de l’impossibilité de voyager (CM1A) : « Dans votre prochaine lettre, pourriez-vous nous parler de Toulouse ? Quand nous serons grands, nous aimerions beaucoup aller en France. En ce moment, nous pouvons voyager en France grâce aux lettres. Nous voyageons avec notre imagination. »
A propos du Liban et de l’explosion du 4 août (CM1A) : « Le Liban est un pays très joli. Le drapeau du Liban a trois significations : le rouge signifie le sang, le vert représente l’arbre qui reste vivant : le cèdre : il ne meurt pas sous la pluie et la neige; le blanc signifie la paix. La capitale du Liban est Beyrouth. Notre capitale, malheureusement, est détruite, à cause de l’explosion du 4 août. Il y a beaucoup de maisons détruites et beaucoup de personnes n’ont plus d’endroit où vivre. Il y a beaucoup de travaux à Beyrouth pour la reconstruction complète. »
A propos de Notre Dame de Harissa (CM1D): « Nous aimerions vous parler de Notre-Dame de Harissa. C’est un lieu que nous aimons beaucoup. Notre-Dame de Harissa est une statue de Maman Marie sur une montagne. Elle est située à Harissa, à côté de Jounieh, juste au Nord de Beyrouth. Quand nous allons à Harissa, nous pouvons prier, acheter des souvenirs à la boutique… »

Vers la reconstruction
La crise que traverse le Liban est aujourd’hui terrible. La livre libanaise ne cesse d’être dévaluée. Alors qu’un dollar valaient 1500 livres libanaises il y a un peu plus d’un an, un dollar vaut 8000 livres libanaises aujourd’hui. Les prix flambent alors que les libanais ne voient pas leur salaire augmenter et s’adapter au taux réel de la livre libanaise sur le marché noir (taux à 8000). Imaginez simplement acheter votre kilo de tomates à un prix quatre fois supérieur à celui dont vous avez l’habitude, ne plus acheter ni viande, ni poisson, ni chocolat, car cela coûte trop cher, ne plus pouvoir payer l’école de vos enfants… c’est aujourd’hui ce qu’il se passe au Liban.
Malgré toutes ces souffrances, les libanais continuent de nous accueillir d’une manière incroyable ! Je crois qu’ils sont capables de se priver pendant plusieurs jours pour pouvoir mettre les petits plats dans les grands lorsque l’occasion se présente ! Lorsque nous leur rendons visite ou lorsqu’ils nous invitent nous sommes toujours accueillis comme le Messie. C’est extrêmement touchant ! Nous continuons de partir à la découverte du Liban ! C’est un pays magnifique !

Je pense bien à vous et vous garde dans mes prières. Je vous confie le Liban et tous les libanais qui traversent des heures vraiment difficiles !
Je vous embrasse bien affectueusement!
Claire



Quatre mois après, et bien que de beaux efforts de reconstruction et de solidarité aient vu le jour, le pays est encore sous le choc. Le visage de Beyrouth a changé, entre tas de décombres, immeubles béants, population masquée, et rubalises pour éloigner des zones accidentées. L’accueil chaleureux des Libanais s’est fait plus modeste. Les communautés religieuses rencontrées évoquent avec pudeur leur difficultés à payer les salaires – parfois même à ne payer que la moitié des salaires, ou à s’acheter du dentifrice. En dix jours, le taux de change a doublé. « Même la guerre était moins pire qu’aujourd’hui », disent invariablement les communautés.
scolarité de leurs enfants, et d’ailleurs le prix en est tellement dévalué qu’il ne veut plus rien dire pour les communautés. De plus, les comptes des écoles ne permettent plus non plus de payer les salaires des employés et des enseignants. Certains concluent un accord pour travailler en contrepartie de la scolarité d’un enfant, comme à l’école Notre-Dame du Rocher d’Ajaltoun, où les sœurs ont installé un atelier de fabrication de masques pour les mamans d’élèves. Ce sont donc des immenses espaces vides que nous visitons. Aucun rire ou jeu d’enfants dans les cours de récréation. Heureusement, les communautés cherchent à conserver des contacts réguliers et sur le long terme avec les familles des élèves. Pour elles, l’école c’est le lieu de la vie, de l’apprentissage, des rires et des jeux. Des horaires sont aménagés pour que les élèves puissent venir sur des périodes de 40 minutes en classe, ou pour célébrer des messes de Noël en demi-groupe.
Dans la cantine du quartier de la Quarantina, quatre volontaires sont membres de l’équipe du père Hany. Ils distribuent 2000 repas par jour aux familles victimes de l’explosion, tout en cherchant activement à développer la vente de produits locaux pour avoir des fonds et s’auto-suffire sans dépendre de dons extérieurs.

Le père Andreas, Evêque de Chouchi – elle aussi passée côté azéri, tente une négociation. Peine perdue. Le russe est compréhensif mais répète rarement deux fois les instructions. Nous sommes de ceux qui n’iront pas à
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Devant les bougies, des hommes en treillis se recueillent, des enfants couverts comme Saint-Georges cherchent leur mère dans la foret des jambes tandis que la chorale entame le « Der voghormia » (« seigneur prend pitié ») en polyphonie. « On peut célébrer la naissance de Jésus et allumer des cierges même après un désastre » me confie une vieille femme au sourire immense. C’est le premier Noël depuis la fin de la guerre, et « c’est une messe de vivants célébrée pour nos morts » me répète ce jeune soldat en quittant la cathédrale. En sortant de dessous son épais blouson militaire une croix bricolée avec deux bâtons irréguliers et un morceau de barbelé, il est heureux de me dire que même aux heures les plus dure, elle ne l’a jamais quittée. « Si je suis là, c’est parce que ma croix m’a sauvé. Cette nuit nous prierons tous pour ceux qui sont tombés, pour notre unité, la paix et la liberté ».
La beauté de ce paysage et la fraîcheur de cette région nous a beaucoup touché et nous a permis de nous ressourcer quelques jours avant de retrouver le vacarme du Caire. La brume sur le Nil, les troupeaux de vaches broutant dans les champs et cette vision du village avec les clochers à perte de vue nous offrent des souvenirs inoubliables. 
