Tiphaine, 24 ans, vient d’être diplômée de Psychoprat’ et est volontaire pendant 6 mois dans une crèche pour enfants de migrants, en Terre Sainte.
Terre Sainte, 20 février 2019
Voilà maintenant 2 semaines que me suis envolée pour cette grande aventure et que j’ai atterri à Ben Gurion. C’est incroyable ici comme le temps défile vite ! Je profite donc de ce petit écrit pour mettre, pour quelques instants, le temps sur pause et laisser les images, émotions et pensées de ces derniers jours remonter.
Mon voyage a très certainement commencé à quelques kilomètres au sud de Paris. Inutile en effet d’avoir atterri sur le sol israélien pour être plongé dans ce monde à part entière qu’est la Terre Sainte. Le salon d’embarquement 26 d’Orly Sud me laisse déjà entrevoir ce que j’aurai plus amplement le temps de découvrir tout au long des 6 mois qui se profilent. Certains voyageurs investissent déjà le lieu comme salle de prière alors que d’autres profitent du temps d’attente et de ce qu’ils ont sous les yeux pour se lancer dans un débat sur la laïcité.
Très vite je suis ainsi frappée par le rapport au sacré auquel on est confronté ici et par la place qu’il prend dans la vie des personnes que je croise. Venant d’un pays laïc il est très surprenant de croiser tant de signes religieux en restant dans des lieux publics. Cependant, il est aussi particulièrement déroutant, en tant que chrétienne élevée dans une foi toute intérieure et sensibilisée au respect des lieux religieux et historiques, de se retrouver par ailleurs dans un flot de touristes bavardant dans le Saint Sépulcre ou de tomber sur des kippas à motifs rivalisant d’imagination au milieu des souks. Il s’agit bien de territoires faits de contrastes !
Comme l’ont déjà expérimenté bien d’autres volontaires en Terre Sainte avant moi, il est, à l’arrivée à Jérusalem, difficile de se dire que c’est ici que va se dérouler sa mission de volontariat. Je profite de la ligne de train tout juste mise en service et du tram rutilant, tombe face à face avec des enseignes occidentales bien connues, et Pierre, le premier volontaire que je rencontre, me détaille la vie effrénée que les jeunes vivent ici et les multiples engagements qu’ils ont pris en dehors de leur mission (scoutisme, groupes de prière et de réflexion…). Moi qui pensais me couper de ma vie parisienne et de son rythme chevronné !
Cette difficulté à croire que c’est ici que je suis appelée à servir est ravivée dès mes débuts à la crèche qui m’apparaît très vite comme un endroit administré d’une main de maître par une poignée de sœurs provenant toutes d’horizons bien divers. Il n’est, de ce fait là, pas évident d’y trouver ma place d’emblée. Je partais pour un volontariat bien consciente des leçons d’humilité que j’allais prendre et la première ne se fait définitivement pas attendre ! Il faut attraper en cours de marche ce train aux mécaniques bien huilées. Le rythme y est assez intense et les journées de ces petits bouts, qui vivent avec le soleil, défilent à tout allure. Les gestes des autres volontaires sont rapides et d’une efficacité redoutable et le programme de chaque journée bien défini. Moi qui ai eu l’habitude de toujours m’occuper d’une petite poignée d’enfants à la fois, de prendre le temps et de faire les choses avec une grande précaution en France, il faut que j’accepte de quitter ce tempo afin de m’adapter à celui qui est attendu de moi ici. Plus facile à dire qu’à faire quand on est éduqué dès son plus jeune âge avec l’arrivée d’un petit-frère ou petite-sœur à : « Est-ce-que tu t’es bien lavé les mains ? Fais bien attention à sa tête quand tu le prends, tu sais c’est si fragile à cet âge ! » ? Ici, les mêmes gestes devront en effet être répétés des dizaines, centaines de fois pendant la journée, pas le temps donc de s’appesantir ! Je sens qu’il faut que je sois vite opérationnelle.
Rapidement émerge donc le sentiment de faire intrusion dans un système qui fonctionne très bien (… sans moi qui ai l’impression de le ralentir !) et que l’accueil se fait d’abord avec méfiance via des mises à l’épreuve. Je pressens que la création d’un lien avec les salariés va constituer un vrai enjeu. En plus d’avoir toujours baigné dans des langues, cultures, pratiques différentes, ceux-ci sont confrontés à un éternel défilé de volontaires. J’entends tout à fait combien il peut-être décourageant pour eux d’avoir à franchir toutes ces barrières pour s’attacher et finalement devoir se séparer et tout recommencer…
Même si eux aussi m’auront, à leur manière, mise à l’épreuve à mes débuts, les petites têtes brunes dont je partage la charge sont plus vite comprises et conquises. Ils me rappellent un petit renard bien connu qui disait : « S’il te plait… apprivoise moi ! ». Comme il l’avait déjà promis au Petit Prince, je commence donc progressivement à reconnaître les pleurs de tel enfant, décoder les comportements ou connaître les meilleurs moyens de rassurer tel autre.
Malgré tout ce qu’il me reste à apprendre pour me sentir à ma place à la crèche, je suis frappée de voir à quelle vitesse tout cela est passé de l’ordre de la nouveauté à celui du quotidien. Très vite les habitudes sont prises, les petites routines commencent à s’installer.
Pendant ces deux premières semaines, l’hospice des sœurs m’apparaît comme un havre de paix dans lequel je prends le temps de digérer toute cette nouveauté. À mon arrivée je suis effectivement assaillie par la multitude de sensations : odeurs d’épices, de viande grillée, bruits continus de klaxons, de feux d’artifices, les appels à la prière… Toutes sont promesses de dépaysement et de découverte.
Portrait d’Ahmed, étudiant yézidi en Irak. Tous les mois, l’Œuvre d’Orient participe au transport de plus de 600 étudiants (50 000 dinars soit 40€ équivalent à 70% de leurs frais de transport mensuels) entre Bashiqa (une ville située en Irak au nord-est de Mossoul) et l’université de Mossoul.
Ahmed Elias Fido, étudiant yézidi
Originaire de Sinjar, ce jeune étudiant de 24 ans reprend
ses études d’ingénierie électrique grâce au soutien de
L’Œuvre d’Orient, après avoir mis ses études entre
parenthèses durant l’occupation de Daech.
Peux-tu décrire ta famille et ta vie avant l’invasion de Daech ?
Notre vie était belle et simple à Sinjar avant les attaques perpétrées par l’Etat Islamique. J’ai deux frères et cinq sœurs – deux de mes sœurs sont mariées et trois sont encore à la maison. Un de mes frères vit en Allemagne. Et mon autre frère a quitté l’école pour travailler en tant qu’agent de nettoyage à Dohuk et nous permettre de vivre. Durant les vacances, les plus grands allaient toujours travailler dans les villes du Kurdistan Irakien (Dohuk, Erbil ou Souleymaniyah). Cela aidait notre famille à vivre durant l’année.
Que s’est-il passé à partir de l’arrivée de Daech ?
En août 2014, lorsque l’Etat Islamique est arrivé en Irak, j’avais commencé mes études depuis un an déjà. Nous n’avons pas eu d’autre choix que fuir la ville car l’armée s’était retirée, nous abandonnant à notre propre sort. Je suis donc parti dans les montagnes à pied avec ma famille sans rien emporter car mes parents n’ont même pas de voiture. C’était terrible, nous avons vu nos voisins se faire tuer. De plus, il faisait très chaud à cette période de l’année (45°C), j’ai vu mon peuple mourir de faim et de soif car nous n’avions ni pain ni eau.
Mes parents étaient terrifiés à l’idée que les djihadistes nous poursuivent jusqu’au Kurdistan irakien. Nous avons tenté de quitter le pays à deux reprises – en Syrie puis en Turquie – sans succès. C’est au bout de deux mois que nous avons été logés au sein du camp de réfugiés d’Essian. Nous sommes restés 3 ans dans une tente.J’ai mis mes études entre parenthèses pour travailler avec mon frère, agent de nettoyage, et gagner de quoi subsister.
Après la guerre, ma famille s’est installée dans la Plaine de Ninive, à Bashiqa (20Kms de Mossoul), ville traditionnellement yézidie. Nous avons emménagé dans une maison dont les propriétaires sont partis vivre à l’étranger moyennant un petit loyer (100 000 dinars irakiens/mois soit 75€).
Pourquoi est-ce important pour toi de reprendre les études à l’université de Mossoul ?
Comme beaucoup d’étudiants, je rêve de finir mes études pour avoir les capacités d’aider mon peuple, d’aider mon gouvernement à apporter la sécurité pour tous les peuples d’Irak. Et enfin, de soutenir financièrement ma famille au jour le jour. Le gouvernement ne nous aide pas. Il devraient nous verser des bourses pour que nous puissions continuer nos études chaque mois. Et si quelqu’un gagne plus d’argent par son travail, il devrait le mettre au service de la communauté. Nous serions peut-être plus heureux et il n’y aurait plus d’assassins qui tuent pour voler l’argent des autres.
Vois-tu un avenir pour toi en Irak ?
Pour le moment, c’est difficile de se projeter car la situation n’est pas bonne. Je ne suis pas très optimiste quant à l’avenir du pays. Ma crainte est que quand je finirai mes études, le gouvernement ne m’aide pas à trouver un travail. Nous devrions trouver un travail par nous-mêmes mais l’on sait d’avance que le nombre d’opportunités est très limité. Le risque est que j’oublie tout ce que j’ai appris à l’université si je ne trouve pas un travail dans mon domaine de spécialité. Il y a tellement d’exemples comme ça ici…
Malgré tout, j’essaie d’être heureux et mon rêve demeure. C’est ça qui me fait tenir bon et me permet de m’accrocher à mes études.
Pourquoi est-ce important pour toi d’être volontaire dans le cadre de ce projet ?
Pour moi, c’est très important car ni le gouvernement, ni les « organisations » ne se soucient de notre situation. Il n’y a que vous [L’Œuvre d’Orient] qui nous avez entendus. Sans vous, beaucoup d’entre nous auraient arrêté leurs études, faute de moyens financiers. Tout le monde pense que nous n’avons pas un bon niveau car beaucoup de yézidis viennent des villages des zones reculées et ne parlent pas anglais par exemple. J’essaie de porter la voix de mes camarades en faisant un peu de traduction en anglais et j’essaie de les aider en rendant les choses plus simples pour eux, pour qu’ils puissent aller de l’avant et réussir à l’université.
Cette situation où il n’y a ni paix ni guerre en Syrie devient insoutenable. La reconstruction est en attente jusqu’à nouvel ordre. Le manque de sources d’énergie rend l’hiver bien difficile, parfois même meurtrier pour les enfants, les personnes âgées et les nombreux sans-logis. Le dollar, qui continue à grimper face à la monnaie locale, n’arrange en rien la vie économique qui nous rend esclave du blocus qui écrase surtout le petit peuple.
L’exode alarmante des familles chrétiennes
Lors de la dernière grande réunion entre familles, seuls quatre couple avaient moins de 50 ans. Le vieillissement des familles chrétiennes est alarmant. Le nombre de chrétiens en Syrie, d’après les premiers constats, ont diminué de 50 à 77%, selon les régions. Il étaient 4,7% en 2009, combien sont-ils aujourd’hui ? Quel avenir pour eux ? Ils sont confrontés à un grand défi, à la fois social et pastoral ; une minorité vieillissante est maintenant confrontée à l’incertitude.
Un combat qui n’est pas encore perdu
Le Pape Benoît XVI nous conseille depuis 2010 de miser sur l’enseignement social de l’Église dans toutes les démarches de Renouveau. Le Pape François, en signant avec le Grand Imam d’al Azhar le 4 Février 2019 le document historique sur la fraternité humaine, ouvre de nouvelles perspectives de cohabitation, de dialogue et d’Espérance.
Bien que minoritaire et affaiblie, l’Église de Syrie, qui s’appuie sur les sacrifices de ses martyrs, qui est animée par le Feu de l’Esprit et par la Lumière de l’Évangile, garde la foi de Pierre, n’abandonne pas et progresse encore plus loin sur le chemin du salut.
Me voilà enfin arrivée ! Ça fait des semaines que j’attends cela. Fini les histoires de papiers administratifs, d’attente de visa, de vérification de validité de passeport … L’aventure commence enfin.
Je me retrouve, seule dans l’avion, toute excitée à l’idée de découvrir une terre inconnue et source importante de notre civilisation.
Le premier contact avec la population locale fut rapide. Dans l’avion, le jeune palestinien assit à côté de moi me demande de manière directe « Are you Muslim or Jewish ? ».
J’étais un peu étonnée : d’abord, je n’avais que deux réponses possibles et surtout parce que ce n’est pas en France qu’on me poserait une telle question !
J’ai vite compris qu’ici, dans le berceau des trois religions monothéistes, on se définit par ce en quoi on croit. C’est notre religion qui fait de nous une personne. Il est inconcevable pour un israélien d’être athée.
Je suis donc arrivée à l’aéroport de Tel-Aviv le mercredi 23 Janvier 2019 où Jean-François, le directeur de la maison, m’attendait.
Une fois sortie, choc thermique, je suis passée d’une capitale française enneigée à une capitale orientale sous le soleil et 21 degrés.
Arrivée au Home j’ai pu faire la connaissance de tous les volontaires qui m’accompagneront tout au long de ma mission. Mathilde et Ludovic, un jeune couple tout juste marié, qui vient passer un an en tant que volontaire. Mathilde est infirmière pour les personnes âgées et Ludovic s’occupe du jardin et de l’intendance. Mais aussi Marie-Cécile et Gaëlle, deux autres volontaires qui aident ici en tant qu’infirmières pour deux ans.
En ouvrant mes volets je me suis retrouvée face à un mur gris de 9 mètres de haut s’étendant à perte de vue, m’empêchant d’avoir une quelconque vision de ce qu’il y a autour.
Je me trouve en fait à la frontière qui sépare depuis 2002 Israël de la Palestine. Ce mur nous rappelle constamment l’actualité conflictuelle des lieux. On m’a d’ailleurs interpellée dans la rue en me recommandant de longer le mur pour éviter d’être assommée par des pierres venant de l’autre côté.
Jeudi et vendredi, avant de commencer mon travail à l’administration, j’ai passé deux jours dans le service, pour comprendre le fonctionnement de la maison et rencontrer les résidents.
Je me suis occupée des repas, des activités pour les personnes âgées avec les autres bénévoles. J’ai adoré !
« Vieillir c’est retomber en enfance », j’ai toujours entendu dire ça. Et bien, je comprends enfin ce fameux dicton !
Leur perte progressive de mobilité, de sensorialité, de visibilité, leur dépendance croissante de l’entourage, me font penser à une sorte de retour à l’enfance.
Les personnes âgées boudent, ne veulent pas finir leurs assiettes, s’énervent, ont besoin d’affection, de beaucoup dormir …
Mais là où, je pense, s’occuper d’eux est plus difficile que de s’occuper d’enfants, c’est que psychologiquement, nous nous disons que l’on ne travaille pas pour l’avenir. C’est le cycle de la vie, vieillir et mourir.
Comme le dit Simone de Beauvoir « Nous vivons dans une société où la mort est cachée. Or les personnes âgées sont associées à cet impensé. La société est très centrée sur des valeurs comme la performance, la jeunesse, la rapidité, avec le modèle de l’humain surpuissant, prenant soin de lui. Le très vieux nous met donc mal à l’aise. » Nous travaillons pour justement éviter ce malaise. Pour être avec eux, leur assurer une compagnie dans la fin de leur vie.
C’est là où la mission est importante, nous devons nous rappeler chaque instant qu’il est important que leurs dernières années se passent de la meilleure manière possible. Parce qu’après la maison de retraite qu’est-ce qu’il y a ? La mort est le seul horizon …
Tous les résidents sont atteints d’une maladie à un stade plus ou moins avancé. Par exemple l’autre jour, en arrivant à la salle à manger, j’aperçois sœur Odile, une de nos résidentes, qui plaçait soigneusement son dentifrice, sa brosse à dent et son stylo parallèlement à sa fourchette et à son couteau. Je lui demande alors « Que faites-vous ma sœur ? » « J’aide à mettre le couvert, vous ne voyez pas ? » me répond-elle. « Oh merci ma sœur, mais je ne suis pas sûre que ces éléments soient utiles pour le déjeuner » « Ah bon ? » me répond-telle, en prenant soin de remettre dans son sac son dentifrice, sa brosse à dent, son stylo ainsi que son couteau et sa fourchette…
Il faut se mettre à leur place. Hors de chez soi, on n’a plus de repère on est perdu.
Lorsque les nouveaux résidents arrivent ici, nous devenons leur famille, leur univers. Car ils ont dû tout abandonner, ils ont fermé la porte de leur maison et n’y retourneront jamais. Le temps est long, très long. Ils attendent que ça passe. Parfois ils s’inventent un travail, rangent un placard, nettoient une table propre ou plient les serviettes sales. Ils ont besoin de se sentir utiles, et c’est pour ça que nous sommes là.
Je parle de ma mission auprès des personnes âgées, mais mon rôle ici est plutôt d’assister le directeur dans toutes les tâches administratives. J’ai commencé mon travail le lundi suivant, au bureau.
Je m’occupe de la gestion des bénévoles. J’organise le planning hebdomadaire de travail, je réceptionne les candidatures pour le bénévolat et le volontariat ainsi que les demandes de résidences. J’échange beaucoup par mail et par téléphone en français et en anglais et je gère aussi les demandes de dons, de partenariats, qui permettent à la maison de fonctionner. Autrement dit ma mission est d’assister à la gestion générale de la maison.
Ce qui est génial, c’est la liberté que le directeur me laisse. Je peux proposer tout ce que je veux qui pourrait améliorer la vie des résidents et le fonctionnement de la maison.
Tous les soirs, pour garder le contact avec les résidents, je viens donner le dîner. Je trouve très important de tisser des liens… Je trouve souvent le moyen de passer dans la journée les embrasser et leur faire un coucou. C’est toujours touchant lorsqu’ils me demandent où j’étais passée depuis que je les avais quittés et qu’ils me disent que je leur ai manqué. J’ai vraiment l’impression d’être utile en leur apportant une simple présence et de l’affection.
Jérusalem, la ville trois fois sainte, berceau de toutes les religions. Géographiquement et historiquement, je me trouve au centre du monde.
Dès que j’ai du temps libre, je m’aventure dans la vieille ville. On peut parler d’aventure car c’est une ville incompréhensible. Elle est entourée de remparts et divisée en quatre quartiers (arménien, chrétien, juif et musulman). La diversité y est étonnante, on passe de quartier en quartier sans difficulté. Il n’y a pas de frontière visible, mais il est impossible de ne pas savoir dans quel quartier nous sommes tant les habitants mettent en avant leur croyance.
Jérusalem est une ville frappante pour sa diversité mais également pour la mentalité des gens qui y habitent. Lorsque l’on est touriste, tout le monde vient nous aborder, les habitants sont curieux et veulent savoir ce que l’on fait ici, etc…
Ce qui est surprenant, c’est le Shabbat, le samedi, car les Juifs commencent leur semaine le dimanche et leur samedi est complètement consacré à la pratique religieuse. C’est tellement sacré que la ville est morte et aucun commerçant ne travaille. Il n’y a aucune lumière ni chauffage, les trains et les bus ne circulent plus et rares sont les taxis. J’ai été très surprise lorsque j’ai voulu aller retirer de l’argent le samedi suivant mon arrivée car même les distributeurs automatiques étaient fermés. Les Juifs n’ont pas le droit d’être en contact avec de l’argent ni avec quoi ce soit de mécanique ou électrique. Il faut même se cacher pour appeler quelqu’un ou prendre des photos.
Mais ces différences ne sont pas désagréables, on s’aperçoit en habitant ici que l’Europe n’est pas le centre du monde, que le monde n’est pas occidentalisé comme on le pense trop souvent. Et l’on s’y fait… On s’est construit un nouveau « chez-soi ».
Aujourd’hui, l’Œuvre d’Orient a eu la chance de recevoir John Kurichianil O.S.B. , père abbé à l’abbaye Saint Thomas, à Kappadu, dans le diocèse de Kanjirapally, au Kerala. Une communauté de rite syro-malabare.
Le lieu a été fondée en 1986 puis érigé en Abbaye en 2004 et rattaché à la Congrégation Bénédictine de l’Annonciation. Le père était accompagné de Nathalie Raymond, traductrice.
« Dans le rite latin, le Carême commence le mercredi mais chez nous il commence le dimanche qui le précède, c’est ce qu’on appelle le premier dimanche de Carême. À ce dimanche suit le lundi des cendres. Nous commençons le Carême avec cette idée de repentance, de rédemption que symbolise les cendres. Ensuite c’est un période de jeune et d’abstinence pendant 50 jours. À Kappadu nous ne mangeons ni viandes, ni œufs, ni poissons.
La semaine Sainte commence avec le Dimanche des Rameaux pendant lequel, contrairement à la messe en rite latin, nous ne lisons pas tout le récit de la Passion mais uniquement l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.
Pendant le Triduum pascal, les messes sont toutes célébrées le matin, pas le soir contrairement au rite latin. Pour le samedi Saint, la messe, la bénédiction de l’eau baptismale et le renouvellement des vœux du baptême a lieu le matin, alors que tout cela est fait pendant la Vigile pascale dans le rite latin. Nous célébrons la messe de la Résurrection à 2 heures ou 3 heures du matin le dimanche. Toutes les églises sont pleines ! »
Nous souhaitons un bon Carême aux chrétiens du Kerala !
« Traditionnellement le Carême est un effort de partage, de charité, un effort de prière, et un effort de jeune. Mais nous ne devons pas oublier que la Carême n’est pas un effort qui vient de nous mais le fruit d’un accueil de la force de Dieu dans nos vies ; c’est un don de Dieu.
Durant toute notre vie, et spécialement pendant la Carême, nous nous préparons à ressusciter et nous réactivons en nous la puissance de Résurrection que représente notre baptême.
Commencer ce Carême 2019, c’est donc penser à la Résurrection, et c’est de la Résurrection dont les chrétiens d’Orient ont le plus besoin aujourd’hui ».
Mgr Pascal Gollnisch,
Parce qu’« il n’est pas possible d’imaginer le Moyen-Orient sans chrétiens ; eux qui contribuent grandement à faire de leur région un lieu de tolérance, de respect et d’acceptation mutuels », nous vous invitons, en ce temps de Carême, à vous unir de façon particulière à nos frères d’Orient.
(Déclaration commune du pape François et du patriarche Mar Gewargis III – Novembre 2018)
Les chrétiens d’Irak et de Syrie notamment, vivront ces quarante jours, comme un temps pour reconstruire leur pays et pour se reconstruire. Nous pouvons les accompagner dans cette période d’espérance fragile :
En priant avec eux et pour eux.
En rejoignant notre chaîne de prière Hozana ou en vous connectant sur notre page Facebook pour lire :
Une intention de prière pour les communautés chrétiennes au Moyen-Orient consacrées au service de tous et des plus démunis en particulier,
L’explication d’une icône orientale ou la vie d’unsaint oriental,
Les méditations de Carême proposées par Mgr Pascal Gollnisch,
Un chemin de croix pour les chrétiens d’Orient
En soutenant matériellement les communautés qui ont fait le choix de rester.
MISSION DE RENCONTRE AVEC LES VOLONTAIRES DE L’ŒUVRE D’ORIENT
Choisir de partir en mission de longue durée suppose pour ces jeunes volontaires une part d’abandon de soi, de ses préjugés, de coupure d’avec les siens restés en France, sans trop savoir dans quel pays, quelle communauté, et quel rôle exact on va vous assigner. Et de fait, c’est bien rarement dans ce qu’on avait imaginé que le Pôle Jeunes de l’Œuvre vous envoie, même s’il a tenu le plus grand compte des aspirations, des compétences pour les faire coïncider au mieux avec les besoins locaux. Passé le petit choc culturel, le dépaysement, il faut commencer sa mission et passer sur les petits inconvénients qui ne manquent pas de rendre difficiles les premiers temps : une culture, un confort, un rôle, une nutrition, une communauté à découvrir, …
C’est précisément pour cela que les responsables du Pôle Jeunes doivent aller les visiter et entendre les remarques diverses qui émaillent la vie quotidienne. Prenant donc mon bâton de pèlerin, après la Terre Sainte, je suis allé à la rencontre de ceux qui servent en Ethiopie – quatre volontaires- et en Egypte -onze volontaires. C’est une immense joie de rencontrer des jeunes, heureux de leur mission, insérés dans des communautés dans leurs diversité et donc pour moi, recevoir un accueil digne de princes, témoin de la qualité de ceux dont ils bénéficient. Alors, bien sûr, ces remerciements s’accompagnent de demandes de renouvellement des postes et surtout des communautés voisines qui en veulent, elles aussi, tant elles apprécient la qualité de ceux qu’elles n’ont pas.
Et là, il faut se creuser la tête pour établir des priorités, imaginer les profils et surtout implorer le Saint Esprit d’appeler des candidats de valeurs en grand nombre, tant il y a de demandes. Comment faire pour renouveler les postes des quatre volontaires, Gabriel et Emmanuel, Paul et Aymeric, qui conduisent des projets de construction de paroisses pour les paroisses, voire achèvent celle d’une cathédrale dans un diocèse reculé d’Ethiopie. Mais aussi pour trouver ceux qui pourraient y aider une maternité dans la forêt de Bonga, planifier la plantation de caféiers, conseiller un atelier de couture ou encadrer une colonie de vacances. Car vraiment, l’extraordinaire clergé catholique et les religieuses d’Ethiopie soulèvent chaque jour des montagnes : ce sont eux et elles, si minoritaires, qui créent et animent des écoles, des dispensaires, des maternités, des ateliers, tout en faisant la promotion de la femme, la défense de l’environnement, l’accueil des réfugiés et le maintien d’une pratique religieuse si fervente dans ce magnifique pays.
Comment faire aussi pour prolonger l’action incroyable des volontaires d’Egypte où le défi principal est l’éducation, et la santé. Nos onze volontaires ne changeront pas le pays. Ils donneront des catholiques français une image tellement positive auprès des élèves qu’ils enseignent qu’il faut les remplacer l’an prochain : oui, Apolline-Marie, Tiphaine, Augustin, Anaëlle, Bénédicte, Claire, Isaure, Marguerite ou Baudouin, vous transformez à votre échelle les élèves à qui vous enseignez le « français oral de France » après que les enseignants locaux aient abordé l’écrit. Car plus de 170.000 élèves égyptiens sont entièrement formés en français et avec les valeurs que cela porte, grâce à toutes les admirables congrégations qui ont bâti et dirigent de splendides écoles. Là, ce n’est pas seulement la langue de Molière qui est enseignée et pratiquée, c’est l’éducation, la probité, le sens de la vie et du don gratuit, la construction de la personne que représente le volontariat. Ce sont des thèmes sur lesquels on fait réfléchir, sans distinction de religion, de milieu social et de ségrégation : là, les jeunes musulmans, catholiques ou coptes orthodoxes se respectent, travaillent et vivent ensemble quand d’autres ailleurs rivalisent, voire s’affrontent au nom de Dieu. Mais au-delà du témoignage de proximité avec ces communautés catholiques orientales, c’est la vraie transformation intérieure que ces mois de service provoque dans l’esprit et la foi de ces volontaires. Comment, lorsque vous avez signé, enseigné, aimé, ou côtoyé enfants et communautés religieuses qui changent le monde tous les jours, pourriez-vous revenir dans l’état de départ. S’ils ne savaient pas trop ce qu’ils trouveraient dans la mission que le Pôle Jeunes allait leur imposer, loin de « leurs canapés », comme le disait le Pape et de leurs zones de confort, à coup sûr, ils rentrent avec ce qu’ils n’osaient espérer : une foi plus profonde et souvent plus proche des communautés orientales que les apôtres eux-mêmes avaient fondées.
Pour ma part le témoignage de nos volontaires et celui des communautés d’accueil laisse un goût de profonde admiration tant pour les volontaires que pour les communauté et d’absolu, tant il est riche de sens et touche l’âme de celui qui les a envoyés pour les uns et aidés pour les autres.
En mission de volontariat en Égypte, Baudouin nous raconte les deux Noëls, latins et coptes, qu’il a eu la chance de vivre.
…Vingt-quatre décembre, onze heure cinquante-huit : le silence précède la musique. Le chef d’orchestre est encore introuvable… A Alexandrie, la messe du Noël latin va commencer. L’église de Saint-Marc est presque pleine ; tous y sont élégants… Et tous y sont : orthodoxes, catholiques, protestants, y sont rassemblés. Encore une fois, la nuit de Noël peut éteindre les querelles de chapelles… Bientôt, des prêtres orthodoxes rejoindront les pères jésuites près de l’autel. La Chrétienté existe : je l’ai rencontrée. Et dans la chorale, à mes côtés, un de mes élèves, me glisse : « vous savez Monsieur, je suis à la fois orthodoxe et catholique… juste un peu plus orthodoxe que catholique ». Je ne réponds pas, mais je souris. Le chef d’orchestre est enfin arrivé, en trombe. Il a saisi sa longue et fine baguette claire… et, sur le regard du prêtre officiant, la messe commence ! S’ouvrant sur un chant qui, cette nuit-là, fut chanté de concert aux quatre coins du monde… un chant composé il y a près de quatre siècles pour célébrer un bébé, nouveau-né il y a deux millénaires : Adeste fideles.
Le lendemain, après la messe, j’étais invité par de bons amis alexandrins. S’il me fallait présenter un peu d’Alexandrie, ce pourrait être par eux : le père est copte orthodoxe, la mère est syro-libanaise maronite, les enfants ont été baptisés latins, et la grand-mère parle plus français qu’arabe… Mes hôtes (hôtes charmants) avaient devinés l’origine alsacienne de mon nom de famille… Ils ont donc eu l’extrême délicatesse de me préparer, pour ce repas de Noël… une choucroute ! Une « choucroute de Noël » : l’attention est merveilleuse. Ce genre d’attentions donne du sens à la fête. Et si la fête donne du sens à l’année, alors cette année est sans doute l’une des plus belle de ma vie. Car ce Noël était en effet loin de la facilité d’une Fnac, ou d’un quelconque grand magasin de jouets, bondé de gens anonymes et pressés : il était simplement autour d’une grande table, amicale et bien garnie. Cela suffit amplement… le nécessaire se suffit à lui-même.
Quelques jours ont maintenant passés. Nous sommes le 6 janvier, et nous faisons route vers le sud, la région d’El-Minya. La route militaire, ligne droite à travers le désert, traverse depuis plusieurs heures déjà des paysages lunaires… paysages où les dunes claires semblent des taches de soleils posées sur un océan de silex. Je m’amuse à suivre le serpentant marquage au sol, trimbalé dans une voiturette sans suspensions et remplie à ras-bord. Quelques monceaux d’ordures apparaissent devant nous, se consumant lentement, en fumées opaques, et au milieu de nulle part… Les habitations approchent. Et s’ouvrit sous nos yeux le miracle du Nil, rivière de verdure enserrée entre les deux déserts, entre deux chaînes de monts arides et rocailleux… La plaine du Nil, s’étend en effet, verdoyante, riche et grasse, en long champs de cannes-à sucre ou de topinambours entre lesquels paissent quelques ânes grisonnants… …L’Egypte, don du Nil.
…A la lisière des champs, dans la poussière dorée du désert, quelques hectares de petites pyramides de terre sèche s’enserrent les uns sur les autres… Ces cimetières chrétiens traditionnels y dressent leurs pointes depuis la nuit des temps. Voiçi Baladeya ! L’on sait que l’on est arrivé, car aux portes de chaque maison, une croix copte ou latine y est toujours fièrement placardée. Et presque à chaque carrefour, est érigée une petite statue de la Vierge, ou de saint Georges, qui est particulièrement vénéré dans la région. Autour du seul minaret du village, des dizaines de clochers y fendent le ciel… Que ces clochers soient coptes orthodoxes, coptes protestants ou coptes catholiques n’a pas d’importance, et l’on retrouve quelquefois plusieurs confessions dans une même famille. Ici, la foi vécue est vécue ; et est bien loin des théologiens de bibliothèques qui éructent en latin ou en grec les causes poussiéreuses des Grands Schismes. Dans cet îlot de christianisme en Terre d’Islam, il n’y a que des chrétiens. Le nécessaire se suffit à lui-même. Le dîner de Noël fut somptueux, et je fus reçu comme le Christ, devant une table débordante de victuailles, essentiellement faites de viande… J’y ai découvert la molokheïya, une sorte de soupe d’épinard particulièrement goûtue. Ce repas constitue une rupture du jeûne, car les coptes jeûnent 43 jours avant la fête de la Nativité : quarante jours pour le Désert, et trois pour la Trinité. Gargantuesque. Je me suis fait reprocher de ne pas avoir fini les plats. Puis, après avoir joué à « Jacques-a-dit » avec les trois enfants du foyer, enfants à qui j’ai appris quelques mots de français (c’est toujours fascinant de voir à quel point les enfants apprennent vite), nous sommes allés à la messe, ou plus exactement à la première messe. Il est en effet huit heures du soir, et les messes de Noël ont commencé depuis une heure environ ; elles se termineront le lendemain, vers une heure du matin. La première où je suis allé fut une copte orthodoxe. Mon hôte me fit déchausser et rentrer dans le Saint-des-Saints pour parler avec le prêtre, une stature imposante qui avait financé sur ses deniers l’église et l’hôpital qui en dépendait. Celui-ci me proposa d’adresser quelques voeux aux fidèles… ce que j’acceptes bien volontiers. Il faut croire cependant que ni mon prénom, ni mon patronyme n’était pour lui prononçable… puisqu’il me présenta en arabe, comme « un frère français ». Or, « frère » ici veut dire « religieux », ou plus exactement « Frère des écoles chrétiennes » (lassalien), congrégation qui a ici créé une menuiserie pour les villageois.
Le temps passe, et dans les rues joyeusement animées, nous nous dirigeons vers une deuxième fête, copte orthodoxe elle aussi. Autour de nous, des enfants jouent avec les tisons de foyers qui partout ont été allumés dans les rues … le sol du désert ne retient pas
la chaleur du jour, et il fait très froid. Mais cette nuit, nuit glaciale, est une nuit chaleureuse, et je ne compte pas le nombre de mains que j’ai serrées. « -Kolo sana wenta taïb ! » « -…Wenta taïb ! » Nous arrivons enfin devant une belle crèche… « système D » oblige, le bonhomme de neige juste devant était fait de gobelets de plastiques.
Deuxième messe copte orthodoxe : le curé officiant, longue barbe de patriarche, me fait assoir sur son siège… Après avoir passé la micro à son vicaire, il m’offre, dans un geste, un immense « pain de l’amitié ». Ces magnifiques pains, normalement distribués à tous à la sortie des messes, sont des hosties non-consacrée, trouées de cinq points, symbolisant les cinq blessures du Christ en croix.
…Il est maintenant 11h du soir, et nous changeons encore d’église, nous rendons cette fois-ci à une célébration copte catholique pour y recevoir la communion. Nous sommes un peu en avance, car la communion ne commence qu’à minuit. Ça me laisse le temps d’apprendre quelques mots de français à un des enfants qui m’avait suivi. Je rencontre sur le chemin un des notables du village, étonnamment italophone : il me parle en italien, je lui réponds en anglais…On se débrouille. Mais voici enfin minuit ! Dans l’église, archibondée, la procession pour la communion s’érige, lentement. Ici, les femmes sont à l’étage, surplombant une assistance masculine qu’elles dévisagent en riant. Devant moi, le large curé barbu à la grande mitre blanche tire l’oreille d’un enfant qui jouait trop près de lui : les églises orientales sont d’abord des lieux de vie.
Ce fut une très belle fête, que j’ai faite en trois parties, dans trois églises différentes. Une messe de près de 6 heures. Et, ce que je vais retenir de cette nuit, ce ne sont évidemment pas les églises gardées par l’armée, ce ne sont pas les quelques milices urbaines qui patrouillent, kalashnikovs en main. Ce sont les rires du « Jacques-a-dit », ce sont les foyers dans les rues, c’est cette famille qui m’a accueilli à bras ouvert, cette belle nuit glaciale et ce grand et beau « pain de l’amitié ». Et les grands yeux de la petite Maryam, qui, après que j’ai adressé mes voeux, m’a dit une gentille phrase en souriant et en arabe, phrase dont je n’ai compris que le mot « microphone ». …Les églises orientales sont des lieux de vie, et de chant. Et, si l’ordre n’y règne pas, c’est parce qu’il y règne un très bel ordonnancement… Le nécessaire se suffit à lui-même.
En Inde, le Père Mathew, curé d’une paroisse, a fait appel à l’Œuvre d’Orient pour les aider à construire l’église syro-malankare catholique St George à Kodimbala, au sud de l’Inde !
La construction de la nouvelle Eglise a débuté en mars 2017 et l’Œuvre d’Orient a permis de maintenir les travaux pour que l’église voit le jour. Il y a quelques semaines, l’église a été bénie et inaugurée !