[DECRYPTAGE] Être Palestinien chrétien à Jérusalem

Palestiniens pour les juifs, chrétiens pour les musulmans. Entre 10 000 et 15 000 chrétiens palestiniens vivent aujourd’hui à Jérusalem. Une double identité pas facile à assumer au quotidien.


Une communauté multiple mais fragile

À vol d’oiseau, huit kilomètres séparent Bethléem de Jérusalem. Mais cette distance ridicule est un véritable parcours du combattant pour Carlos Ghattab, chrétien palestinien qui, chaque jour, effectue de Bethléem le trajet pour se rendre à son travail à Jérusalem. Entre les deux cités symboles du christianisme se dresse, depuis 2005, un mur de huit mètres de haut construit par Israël pour se protéger des attentats. Tous les trois mois, Carlos doit renouveler son laisser-passer auprès des autorités israéliennes. Les jours où le check-point est fermé, il perd une journée de salaire.

Jérusalem jouit pourtant d’un statut spécial puisque, depuis la conquête totale de la ville par l’armée israélienne en 1967, les résidents de la ville sainte ont droit à une carte d’identité bleue qui leur permet – contrairement aux Palestiniens des territoires – d’avoir accès à la sécurité sociale et de voyager sans autorisation. Ce qui n’empêche pas les stigmatisations et les discriminations de frapper la communauté chrétienne (lire les propos de Nora Carmi ci-contre).

Combien de chrétiens palestiniens reste-il encore aujourd’hui à Jérusalem ? Les chiffres varient. 10 000… 12 000 ? 15 000 selon le ministère israélien de l’Intérieur, dont 3 000 détenteurs de la nationalité israélienne.

Officiellement, Jérusalem compte 13 Églises. Exemple de cette diversité : le Saint-Sépulcre, partagé par les Orthodoxes, les Latins, les Arméniens, les Éthiopiens, les Coptes et les Syriaques. Une pléthore de confessions chrétiennes avec ses tensions et ses richesses, fragilisée aussi par une émigration constante.

Depuis 1946, la communauté a perdu 50 % de ses fidèles. Une hémorragie causée « surtout par la peur de la pauvreté » selon Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice-en-chef de « Terre Sainte Magazine », le bimestriel de la Custodie franciscaine. Ostracisés comme Palestiniens, peu d’opportunité d’emplois qualifiés s’offrent à eux dans les entreprises israéliennes. Les jeunes diplômés, parfaitement formés dans les écoles chrétiennes, émigrent pour trouver des emplois conformes à leurs formations.


Vatican-Israël, des relations difficiles sur Jérusalem

Entre le Vatican et l’État d’Israël, le statut de Jérusalem reste une pomme de discorde. Dès 1947, Rome s’aligne sur la résolution 181 de l’ONU du 29 novembre, qui partage la Palestine en deux États, plaçant Jérusalem sous la tutelle des Nations Unies.

En 1967, quand l’armée israélienne conquiert la totalité de la cité, la vieille ville et les lieux saints passent sous la coupe de l’État hébreu. Si les religieux juifs, qui retrouvent le Mur de leur Temple après près de 2000 ans d’attente, et les chrétiens messianiques y voient la volonté de Dieu de réunifier la ville sainte, le Vatican s’en tient à la résolution onusienne de 1947.

Il faut attendre le 30 décembre 1993 pour que le Vatican et Israël, profitant des accords d’Oslo entre Israéliens et Palestiniens, signent un accord de reconnaissance et entament des discussions. Mais de nombreux contentieux persistent. Des tensions surgissent régulièrement sur les droits de vente des propriétés ou les exonérations fiscales sur les lieux saints.

La loi fondamentale « État-Nation » adoptée par le Parlement israélien le 19 juillet 2018, qui renforce la judaïté de l’État hébreu, réaffirme Jérusalem comme capitale indivisible de l’État juif. Le Vatican reste ferme, et l’observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU demande aux Nations-Unies le maintien du respect international de Jérusalem.


Un petit reste toujours présent

« La stratégie d’Israël consiste à établir des colonies tout autour de la partie est de la ville et de la vider à l’intérieur de sa composante arabe » explique l’Israélien Michel Warschawski, défenseur des droits des Palestiniens et directeur du Centre d’Information Alternative.

La crise économique mondiale due à la pandémie du Covid 19 a frappé durement les Églises. Pourtant si les temps ne sont guère à l’optimisme, il y aura toujours des chrétiens à Jérusalem. Marie-Armelle Beaulieu l’assure : « les chrétiens d’ici savent qu’ils vivent dans la terre de tous les commencements de la foi. Ils sont les gardiens des lieux saints, un rôle qu’ils entendent bien tenir jusqu’au bout. »


Luc Balbont, journaliste reporter

Article extrait du Bulletin n°799 à retrouver ici.

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Crédits photo d’accueil : MAB/CTS. Crédits photo article : A.Diquas.

[REPORTAGE] Les coptes catholiques aujourd’hui

Même si les coptes catholiques ne sont qu’une minorité de la grande minorité chrétienne, leur rayonnement dépasse largement leur communauté et leurs actions au sein de la société égyptienne n’en sont que plus essentielles.


Sur les rives du Nil, en Haute-Égypte, les champs de canne à sucre, les charrettes tirées par des ânes ou des buffles, guidés par des hommes aux mains calleuses et des enfants aux pieds nus, semblent être les mêmes depuis des décennies. Difficile d’imaginer depuis ces villes et villages en terre battue que le troisième pays le plus peuplé d’Afrique vient de vivre deux révolutions en moins de dix ans. Les fractures de la société sont presqu’invisibles à l’œil nu, mais pourtant elles craquellent de l’intérieur un peuple qui ne se reconnait plus. « Nous nous demandons tous : mais que s’est-il passé dans notre pays ? Avant nous ne parlions pas de religion, nous vivions ensemble et c’est tout », regrette sœur Irénée. C’est une situation ambiguë, les chrétiens souffrent et se sentent menacés, mais l’ensemble de la population veut vivre en paix, chrétiens et musulmans, les chrétiens avec les musulmans ». Même constat chez Waguih Hanna, directeur du collège Saint Marc à Alexandrie « Comme tous les gens de ma génération, nous avons vécu ensemble, nous nous disputions, nous nous réconcilions, parce que nous partagions un quotidien commun. Moi je comprends et connais l’islam d’une autre façon que l’appréhende les élèves aujourd’hui. Cette convivialité nous manque ».

À Qena, au nord de Louxor, depuis 20 ans, l’église n’a jamais pu être reconstruite, les voisins musulmans ont systématiquement mis à mal son édification par toutes sortes de procédés. Mgr Emmanuel Bishay a décidé qu’une nouvelle église serait construite plus loin. On imagine une ville extrémiste, fermée, jusqu’à qu’un petit frère de Jésus apparaisse. Et nous explique que c’est simplement une histoire de voisinage. Chaque matin, depuis qu’il est là, ses voisins, musulmans, lui déposent du pain frais devant la porte.


Éduquer et instruire

Que ce soit dans le prestigieux collège Saint Marc, fournisseur de l’élite égyptienne depuis près d’un siècle, ou dans un collège de filles à Tantour en Haute-Égypte des sœurs de Notre-Dame des Apôtres, où les tensions communautaires sont fortes, la volonté est la même. « Nous prenons les enfants dès la maternelle et pas après. Nous voyons vite quand ils répètent le discours de leurs parents. Dès que nous entendons des paroles extrémistes, nous convoquons les parents. Quand ils arrivent au CP, c’est fini. Et les parents changent grâce à leurs enfants ! Nous avons un père d’élève qui appartient aux Frères Musulmans, il ne mettrait pas ses enfants ailleurs que chez nous ! » s’amuse sœur Irénée. Les écoles pour filles tenues par les religieuses, surtout en milieu rural, sont aussi un outil remarquable pour la promotion féminine, dans un pays où le taux d’analphabétisme frôle les 30 % (20 % chez les hommes, 40 % chez les femmes).

Légende : école primaire de Qena. Pour Mgr Emmanuel Bishay et le prêtre de la paroisse, ici dans la cour de l’école catholique, une des principales préoccupations est de créer une atmosphère de confiance entre chrétiens et musulmans. Pour cela, rien de tel que de partager des activités, qu’elles soient sportives ou culturelles. Une fois par mois, dans ce village, les mères de familles chrétiennes et musulmanes se retrouvent pour échanger et rompent ainsi les barrières.


Soigner

Au dispensaire de Choubra, au Caire, avec des moyens dérisoires et un matériel médical qui n’a pas été renouvelé depuis les années 50, les gens viennent de loin pour se faire soigner. Le prix de la consultation est dérisoire par rapport aux cliniques privées, les hôpitaux publics étant eux d’une incurie désespérante. Dans la salle d’attente, sous un Christ en croix, une femme en burqa attend patiemment. À Tahta, en Haute-Égypte, l’hôpital de la Sainte Famille est le seul pour les 60 villages qui l’entourent. Là aussi les prix sont plus que modiques. L’État n’intervient pas dans le financement « mais, remarque un des médecins, quand il y a des problèmes, il intervient ! » Il n’y a pas d’ambulance. Parfois les patients mettent une journée pour arriver. Et quand il fait nuit, plus personne ne circule. Les urgences sont ici relatives, beaucoup meurent chez eux faute de soin ou d’avoir pu rejoindre à temps l’hôpital.

Les difficultés économiques restent la principale préoccupation. « Les pauvres d’aujourd’hui sont la classe moyenne d’hier » constate sœur Irénée. Beaucoup émigrent à l’étranger, les chrétiens en Australie, aux USA ou en Europe, les musulmans dans les pays du Golfe. Mais l’émigration est surtout intérieure. Les chrétiens de Haute-Égypte se pressent au Caire, asphyxiant encore un peu plus une capitale qui ne sait plus comment accueillir ces nouveaux venus. Les nouveaux venus, parfois illettrés, ayant vécu jusque-là dans conditions matérielles où l’électricité même était un luxe, sont perdus dans cette ville tentaculaire. L’église, la paroisse, deviennent alors les seuls refuges.


Eglantine Gabaix-Hialé, chargée de mission pour L’Œuvre d’Orient

Article extrait du Bulletin n°799 à retrouver ici.

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[FRANCE] Divine Liturgie pour les victimes de l’Holodomor et de la guerre russo-ukrainienne

Divine Liturgie commémorant la mémoire des victimes de l’Holodomor 1932-1933

et de la guerre russo-ukrainienne 2014-2022

Église Saint-Sulpice

2 Rue Palatine, 75006 Paris

Dimanche 20 novembre 2022 à 13h00


La Divine Liturgie sera célébrée selon le rite byzantin par Son Excellence Mgr Hlib Lonchyna, évêque de l’éparchie Saint Volodymyr le Grand pour les Ukrainiens catholiques en France, Suisse et Benelux.


L’Église gréco-catholique ukrainienne

Avec ses cinq millions de fidèles et environ trois mille prêtres, l’EGCU est la plus grande des Églises catholiques orientales. Elle puise son identité dans le baptême de Kyiv par le prince Volodymyr le Grand (988).

Après le schisme entre l’Orient et l’Occident en 1054, plusieurs tentatives de restaurer l’unité des chrétiens furent entreprises sur les terres ukrainiennes. L’union de Brest (1596) marque la restauration de la pleine communion avec le Siège apostolique de Rome.

Cette communion valut à l’EGCU des persécutions sévères pendant la période soviétique, allant jusqu’à son interdiction totale dans l’URSS. Entre 1946 et 1989, elle représentait le plus grand corps religieux clandestin au monde.

Depuis la chute de l’URSS, l’Église peut poursuivre librement sa mission : annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile à toutes les personnes de bonne volonté. Elle est présente en Ukraine, mais également sur tout le continent européen, dans les Amériques, en Australie et dans d’autres pays.

L’Holodomor

Un acte de génocide dirigé contre le peuple ukrainien, commis par le régime communiste soviétique en 1932-1933. Selon la déclaration commune d’États membres de Nations Unies, la Grande Famine (Holodomor) a tué de sept à dix millions d’Ukrainiens. Le terme Holodomor est dérivé des deux mots ukrainiens : holod – faim, famine et moryty – faire souffrir, tuer.

 

[ARMÉNIE] Le témoignage d’Elisabeth :  » Quand la guerre fait irruption dans la mission « 

Notre volontaire Elisabeth est en mission pour un an à Erevan à la Maison Bethléem.


Quand la guerre fait irruption dans la mission : 

Au matin du 13 Septembre, alors que nous vivions depuis déjà deux jours sans électricité, un autre événement a rendu notre réveil encore plus particulier. L’Azerbaidjan a décidé d’attaquer l’Arménie dans la surprise de la nuit. Cette attaque n’est pas la première dans ce pays. Mais elle visait une nouvelle zone du territoire arménien ; la région sud, celle qui sépare l’Azerbadjan de la Turquie, deux pays ottomans, musulmans et amis. Cette agression avait pour objectif de tester la capacité de la Russie à assurer la sécurité de la frontière, alors que la guerre en Ukraine l’a déjà affaiblie.

Ici, la stupeur a saisi les habitants du quartier, les commerçants et les salariés. Une collègue a appris que son fils de 17 ans, alors en service militaire obligatoire de deux ans, y a perdu l’usage de son bras. Le douloureux souvenir de la guerre d’Octobre 2020 fut brutalement ravivé, celle qui a vu 6 000 pères, maris, fils et neveux arméniens périr dans un silence (voire une indifférence) occidental terrible.

Passées les indéniables questions et émotions de ce matin-là, je reste en paix pour les prochains mois. J’aspire (et espère) poursuivre la mission pour laquelle j’ai été appelée, telle qu’elle a commencé, que ce soit dans le tumulte ou dans la paix. Ici, les sœurs nous en montrent l’exemple: sans naïveté ni anxiété, être à sa place et répondre « me voici ».

Je crois que ce sera pour moi la meilleure manière de soutenir ce cher pays de l’Arménie auquel, pour un an, j’ai lié ma vie. Tant que Son cri « j’ai soif » y retentit.

Légende des photos : Cimetière d’Erevan « Une majorité de militaires enterrés a moins de 25 ans (beaucoup étaient en service militaire lors des dernières guerres) » 

La fête de la Toussaint… dans les églises de rite byzantin

Dans l’Eglise orientale, il y a une dévotion particulière pour les saints, et notamment pour les Pères de l’Eglise. Il y a des saints très priés comme Saint Georges, Saint Elie, Saint Dimitri et Saint Charbel. Dans les églises orientales, il y a dévotion particulière, notamment dans le tropaire au saint du jour.

Dans la tradition byzantine, la fête de la Toussaint est célébrée le dimanche qui suit le dimanche de la Pentecôte. Cette tradition est très ancienne. On a retrouvé des écrits au 4ème siècle de Saint Jean Chrysostome évoquant la consécration d’une journée à tous les saints car leur nombre ne permet pas leur commémoration individuelle.

Pourquoi les chrétiens d’Orient la fête après la Pentecôte ? Pour l’Eglise d’Orient, la sainteté est la caractéristique de l’Esprit Saint donc elle a pris cette spécificité et célèbreq cette fête après que l’Esprit Saint soit descendu sur les apôtres.

Le troisième point est que, en Orient, la fête de la Toussaint n’est pas liée à la commémoration des morts. Ils prient pour tous les morts la veille de la Pentecôte.

Existent-t-ils des spécificités le dimanche de la Toussaint ?

Les chrétiens d’Orient célèbrent également la messe avec des prières pour les saints, mais il n’y a pas de pratiques spécifiques faites par les croyants et les fidèles (notamment pas de visites au cimetière qui a lieu le jour de la commémoration des morts). »

 

Le témoignage de Pia : « C’est assez challengeant de réussir à se renouveler pour garder l’intérêt des élèves. »

Notre volontaire Pia est partie en mission pour 4 mois auprès des sœurs antonines de Zahlé au Liban.


C’est avec joie que je vous partage mon engagement en tant que volontaire pour l’association de l’Œuvre d’Orient. Je suis actuellement en césure après avoir terminé ma deuxième année d’école d’ingénieur à AgroParisTech. Je profite de ce premier semestre pour partir en expérience de bénévolat avec une amie : Léa Maria.

L’œuvre d’Orient a ainsi décidé de nous envoyer au Liban dans le domaine de l’enseignement. Notre mission est d’être maîtresses pour 16 classes d’une trentaine de personnes allant du CP au CE2 au collège saint Joseph des sœurs antonines de Ksara. Nous donnons des cours de français oral ou de danse, ou les deux. Arrivées le 7 septembre sur place, cela fait maintenant 3 semaines que les cours ont commencé (la rentrée était le 12 septembre). Le lycée est dirigé par 4 sœurs antonines qui sont de réelles héroïnes. La directrice est arrivée il y a tout juste plus d’un mois : sœur Roula, mais elle maîtrise très bien la situation. Bien que privé, le collège a beaucoup pâti du covid et de la crise économique. Encore aujourd’hui, le budget est très limité. Par exemple, la rentrée a été avancée pour que les vacances de Noël soient plus longues et ainsi ne pas avoir à chauffer les bâtiments pendant cette période. Il y a également des restrictions sur l’utilisation du papier et surtout de l’imprimante (autrement dit nous n’allons pas pouvoir l’utiliser de notre séjour).

Le métier d’enseignante est nouveau pour Léa et moi. C’est assez challengeant de réussir à se renouveler pour garder l’intérêt des élèves. L’un des exercices les plus durs est de se souvenir des prénoms de nos 500 (!) élèves (il y a beaucoup de Charbel, ce qui aide beaucoup). Les premiers cours sont les moins drôles dans le sens où il faut imposer un cadre. Mais nous avons la chance de donner des cours plutôt sympathiques et les élèves l’ont compris. Ceux-ci sont maintenant globalement contents d’être avec nous en classe.

Pour mieux situer où je vis, ce collège se situe dans la vallée de la Bekaa, au Liban. La vallée de la Bekaa est une vaste plaine fertile entre les deux chaines de montagnes libanaises ; le mont Liban et l’Anti Liban. Ksara est un village tout proche de Zahlé, la grosse ville de la région.

Voici quelques photos pour vous faire une petite idée de mon nouvel environnement. Je m’y fais plutôt bien, surtout qu’il y a du pain libanais à foison… !

Les prêtres : sans eux, l’Église au Moyen-Orient mourrait !  

Dans un Moyen-Orient meurtri, de nombreux chrétiens s’interrogent : partir ou rester ? Le rôle des évêques, des prêtres, des religieux et religieuses est déterminant. Avec amour et charité, ils doivent trouver les mots, les solutions pour redonner l’espérance, montrer qu’un avenir est encore possible.


Impossible d’imaginer le Liban, la Syrie, l’Irak… sans chrétiens, c’est la terre des origines du christianisme. Leur maintien est « un enjeu de civilisation » selon le Pape François. Véritables chefs de leur communauté, ils doivent être à la fois confesseurs, bâtisseurs, assistants sociaux… L’éducation, l’aide sociale, le dialogue, la pastorale sont leurs outils. Ils travaillent ainsi pour la paix et la réconciliation.

Sans ressources propres, ces prêtres ont besoin de notre générosité, de nos intentions de messes pour vivre dignement leur ministère et continuer à porter l’Évangile auprès de tous. Soutenir la formation des séminaristes est indispensable. Offrir des bourses pour permettre aux plus brillants de poursuivre des études de théologie, philosophie , droit canonique ; beaucoup deviendront évêques et même patriarches pour certains.


SUR LE TERRAIN

L’exemple des prêtres irakiens

Lors de l’invasion de l’Irak par Daesh, les prêtres irakiens sont restés aux côtés de leur fidèles, fuyant sur les routes avec eux, partageant pour certains leur vie dans les camps. En 2017, le père Emmanuel à Mossoul ou Mgr Moshe à Qaraqosh sont les premiers à être revenus dans les villes libérées. Leur exemple a convaincu leurs fidèles, parfois réticents, à revenir chez eux. 5 ans après la libération de la plaine de Ninive, à l’image de Mgr Mirkis et de Mgr Shabi que nous vous présentons ici, le rôle des prêtres reste essentiel dans une communauté tant de fois éprouvée.


MGR YOUSIF THOMAS MIRKIS

Un archevêque visionnaire

Lorsqu’il a été nommé évêque du diocèse chaldéen de Kirkouk et Souleymaniyeh, en janvier 2014, Monseigneur Yousif Thomas Mirkis confie qu’il n’était pas préparé. « J’étais religieux, dominicain, journaliste, éditeur ; je dirigeai la revue Pensée chrétienne. J’ai eu besoin d’un an pour apprendre le métier d’évêque. »  Son diocèse à la particularité d’être à fois au Kurdistan irakien (pour Souleymaniyeh) et sur l’Etat fédéral irakien (pour Kirkouk) dans une région à grande majorité musulmane puisque les chrétiens ne sont qu’1 %. Nous avons 6 églises et 6 prêtres, 2 à Souleymaniyeh, 4 à Kirkuk, et 5 diacres.  Nous sommes donc une petite communauté »

L’hospitalité

En 2014, Daesh envahi Mossoul et la Plaine de Ninive. Mgr Mirkis décide de faire venir les étudiants à l’université de Kirkouk « Vous, l’Œuvre d’Orient, avec L’Eglise de France, êtes allés au-delà de mes attentes. Au départ j’ai reçu 400 étudiants, puis 700, puis 1000 ! La moitié n’étaient pas chrétiens, il y avait de nombreux de yézédis, de sunnites, des chites aussi. Ils ont appris à se connaitre les uns les autres, à se respecter. A présent, ils ont trouvé du travail. Ils sont reconnaissants parce que nous les avons aidés et aimés. Nous essayons d’inculquer à la nouvelle génération que l’appartenance à l’Eglise n’est pas cérébrale. L’hospitalité joue à ce titre un rôle essentiel. Ce que je vous raconte, c’est tout ce que les médias ne voient pas.  Comme ces réalités de tendresse et de reconnaissance.  Et de pitié.

La miséricorde

Mgr Mirkis met quotidiennement en pratique la devise qu’il a choisie pour son épiscopat : Miséricorde. C’est d’ailleurs le nom que porte la maison d’accueil pour malades d’Alzheimer et autistes – « la seule de tout le Proche-Orient », dit-il avec fierté – qui ouvrira bientôt ses portes à Souleymanieh. « Ceux que personne ne veut, qu’ils viennent ici. C’est un vrai défi d’accompagner les malades d’Alzheimer ». Pour faire tourner la maison, des médecins, des infirmières, mais aussi des religieuses indiennes du Kerala,  de la CMC (Congregation of Mother of Carmel), qui ont « profité » des 2 années de COVID pour apprendre l’arabe et le kurde avant de prendre soin des gens.

La responsabilité

Le mantra de Mgr Mirkis est d’ : « ancrer le diocèse dans les générations à venir ». Ainsi, suivant la ligne de Laudato Si, il plante 2000 arbres dans le centre de Kirkuk, 1000 à Souleymanieh et creuse des puits pour l’arrosage, avec une ONG locale. Aujourd’hui il projette d’équiper les écoles et églises du diocèse de panneaux solaires : « On dépense 10 000 € par mois juste pour pallier aux coupures d’électricité de nos 6 églises, on économisera la moitié », et aussi 10 maisons grâce au micro-crédit, persuadé que « le mimétisme fait des miracles » et que les notables locaux lui emboiteront le pas. « Oui je pallie aux défaillances de l’Etat, mais c’est aussi une manière de de dire aux jeunes, si vous ne vous bougez pas, personne ne le fera pour vous, c’est à vous de prendre vos responsabilités »

Le rôle de l’évêque

Pour Mgr Mirkis, l’évêque ne doit pas se placer au-dessus des prêtres, « mais s’intéresser à la périphérie, mettre de l’huile dans les rouages, défendre la citoyenneté, il est « la devanture » des chrétiens. Le rôle des diacres, des laïcs est essentiel ; ils rapportent à l’évêque les vrais problèmes de la société. Ainsi, avec les prêtres, il peut dessiner l’avenir du diocèse. »

Rien n’arrête, Mgr Yousif Mirkis. Si face aux problèmes « Dieu pourvoira », il ne manque jamais, d’évoquer son immense gratitude envers les donateurs de l’Œuvre d’Orient. « Vous me soutenez dans tous mes projets, avec vous, je peux construire ce nouvel Irak, où les chrétiens auront envie de rester. Et de conclure par un proverbe arabe : « les voyages de 1000 km commencent avec un seul pas ». 


MGR FELIX SHABI

La foi des montagnes

Mgr Félix Shabi est évêque chaldéen du diocèse de Zakho au Kurdistan irakien depuis 2020. Après avoir servi près de 20 ans aux États-Unis, il revient dans son diocèse d’origine où vivent 1500 familles chaldéennes, réparties dans 20 paroisses et 22 églises.

Son diocèse borde la Turquie, donc régulièrement la cible des attaques turques contre des positions du PKK (comme celle du 2O juillet dernier qui a tué 9 civils dans une station touristique, tous des touristes). Cette situation géographique n’encourage pas les jeunes à rester.

De fait beaucoup partent en Turquie et au Liban, puis en Europe. En plus des problèmes sécuritaires « nous avons besoin de travail, d’électricité, d’infrastructures, nous raconte Mgr Felix. L’Eglise essaie avec les ONG présentes d’améliorer la vie des paroissiens, mais parfois je me sens si démuni. Une fois que les jeunes ont fini leurs études, ils ne trouvent pas de travail. En même temps la situation internationale nous oblige à ne pas trop demander ni à nous plaindre. Les plus âgés peuvent attendre, mais les jeunes non, ce sont eux ma principale préoccupation. En cela que l’aide de l’Œuvre d’Orient, pour les messes notamment est précieuse. La foi a pu s’émousser dans les camps, pendant ces trois années d’occupation de Daesh. Mais elle est revenue. La foi, elle aussi a parfois besoin de congé, ajoute-t-il dans un sourire, mais quand elle est revient, elle est d’autant plus forte. »


Article extrait de la lettre d’information Toussaint, consultez-là intégralement ici :

[LIBAN] Le témoignage d’Anne : « J’ai été accueillie dans beaucoup chaleur et de joie « 

Découvrez le témoignage de notre volontaire Anne, qui est partie en mission auprès des Filles de la Charité de l’hôpital du Sacré-Cœur d’Hazmieh.


Cet été, j’ai eu la chance de passer un peu plus de deux mois au Liban, dans le cadre d’un volontariat avec l’Œuvre d’Orient pour travailler à l’Hôpital du Sacré Cœur de Beyrouth.

L’Hôpital du Sacré-Cœur est un des projets pour lequel L’Œuvre d’Orient est engagée. Le « chemin de la Charité » tracé par Saint Vincent de Paul depuis 1633, a conduit trois religieuses de la Congrégation au Liban le 24 septembre 1847. Aussitôt arrivées à Beyrouth, elles s’engagent au service des malades dans deux écuries transformées en dispensaire de fortune. C’est dans cette humble installation que naît l’hôpital du Sacré Cœur, considéré comme le plus ancien du Liban. Au fil des années, l’Institution se développe, se modernise et déménage dans le quartier de Hazmieh-Baabda où elle se trouve encore aujourd’hui.

Aujourd’hui, l’Hôpital compte 387 employés (infirmiers, aides-soignants, personnel administratif et de maintenance) et de 195 médecins et chirurgiens chrétiens, musulmans, druzes, qui témoignent d’un désir d’unité dans la diversité, dans une région où les guerres sont souvent causées par un communautarisme exacerbé.

Tout malade qui se présent dans cette institution y est soigné sans discrimination, quel que soit son origine, sa religion ou son orientation politique. Y sont également accueillis des patients défavorisés, souvent renvoyés d’autres hôpitaux. L’objectif est de développer cette ouverture aux habitants de la région pour répondre à un fort besoin d’éducation et de prévention dans le domaine de la santé (suivi après la sortie de l’hôpital, campagnes de dépistage et de vaccination, …). De nouveaux projets comme les soins à domicile, la mise en place d’un système de recyclage et le passage à l’énergie solaire sont aussi en cours de développement.

Depuis plusieurs années, le Liban traverse une grave crise aussi bien politique et économique que sociale et sanitaire. L’afflux de masse de plus de 2 millions de réfugiés syriens, la longue vacance de la fonction présidentielle entre 2014 et 2016, la difficulté à composer un gouvernement, l’omniprésence de la corruption, les tensions entre les communautés et le pouvoir concédé à certains partis soutenus par des puissances étrangères plongent le pays dans une crise sans précédent.

La pandémie du Covid 19 est vécue d’autant plus difficilement, et la double explosion du port de Beyrouth en 2020 est comme l’épiphanie de l’agonie que vit le peuple libanais. Aujourd’hui, la livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur, les prix de la nourriture, des médicaments et de l’essence ne cessent de croitre de façon alarmante, le coût de la plupart des services a également augmenté de 300 à 400%, alors que les salaires sont en chute libre. Les particuliers n’ont plus accès à leur argent placé à la banque et, selon l’ONU, 80% de la population vivrait aujourd’hui sous le seuil de pauvreté : La plupart n’ont plus d’électricité et beaucoup manquent d’eau.

Dans ce contexte, les structures de santé font face à des défis existentiels. Le retard ou le refus des tiers-payants de procéder au paiement des factures hospitalières rend l’accès aux soins de plus en plus difficile pour la population. Un chirurgien orthopédique de l’hôpital m’expliquait que de plus en plus de patients décèdent de simples fractures du col du fémur faute de moyens financiers, alors que les ressources humaines et les structures hospitalières existent, mais les frais de matériel et de service des soins intensifs fonctionnement ne peuvent être assumés par les particuliers qui renoncent à venir se faire traiter.

J’ai été très touchée par toutes les rencontres que j’ai pu faire avec ce peuple si éprouvé mais aussi très résilient. Malgré une situation extrêmement critique, j’ai été accueillie dans beaucoup chaleur et de joie. A chaque nouvelle rencontre, chacun à sa manière semble vouloir transmettre la confiance en la divine Providence qui l’anime malgré un grand désarroi, une profonde souffrance et parfois une certaine colère. Ce sont nos frères dans le Christ, ils portent en eux les souffrances de Jésus et nous manifestent quelque chose de sa vie par leur accueil, leur foi et leur simple présence. Ne les oublions pas dans notre prière.

[INDE] Les chrétiens entre dynamisme social et pression hindouiste

Évangélisée par Saint Thomas arrivé au sud de l’Inde dès le 1er siècle, la chrétienté du pays est aujourd’hui très multiple. Des petites communautés missionnaires parfois menacés mais bien vivantes.

Pour décrire la situation des chrétiens dans cet État fédéral de 1,3 milliard d’habitants, dirigé depuis 2014 par le gouvernement fondamentaliste hindou de Narendra Modi, toute généralisation s’avère erronée. Par rapport aux musulmans, les chrétiens (2 %, entre 30 et 35 millions de fidèles, certains non déclarés) sont moins l’objet de discriminations. Peu représentés dans des fonctions exécutives, ils auraient le plus haut taux d’alphabétisation et le taux le plus élevé de femmes dans la vie professionnelle. Ils sont aussi très fragmentés : anciennes Églises orientales rattachées à Rome, catholiques latins, orthodoxes, jacobites, etc… sans compter la galaxie protestante.

Enracinement   

Dans le sud (Kerala et Tamil-Nadu), les Églises de rite oriental, syro-malabare (5 millions de fidèles) et syro-malankare (500 000), sont inculturées et modernes. Le 15 mai, un laïc chrétien du Tamil Nadu, Devasahayam Pillai (1712-1752), est le premier martyr indien à être canonisé.

La vénération des reliques, les rites du feu et de l’eau trouvent des échos chez les hindous qui suivent certaines processions, telle la fête de Jonas à Kuravilangadu (Kerala). La transcendance est acceptée comme une partie de l’être. Mais la religiosité extrême porte le risque du fondamentalisme : on pense détenir la vérité, ce qui crée des tensions sur les rites, y compris entre chrétiens, comme entre orientaux et latins au Kerala, ou entre syro-malabars et syro-malankars sur la célébration des messes.

Les chrétiens sont-ils menacés ?

Des lois anti-conversion, le déboulonnage d’une statue du Christ, des habitants chassés de leurs maisons, des saccages… Mais on est loin des massacres en 2007/8 de l’Odisha (est) avec ses villages brûlés et plus d’une centaine de chrétiens assassinés.

Y-a-t-il un parti-pris anti-chrétien des autorités ? Les avis divergent. Les exécutifs régionaux adoptent des attitudes variées, communistes et Congrès se montrant souvent les plus tolérants. Ce qui est redouté est l’extrémisme du mouvement hindou Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, quelque 200 millions d’affiliés), alors que Narandra Modi avait été élu sur l’« Hindutva » (l’hindouité).

« À la différence des musulmans, les chrétiens n’ont pas été assassinés depuis 2014. Il faut faire la différence entre les catholiques, dont les institutions sont reconnues par la société, et les nouveaux groupes pentecôtistes qui convertissent souvent avec un don d’argent et une vision extrêmement critique de l’hindouisme ce qui ne fait que jeter de l’huile sur le feu », analyse le père Yves Vagneux, des Missions étrangères de Paris (MEP), auteur de « Portraits indiens, huit chrétiens à la rencontre de l’hindouisme » (Mediaspaul).

Présence forte sur le terrain social et éducatif

« On veut d’abord éduquer avant de proposer une conversion », insistent les prêtres interrogés. Le tandem église-école, le Pallikoodam, est caractéristique du christianisme au Kerala. Si les missionnaires de la Charité de Mère Teresa sont les plus connues, toutes ces Églises ont des congrégations très présentes auprès des plus pauvres de toutes communautés, ce qui irrite certaines autorités.

Relations délicates avec l’islam

La proportion des chrétiens tend à diminuer alors que celle des musulmans augmente. « Depuis une dizaine d’années, l’islam politique est apparu ; on croise au Kerala des femmes portant la burqa », témoigne un prêtre syro-malabar.

L’argent des pays du Golfe finance communautés et écoles et des organisations islamiques achètent terrains et commerces. Une manière pour l’islam politique de s’enraciner, concurrençant le christianisme. Quelques vives polémiques éclatent : Mgr Joseph Kallarangattu, évêque du diocèse de Palai (sud), a même invité fin 2021 les jeunes chrétiens à se protéger du « narcojihad » qui chercherait à les détruire.

Les Églises ont-elles bien intégré les dalits ?

L’an dernier, une nomination a fait la une : Priya Rajan, dalit (intouchable) de l’Église évangélique, est devenue maire de Chennai (ex-Madras), quatrième ville d’Inde. Mais les dalits dans certaines Églises resteraient séparés des autres, et ont moins de prêtres ordonnés, alors que 70 % des chrétiens seraient dalits. Certains menacent même de fonder leur propre Église. D’autres quittent les Églises pour bénéficier à nouveau des droits accordés aux basses castes.

L’Église syro-malabare a 9 000 prêtres, l’Église syro-malankare 500 et on compte 117 petits séminaires. Le pape a autorisé ces deux Églises à sortir de leur périmètre historique. Elles envoient, dans la plaine du Gange et autres régions hindoues, des hommes et des femmes qui opèrent des conversions. Mais aussi à l’étranger : plus de 8 000 dans 166 pays ! Les prêtres indiens sont aussi nombreux à se former en Occident.

Ces Églises se veulent fortement solidaires et impliquées dans l’Église universelle. Ainsi, à titre d’exemple, en 2020, la transformation de Sainte-Sophie en mosquée, à Istanbul, avait suscité des protestations des chrétiens d’Inde du sud, bien plus fortes qu’en Europe…

Jean-Louis de la Vaissière


Cet article fait partie du dossier « Décryptage » » publié dans le bulletin 807 qui vient de paraître.

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[ÉGYPTE] Le témoignage d’Anna :  » Ce pays a tant à offrir que ce soit culturellement ou humainement ! « 

Découvrez le témoignage de notre volontaire Anna, en mission à Abu Korkas en en Haute-Egypte pendant 3 mois.


Ma mission 

Ma Mission vient de s’achever et j’ai encore du mal à réaliser tout ce qu’il s’est passé cet été. Ces 2 mois auront été riches en découvertes, rencontres et expériences !

Quelques semaines avant mon départ, je recevais un mail de l’Œuvre d’Orient, m’annonçant ma mission. Je partirai 2 mois à Abou Korkas, petite ville de Haute-Egypte, accompagnée d’Eugénie une autre volontaire, pour donner des cours de français dans une école appartenant à la Communauté du Sacré-Coeur. Ne connaissant que très peu de choses de ce pays, l’arrivée fut très dépaysante et les premiers jours riches en surprises ! Dans ce village, les ânes font partie du quotidien et les voitures se font rares.  Dans la rue, défilent sous nos yeux les charrettes et les motos transportant des familles entières. Les enfants jouent seuls dehors dès le plus jeune âge. Les animaux vivent dans les maisons et souvent il n’y a pas de séparation entre les pièces à vivre et le poulailler. Les hommes se retrouvent autour d’un café et d’une chicha pour jouer aux dominos. Le matin, on voit passer les femmes portant les traditionnels pains plats sur leur tête. J’ai eu la sensation d’être plongée dans une autre époque durant ces 2 mois !

La communauté du Sacré-Coeur est une congrégation religieuse implantée dans de nombreux pays. L’objectif de cette communauté est de faire manifester l’amour du Cœur de Jésus à travers l’éducation.  Les sœurs sont ainsi directement intégrées dans les équipes éducatives des différentes écoles. La fondatrice, Sainte Madeleine-Sophie, étant française, cette langue est obligatoirement enseignée à l’école. Notre rôle durant ces 2 mois fut donc de renforcer le niveau de français, dans l’école d’Abou Korkas. Au mois de juin, en donnant des cours de renforcement pour les élèves devant repasser leurs examens. Mais aussi en améliorant le niveau des professeurs de français. Leur vocabulaire très faible ne leur permettait pas de tenir une conversation. L’organisation du mois de juillet était très différente. L’année scolaire terminée pouvait laisser place aux Clubs d’été. Pendant 1 mois, une cinquantaine d’enfants de 7 à 14 ans venaient chaque matin à l’école et alternaient entre activités sportives, artistiques, cours de musique et cours de français. Tous les jours, 3 groupes avec des niveaux très différents se succédaient pour apprendre les bases de notre langue. Sachant que ces enfants étaient en vacances, nous avons essayé de trouver des stratagèmes pour qu’ils apprennent du vocabulaire tout en s’amusant. Pendant l’été en Égypte, la vie s’arrête entre 14h et 18h à cause de la chaleur écrasante. Nos après-midis libres nous permettaient d’inventer de nouveaux jeux, de créer des affiches, d’apprendre de nouvelles chansons… Mais aussi d’écrire une pièce de théâtre sur la vie de Madeleine-Sophie. C’était le souhait des sœurs et ce ne fut pas la tâche la plus simple à réaliser, aux vues du niveau de français des enfants ! Le soir, nous donnions 2 fois par semaine des cours à des professeurs souhaitant apprendre le français. En effet, de nombreux égyptiens ont un membre de leur famille qui est parti vivre en France dans l’espoir de pouvoir vivre librement sa Foi.  A la fin de ces 2 mois, lors de la Kermesse, nous avons pu nous rendre compte des progrès qu’avaient fait nos élèves. Ils ont pu présenter aux professeurs et aux sœurs des chants et bien-sûr la pièce de théâtre ! J’avoue qu’il m’a fallu du temps pour comprendre le sens de ma mission, est-ce nécessaire pour les Égyptiens d’apprendre le français ? N’y a-t-il pas des missions plus utiles ? De nombreuses questions qui peuvent avoir une réponse uniquement lorsque l’on s’intéresse à la condition des coptes en Egypte.

 

En effet, avant de me rendre dans ce pays, je n’avais pas conscience de ce à quoi pouvait ressembler le quotidien des chrétiens dans un pays majoritairement musulman, où les traditions islamiques dictent la vie de tous ses habitants. Venant d’un pays laïque, il est difficile de comprendre la place primordiale que prend la religion sans avoir pris le temps d’échanger avec des Égyptiens. Dans ce pays, où la religion est marquée sur la carte d’identité, les édifices religieux font partie du paysage et les prières rythment le quotidien des habitants. Vivre au sein d’une communauté religieuse a été l’occasion d’échanger avec les sœurs, pour mieux comprendre le quotidien des chrétiens dans le pays. Leurs témoignages et leurs expériences permettent de se rendre compte de cette dure réalité. La visite de la Cathédrale d’AL-Our, construite en mémoire des martyrs de Libye (où 20 coptes égyptiens et un ghanéens ont été décapités par Daesh le 15 février 2015, à cause de leur Foi) m’a bouleversée. Malgré ce quotidien difficile, leur Foi reste très puissante. Nous avons eu la chance de participer à des cours de catéchisme. Les enfants se retrouvent par centaine et des adultes très motivés leur transmettent la foi chrétienne, par des jeux, des danses… Nous avons pu également assister à un temps de prières et d’échanges proposé pour les adolescents. C’était très intéressant d’entendre les questions qu’ils avaient. Certaines étaient des questions que se posent généralement les jeunes de leur âge quant à la Foi, peu importe le pays. Alors que d’autres étaient vraiment liées aux coutumes et traditions de l’Egypte, comme les relations filles/garçons ou encore les musiques qu’ils écoutent, avec des paroles opposées à leurs manières de vivre.  Après ces nombreuses découvertes, j’ai pris conscience que le rôle de ma mission était tout simplement de montrer mon soutien pour les communautés chrétiennes du Moyen-Orient, et pour notre part cela passait par des cours de français. L’apprentissage de cette langue leur permettra peut-être de se démarquer et d’accéder à certaines études (médecine, école d’ingénieurs…). Ainsi, ma Mission ne s’est pas arrêtée en quittant le pays mais doit se poursuivre en France en témoignant de ce que j’ai pu voir et vivre.

 

Il y a eu également des moments plus difficiles, qui sont inévitables lorsque l’on quitte sa zone de confort. Mais avec du recul, j’ai pris conscience que ces moments plus compliqués m’ont permis de profiter pleinement de nos quelques sorties et de nos temps de partage avec les professeurs ou bien les ouvriers de l’école. L’accueil des Égyptiens, malgré leurs conditions de vie très simples et leurs grands sourires dans toutes les situations, remettent en cause notre manière de nous comporter. Les invitations aux mariages, nous ont permis de découvrir des traditions bien différentes de celles de chez nous. Découvrir un pays c’est aussi s’imprégner de sa culture.  Malgré la barrière de la langue, le partage d’une même Foi est un moyen d’échanger. En effet, nos quelques mots d’arabe ne nous ont pas empêché de partager des moments de joie que je ne risque pas d’oublier. Bien que les jeunes croient de moins en moins en Dieu, l’appartenance à une religion étant obligatoire, des valeurs essentielles telles que le sens de la famille ou le respect continuent d’être transmises. Nous avons eu également la chance de découvrir ce magnifique pays et sa civilisation fascinante. Nous avons pu nous rendre sur les traces des Pharaons, que ce soit à Louxor où au Caire. Les paysages égyptiens sont splendides : entre désert aride et végétation luxuriante aux bords du Nil. Dans ce pays où tout semble s’opposer entre l’authenticité de la campagne très peu développée et la modernité des villes construites dans le désert. Il y a de nombreuses choses à découvrir en dehors des lieux touristiques.  Ce pays a tant à offrir que ce soit culturellement ou humainement !

 

J’aurais encore pleins d’anecdotes à raconter, entre la sortie piscine en vêtements avec les enfants, les mariages, la nourriture, nos stratagèmes pour échapper à la police, l’interdiction de sortir de l’enceinte de l’école…autant d’expériences qui ne peuvent être racontées dans un simple rapport de mission. Ce qui est certain c’est que cette expérience fut extrêmement enrichissante sur le plan culturel, personnel et spirituel. Je ne pensais pas vivre autant de choses en si peu de temps ! Je ne suis pas prête d’oublier tous ces beaux moments de partage et ces sourires !

 

Anna Audinet